Intervention de Thomas Thévenoud

Séance en hémicycle du 10 juillet 2014 à 9h30
Taxis et voitures de transport avec chauffeur — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaThomas Thévenoud, rapporteur de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire :

Monsieur le président, monsieur le ministre de l’intérieur, madame la secrétaire d’État chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire, monsieur le président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, chers collègues, 2014 ne sera pas une année comme les autres pour les taxis de France. Comment ne pas évoquer, au début de mon intervention, le souvenir des taxis de la Marne ? Le 6 septembre 1914, six cents taxis sont partis de l’esplanade des Invalides pour porter secours à nos armées. Ils transportaient trois mille hommes, chaque taxi comptant cinq soldats, un à l’avant et quatre à l’arrière, avec leur paquetage, réquisitionnés par le gouverneur militaire de Paris, le général Gallieni, qui avait eu cette idée géniale. A-t-elle changé le cours de l’histoire ? On dit souvent que les taxis ont sauvé la République. En tout cas, cela a donné naissance à une mobilisation, une mobilisation citoyenne, une mobilisation de la société civile.

C’était en 1914. Nous sommes en 2014. Le moins que l’on puisse dire, c’est que les choses ont changé. Mais cette année 2014 restera elle aussi dans les mémoires pour les taxis, car elle a été marquée, dans ses premiers mois, par un conflit très dur entre les taxis et les véhicules de tourisme avec chauffeur, ou VTC.

La conviction qui m’anime au moment de présenter cette proposition de loi devant la représentation nationale, c’est qu’il y a une place pour tout le monde ; que taxis et VTC peuvent travailler, se développer et créer des emplois ; que le métier du transport de personnes est un métier d’avenir ; que nous aurons de plus en plus besoin, dans les grandes agglomérations françaises, et en particulier dans le Grand Paris, d’avoir recours aux taxis, aux VTC et à l’autopartage, parce qu’il y aura de moins en moins de voitures particulières. Ce secteur peut créer des emplois.

Oui, il y a de la place pour tout le monde, et nous pouvons créer des emplois, mais à condition de poser des règles du jeu. La concurrence a du bon et nous y sommes favorables, à condition qu’elle repose sur des règles. Lorsque le statut de VTC a été créé en 2009, dans la loi sur le tourisme présentée par M. Hervé Novelli, on ne s’est pas véritablement soucié, c’est le moins qu’on puisse dire, des conséquences que cela pourrait avoir sur le marché du transport de personnes.

Je voudrais rappeler quelques chiffres : on comptait 15 000 taxis à Paris en 2007 et ils sont aujourd’hui 20 000. Les VTC, par ailleurs, se sont développés de manière extraordinaire au cours des dix-huit derniers mois, puisque 4 000 VTC sont apparus dans Paris. Il fallait donc corriger cette évolution et faire en sorte que la concurrence déloyale causée par l’arrivée massive de ces 4 000 VTC soit assainie et rééquilibrée. La mission que j’ai conduite à la demande du Premier ministre depuis le 14 février m’a permis de comprendre, d’écouter, et d’abord de recevoir, tous les acteurs de ce secteur d’activité : j’ai réalisé cinquante auditions, passé cent soixante-dix heures à l’Assemblée nationale, à écouter et à construire un compromis équilibré, que je présente devant vous ce matin. J’ai auditionné cent vingt personnes et recueilli quatre cents contributions citoyennes, qui sont analysées et reproduites dans mon rapport.

Je tiens à remercier toutes celles et tous ceux qui ont participé à ces échanges, car ils ont ainsi permis d’enrichir la proposition de loi que je présente devant vous ce matin. Celle-ci est issue d’un rapport que j’ai remis au Premier ministre, Manuel Valls, le 24 avril, et qui contient trente propositions, à la fois législatives et réglementaires. Nous reparlerons, monsieur le ministre, de celles qui ne sont pas du domaine de la loi. Les débats que nous aurons ce matin nous permettront peut-être d’avancer sur certaines questions qui ne sont pas abordées dans ce texte de loi, mais qui concourent, elles aussi, à la modernisation de l’activité de taxi. Je pense notamment à la question du forfait aéroport, que j’ai proposé dans le rapport, ou à celle de la réforme et de la forfaitisation de la course d’approche, qui est une demande des consommateurs, des clients de taxi. Tout cela ne nécessitait pas de modifications législatives, mais je sais que le Gouvernement travaille d’arrache-pied à la rédaction d’un certain nombre de décrets relatifs à ces questions.

La proposition de loi que je vous présente ce matin repose sur un équilibre, sur deux jambes : une réglementation accrue pour les VTC, d’une part, et une modernisation de l’activité et du métier de taxi, d’autre part. La distinction que j’ai retenue, et qui est familière aux taxis et aux VTC, repose sur le concept de maraude. C’est d’ailleurs la contrepartie des fameuses licences de taxi. Ces licences sont des autorisations de stationnement qui permettent aux taxis de stationner sur la voie publique, à des stations de taxis, et de marauder, c’est-à-dire de circuler, en attendant qu’un client les hèle. Le Gouvernement, vous le savez, avait essayé de distinguer l’activité des taxis de celle des VTC en utilisant un autre critère, celui du délai préalable de réservation. J’ai choisi, pour ma part, de poser le principe de la maraude comme élément de segmentation du marché entre les taxis et les VTC.

Cette proposition de loi compte treize articles, dont cinq concernent directement la modernisation de l’activité de taxi. Je pense en particulier à l’open data des taxis, c’est-à-dire la géolocalisation en temps réel des taxis disponibles. Nous allons transformer tout possesseur de smartphone en un client qui pourra, dès qu’il sort de chez lui, trouver les taxis disponibles à proximité. Votre smartphone va devenir une borne de taxi virtuelle et vous pourrez, grâce à lui, commander et faire venir à vous les taxis disponibles qui sont à proximité. Il s’agit d’une révolution technologique, d’une révolution numérique. Nous ne sommes plus en 1914 ; il faut donc donner aux taxis les armes d’aujourd’hui. Et l’arme d’aujourd’hui pour développer le métier, pour développer le chiffre d’affaires et pour rapprocher le client du taxi, c’est évidemment la révolution numérique.

Cette proposition de loi entend aussi réformer le statut du locataire, un statut éminemment déséquilibré et défavorable à un certain nombre de taxis. C’est une revendication syndicale formulée depuis des années, et j’y fais droit dans cette proposition de loi. Nous créons aussi des licences gratuites pour permettre à des chauffeurs de taxi ayant une expérience professionnelle de faire leur métier. Ils remettront ensuite cette licence gratuite à l’administration qui délivre les autorisations.

La proposition de loi introduit des réglementations nouvelles pour les VTC, car il faut des règles du jeu ; des règles du jeu en matière d’assurance du véhicule, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui ; des règles du jeu en matière de capacité professionnelle des chauffeurs, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui ; des règles du jeu plus précises, enfin, sur leur circulation et leur stationnement dans Paris et les grandes agglomérations. C’est ce que nous faisons dans ce texte. Nous posons des règles du jeu et nous modernisons la profession.

Je pense que cette proposition de loi, si elle est votée, sera utile…

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion