Je vous remercie, monsieur Boutih, d'avoir salué le travail accompli par les services. Je pourrais dresser la liste des attentats dont vous n'entendrez jamais parler car ils n'ont pas eu lieu – grâce à eux. Lors de l'affaire Merah, des critiques très sévères ont été adressées à la DGSI. Mais pour une affaire où il y a peut-être eu un dysfonctionnement, sait-on combien de fois la DGSI a réussi à éviter le pire ? Je me limiterai à mentionner qu'au début de l'année 2014, dans le Sud de la France, un individu a été arrêté in extremis dont nous avons la certitude qu'il préparait un attentat ; il est maintenant sous les verrous. Dans un immeuble ont été découverts 800 grammes d'un explosif artisanal parmi les plus puissants. Je vous remercie de me donner l'occasion de souligner que nos services de renseignement, en évitant la commission de nombreux attentats, font un travail extraordinaire. Est-ce à dire que nous sommes totalement à l'abri ? Je me garderais de le dire.
Je le redis, le phénomène est inédit tant par son ampleur – 32 jeunes gens ont déjà perdu la vie en Syrie, certains dans des attentats suicides, pour un combat qui ne les concerne en rien – que par la violence effroyable des exactions auxquelles ils participent ; nous avons la preuve d'une désinhibition dans le rapport à la violence.
Quelle est la stratégie des mouvements djihadistes ? Dans cette région, la nébuleuse Al Qaïda a donné lieu à des déclinaisons régionales, qu'il s'agisse d'Al Qaïda dans la péninsule arabique, d'Al Qaïda au Maghreb islamique ou de groupes syriens « affiliés ». Leurs visées sont régionales dans un premier temps, puis internationales. Leur objectif clairement affiché est de se projeter en Europe ou aux États-Unis et d'y commettre un attentat de grande ampleur ; c'est l'autre dimension du phénomène.
Pour rassurer M. le député Malek Boutih, le futur projet de loi renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme n'a rien de liberticide. Il n'est pas question de prendre des milliers de décisions d'interdiction de sortie du territoire, mais seulement de viser les individus dont le comportement démontre que leurs déplacements à l'étranger sont de nature à menacer la sécurité de l'État. La décision, qui doit être sérieusement motivée, est susceptible de recours contentieux, y compris par la voie du référé. Ne sont donc potentiellement concernés que quelques individus dont on a repéré le début avéré de préparation d'un départ en Syrie. On ne peut pas dire qu'il faut lutter contre les réseaux djihadistes pour prévenir les actes qu'ils pourraient commettre sur le territoire national et, dans le même temps, ne prendre aucune mesure quand la preuve est faite qu'un individu est sur le point de partir en Syrie pour y commettre des crimes.
Une coopération est à l'oeuvre avec tous les services européens ; elle prend la forme d'échange d'informations sur les ressortissants susceptibles de revenir avec des intentions malveillantes. Je rencontre régulièrement mon homologue américain, qui attache une grande importance à la collaboration entre les États-Unis et l'Union européenne en ce domaine. C'est exact : les États-Unis sont très soucieux de la sécurité aérienne, et ils n'excluent pas de durcir les mesures de sécurité relatives aux vols entre les États-Unis et les pays de l'Union européenne. Nous avons eu des contacts, récemment, avec les autorités américaines pour souligner que nous prenons toutes mesures utiles destinées à entraver le phénomène. Nous tenons à rassurer nos interlocuteurs car nous n'ignorons pas quelles seraient les conséquences de mesures de sécurité encore renforcées pour les vols commerciaux, tant en termes de coût qu'en allongement des délais d'embarquement ; mais il se peut que les compagnies aériennes soient conduites à durcir quelque peu leurs procédures de sécurité pour les Européens.