Intervention de Michel Sapin

Séance en hémicycle du 9 juillet 2014 à 15h00
Débat d'orientation sur les finances publiques

Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics :

À cette heure-ci, et devant cette nombreuse assistance, je ne voudrais pas être trop long, mais la moindre des choses est de nourrir le débat, qui est intéressant, avec quelques éléments de réponse.

Ce débat d’orientation, nous y prenons part pour nous écouter, les uns et les autres, sans jamais, monsieur Larrivé, renoncer à ce qui est au fondement même de nos valeurs et de nos engagements politiques. Nous sommes là pour débattre, parfois même pour nous disputer, s’il le faut : cela fait partie du débat démocratique que j’ai toujours plaisir à avoir avec vous, monsieur Sansu.

Lorsqu’on est au pouvoir, il y a des choses que l’on sait faire, et d’autres que l’on a du mal à faire. Que savons-nous faire aujourd’hui ? Nous savons piloter la dépense publique. Nous l’avons fait en 2013 et en 2014. Et nous vous proposons de le faire, dans des conditions relativement précises, en 2015, qui nous permettent d’avoir des perspectives pour 2016 et pour 2017. Toutes celles et tous ceux qui demandent à ce que les choses soient plus documentées – pour reprendre ce terme épouvantable – ont parfaitement raison de le vouloir, de le souhaiter. Nous le faisons par étapes, et évidemment, lors du débat sur le projet de loi de finances initiale pour 2015, nous aurons à préciser les choses. Ça nous savons le faire, pour chaque mission, chaque ministère, tout en respectant nos priorités. Piloter la dépense publique, même à la baisse, ne veut pas dire ne pas avoir de priorités, lesquelles peuvent se traduire par des dépenses en augmentation.

S’agissant, par exemple, de la mission « Travail », que je connais bien, si on l’examine à l’horizon de 2017, il paraît légitime, dès lors que nous nous battons pour qu’il y ait moins de chômage, de considérer que les dépenses publiques diminueront dans ce domaine-là. Ces éléments sont en corrélation. Je l’avais moi-même expliqué lorsque j’étais ministre du travail, et je ne vois pas pourquoi cela changerait aujourd’hui, à moins que l’on ne considère que nos politiques sont par définition vouées à l’échec, y compris dans le domaine du chômage.

Il existe une deuxième catégorie de décisions que nous savons prendre – et ce n’est pas toujours simple –, il s’agit des mesures fiscales nouvelles.

Il est arrivé à tous les gouvernements de prendre des mesures de hausse fiscale. Elles peuvent être discutées, et même disputées. Ce que nous constatons, aujourd’hui, c’est que « ça suffit », pour reprendre une expression du Premier ministre. Aujourd’hui, qu’il s’agisse de redonner des marges aux entreprises – baisses de cotisations ou baisses d’impôt – ou du pouvoir d’achat aux ménages, en particulier aujourd’hui les plus modestes, c’est par des mécanismes de diminution des cotisations ou de l’impôt que nous souhaitons pouvoir le faire.

Faut-il le faire plus – certains ont dit que, si notre politique marchait sur deux jambes, l’une était plus grande que l’autre ? Cela fait tout à fait partie du débat, je le comprends absolument. Mais nous marchons bien sur deux jambes : jamais je n’oppose la politique de l’offre à la politique de la demande. D’ailleurs, je ne comprends pas toujours les termes : tout ce que je sais, c’est qu’il faut qu’il y ait plus d’activité, plus de capacité de travail dans les entreprises, les commerces, ainsi que chez les artisans, parce que c’est ainsi que se recréeront les emplois qui sont absolument nécessaires pour lutter, dans la durée, contre le chômage.

Je sais aussi faire quelque chose qui est très important, et qui a été souligné par les uns et par les autres – M. Alauzet n’est pas parmi nous mais d’autres députés en ont parlé – : lutter contre la fraude et l’optimisation fiscales. Je trouve qu’en la matière, avec Christian Eckert, nous avons des sujets de satisfaction.

Je ne veux pas traiter uniquement de la sortie de l’ombre de ces comptes qui étaient cachés à l’étranger. Elle nous permet aujourd’hui de récupérer un certain nombre d’arriérés d’impôt et de pénalités, et elle nous permettra demain d’élargir la base d’imposition, qu’il s’agisse des revenus que procurent ces sommes ou de l’impôt sur la fortune qui leur sera appliqué. Nous savons et nous nous battons, et cela ne peut se faire qu’au niveau européen et international, contre l’optimisation fiscale car il y a là, encore, des batailles à mener pour éviter que, par des mécanismes que chacun ici connaît bien – mère-fille, notamment –, on obtienne des prix de transfert tout à fait anormaux. Certaines entreprises échappent totalement, chez nous comme ailleurs, à l’impôt. Un mécanisme qui permet à une entreprise qui gagne beaucoup d’argent de ne payer des impôts nulle part est totalement amoral et anormal. c’est pourquoi nous luttons contre de tels dispositifs.

Je sais également quelles sont les mesures susceptibles de permettre à notre croissance de reprendre. Certes, on peut s’interroger sur son niveau, son rythme et sa place dans le cycle économique. Mais j’ai une conviction à ce sujet : les modèles d’hier ne sont plus les modèles d’aujourd’hui et de demain. Quelque chose de très profond s’est passé. La crise que nous avons connue n’est pas unique : elle consiste en une juxtaposition de crises.

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