La séance est ouverte.
La séance est ouverte à neuf heures trente.
La parole est à M. Thomas Thévenoud, rapporteur de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.
Monsieur le président, monsieur le ministre de l’intérieur, madame la secrétaire d’État chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire, monsieur le président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, chers collègues, 2014 ne sera pas une année comme les autres pour les taxis de France. Comment ne pas évoquer, au début de mon intervention, le souvenir des taxis de la Marne ? Le 6 septembre 1914, six cents taxis sont partis de l’esplanade des Invalides pour porter secours à nos armées. Ils transportaient trois mille hommes, chaque taxi comptant cinq soldats, un à l’avant et quatre à l’arrière, avec leur paquetage, réquisitionnés par le gouverneur militaire de Paris, le général Gallieni, qui avait eu cette idée géniale. A-t-elle changé le cours de l’histoire ? On dit souvent que les taxis ont sauvé la République. En tout cas, cela a donné naissance à une mobilisation, une mobilisation citoyenne, une mobilisation de la société civile.
C’était en 1914. Nous sommes en 2014. Le moins que l’on puisse dire, c’est que les choses ont changé. Mais cette année 2014 restera elle aussi dans les mémoires pour les taxis, car elle a été marquée, dans ses premiers mois, par un conflit très dur entre les taxis et les véhicules de tourisme avec chauffeur, ou VTC.
La conviction qui m’anime au moment de présenter cette proposition de loi devant la représentation nationale, c’est qu’il y a une place pour tout le monde ; que taxis et VTC peuvent travailler, se développer et créer des emplois ; que le métier du transport de personnes est un métier d’avenir ; que nous aurons de plus en plus besoin, dans les grandes agglomérations françaises, et en particulier dans le Grand Paris, d’avoir recours aux taxis, aux VTC et à l’autopartage, parce qu’il y aura de moins en moins de voitures particulières. Ce secteur peut créer des emplois.
Oui, il y a de la place pour tout le monde, et nous pouvons créer des emplois, mais à condition de poser des règles du jeu. La concurrence a du bon et nous y sommes favorables, à condition qu’elle repose sur des règles. Lorsque le statut de VTC a été créé en 2009, dans la loi sur le tourisme présentée par M. Hervé Novelli, on ne s’est pas véritablement soucié, c’est le moins qu’on puisse dire, des conséquences que cela pourrait avoir sur le marché du transport de personnes.
Je voudrais rappeler quelques chiffres : on comptait 15 000 taxis à Paris en 2007 et ils sont aujourd’hui 20 000. Les VTC, par ailleurs, se sont développés de manière extraordinaire au cours des dix-huit derniers mois, puisque 4 000 VTC sont apparus dans Paris. Il fallait donc corriger cette évolution et faire en sorte que la concurrence déloyale causée par l’arrivée massive de ces 4 000 VTC soit assainie et rééquilibrée. La mission que j’ai conduite à la demande du Premier ministre depuis le 14 février m’a permis de comprendre, d’écouter, et d’abord de recevoir, tous les acteurs de ce secteur d’activité : j’ai réalisé cinquante auditions, passé cent soixante-dix heures à l’Assemblée nationale, à écouter et à construire un compromis équilibré, que je présente devant vous ce matin. J’ai auditionné cent vingt personnes et recueilli quatre cents contributions citoyennes, qui sont analysées et reproduites dans mon rapport.
Je tiens à remercier toutes celles et tous ceux qui ont participé à ces échanges, car ils ont ainsi permis d’enrichir la proposition de loi que je présente devant vous ce matin. Celle-ci est issue d’un rapport que j’ai remis au Premier ministre, Manuel Valls, le 24 avril, et qui contient trente propositions, à la fois législatives et réglementaires. Nous reparlerons, monsieur le ministre, de celles qui ne sont pas du domaine de la loi. Les débats que nous aurons ce matin nous permettront peut-être d’avancer sur certaines questions qui ne sont pas abordées dans ce texte de loi, mais qui concourent, elles aussi, à la modernisation de l’activité de taxi. Je pense notamment à la question du forfait aéroport, que j’ai proposé dans le rapport, ou à celle de la réforme et de la forfaitisation de la course d’approche, qui est une demande des consommateurs, des clients de taxi. Tout cela ne nécessitait pas de modifications législatives, mais je sais que le Gouvernement travaille d’arrache-pied à la rédaction d’un certain nombre de décrets relatifs à ces questions.
La proposition de loi que je vous présente ce matin repose sur un équilibre, sur deux jambes : une réglementation accrue pour les VTC, d’une part, et une modernisation de l’activité et du métier de taxi, d’autre part. La distinction que j’ai retenue, et qui est familière aux taxis et aux VTC, repose sur le concept de maraude. C’est d’ailleurs la contrepartie des fameuses licences de taxi. Ces licences sont des autorisations de stationnement qui permettent aux taxis de stationner sur la voie publique, à des stations de taxis, et de marauder, c’est-à-dire de circuler, en attendant qu’un client les hèle. Le Gouvernement, vous le savez, avait essayé de distinguer l’activité des taxis de celle des VTC en utilisant un autre critère, celui du délai préalable de réservation. J’ai choisi, pour ma part, de poser le principe de la maraude comme élément de segmentation du marché entre les taxis et les VTC.
Cette proposition de loi compte treize articles, dont cinq concernent directement la modernisation de l’activité de taxi. Je pense en particulier à l’open data des taxis, c’est-à-dire la géolocalisation en temps réel des taxis disponibles. Nous allons transformer tout possesseur de smartphone en un client qui pourra, dès qu’il sort de chez lui, trouver les taxis disponibles à proximité. Votre smartphone va devenir une borne de taxi virtuelle et vous pourrez, grâce à lui, commander et faire venir à vous les taxis disponibles qui sont à proximité. Il s’agit d’une révolution technologique, d’une révolution numérique. Nous ne sommes plus en 1914 ; il faut donc donner aux taxis les armes d’aujourd’hui. Et l’arme d’aujourd’hui pour développer le métier, pour développer le chiffre d’affaires et pour rapprocher le client du taxi, c’est évidemment la révolution numérique.
Cette proposition de loi entend aussi réformer le statut du locataire, un statut éminemment déséquilibré et défavorable à un certain nombre de taxis. C’est une revendication syndicale formulée depuis des années, et j’y fais droit dans cette proposition de loi. Nous créons aussi des licences gratuites pour permettre à des chauffeurs de taxi ayant une expérience professionnelle de faire leur métier. Ils remettront ensuite cette licence gratuite à l’administration qui délivre les autorisations.
La proposition de loi introduit des réglementations nouvelles pour les VTC, car il faut des règles du jeu ; des règles du jeu en matière d’assurance du véhicule, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui ; des règles du jeu en matière de capacité professionnelle des chauffeurs, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui ; des règles du jeu plus précises, enfin, sur leur circulation et leur stationnement dans Paris et les grandes agglomérations. C’est ce que nous faisons dans ce texte. Nous posons des règles du jeu et nous modernisons la profession.
Je pense que cette proposition de loi, si elle est votée, sera utile…
…car elle permettra à chacun de se développer.
J’ajoute qu’elle ne crée pas de taxes nouvelles, pas d’impôts nouveaux. Certains avaient proposé que l’État rachète les licences de taxi, mais je rappelle que cela lui aurait coûté 4,5 milliards d’euros. Il y a, me semble-t-il, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, d’autres urgences budgétaires pour l’État en ce moment. Et il était hors de question pour moi de proposer la création d’une taxe pour financer le rachat de ces licences. Nous ne ferons aucune dépense budgétaire inutile : l’open data coûtera 200 000 euros et sera sous maîtrise d’ouvrage public. Un organisme dépendant des services du Premier ministre, Etalab, va offrir cette possibilité aux taxis, sans surcoût.
Telle est, mes chers collègues, la philosophie de cette proposition de loi, une proposition de loi équilibrée, qui repose sur une conviction, à savoir que la France peut avancer. Oui, la France peut se réformer. Même quand la France est bloquée, comme c’était le cas en février, au moment du conflit entre taxis et VTC, on peut trouver une issue. On peut trouver une issue par le dialogue et par la reconnaissance des professionnels, en les écoutant. Oui, le Parlement peut servir à quelque chose. J’ai conduit cette mission, comme l’ont fait avant moi Laurent Grandguillaume au sujet des autoentrepreneurs et Jean-Patrick Gille au sujet du conflit des intermittents : en tant que parlementaires, nous sommes ceux qui peuvent rassembler, réunir et trouver les solutions.
Ma conviction, c’est que les métiers du transport de personnes sont des métiers d’avenir et que taxis et VTC vont se développer. Grâce à cette proposition de loi équilibrée, juste et moderne, qui va dans le sens de l’histoire et de l’innovation, nous allons pouvoir créer des emplois pour demain, en particulier dans nos grandes agglomérations, tout en faisant en sorte que ce métier d’avenir retrouve ses lettres de noblesse et que les clients retrouvent le goût de prendre des taxis et des VTC.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SRC et écologiste.
Je voudrais tout d’abord, monsieur le rapporteur, saluer votre investissement personnel sur le dossier qui nous rassemble aujourd’hui. Les travaux que vous avez conduits depuis plusieurs mois aboutissent à la présentation de cette proposition de loi relative aux taxis et aux voitures de transport avec chauffeur. Vous avez su, dans un contexte de tensions importantes, mener à son terme un indispensable travail de concertation. Votre capacité d’écoute et votre pragmatisme, ainsi que votre intelligence du dossier, ont été unanimement salués.
Sourires.
Une voie confortable aurait peut-être consisté à prendre fait et cause pour l’un ou l’autre camp, en proposant des mesures qui n’auraient convenu qu’aux uns, en suscitant l’opposition résolue des autres. Mais vous avez choisi une autre voie, celle du dialogue et de la concertation. Je tiens à vous en remercier, car la proposition de loi qui est présentée aujourd’hui permet d’aboutir à un point d’équilibre, qui est en réalité la solution.
Vous avez recherché cet équilibre et une sortie de crise par le haut, qui permet de préserver l’emploi dans les deux secteurs d’activité. Votre rapport, remis au Premier ministre le 24 avril, propose trente mesures concrètes, que le Gouvernement a souhaité mettre en oeuvre très rapidement. L’examen de cette proposition de loi dans des délais très resserrés en témoigne. C’est une première étape, qui sera prolongée par des mesures de nature réglementaire, qui seront nécessaires pour donner corps à l’ensemble de vos préconisations. Les services des ministères concernés travaillent d’ores et déjà à l’élaboration de ces dispositions – soyez rassurés sur ce point, monsieur le rapporteur.
Votre assemblée examine aujourd’hui cette proposition de loi qui a pour ambition de moderniser la profession de taxi et d’établir des règles du jeu saines dans le secteur du transport léger de personnes.
Moderniser les taxis, c’est l’objectif ambitieux de ce texte qui nous invite à dépasser une vision simpliste selon laquelle les anciens – les taxis avec un lumineux sur le toit – seraient condamnés par l’ascension irrésistible des modernes, les VTC avec leurs smartphones en main. Ainsi, la dérégulation totale du secteur du transport de personnes serait la seule voie possible, les VTC les seuls à même de tirer parti des nouvelles technologies.
Les exemples étrangers soulignent que la France, loin d’être un pays rétrograde comme certains aimeraient le laisser croire, s’emploie comme eux à trouver les voies de la coexistence entre ces deux offres de transport et à lutter contre un certain nombre de dérives inquiétantes. Londres, montrée en exemple pour son nombre de VTC, n’en applique pas moins une réglementation extrêmement contraignante pour ses minicabs afin de protéger le consommateur, et nous avons également ce devoir.
Ce nouvel équilibre à trouver passe par une utilisation accrue des nouvelles technologies par les taxis, vous l’avez vous-même souligné. C’est pourquoi le premier article de cette proposition de loi crée une infrastructure permettant la collecte de données relatives à leur disponibilité. La maraude pourra ainsi être profondément modernisée et offrira un meilleur service au client, qui pourra par exemple héler électroniquement un véhicule.
La volonté gouvernementale de moderniser notre société et de participer au développement des usages du numérique se retrouve pleinement dans ce projet d’open data de la disponibilité des taxis. Il est important que la puissance publique puisse contribuer à cette modernisation, sans, bien entendu, se substituer au marché. L’intérêt de cet open data est double. Il offre les conditions d’une amélioration de l’accès aux services de transport de personnes, tout particulièrement dans les zones urbaines, et permettra également d’améliorer l’information des acteurs publics. Ceux-ci ont en effet besoin de la connaissance la plus fine possible de l’offre de transport pour adapter celle des autres composantes du service public des transports et développer les alternatives à l’utilisation de la voiture individuelle. Le caractère innovant de cette proposition a permis à certains d’entretenir des inquiétudes infondées sur les utilisations qui pourraient en être faites, je suis convaincu que nous aurons l’occasion d’y revenir.
Il a également été dit que le Gouvernement voulait interdire l’usage des nouvelles technologies et de la géolocalisation par les VTC. Il convient sur ce point d’être extrêmement précis : il est évidemment hors de question d’interdire aux VTC d’être géolocalisés, cela n’aurait pas de sens. Ce sont les usages de cette géolocalisation qui sont, en revanche, réglementés. Les VTC ayant interdiction de circuler en quête de clients, et donc de s’adonner à la maraude réservée aux taxis, ils ne doivent pas pouvoir signaler en temps réel leur disponibilité aux clients. Par contre, les entreprises de ce secteur restent tout à fait libres d’utiliser ces technologies pour organiser au mieux leur activité.
La proposition de loi s’attache également à moderniser les conditions d’exercice de la profession de conducteur et d’exploitant de taxi. Certaines règles méritaient en effet d’être précisées, au bénéfice de ces professionnels.
Parmi les 55 000 conducteurs de taxi, 8 000 exercent aujourd’hui leur métier avec un statut de locataire qui est source d’ambiguïté et pénalise les chauffeurs. Ce régime hybride fait du locataire un salarié au titre de la Sécurité sociale et un artisan pour les services fiscaux. Il rend les locataires plus vulnérables aux fluctuations de la conjoncture, le montant forfaitaire dont ils doivent s’acquitter étant indépendant de leurs recettes réelles d’activité. La proposition de loi met donc fin à ce système, remis en cause par les locataires eux-mêmes, au profit du droit commun : la location-gérance.
La proposition de loi clarifie également les règles d’attribution des nouvelles autorisations de stationnement, plus communément appelées licences. Elles seront incessibles, attribuées pour une durée de trois ans et devront être exploitées par le titulaire lui-même. Ces mesures modernisent la loi de 1995 relative aux taxis, dite loi Pasqua, qui n’a pas été modifiée depuis sa promulgation. Elles répondent à un souci d’équité sociale, et leur mise en oeuvre est programmée dans le temps.
Cette modernisation doit également permettre aux taxis de participer, à leur manière, à l’amélioration de l’image de la France auprès des touristes. Des millions de touristes étrangers arrivent chaque année dans nos gares et aéroports, et la première image de notre pays leur est donnée par la fréquentation des taxis. Le mois dernier, lors de la clôture des assises du tourisme, le ministre des affaires étrangères et du développement international a repris des propositions développées dans le rapport Thévenoud visant à donner davantage de visibilité aux taxis dans les villes et à faciliter les accès depuis les aéroports par des voies réservées. Vous laissez dans ce texte le soin aux autorités compétentes de fixer les mesures d’identification des taxis, en respectant ainsi les compétences des collectivités territoriales et, à Paris, de la préfecture de police dans ses prérogatives d’autorité communale. Les élus parisiens qui siègent ici – et que je salue – savent de quoi il s’agit. Le Gouvernement partage cette orientation.
Au-delà de la modernisation des conditions d’exercice de la profession de taxi, cette proposition de loi entend clarifier et renforcer les règles s’appliquant au transport de personnes et singulièrement aux VTC, régime de création récente insuffisamment protecteur pour le consommateur.
La loi de 2009, dite loi Novelli, avait pour ambition affichée de réformer le statut des grandes remises s’adressant à une clientèle haut de gamme sur un segment du marché très particulier. Il en a résulté une dérégulation quasi complète du secteur. Cette loi a créé le régime des véhicules de tourisme avec chauffeurs bénéficiant de dispositions extrêmement souples : absence de qualification des conducteurs, inscription dématérialisée avec un niveau de contrôle très limité. Les informations demandées lors de leur enregistrement ne permettent même pas de connaître avec précision le nombre réel de VTC en activité.
Avec le développement des smartphones, de nouveaux opérateurs se sont implantés sur ce marché qui connaît une forte expansion depuis deux ans, tout particulièrement en région parisienne. Le Gouvernement ne souhaite pas freiner les initiatives, ni entraver des acteurs économiques qui répondent à de nouveaux besoins. Au contraire, les services à la personne doivent contribuer au développement de l’emploi et de la compétitivité de notre pays en répondant aux besoins là où ils existent. Toutefois, les règles du jeu doivent être claires et partagées.
Dès 2013, nous avons pris des mesures réglementaires afin de réguler cette activité. Toutefois, et le rapport Thévenoud le souligne, il est nécessaire de fixer un cadre législatif aux VTC adapté à une activité de transport de personnes. Il ne s’agit pas de créer une autre profession réglementée, mais simplement de fixer des règles pour la protection des personnes, afin de garantir leur sécurité et leurs droits comme consommateurs. Partout, les activités de transport sont réglementées : c’est la nature même de ce secteur économique qui l’impose. Du pilote de ligne au conducteur de taxi en passant par le conducteur de poids lourds ou d’autobus, toutes ces professions sont soumises à des règles.
La proposition de loi répond bien à ce souci d’équilibre : renforcer les garanties de professionnalisme des acteurs du VTC et la responsabilité des intermédiaires, mais sans excès de réglementation. Elle le fait par l’introduction d’un certain nombre de règles simples : capacité financière des exploitants, obligation de vérification de la carte professionnelle et de l’assurance par les intermédiaires, garanties accrues du monopole des taxis sur la maraude.
Cette proposition de loi s’attache également à faire en sorte que ces règles soient respectées par tous. C’est le sens de la responsabilisation accrue des intermédiaires, qui bénéficiaient jusqu’ici d’une relative impunité, les dispositions existantes visant soit les exploitants soit les chauffeurs eux-mêmes.
La redéfinition des infractions relatives à l’offre frauduleuse de transport permettra une répression facilitée du racolage. Les forces de l’ordre sont d’ores et déjà mobilisées de manière importante pour mettre fin à ces situations qui portent préjudice aux taxis comme aux VTC qui respectent la réglementation. Elles doivent avoir les moyens d’exercer plus facilement leur mission.
Je voudrais d’ailleurs saluer leur mobilisation. Ainsi, en région parisienne, soixante-dix-sept opérations ciblées de contrôle sur les plates-formes aéroportuaires et aux abords des gares ont été réalisées entre mars et juin 2014 par les effectifs spécialisés de la préfecture de police. Ce sont ainsi 3 800 véhicules qui ont été contrôlés. Elles ont permis aux forces de police de relever soixante-huit délits et mille cent dix-huit contraventions, dont cent six pour racolage, essentiellement à l’encontre des véhicules de transport privé alternatifs aux taxis.
Le texte prévoit également une intervention accrue de la DGCCRF, qui contrôlera notamment l’application par les VTC des règles relatives à la tarification. En privilégiant l’efficacité du contrôle de règles simples à un excès de réglementation sans moyen effectif d’assurer leur respect, le texte présente un équilibre auquel le Gouvernement souscrit pleinement.
Les crises sont des moments où les problèmes et les passions émergent, mais notre société a aussi besoin de sérénité afin de mener des réformes importantes. Le chemin de la réforme du secteur des transports de personnes qui est tracé dans cette proposition de loi est réaliste et équilibré. Porteur de créations d’emplois tout en préservant ceux qui existent, il permettra de répondre aux besoins de mobilité des citoyens, et je tiens à vous féliciter une fois encore, monsieur le rapporteur, pour la qualité du travail que vous avez accompli.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire.
Monsieur le président, monsieur le ministre, cher Bernard Cazeneuve, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés : « Qu’y a-t-il donc au-dessus de la justice ? ». À cette question, Victor Hugo a répondu : « L’équité ! ». C’était il y a tout juste cent quarante ans, mais ces mots sont plus que jamais d’actualité aujourd’hui, à l’heure où nous nous interrogeons sur l’organisation d’une concurrence équilibrée et équitable.
Je tiens à mon tour à saluer la qualité du travail de Thomas Thévenoud, ainsi que le dialogue qu’il a construit avec les parties prenantes. Les clients comme les professionnels, les taxis comme les VTC, qu’il s’agisse des nouveaux acteurs comme des acteurs historiques de la grande remise, tous ont intérêt à ce qu’une offre de transport diversifiée et dynamique puisse se développer dans notre pays.
Après l’intervention très complète du ministre de l’intérieur, je souhaite, en tant que secrétaire d’État au commerce, à l’artisanat, à la consommation et à l’économie sociale et solidaire, revenir brièvement sur les aspects économiques de cette proposition de loi pour mettre en lumière les enjeux importants qui en dépendent.
L’organisation d’une concurrence équilibrée est notre volonté et nous pouvons tous nous retrouver sur cet objectif, au-delà des partis, au-delà des partis pris. Il y va de la préservation et de la création des emplois du secteur, il y va de l’amélioration de l’offre pour les clients et de la préservation de l’ordre public.
Il y va aussi du tourisme, c’est un point important à l’heure où nous voulons rendre notre pays encore plus attractif à l’international, et attirer encore plus de visiteurs sur notre territoire qui, je le rappelle, est la première destination touristique du monde.
Permettez-moi de souligner qu’il y va aussi de la transformation de notre société en faveur de modes de transport mieux articulés, notamment pour ceux de nos concitoyens qui n’ont pas de véhicule, que ce soit dans les très grandes villes ou dans les zones rurales.
Cette proposition permet enfin de réintégrer l’ensemble des locataires-taxis dans le champ de l’artisanat. Elle met ainsi fin à une anomalie qui excluait ces acteurs de l’accès à un statut fondamental dans notre pays. La France a la chance de pouvoir s’appuyer sur ses artisans et sur leur savoir-faire. Je me réjouis donc que cette proposition de loi leur donne un avenir et je tiens à saluer à ce titre la concertation qui a eu lieu avec le président de l’Assemblée permanente des chambres de métiers et de l’artisanat, Alain Griset.
Cette proposition de loi, c’est plus de clarté. Face au vague, face au flou du dispositif actuel, vous allez, mesdames et messieurs les députés, mettre en place des règles du jeu équitables pour que les artisans et leur fonds de commerce soient préservés afin qu’ils puissent se développer. Vous allez également clarifier les conditions dans lesquelles les VTC peuvent et doivent exercer. Cela leur donnera de la sécurité juridique, de la visibilité.
Cette proposition de loi, c’est plus d’efficacité. Les pouvoirs publics disposeront d’outils efficaces pour lutter contre les pratiques trompeuses et la concurrence déloyale. Des règles du jeu précises, parfois exigeantes, permettront de tracer un cadre clair et valorisant pour les professionnels, taxis ou VTC. Il s’agit également – et j’y suis attachée – de mieux informer le client.
Les nouvelles règles d’encadrement des centrales de réservation s’appliqueront à toutes les centrales et pourront offrir aux clients une meilleure protection en cas d’incident ou de mauvaise réalisation de la prestation. Rassurer et informer le consommateur, c’est l’inciter à utiliser la prestation.
Cette proposition de loi, c’est également plus de modernité. Permettez-moi d’insister sur la question du développement des nouvelles technologies. La révolution numérique offre des solutions et des possibilités exceptionnelles, qu’il ne faut pas considérer comme une menace ; au contraire, les artisans taxis doivent saisir cette opportunité des nouvelles technologies pour se moderniser et pour faire encore mieux. Ma collègue Axelle Lemaire abonderait dans ce sens. Nous sommes convaincus que les nouvelles technologies peuvent permettre d’améliorer le chiffre d’affaires des taxis, notamment via le registre de disponibilité des taxis, tout en offrant un meilleur service aux clients.
Cette proposition de loi, c’est, enfin, plus d’équité. Nous atteindrons cet objectif si nous parvenons à donner aux deux secteurs les conditions leur permettant de se développer en harmonie. Pour y parvenir, il faut lever des freins, notamment ceux qui concernent la circulation parisienne, d’où l’idée de réserver aux taxis des voies vers les aéroports, comme l’a préconisé M. Thévenoud. Il convient aussi d’aider les taxis à tirer un meilleur profit de leurs droits exclusifs sur la prise en charge des clients sur la voie publique, afin qu’ils ne soient pas pénalisés. En tant que secrétaire d’État chargée de l’économie sociale et solidaire, je serai particulièrement attentive à ce que le modèle coopératif du secteur des taxis soit préservé. Bien sûr, des aménagements seront proposés en ce sens, car ce modèle a fait ses preuves.
Enfin, vous le savez, l’emploi est au coeur de l’action du Gouvernement : c’est notre priorité, c’est notre exigence absolue. Je veux donc souligner le potentiel de création de près de 50 000 emplois dans ce secteur.
Permettez-moi de souligner que ce sujet touche à l’intégralité du périmètre d’Arnaud Montebourg : le numérique, la concurrence, la consommation, l’économie sociale et solidaire, et naturellement l’artisanat – sans parler du questionnement soulevé par M. Thévenoud, dans son rapport, sur la création d’une filière « made in France » pour la construction de véhicules électriques adaptés aux besoins des professionnels de ce secteur.
Nous souhaitons que la concurrence sur le marché de la réservation préalable soit loyale, équitable et équilibrée, pour que les professionnels concernés, taxis ou VTC, puissent bénéficier d’un cadre défini, clair et juste, et pour que les clients, qu’il s’agisse de nos concitoyens ou des touristes qui viennent visiter notre pays, puissent être convenablement informés et bénéficier de services de qualité.
Il est de notre responsabilité de susciter et d’accompagner le développement harmonieux du secteur. Ce n’est donc pas seulement un enjeu d’ordre public et social, mais également une question économique pour un secteur au fort potentiel de développement. C’est pourquoi la discussion est complexe et requiert toute notre vigilance. L’équité n’est pas ici seulement une exigence : elle est notre devoir, en tant que responsables politiques, en tant que représentants de tous les Français.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe de l’Union pour un mouvement populaire une motion de renvoi en commission déposée en application de l’article 91, alinéa 6, du règlement.
La parole est à M. Lionel Tardy.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission du développement durable, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, en novembre 2013, dans cette assemblée, le Gouvernement réécrivait, par voie d’amendement au projet de loi relatif à la consommation, un article du code du tourisme sur les VTC, voitures de tourisme avec chauffeur. Cet amendement, déposé en deuxième lecture, a été adopté sans débat. Le mois suivant, en séance, je tentais de lancer une discussion sur cette disposition. En vain : on m’opposa alors un double « Avis défavorable », sans plus d’explication.
Pourtant, le 27 décembre suivant, le Gouvernement mettait en oeuvre une idée, ô combien lumineuse, qu’il préparait depuis plusieurs semaines : il publiait un décret instaurant un délai absurde de quinze minutes entre l’heure de réservation et la prise en charge du client par les VTC.
Ce décret fut retoqué magistralement, et sans surprise, quelques semaines plus tard par le Conseil d’État.
Ce résumé chronologique démontre une chose : depuis juin 2012, le Gouvernement retarde le débat nécessaire que doit avoir la représentation nationale sur les taxis et les VTC. Depuis au moins six mois, il l’esquive. Et pourtant, nous voilà aujourd’hui obligés de travailler dans l’urgence. Je défends, au nom du groupe UMP, cette motion de renvoi en commission, car les délais, et les conditions de travail qui en découlent, ne sont pas acceptables pour un texte d’une telle ampleur.
Voici encore quelques dates. Cette proposition de loi a été déposée le 18 juin et mise en ligne sur le site de l’Assemblée le 19 juin au soir. Elle a été examinée par la commission du développement durable le 25 juin : les députés ont donc eu quatre jours pour déposer leurs amendements. Inutile de dire que beaucoup auraient aimé le faire mais ne l’ont pas pu, faute de temps. Même le rapporteur a dû déposer tous ses amendements hors délai – c’est exceptionnel –, en faisant précéder sa signature de celle du président, car il n’avait même pas eu le temps de changer de commission. Avouez que cette situation est cocasse, pour ne pas dire ridicule. Les amendements du rapporteur en commission – environ soixante-dix sur les quatre-vingt-dix déposés – étaient tous rédactionnels, ce qui ne fait que confirmer l’improvisation qui a régné autour de l’écriture de cette proposition de loi.
Loin de moi l’idée de rejeter la faute sur notre collègue Thévenoud, dont je salue le travail, comme l’a fait le ministre tout à l’heure. M. Thévenoud n’a fait que subir une accélération incompréhensible de la part du Gouvernement. Il a été victime de la nouvelle méthode gouvernementale, que l’on pourrait résumer ainsi : une manifestation de grande ampleur – ici, celle des taxis – fait peur au Gouvernement,
Murmures sur plusieurs bancs du groupe SRC
qui missionne alors un député socialiste, envoyé au front. Ce député dispose d’un délai extrêmement réduit pour présenter un rapport et déminer une situation qui, pourtant, traîne depuis des années. Mais comme il y a une manifestation, vous comprenez, il faut réagir vite !
Cette méthode a été utilisée pour le statut de l’auto-entrepreneur, ou encore, plus récemment, pour les intermittents du spectacle.
Elle s’est avérée relativement efficace. Mais, franchement, deux mois pour imaginer des solutions durables et réalistes, est-ce bien raisonnable ? Certainement pas.
Malgré tout, il faut le souligner, le député Thévenoud s’en est bien sorti. Son rapport, publié en avril dernier, est intéressant : il balaie les principaux points du débat et précise, à juste titre, que la plupart des solutions ne pourront intervenir que par la voie réglementaire, l’adaptation ou la concertation.
Cependant, il fallait sans doute une loi, et la voici. Elle n’est pas mauvaise en soi – j’y reviendrai. Mais encore une fois, comment espérer régler aussi vite un épineux débat, dans sa globalité ?
Le rapporteur n’est pas la seule victime de ce goût du Gouvernement pour les textes à grande vitesse. Le débat parlementaire en a, lui aussi, véritablement souffert. Comme je l’ai dit, les membres de la commission du développement durable auraient sans doute aimé déposer des amendements, mais ils n’en ont pas eu le temps. Beaucoup ont déploré ces délais, il y a quinze jours, et ce sur presque tous les bancs.
Mais il y a une autre lacune tout aussi gênante aux yeux du groupe UMP : la commission des affaires économiques n’a pas été saisie pour avis.
Si la commission du développement durable est compétente sur le fond en matière de transports, il est absurde d’ignorer l’aspect économique du problème. C’est surtout, je le crains, un moyen d’éluder le débat. Voilà ce à quoi conduit le manque de temps.
Cette proposition de loi touche, par la force des choses, à des domaines très variés.
Elle concerne le pouvoir d’achat des clients, pour qui le prix est une composante essentielle dans le choix du mode de transport.
Elle concerne également l’emploi. Comme cela a déjà été dit, on compte plus de 50 000 chauffeurs de taxis et 6 000 entreprises de VTC, ce qui n’est pas négligeable. Le pouvoir d’achat de ces professionnels est donc également concerné.
Elle touche, en outre, à l’attractivité du pays et au tourisme, car ces modes de transport constituent le premier contact qu’ont les touristes ou la clientèle d’affaires avec la France.
Enfin, elle concerne l’innovation, à travers le développement de dispositifs intelligents de réservation par voie électronique. J’y reviendrai.
Mes chers collègues, je le répète avec force : l’absence de saisine pour avis de la commission des affaires économiques est déplorable. Cumulée avec les délais que j’ai détaillés, elle justifie pleinement l’adoption de cette motion de renvoi en commission.
Cerise sur le gâteau : la procédure accélérée a été engagée sur ce texte, comme sur à peu près tous les textes actuellement, et les choses vont de mal en pis en ce moment. Une seconde lecture aurait permis de compenser ces délais absurdes. Encore une fois, cela donne le sentiment que l’on cherche à restreindre le débat. J’ai cru comprendre que le Gouvernement souhaitait un vote conforme au Sénat avant la fin de la session extraordinaire : si cette information se confirmait, elle rendrait la situation encore plus absurde et encore plus inacceptable.
Nous serions ravis d’entendre de vrais arguments pour justifier l’urgence ; celui qui consiste à dire qu’il faut régler le problème rapidement n’est pas acceptable, tout simplement parce que le problème ne date pas d’hier. Souvenez-vous du fameux rapport Attali pour la libération de la croissance française. Sans même parler de ses préconisations, ce rapport avait, du moins, clairement démontré le caractère épineux que revêt cette question. Il évoquait déjà, à l’époque, la concurrence entre les taxis et les VTC, qu’il appelait à l’époque « véhicules de petite remise ». C’était en 2008, mes chers collègues.
