La Turquie côtoie une zone en pleine déstabilisation où les États sont désorganisés et où des groupes terroristes ont pris le pouvoir. Elle ne peut pas ne pas tenir compte de cet environnement. La Turquie doit prendre en considération le fait qu'elle pourrait payer le prix, sur son territoire, d'une attitude trop partisane. Elle est donc dans une situation singulière et difficile, qui explique ses hésitations initiales à coopérer avec les États attachés à lutter contre les réseaux terroristes. Mais les choses se sont améliorées, un dialogue positif s'est engagé avec les autorités turques qui sont désormais plus coopératives et qui nous font plus de signalements qu'auparavant. Cette coopération pourrait se renforcer encore et d'autres pays européens ont sensibilisé la Turquie à cette question. Mais, j'insiste, le pays est vulnérable.
Je ne m'autoriserai pas une analyse historique, politique ou sociologique du phénomène auquel nous sommes confrontés car ce n'est pas dans mon champ de compétences, même si j'ai quelques idées à ce sujet en ma qualité d'ancien préfet délégué à l'égalité des chances dans l'Essonne. J'ai vu l'état des quartiers sensibles – que j'ai toujours appelé des quartiers populaires ; ils sont le terreau du phénomène auquel nous assistons et reflètent des décennies de politique d'intégration inaboutie et de politiques de la ville qui n'ont pas atteint leurs objectifs. Je ne me sens pas autorisé à ouvrir ce débat, mais le Gouvernement est conscient que l'on ne peut s'en tenir à une réponse qui serait uniquement policière et judiciaire.
La coopération est bonne avec les services des pays alliés et amis, qui sont confrontés aux mêmes problèmes que nous. Les États-Unis n'ont aucune envie de voir débarquer d'un vol Paris-New York des individus radicalisés qui auraient pour mission de commettre sur leur territoire un autre septembre, et les services américains nous fournissent des informations quand ils en recueillent. Nous entretenons des relations adaptées avec le Qatar, l'Arabie saoudite ou le Pakistan, pays à la culture différente mais eux-mêmes confrontés à la menace terroriste.
Je vous l'ai indiqué, un volet relatif à la radicalisation en milieu pénitentiaire figure dans les mesures en cours d'élaboration.
Le tableau que j'ai sous les yeux recense les départements de départ des jeunes gens vers la Syrie ; il montre par exemple que 11 individus sont partis de Haute-Savoie et 51 du Nord. Le plus grand nombre de départs s'observe probablement là où se trouve la plus grande proportion de gens sensibles à la propagande djihadiste. De manière générale, il s'agit d'un phénomène urbain.