J'en viens à la question du filtrage d'internet, qui pose celle de l'équilibre entre la liberté et la protection des individus.
Pour y répondre, nous devons d'abord réfléchir à la place du juge dans la démocratie, à l'ère du numérique. En effet, toute disposition relevant d'une décision administrative et mettant en place un filtrage est nécessairement une atteinte aux libertés, quelle qu'en soit la raison. C'est ce qu'avait fait la majorité précédente, dans le cadre de la loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, dite « LOPPSI 2 ». Je m'étais d'ailleurs opposée à son article 4, alors même que la cible visée était la pédo-pornographie en ligne. Tant que l'on n'aura pas débattu de la place du juge, on ne pourra pas discuter de l'étape suivante, à savoir du filtrage administratif qu'il est possible d'autoriser.
L'article 1er de la proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel autorisait le blocage de certains sites sans intervention judiciaire. Il a été opportunément retiré. L'équilibre entre le pouvoir exécutif et la justice a été ainsi préservé. Mais il faut dire aussi qu'on n'a pas aujourd'hui le moyen de filtrer efficacement et de façon ciblée un site internet, à moins de faire du surfiltrage ou de procéder à des écoutes massives et approfondies.
Soit vous attentez aux libertés individuelles en mettant en place le deep packet inspection (DPI), qui permet à l'administration de tout écouter. Soit vous filtrez de façon très large et vous bloquez d'autres sites, en plus de celui que vous vouliez bloquer. La Commission des lois et la Délégation aux droits des femmes devraient engager sur ce sujet des discussions avec la Quadrature du Net, mais aussi avec d'autres personnes – opérateurs de télécoms, tous acteurs maîtrisant ces enjeux – pour asseoir une compétence technique avant de décider de ce que l'on inscrira dans la loi.