Le statu quo n’était sans doute pas la bonne solution, mais il a tenu jusqu’en 2013, date à laquelle le gouvernement Ayrault a décidé d’agir, par petites touches réglementaires venues de nulle part. Plusieurs décrets et arrêtés se sont succédé, sur la formation des chauffeurs de VTC ou sur la définition de la réservation préalable, jusqu’au décret retoqué en janvier par le Conseil d’État, qui a marqué la fin de cette méthode désastreuse. Les décisions étaient prises sans aucune réflexion globale, dans l’opacité totale des cabinets ministériels et même, me semble-t-il, de l’Élysée. Il n’est donc pas étonnant que ce débat porte en son sein la marque de l’incapacité de trancher propre au Président de la République.
Bref, le problème est ancien. Il est connu. Rien ne justifie une proposition de loi expéditive.
Le groupe UMP se refuse à une opposition stricte sur cette proposition de loi. Il considère, au contraire, qu’il est nécessaire de légiférer, à condition de prendre le temps de peser le pour et le contre, car plusieurs points du texte, y compris celui de la couleur unique des taxis, nécessitent un examen approfondi.
Cette proposition de loi n’est pas mauvaise en soi. Cependant, elle souffre de deux problèmes qui empêchent le consensus, pourtant nécessaire, qui aurait dû et pu se dégager d’un travail effectué bien en amont au Parlement.
Premièrement, une grande majorité des trente propositions du rapport Thévenoud ne peuvent pas passer par la voie législative – le rapporteur l’a dit lui-même. Cette proposition de loi ne peut donc apporter qu’une réponse partielle au problème. Il nous manque, en complément, la vision d’ensemble du Gouvernement ; or, à ce jour, nous ne la connaissons toujours pas, et nous pouvons même douter de son existence. Il est donc difficile de juger d’un groupe de mesures lorsqu’on ne peut en entrevoir qu’une partie.
Deuxièmement, sans doute encore une fois à cause des délais impartis, cette proposition de loi peine à trouver une solution durable. Faute d’une gestion globale du problème, elle ajoute des contraintes aux VTC sur certains points, et aux taxis sur d’autres. Elle tente de trouver un équilibre, mais le résultat est nécessairement imparfait et bancal.
À titre personnel, je pense que là où on l’on veut instaurer des règles supplémentaires et de la contrainte, il faudrait, au contraire, davantage de liberté et de flexibilité. C’est d’ailleurs le sens de mes vingt-deux amendements. En bref, il ne faut pas ajouter des contraintes démesurées pour les VTC et en retirer pour les taxis, mais tendre vers une solution la plus équilibrée possible.
Quoi qu’il en soit, les questions essentielles n’ont pas eu le temps de trouver une réponse : faut-il cloisonner davantage les professions ou aller vers l’harmonisation ? En fait, les deux à la fois. Cette proposition de loi évite le pire mais ne tend pas vers le meilleur.
Oui, la concurrence déloyale de certains VTC existe, et il faut l’éviter. Mais, dans le même temps, la profession de taxi doit être modernisée au profit du consommateur. J’insiste sur ce point : nous traitons ici de vie quotidienne et de consommation, sujet économique par excellence.
Au cours du maigre débat en commission, tous les députés UMP présents ont souligné leur crainte de voir ce débat résumé à un combat entre anciens et modernes, où des professions réglementées refuseraient de s’adapter et obtiendraient gain de cause, à force de lobbying, pour éviter la concurrence de ceux qui se sont approprié de nouveaux moyens de consommation. Je le dis avec l’expérience d’autres sujets, notamment dans le domaine de la culture : si cette proposition de loi est le reflet d’une telle vision, elle ne résoudra rien. Je crois, et surtout j’espère, que ce n’est pas la réalité. Il y a, chez beaucoup de taxis, une réelle volonté de s’adapter. Aucune des deux professions n’a raison ou tort. Il faut simplement faire en sorte qu’elles puissent cohabiter justement, toujours au bénéfice des consommateurs.
L’alinéa 22 de l’article 8 donne pourtant la mauvaise impression que j’ai évoquée. C’est vrai, monsieur le rapporteur, cet alinéa n’interdit pas les applications de géolocalisation pour les VTC – une telle interdiction est impossible et serait contournée –, mais il interdit bel et bien d’informer le client de la disponibilité des VTC à proximité, ce qui devrait, in fine, aboutir aux mêmes conséquences. Pour une motion de renvoi en commission défendue, cet alinéa me permet donc de vous offrir, en bonus, une petite motion de rejet préalable.
Et pour cause, monsieur le rapporteur, il n’est pas exclu qu’une telle interdiction pose un problème de constitutionnalité. En effet, cette géolocalisation en temps réel avec réservation est la raison d’être d’applications mobiles. Ces applications, monsieur le rapporteur, ne sont pas juste des icônes sur votre smartphone. Derrière elles, il y a des entrepreneurs qui les ont mises au point, qui facilitent ainsi la vie des clients et qui créent des emplois.
Telle qu’elle est rédigée, cette disposition est sans doute contraire au principe constitutionnel de liberté d’entreprendre.
Du moins, nous n’avons pas la certitude que ce ne soit pas le cas. Et je vois que nous sommes d’accord.
Il aurait été de bon ton de saisir le Conseil d’État sur ce point pour dissiper nos doutes. Car, oui, monsieur le rapporteur, vous en aviez la possibilité avec le président de l’Assemblée, grâce à la réforme constitutionnelle de 2008.
À votre décharge, vu les délais, vous n’en auriez de toute façon pas eu le temps, ce qui constitue un argument supplémentaire pour demander un renvoi en commission, par exemple à partir de la rentrée de septembre ! Cette disposition est de toute façon contraire à un principe qui n’est malheureusement pas encore constitutionnel : celui de l’innovation. En voulant stigmatiser Uber, vous oubliez les développeurs français.
Nous avons un Président de la République qui s’amuse à discuter avec des robots intelligents dans la Salle des fêtes de l’Élysée ; nous avons des ministres qui lancent, pas plus tard qu’hier, des plans industriels pour une « nouvelle France » tournée vers le numérique – et c’est d’ailleurs très bien.
Nous en avons d’autres qui font les louanges de la French Touch et lancent l’opération French Tech – avec Axelle Lemaire, pas plus tard qu’hier soir. Et au même moment, nous voilà, dans cet hémicycle, avec cette disposition anti-innovation, anti-entreprises et même anti-consommateurs. Reconnaissez que le décalage est frappant.
Vous l’aurez compris, pour moi comme pour d’autres, ce dispositif est le véritable point noir de la proposition de loi. Puisque nous sommes sur le terrain juridique, je m’arrête rapidement sur la coresponsabilité des intermédiaires de VTC. Au-delà du principe, c’est bien la qualification juridique de ces intermédiaires qui peut apparaître erronée. En effet, ces derniers n’ont ni voitures, ni chauffeurs, ils ne font pas de louage, mais du courtage et ne sont pas partie prenante au contrat de transport.
Vous conviendrez que tout cela est douteux compte tenu du principe d’égalité devant la loi. L’intermédiaire serait rendu responsable de la bonne exécution d’un contrat dont il est pourtant indépendant. Ces questions ne sauraient être prises à la légère. Je le répète : nous devons avoir à l’esprit que le but final est la protection et la satisfaction des utilisateurs, des consommateurs.
Il ne faut pas se mentir, le débat taxis-VTC est avant tout un débat parisien. On estime ainsi que les VTC auraient « pris » 20 % du marché des taxis parisiens, ce qui n’est pas négligeable. En Haute-Savoie par exemple, les problèmes sont d’un autre ordre : le transport de malades constitue, comme du reste dans d’autres départements, l’activité principale des taxis, et c’est normal. La concurrence des VTC arrive derrière d’autres préoccupations, comme l’accès à l’aéroport de Genève, que les autorités suisses ont voulu limiter par le biais d’une autorisation de travail réduite.
Il n’en demeure pas moins que cette question touche tout le pays car elle est révélatrice d’une certaine conception de la concurrence, de la liberté d’entreprendre et de l’innovation. Elle intéresse toute la représentation nationale car, dans les deux cas, il s’agit de personnes qui veulent travailler et créer des emplois. En légiférant, nous allons influer sur leur pouvoir d’achat.
Aussi, le prix de la revente des licences a atteint les limites du raisonnable. Il nuit au pouvoir d’achat des exploitants-chauffeurs de taxi. À ce titre, la création de nouvelles licences non cessibles est, semble-t-il, une bonne chose. De la même manière, il faut lever dès que possible le gel des immatriculations de VTC. J’en appelle à vous, monsieur le ministre, car il faut une réponse à ces centaines de personnes qui ont engagé des frais – formation, achat de véhicule – et veulent s’inscrire sur le registre, non pas pour voir ce que cela donne, mais simplement pour avoir un emploi !
Mes chers collègues, par mon intervention, j’ai essayé de vous présenter un aperçu des implications nombreuses que pourrait avoir cette proposition de loi. Elle entend – et c’est louable – apporter une solution satisfaisante et durable. C’est ce que chacun d’entre nous souhaite. Pas seulement pour éviter les conflits et les tensions qui peuvent surgir ponctuellement, mais bien pour installer une cohabitation durable, profitable à tous.
Les taxis ont le monopole de la maraude, les VTC en ont l’interdiction. Partant de cette base, il faut construire une solution qui ne lèse personne car, au final, avec des contraintes et des interdictions supplémentaires, le consommateur en pâtirait, l’économie française également. Construire cette solution n’est pas simple, et le groupe UMP est animé par cette recherche de l’équilibre, comme le montrent nos propositions d’amendements.
Cela dit, aussi bonne notre volonté puisse-t-elle être, l’extrême précipitation dans l’examen de ce texte, l’absence d’avis de la commission des affaires économiques, ainsi que certaines interrogations juridiques sur lesquelles je me suis exprimé nous conduisent à demander le renvoi de cette proposition de loi en commission.
En plus d’être davantage respectueux des parlementaires, un travail plus approfondi et moins contraint par le temps ne pourrait être que bénéfique. Il permettra d’élucider certains points, d’apporter des réponses à d’autres. Il aidera au final à donner la légitimité qui fait cruellement défaut à cette proposition de loi. Car contrairement à de nombreux autres textes, tout n’est pas perdu et celui-ci peut potentiellement apporter des réponses, à condition d’être retravaillé. C’est pourquoi il est nécessaire et raisonnable, mes chers collègues, d’adopter cette motion de renvoi en commission.
Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.
Monsieur le député Tardy, vous avez dressé un panorama quelque peu étonnant, qui ne me semble pas conforme à la réalité. Votre présentation est un peu spécieuse. Vous le savez, le Gouvernement fait face à une situation de grande tension, qui est le résultat d’une réglementation mal conçue et source d’ambiguïté, issue de la loi Novelli de 2009.
D’un côté, vous indiquez qu’il y a une trop grande accélération des réformes et de l’autre, vous vous étonnez que l’on puisse répondre à des préoccupations. Quand on est au gouvernement, on a le devoir d’être à l’écoute et d’essayer de résoudre les situations de profonde inégalité. C’est ce que nous faisons. Loin d’agir dans la précipitation, nous nous sommes engagés dans la voie de la responsabilité en prenant le problème à bras-le-corps. Avec méthode, nous avons procédé à des concertations, puis proposé des solutions durables.
Le débat a-t-il eu lieu ? Oui. La mission confiée à M. le rapporteur, votre collègue Thomas Thévenoud, a permis d’organiser plus de dix réunions avec les organisations de taxis et de VTC. L’ensemble des intervenants ont été consultés et des idées originales ont été proposées.
Vous avez, monsieur Tardy, parlé de frein à l’innovation. Je suis étonnée par ces propos car le soutien à l’innovation est présent dans la proposition de loi. Votre démarche est un peu caricaturale lorsque vous assimilez la profession des taxis à une profession qui ne voudrait pas évoluer. Dans tous les contacts que nous avons pu avoir, nous avons bien senti leur volonté de modernisation. Ils ont commencé depuis plusieurs années et ils vont poursuivre dans ce sens. Il est important de reconnaître les capacités d’innovation et d’adaptation de l’ensemble des secteurs.
S’agissant du choix de la procédure accélérée, je me permets de souligner que ce gouvernement n’y recourt pas davantage que sous le précédent quinquennat.
Quant à l’innovation, le Gouvernement la soutient fortement : les trente-quatre plans industriels en témoignent et sont nécessaires pour tracer une feuille de route. Ils sont un encouragement à des filières qui permettront de développer une économie forte et de préparer l’avenir.
Ce que nous demandons aux intermédiaires doit répondre à un objectif de protection des consommateurs. Il est essentiel que l’ensemble des acteurs de ce secteur soient responsables et répondent de leurs actes.
Pour ce qui est des futures licences, elles reviendront à l’autorité de délivrance, ce qui permettra d’arrêter la spéculation. Pour autant, cela ne fera pas peser de menaces sur la valeur des licences qui ont été délivrées précédemment.
Tels sont les éléments d’information que je souhaitais porter à votre connaissance. Notre démarche est constructive et la présente proposition de loi permet une réelle avancée, et va dans le sens de l’équité. Le Gouvernement, qu’il s’agisse du ministère de l’intérieur ou de mon secrétariat d’État, entend responsabiliser ce secteur et lui donner toutes les chances de se moderniser pour le meilleur service des clients.
La parole est à M. le président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.
Cher collègue Tardy, permettez-moi, en quelques mots, de réagir à la motion de renvoi en commission que vous avez présentée. Nous pouvons considérer qu’il y a urgence à traiter ce problème dans les meilleures conditions possibles pour les taxis, pour les VTC, mais aussi pour nous-mêmes, puisque nous sommes ici pour apporter des réponses législatives.
Le Gouvernement a confié une mission à Thomas Thévenoud. Vous avez du reste reconnu, monsieur Tardy, comme M. le ministre, que le travail qu’il a réalisé était de qualité ; les trente propositions ont donné lieu à une proposition de loi. Nous pouvons certes nous interroger sur la procédure d’urgence qui a été retenue. Néanmoins, et vos propos le confirment, nous avons pu travailler dans d’assez bonnes conditions.
Vous avez participé aux travaux de la commission du développement durable.
Et je vous rappelle, cher collègue, que la commission du développement durable est compétente en matière de transport. Je pense qu’elle était tout à fait fondée à se saisir et à être saisie au fond de ce texte. Quant à la commission des affaires économiques, qui n’a pas été saisie pour avis, je n’en assume pas la responsabilité. Pour ce qui nous concerne, nous avons, en tant que parlementaires et élus de la nation, la possibilité de porter un regard sur les enjeux économiques de la proposition de loi.
Thomas Thévenoud a beaucoup consulté et a auditionné de nombreuses personnes. La proposition de loi a été modifiée au cours de la réunion que nous avons tenue le 25 juin, un certain nombre d’amendements ont été adoptés, qui l’ont adaptée et renforcée. Ce matin encore, au cours de la réunion que nous avons tenue au titre de l’article 88, de nombreux amendements ont été examinés et le rapporteur a donné un avis favorable à quarante d’entre eux, dont trois de vos amendements, monsieur Tardy.
Il y a urgence à délibérer et à poursuivre nos travaux. C’est pourquoi je propose que l’Assemblée ne donne pas un avis favorable à votre demande de réexamen par la commission du développement durable.
Je tiens d’abord à remercier Lionel Tardy – il a déposé des amendements, fait son travail de parlementaire – et lui dire que nous avons accepté un certain nombre de ses amendements, tout comme nous avons accepté des amendements de son collègue M. Favennec.
Si les délais sont très courts, c’est parce qu’il y a urgence, ne nous racontons pas d’histoires. Vous avez demandé que le Conseil d’État soit saisi, mais cela aurait rallongé les délais de quatre à cinq mois et, dans le même temps, vous avez demandé la fin du gel des immatriculations des VTC. Je rappelle que ce gel décidé par le Gouvernement est justifié : posons les règles du jeu avant qu’il y ait de nouvelles immatriculations.
Sur le fond, ce texte contient des éléments d’innovation considérables. La géolocalisation de la disponibilité grâce à une plateforme numérique sous maîtrise d’ouvrage publique, c’est un véritable bond en avant pour les taxis. La couleur unique, dont la mise en oeuvre a été trop longtemps retardée, c’est important, et c’est un élément d’innovation. Il faut y ajouter le forfait aéroport, proposition de mon rapport sur laquelle le Gouvernement travaille. La généralisation du paiement par carte bleue dans tous les taxis de France, que je propose à travers un amendement, va également dans le sens de l’innovation.
Quant à la maraude électronique, il ressort de mes rencontres avec les responsables d’entreprises de VTC que l’immense majorité d’entre elles ne l’utilisent pas.
J’ai pris soin d’écouter chacune et chacun pour aboutir à ce texte qui apporte des éléments d’innovation et de modernité très importants pour le secteur des transports de personnes.
Nous en venons aux explications de vote sur la motion de renvoi en commission.
La parole est à Mme Isabelle Le Callennec, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Chacun reconnaît qu’il fallait faire évoluer la législation et trouver un nouvel équilibre entre les taxis et les voitures de transport avec chauffeur. Nous sommes bien évidemment tous concernés dans nos différentes circonscriptions par cette question et nous avons tous suivi l’actualité de ces derniers mois.
Je suis venue ce matin pour écouter les arguments des uns et des autres. A cet égard, il est intéressant de noter à quel point le rapport, avec ses trente propositions, a permis à la discussion de s’ouvrir.
Le renvoi en commission me paraît particulièrement nécessaire et pertinent, pour au moins trois raisons.
La première raison est fondamentale : seule la commission du développement durable a été saisie, c’est un argument de Lionel Tardy auquel j’ai été très sensible. J’ai été d’ailleurs très étonnée que ce soit elle qui soit saisie au fond alors que nos deux ministres ont rappelé l’impact des dispositions sur l’économie. La commission des affaires économiques aurait dû être au moins saisie pour avis. Rappelons que pour le projet relatif à l’économie sociale et solidaire, pas moins de sept commissions ont été saisies. Et comme ce sujet concerne aussi le tourisme, vous l’avez tous évoqué, on aurait pu imaginer que la commission des affaires étrangères soit elle aussi saisie pour avis puisque, désormais, le tourisme relève des affaires étrangères.
La deuxième raison tient au poids du réglementaire. Si la loi va régler certains problèmes, il y aura un fort recours aux décrets. Nous aurions aimé en savoir plus sur les intentions du Gouvernement puisque cette réglementation va totalement échapper aux législateurs.
La troisième raison renvoie au fait que le texte s’attaque surtout à Paris et aux grandes agglomérations, ce qui fait craindre qu’on oublie quelque peu le travail des taxis, notamment des véhicules sanitaires légers, en milieu rural, dont je peux saisir l’importance dans ma circonscription d’Ille-et-Vilaine.
Il aurait été intéressant d’en discuter davantage.
J’ai bien entendu que vous aviez retenu certains de nos amendements, ce dont je me réjouis, mais malgré tout, un renvoi en commission m’apparaît nécessaire.
La parole est à M. Yannick Favennec, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Malgré les propos apaisants du président de la commission et du rapporteur, le groupe UDI votera cette motion de renvoi en commission. Les conditions d’examen du texte par la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, notamment la rapidité avec laquelle elle a dû procéder, ainsi que l’absence d’avis de la commission des affaires économiques, ont été dommageables, et dommageables pour tout le monde. En moins d’un mois, nous avons dû étudier un texte qui modifie considérablement le métier des chauffeurs de taxi. Cela méritait sans doute beaucoup plus et beaucoup mieux.
En outre, en tant qu’élu d’un département rural, la Mayenne, je regrette avec ma collègue Isabelle Le Callennec qu’il n’y ait rien dans le texte à propos des taxis en milieu rural.
Pour toutes ces raisons, le groupe UDI votera pour la motion de renvoi.
La parole est à M. Gilles Savary, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Soulignons tout d’abord que nous avons trop longtemps attendu. M. Tardy lui-même a indiqué qu’il ne s’était pratiquement rien passé depuis le rapport de M. Attali en 2008. Il y a eu certes la loi Novelli, mais dans des conditions de désarmement réglementaire telles que cela a provoqué les événements de février dernier. Depuis, nous sommes dans l’expectative et les immatriculations de VTC ont été gelées.
M. Thévenoud l’a dit, si nous avons choisi d’aller vite c’est, premièrement, parce que nous voulons rouvrir les immatriculations de VTC – il y a urgence –, et deuxièmement, parce que nous ne voulons pas le faire de façon désordonnée en revenant à la jungle réglementaire qui a provoqué le blocage des taxis. Nous tenons là le motif essentiel du recours à la procédure d’urgence. Pour le reste, nous entrerons dans le détail des dispositions au cours de la discussion. Vous verrez que c’est un texte particulièrement équilibré, à tous égards.
Vous évoquiez l’encadrement des immatriculations des VTC, monsieur Tardy. Il faut bien voir qu’il est extrêmement mesuré. Aux États-Unis et dans certaines villes d’Europe, les délais d’attente légaux – qui ont été invalidés en France – sont considérables, les obligations de base arrière sont précises et drastiques et les contingentements sous forme d’homologation prévalent. Nous n’en sommes pas là. Nous allons rouvrir l’immatriculation des VTC, en faisant en sorte de les débarrasser, si l’on peut dire, de la concurrence déloyale qu’ils pouvaient faire aux taxis. Cela passe par une distinction juridique claire – qui est le centre de gravité du texte – entre ce qui relève du monopole du taxi, la maraude, notamment la maraude électronique, et ce qui participe des nouveaux modes de transport de particuliers, y compris les motos taxis, qui feront l’objet d’amendements spécifiques.
Pour toutes ces raisons, nous ne pouvons accepter le renvoi en commission.
La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n’est pas adoptée.
Dans la discussion générale, la parole est à M. Yannick Favennec, premier orateur inscrit.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous sommes présents aujourd’hui pour examiner une proposition de loi attendue par les professionnels du transport de personnes que sont les taxis et les voitures de tourisme avec chauffeur, dans un contexte particulièrement tendu, comme le prouvent les dernières manifestations des chauffeurs de taxi européens. En réalité, ces protestations ne font que révéler la situation difficile d’un marché en pleine mutation, qui s’ouvre de plus en plus à la concurrence, mais face auquel les réglementations française et européenne peinent à s’adapter.
L’enjeu de cette proposition de loi était donc de taille puisqu’il fallait à la fois redorer l’image d’une profession des taxis qui n’a pas suffisamment évolué avec son temps, et encadrer davantage le secteur des VTC, devenus des concurrents un peu trop rudes, tout en ne les privant pas des innovations technologiques dont ils étaient les précurseurs. Il était donc nécessaire de trouver, dans ce texte, un juste équilibre qui aurait permis aux taxis et aux VTC de cohabiter de manière complémentaire.
Ce texte, qui reprend une partie des trente propositions de votre rapport, monsieur Thévenoud, n’a malheureusement pas réussi à répondre à ces enjeux, et se montre finalement peu ambitieux face à un sujet aussi important, qui méritait pourtant une réforme approfondie et réfléchie.
En effet, la rapidité avec laquelle cette proposition de loi a été examinée par notre assemblée est tout à fait dommageable – et je rejoins en cela les propos de mon collègue Lionel Tardy. En moins d’un mois, nous avons dû étudier un texte qui modifie considérablement le métier des chauffeurs de taxi, un texte qui introduit des dispositifs vagues comme celui de « la maraude électronique » – même si ce terme n’est pas clairement utilisé dans la proposition de loi –, mais surtout un texte qui ne fournit aucune étude d’impact sur les mesures à venir.
Je pense notamment au statut des locataires. Bien entendu, le groupe UDI s’accorde à dire qu’il est absolument nécessaire de repenser les différents statuts des chauffeurs de taxi pour qu’ils deviennent plus simples et donc plus compétitifs. Toutefois, est-ce réellement la bonne solution que de rayer, du jour au lendemain, un système de location éprouvé depuis plus de trente ans ?
Désormais, les titulaires d’une autorisation de stationnement délivrée avant la promulgation de la loi seront en mesure de l’exploiter eux-mêmes, de recourir à des salariés ou bien de recourir à la location-gérance. Pourquoi pas ? Mais n’est-ce pas risqué de supprimer, d’un coup, le statut de locataire qui concerne aujourd’hui des milliers de chauffeurs de taxi ? N’aurait-il pas été préférable de trouver un nouvel encadrement pour le statut de locataire afin d’éviter les situations parfois difficiles vécues par certains chauffeurs de taxi ?
Quant à la location-gérance, qui pourrait être une bonne idée, personne ne semble avoir réfléchi aux conséquences de la création d’un tel statut, notamment en termes de couverture sociale. De plus, qu’en est-il de la solidarité fiscale prévue par le code général des impôts entre le propriétaire et le locataire gérant ? Il me semble que cette question doit impérativement être traitée, et elle fera d’ailleurs l’objet de l’un de nos amendements.
La réforme des ADS, les autorisations de stationnement, nous pose également un problème. Il est évident, et nous sommes tous d’accord sur ce point, que le marché actuel des licences est devenu insoutenable. Face aux multiples réglementations subies par la profession des taxis et face au prix astronomique des licences, il n’est pas surprenant d’assister aujourd’hui à une chute catastrophique de la compétitivité de nos taxis.
Ce texte part donc plutôt d’un bon sentiment puisqu’il veut rendre gratuites les licences délivrées après la promulgation de la loi, en les rendant incessibles. Encore une fois, pourquoi pas ? Mais avez-vous réfléchi au double régime qui devra cohabiter pendant un certain temps ? D’un côté, nous aurons les anciennes licences, toujours cessibles, que les titulaires voudront évidemment revendre au prix fort ; et de l’autre, les nouvelles licences, devenues gratuites et incessibles, que les chauffeurs pourront obtenir après un certain temps d’attente. Alors, que va-t-il se passer ? Quelle personne voudra acheter une licence qu’elle sait ne plus être cessible ? Et qu’en sera-t-il de l’argent aujourd’hui récupéré par la vente des licences, qui permettait souvent aux chauffeurs de taxi d’arrondir leur retraite ?
Le groupe UDI ne prétend pas apporter des solutions toutes faites à un débat aussi important. Simplement, nous maintenons que ces questions auraient mérité une réflexion plus longue, une analyse plus poussée des conséquences, et surtout une concertation plus aboutie avec tous les acteurs, notamment les chauffeurs de taxi qui travaillent dans des départements ruraux comme le mien, la Mayenne, et qui jouent un rôle essentiel dans le transport des personnes dans ces territoires.
Quant aux VTC, notre position est la même que celle défendue en commission. Il est évident qu’il faut réglementer les compagnies de VTC, qui bénéficient d’un régime plus avantageux, pour rééquilibrer une concurrence de plus en plus accrue. Je précise que notre intention est bien de rééquilibrer la concurrence, et non de l’éliminer ! En effet, les VTC ont toute leur place sur le marché, comme le montre leur succès grandissant.
Les VTC ont, d’une part, brillamment réussi leur pari technologique, et, d’autre part, ont su imposer une image moderne et raffinée du transport de personnes. Alors que nous parlons de redorer l’image des taxis, le positionnement des VTC doit faire figure de modèle. Et dans ce sens, il serait absolument injuste de mettre des bâtons dans les roues des voitures de transport avec chauffeur.
Alors que la géolocalisation a été démocratisée par les VTC, il aurait été injuste de leur interdire l’accès à un tel dispositif, d’autant qu’il représente le coeur de leur profession. De plus, et vous le savez très bien, les sociétés de VTC sont génératrices d’emplois pour notre pays. Il serait donc impensable de leur interdire une telle innovation technologique.
Sur ce point, monsieur le rapporteur, vous avez su nous rassurer, en commission, en déclarant qu’il n’avait jamais été question d’interdire la géolocalisation. En revanche, vous nous avez dit que l’interdiction portait sur cette désormais fameuse « maraude électronique », terme un peu flou, même assez difficile à se représenter. Il est donc plutôt difficile de connaître la véritable nature de cette disposition.
Aussi, permettez-moi de vous demander ce qui se cache réellement derrière ce dispositif de « maraude électronique ». En quoi son interdiction va-t-elle remettre les taxis et les VTC sur un semblant de pied d’égalité ? Quant aux usagers, pourront-ils toujours connaître le temps qui les sépare du prochain VTC, avant même de le réserver ? Cette information est évidemment primordiale pour permettre au client de s’organiser convenablement. Le groupe UDI a déposé un amendement qui tend à clarifier les prérogatives des VTC. En effet, il nous semblerait anormal de pénaliser un secteur qui s’est développé grâce aux nouvelles technologies, alors même qu’elles représentent l’avenir de notre économie.
Dans ce sens, nous nous réjouissons de voir que ce texte souhaite également développer la géolocalisation au sein des taxis. Selon nous, c’est une condition sine qua non à leur maintien dans le marché. Nous sommes d’ailleurs sensibles au fait que vous ayez laissé le choix aux chauffeurs de taxi de transmettre ou non leurs données car il nous semble important, dans un premier temps, de les rassurer. En effet, la collecte de leurs données, par le biais de ce dispositif, pourrait en effrayer certains : il va donc falloir faire preuve de pédagogie pour inscrire durablement la géolocalisation dans les moeurs des taxis. Nous devons aussi rester vigilants pour éviter que les centrales de taxis opèrent des pressions sur les chauffeurs qui souhaiteraient utiliser la géolocalisation. Pour autant, nous ne sommes pas contre l’idée de conserver des clauses exclusives entre un intermédiaire et un exploitant, sous réserve d’un consentement mutuel.
Nous sommes également sensibles à la professionnalisation du métier de chauffeur. L’exercice de l’activité de conducteur de VTC ne pourra désormais s’effectuer que si le conducteur peut justifier de conditions d’aptitude professionnelle. C’est une bonne chose puisque, selon nous, être conducteur est un vrai métier et qu’il est par conséquent normal d’être formé.
Dans la même logique, nous approuvons l’interdiction des systèmes de covoiturage car ils vont à l’encontre de l’idée même de professionnalisation. Il y a deux mois, la France a vu arriver sur son territoire un service qui permet à des particuliers comme vous et moi de prendre des passagers, le temps d’un trajet en ville. Cette pratique s’apparente à celle des taxis clandestins, ce qui est tout à fait inacceptable. Certes, la concurrence est un moteur indispensable de la compétitivité mais la concurrence déloyale, voire illégale, doit évidemment être interdite.
Enfin, le groupe UDI regrette que cette proposition de loi n’ait pas une vision d’avenir ambitieuse. De nombreuses propositions du rapport ont été mises de côté car elles ne relevaient pas du domaine législatif. Cela suscite une certaine inquiétude de notre part quant à l’application de ces mesures. Je pense notamment au volet environnemental, que j’avais évoqué en commission. Les taxis doivent être exemplaires dans ce domaine : nous devrions ainsi les inciter davantage à acheter des véhicules électriques ou hybrides, mais surtout made in France. Je pense aussi à la généralisation de la carte bancaire ou encore à la mise en place d’un forfait aéroport.
Finalement, ce texte, qui devait régler un conflit de plus en plus violent, ne nous semble pas à la hauteur de cette mission. Alors qu’il devait envoyer un message d’apaisement aux différents acteurs, il ne fait que mettre à mal à la fois les taxis, en changeant considérablement leur métier sans en analyser les conséquences, mais aussi les VTC, en leur envoyant un message négatif alors qu’ils représentent un secteur plein d’avenir.
Par cette proposition de loi, vous souhaitiez éviter de nouvelles manifestations ; mais nous pensons justement que ce texte risque d’en être le déclencheur. Nous sommes, bien entendu, conscients de sa nécessité mais nous aurions voulu qu’il fasse l’objet de vrais débats et qu’il contienne des perspectives d’avenir solides. Même si cette proposition contient quelques bonnes idées, le groupe UDI ne peut que voter contre et espère qu’un texte plus ambitieux viendra compléter celui-ci à l’avenir.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission du développement durable, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui pour débattre ensemble de la proposition de loi de notre collègue Thomas Thévenoud relative aux taxis et aux voitures de transport avec chauffeur. Je voudrais tout d’abord, au nom de mes collègues du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, féliciter notre rapporteur pour le travail parlementaire de fond réalisé depuis plusieurs mois : cent soixante-dix heures d’écoute et de concertation, cinquante auditions, huit groupes de travail, plus de trois cents contributions citoyennes décortiquées ; ensuite, un rapport très complet remis le 24 avril 2014 avec trente propositions, dont certaines sont audacieuses, parfois même aventureuses, mais dont une majorité est très attendue par le secteur ; enfin, une proposition de loi qui reprend celles qui sont d’ordre législatif.
Quelles que puissent être les positions et les observations de chacune et de chacun d’entre nous sur la proposition de loi dont nous allons débattre, je crois que nous pouvons être unanimes sur la quantité mais surtout sur la qualité du travail effectué par notre rapporteur sur ce sujet délicat, compte tenu des crispations des acteurs du secteur. Ce travail est bel et bien le parfait exemple des réelles possibilités données aux parlementaires pour défendre et proposer des idées de mesures législatives fortes, lesquelles possibilités se sont probablement améliorées par la maîtrise de l’ordre du jour à l’occasion de ces journées d’initiative parlementaire, comme c’est le cas aujourd’hui, journées inscrites dans la Constitution depuis la dernière révision de juillet 2008. Le débat que nous avons maintenant témoigne qu’une activité parlementaire de fond peut aboutir à une proposition de loi solide et structurée sur un sujet complexe à déminer, un sujet qui concerne un nombre important de nos concitoyens.
Le transport léger de personnes existe depuis longtemps et très vite, dans tous les pays du monde, il est apparu comme une évidence qu’une réglementation stricte devait encadrer cette activité commerciale, notamment avec une autorisation de stationnement sur la voie publique, appelée habituellement « licence ». Puis les tarifs et les horaires de travail ont dû rapidement faire l’objet d’une réglementation, pour des raisons d’ordre public et de saine concurrence. Mais dès les années 1960, la technique a fait évoluer le métier de taxi, avec les possibilités de réservation à l’avance en complément de la maraude.
Aujourd’hui, c’est de nouveau une rupture technologique qui nous oblige à repenser le modèle traditionnel : le développement formidable des technologies de la communication, que certains penseurs un peu lyriques appellent déjà la « numérisation du monde ». La démocratisation des outils numériques vient en effet percuter directement le droit existant. Nous devons aujourd’hui adapter notre législation encadrant les droits du transport léger de personnes à ce saut technologique.
Tel est d’ailleurs le sens de l’initiative du président de l’Assemblée nationale, qui a récemment décidé d’installer une commission parlementaire sur les droits et libertés à l’âge du numérique afin de dégager un corps de doctrine juridique pouvant servir lors de chaque débat législatif. Notre démocratie représentative court le risque de s’essouffler si nous ne parvenons pas à l’adapter à cette révolution. Notre débat est en effet très suivi sur les réseaux sociaux et sur le portail vidéo du site internet de l’Assemblée. Le cadre de la démocratie participative représentative, tel qu’il a été conçu par les philosophes des Lumières, est désormais bousculé par le numérique – saluons toutefois les philosophes des Lumières. Il convient maintenant de trouver les meilleures solutions pour adapter notre activité de représentants du peuple et notre droit à la révolution numérique, comme nous le faisons aujourd’hui pour le transport léger de personnes.
Dès 2009, la majorité précédente avait tenté de créer un nouveau régime. Ce dernier s’est avéré contenir des dispositions plus larges que celles annoncées initialement. De 2010 à 2013, en seulement trois ans, le nombre de véhicules de transport avec chauffeur a quasiment été multiplié par cinq ; or cette croissance fulgurante, accompagnée de l’utilisation des applications dédiées sur smartphone, n’a pas pu être suivie et maîtrisée. Sous prétexte de simplification, nous sommes arrivés à une situation créant des dysfonctionnements et une concurrence inéquitable entre les taxis traditionnels et les VTC, menaçant le secteur d’une déstructuration profonde. Conscient de ces difficultés, le Gouvernement a tenté en 2013 de rétablir un équilibre et de réparer les injustices créées par une concurrence déloyale. Il l’a fait par différentes mesures, dont un décret du 27 décembre 2013. Mais ce décret a été suspendu en référé par le Conseil d’État le 5 février 2014. Nous n’avions dès lors plus d’autre choix que de légiférer sur cette problématique, pour mettre fin aux abus dénoncés dans cette proposition de loi et réguler les activités de VTC.
La proposition de loi que nous allons examiner ne se contente pas de traiter de la problématique des VTC. Elle a pour objectif une modernisation durable de l’ensemble des sujets concernant le transport léger de personnes. Elle vise à moderniser la profession de taxi en l’adaptant aux nouveaux outils numériques et aux nouveaux besoins des clients, mais aussi en améliorant les conditions sociales de certains salariés de grandes compagnies.
Nous savons que les taxis, utilisés par un grand nombre de touristes, ont aussi leur rôle à jouer sur l’image de la France dans le monde.
La proposition de loi a également pour objectif de mettre en place une réglementation plus claire, plus lisible et plus juste pour l’activité de VTC. Il s’agit à la fois de protéger le consommateur, de responsabiliser les intermédiaires, d’améliorer les contrôles, et de simplifier les démarches et le processus d’immatriculation.
Concernant la prise en compte de l’open data, les députés du groupe RRDP sont très favorables à l’organisation d’un registre de disponibilité des taxis : en termes de visibilité et d’adaptation à la demande des clients, cela nous paraît une excellente disposition. Nous sommes tous conscients que, dans des grandes agglomérations comme Paris, il faut moderniser l’offre car le service de taxi dans certaines périodes de pointe, le vendredi soir ou le samedi soir par exemple, n’est pas à la hauteur des attentes. Nous sommes également favorables à l’interdiction de la tarification kilométrique pour les VTC, parce qu’elle est potentiellement un nid de fraude et qu’elle est trop imprévisible pour les clients.
En termes d’occupation de l’espace public et des conditions de contrôle du respect de la réglementation pour les VTC, le texte a été légèrement amélioré en commission du développement durable mais il reste probablement des points à clarifier. Peut-être eût-il fallu essayer de mettre en place un encadrement législatif commun avec des possibilités de dérogations et d’adaptations en fonction de l’activité ?
Au sujet de l’incessibilité des futures licences gratuites, je crois que nous devons être fermes. Nous constatons l’apparition de la spéculation de la part de sociétés commerciales qui espèrent profiter d’un cafouillage juridique. Dans le même temps, beaucoup de chauffeurs de taxi sans licence sont inscrits sur les listes d’attente depuis de nombreuses années, dans l’attente de la délivrance de leur licence, de leur autorisation de stationnement. Dans le même esprit, la double inscription taxi et VTC doit être proscrite : c’est pourquoi nous soutenons sans réserve cette mesure. La multiplication des annuaires en ligne avec une seule rubrique « taxi » comprenant toutes les activités de transport léger de personnes crée une ambiguïté préjudiciable pour le consommateur mais également pour le développement d’une concurrence équitable.
Pour conclure, vous l’avez compris, si nous avons encore des interrogations ponctuelles et si nous espérons que l’examen parlementaire permettra de les clarifier, les députés du groupe RRDP se réjouissent dans l’ensemble des bonnes dispositions contenues dans cette proposition de loi. Elles permettront de donner un cadre rénové à la législation en vigueur et de pacifier des tensions violentes préjudiciables à l’économie du secteur et à l’ensemble des acteurs. Dans ces conditions, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, sachez d’ores et déjà que vous pourrez compter sur notre soutien enthousiaste.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, chers collègues, ces derniers mois, les taxis se sont mobilisés, en France comme dans plusieurs villes d’Europe, pour protester contre la concurrence croissante et déloyale des véhicules de tourisme avec chauffeur et les pratiques de la société californienne Uber, filiale de Google. En France, le ver est dans le fruit depuis la loi Novelli du 22 juillet 2009 qui a rebaptisé les véhicules de grande remise « véhicules de tourisme avec chauffeur » ou VTC, et ouvert à ces derniers la possibilité d’intervenir librement sur l’ensemble du marché de la réservation préalable.
Avant cette loi, les taxis détenaient de fait le quasi-monopole des activités de transport léger de personnes. Il existait concurremment des véhicules dits de « petite remise » ou de « grande remise », mais ceux-ci se positionnaient sur des marchés restreints, comme le haut de gamme ou les longs trajets, parfois même le transport des enfants handicapés.
La loi de développement et de modernisation des services touristiques a permis que se développe une économie parallèle du taxi. Si la loi maintenait sur le papier une distinction claire entre taxis et VTC, les VTC doivent être réservés et n’ont ainsi pas le droit de prendre des clients dans la rue. La souplesse tarifaire et la quasi-exonération de licences ont généré une explosion de l’activité des VTC.
De 2009 à 2013, nous sommes passés de 400 licences de « grande remise » à 300 entreprises de VTC et plus de 10 000 licences. Ce succès, le secteur des VTC le doit également, bien sûr, au développement des dispositifs de géolocalisation, qui brouillent la distinction entre taxis et VTC. Cette révolution numérique a joué un rôle central dans l’essor des VTC. Elle permet en effet à des sociétés comme Uber de proposer des applications qui contournent l’obligation de réservation préalable pour privilégier une forme de maraude électronique qui concurrence directement l’activité des taxis.
Afin de mettre fin à cette concurrence déloyale et assainir le secteur, Jean-Marc Ayrault avait confié à notre rapporteur le soin de conduire une mission de concertation qui a rendu son rapport au mois d’avril dernier. La proposition de loi qui nous est soumise aujourd’hui est la traduction législative, malheureusement incomplète, des propositions formulées dans ce rapport.
Le constat, nous le partageons tous : il est indispensable et urgent de remédier aux déséquilibres et aux inégalités qui pénalisent l’exercice de l’activité de taxi et représentent une menace sérieuse pour la pérennité de cette profession réglementée, riche d’une histoire et d’une culture professionnelle qu’il faut défendre et préserver.
Si le développement des VTC ulcère les chauffeurs de taxi, ce n’est pas seulement en raison du décalage entre des conditions d’exercice très réglementées d’un côté et incontrôlées de l’autre, c’est aussi parce que la concurrence des VTC est une parfaite illustration des dérives de la dérégulation libérale et des risques sociaux qui s’y attachent. Violation délibérée de la réglementation, main-d’oeuvre flexible, conditions de travail déplorables, faible participation aux cotisations sociales, optimisation fiscale : telles sont quelques-unes des graves dérives observées sur la dernière période.
La proposition de loi qui nous est soumise entend, au premier chef, rééquilibrer les conditions d’exercice des acteurs économiques du secteur, fixer des règles du jeu et un cadre commun à l’ensemble du transport routier léger de personnes. L’intention est louable. Nous tenons d’ailleurs au passage à saluer l’excellent travail conduit ces derniers mois par notre collègue. Par contre, nous regrettons que la proposition de loi dont nous débattons soit en retrait sur certaines propositions formulées dans le rapport de la mission de concertation. Nous déplorons surtout que le texte normalise et banalise les VTC, que vous proposez d’ailleurs de rebaptiser « véhicules de transport avec chauffeur » au lieu de « véhicules de tourisme avec chauffeur ».
Si le vote de la présente proposition de loi doit aller de pair avec la fin du moratoire et la réouverture des vannes des immatriculations de nouveaux chauffeurs VTC, il est légitime de nous interroger sur la question de savoir si les mesures d’encadrement des VTC que vous nous proposez sont suffisantes.
En interdisant le cumul, pour un même conducteur, des activités de taxi et de VTC, en interdisant aux VTC toutes les formes de maraude, assimilables au racolage sans réservation préalable sous peine d’une amende de 15 000 euros et un an d’emprisonnement, comme le prévoit l’article 10, le texte propose, certes, des avancées mais celles-ci restent fragiles au regard de ce que l’on observe sur le terrain. Le fait de sanctuariser le monopole des taxis sur le marché de la maraude dans leur zone de rattachement ne suffira pas à empêcher les VTC de continuer, sur le terrain, à stationner illégalement sur la voie publique ou à prendre des clients à la volée dans la rue.
Pour que les VTC se cantonnent au marché des courses avec réservation préalable, il faut des garde-fous plus solides. C’est dans cet esprit que le Gouvernement avait proposé un temps préalable de réservation de quinze minutes, un temps beaucoup trop court mais qui a été invalidé par le Conseil d’État.
D’autres propositions ont, depuis, été mises sur la table : instaurer un montant de course minimal pour les VTC, leur interdire le statut d’auto-entrepreneur, leur imposer un retour dans leurs bases arrières après chaque prestation. Nous avons, pour notre part, déposé un amendement visant précisément à ce que les VTC soient contraints, entre deux courses, de revenir à leur point de départ. Quelle que soit la solution ou la rédaction retenue, une chose est sûre : les chauffeurs de taxi attendent un engagement plus fort des pouvoirs publics pour que la séparation des activités soit effective et que les forces de l’ordre puissent effectivement sanctionner ceux qui, aujourd’hui, contournent impunément la loi.
Outre les interrogations que soulève l’absence dans le texte d’une définition précise et claire de l’interdiction faite aux VTC de stationner sur la voie publique sans réservation préalable, la proposition de loi souffre de quelques insuffisances.
La possibilité pour les VTC d’opter pour une tarification à la durée entretient ainsi la confusion avec l’activité de taxi. Nous vous proposerons donc, par voie d’amendement, que la tarification à la durée ne puisse intervenir que pour les prestations d’une durée supérieure à trois heures. De même, alors que le moratoire sur la délivrance des licences permettait pourtant d’entrevoir ou d’espérer une régulation des délivrances d’autorisation des VTC, le texte ne pose aucune limite aux immatriculations de VTC. C’est à nos yeux, là aussi, une grave insuffisance, d’où notre proposition de fixer annuellement un numerus clausus. Il est essentiel pour la sauvegarde de la profession de taxi et la viabilité de l’ensemble de ce secteur économique que les pouvoirs publics gardent la maîtrise du nombre de véhicules en circulation, sur le fondement d’une connaissance précise du marché. Or c’est l’une des failles majeures du système actuel.
Le texte propose par ailleurs une série de mesures plus spécifiques aux taxis. Vous proposez ainsi la création d’un registre public de disponibilité des taxis, ayant pour finalité le développement de services électroniques de géolocalisation. Vous suggérez aussi, ce qui nous semble assez superflu, que des signes distinctifs communs aux taxis, notamment une couleur unique, permettent de mieux les identifier.
Vous proposez ensuite, et surtout, l’extinction du statut de locataire taxi au profit des statuts de salariés et de location-gérance, un statut un peu moins défavorable aux chauffeurs que la location proprement dite. Cette mesure représente une avancée sociale indéniable, qui ne peut que contribuer à améliorer les conditions sociales d’exercice de la profession de taxi, alors que les contrats actuels placent les locataires dans des situations intenables, leurs charges fixes allant jusqu’à 4 500 euros par mois sans leur permettre de disposer des garanties de droit commun des salariés, notamment d’une assurance chômage.
Vous proposez par ailleurs de rationaliser l’attribution des licences gratuites de façon que celles-ci aillent par priorité aux chauffeurs exerçant véritablement le métier de taxi. Il s’agit, là aussi, d’une avancée appréciable, compte tenu des dérives auxquelles le système actuel ouvre la voie. Nous vous proposerons un amendement visant, dans le même esprit, à mieux garantir que les attributions aillent par priorité aux locataires, autrement dit aux chauffeurs les plus fragiles économiquement.
En conclusion, si la proposition de loi présente l’inconvénient majeur de normaliser et banaliser l’existence des VTC et présente des failles dans leur encadrement, elle propose par ailleurs des améliorations, comme la disparition du statut de locataire taxi. Elle représente quelques avancées indiscutables mais que nous ne jugeons toutefois pas suffisantes, en l’état, pour répondre aux préoccupations exprimées à maintes reprises par les chauffeurs de taxi, eu égard aux conditions d’exercice de leur profession, de la pression à la baisse des normes et des rémunérations qu’implique la concurrence agressive des VTC.
Du sort qui sera réservé à nos amendements dépendra donc notre vote final.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le groupe socialiste se félicite du travail formidable réalisé par Thomas Thévenoud au cours de ces derniers mois. Contrairement à ce que j’ai pu entendre tout à l’heure, nous avons pris le temps d’élaborer le texte qui nous est soumis aujourd’hui. En effet, Thomas Thévenoud a été chargé d’une mission par le Premier ministre au mois de février dernier, lors des événements qui ont agité la profession des taxis en réaction à l’arrivée des VTC sur le marché. Nous sommes au mois de juillet, à pied d’oeuvre, et nous souhaitons légiférer le plus rapidement possible, pour la raison que j’ai évoquée tout à l’heure. Il y a aujourd’hui un gel des immatriculations des VTC qui leur est préjudiciable et qui pourrait d’ailleurs faire l’objet de recours s’il devait se prolonger. Plutôt que de le lever tout simplement par une mesure administrative ou une décision du ministre, nous avons décidé de le lever dans un nouvel environnement réglementaire qui d’ailleurs était porté par la revendication du mois de février dernier. C’est une réponse à une crise, et à une crise qui était hautement prévisible, qui avait été analysée avant que Thomas Thévenoud ne le fasse, mais peut-être moins en détail et de façon beaucoup moins prescriptive.
La nécessité de légiférer ne fait donc aucun doute ; nous y avons répondu. Le travail du rapporteur doit être souligné pour sa mesure et son équilibre. Dans un domaine qui, comme bien d’autres, se modifie considérablement, le rapporteur a su préserver ce que nous avons hérité de plus précieux du passé, comme cela a été évoqué tout à l’heure. Les services de taxi demeureront toujours très actifs dans l’ensemble des grandes agglomérations et ont encore un très grand avenir, peut-être plus encore chez nous que dans d’autres pays, puisque nous avons encore des agglomérations congestionnées alors qu’il a été mis de l’ordre dans d’autres pays, où seuls les taxis accèdent au centre-ville. Quelques villes françaises ont adopté ce système, comme à Strasbourg. Il faut aussi prendre en compte les nouveaux besoins de services et les nouvelles attentes de la clientèle, qui ont été d’une certaine façon révélés par l’autorisation des VTC, chez nous comme dans d’autres pays, mais aussi par d’autres modes de transport de particuliers, qui sont de plus en plus diversifiés, comme les transports partagés, le covoiturage qui concerne le transport longue distance et l’Autolib’.
Ce texte vise deux grands objectifs : encadrer les VTC et moderniser la profession de taxi. Pour ce faire, il a un centre de gravité : le monopole de la maraude. C’est la clé du texte. Thomas Thévenoud nous propose de reconnaître ce qui, par le passé, a été l’histoire des taxis et doit être confirmé, mais il a aussi l’audace de nous proposer une définition de la maraude électronique, car nous vivons dans le monde de l’électronique, dans le monde de la géolocalisation, dans le monde des nouvelles techniques d’information et de communication.
Pour les VTC, il s’agit d’un cadre qui les fait basculer dans la LOTI, la loi d’orientation des transports intérieurs, c’est-à-dire dans le code des transports. Ils sont d’ailleurs nommés : ce ne sont plus des « véhicules de tourisme avec chauffeur » mais des « véhicules de transport avec chauffeur », ce qui ouvre certaines garanties, comme la capacité professionnelle, la garantie financière, l’assurance. Le texte confirme que les VTC ne peuvent être requis que par réservation, ce qui les distingue des taxis. Il en limite la maraude électronique. Enfin, nous examinerons tout à l’heure un amendement qui les oblige à se garer sur la voie publique ou dans des parkings, sans faire de maraude, ce qui les distingue, encore une fois, des taxis.
Quant aux taxis, on les ouvre à l’open data, c’est-à-dire qu’on les incite à se moderniser, ce qui leur permettra probablement d’augmenter leur chiffre d’affaires et d’améliorer le service rendu. On met fin à la location, dont tout le monde a reconnu le caractère archaïque, peu digne et de moins en moins compatible avec les aspirations au droit du travail. On met également fin, progressivement, aux licences et à ce marché curieux de droit d’occupation du domaine public qui s’est développé dans le secteur des taxis. On leur demande de se doter de signes d’identification et d’accéder aux moyens électroniques de paiement, ce qui, dans le pays qui les a inventés, me paraît être la moindre des choses.
Il faut penser aussi que les taxis représentent souvent le premier contact avec notre pays. J’imagine à quel point un étranger qui arrive à Orly ou à Roissy-Charles-de-Gaulle peut être stupéfait de ne pas pouvoir payer la course avec une carte de crédit. Au total, nous sommes donc parvenus à un texte très équilibré.
Je voudrais dire un mot des amendements du groupe SRC.
Nous avons pris soin que les maires ruraux soient informés de ce qui se passe concernant les VTC.
Oui, nous avons considéré qu’il fallait porter à cinq ans, plutôt qu’à trois ans, les immatriculations des VTC et les demandes de renouvellement. Surtout, nous avons déposé un amendement très important sur les motos-taxis, qui vise à les encadrer, de manière à ce que ce texte soit aussi complet que possible. C’est pourquoi le groupe SRC le votera d’enthousiasme.
Tout d’abord, je veux saluer, remercier, féliciter Thomas Thévenoud pour son travail.
Sourires.
Monsieur le rapporteur, cher Thomas Thévenoud, je tiens à vous remercier et à vous féliciter pour votre travail. En effet, les choses n’étaient pas simples, compte tenu notamment de ce qu’avait laissé la majorité précédente. Je pense à la réglementation issue de la loi de 2009, qui a livré les taxis à l’anarchie, à la loi de la jungle et à celle du plus fort.
Sous prétexte de modernisation, on a déstabilisé l’ensemble d’un marché et d’une profession, sans prendre la moindre précaution. À cet égard, la comparaison entre les deux périodes est éclairante. De 2009 à 2014, pendant cinq ans, nous avons été dans l’instabilité, la crainte ; les chauffeurs de taxi craignaient pour leur activité et leur patrimoine. Or, en quelques semaines, avec le travail de Thomas Thévenoud, soutenu par notre majorité, nous avons abouti à un texte qui me paraît équilibré.
Je voudrais aussi parler des taxis et des VTC. L’objectif n’est pas d’instruire le procès de l’innovation technologique, des VTC ni de telle ou telle firme. En aucun cas je ne souhaite que notre débat d’aujourd’hui soit perçu, à l’extérieur de cette enceinte, à travers l’opposition entre taxis et VTC, qui ne serait d’ailleurs qu’une posture – mot qui rime avec caricature.
Ce dont nous discutons, c’est de la manière d’intégrer l’innovation dans notre économie. Je veux parler des taxis, parce que le métier n’est pas simple : onze heures de travail quotidien, six jours sur sept, et cela pour arriver seulement à l’équilibre. Ce sont des prolétaires des temps nouveaux, avec une protection sociale en dessous de tout, notre collègue Carvalho le disait très justement. En même temps, il nous faut prendre en compte la spécificité du marché.
C’est aussi une école de la vie – je le dis en tant que parlementaire de la Seine-Saint-Denis. Combien de taxis avons-nous rencontrés, diplômés de pays étrangers, ayant choisi la France par amour et trouvant dans le taxi la seule activité professionnelle qui leur permette, à la sueur de leur front, de préserver leur dignité et de faire vivre leur famille ! Combien de jeunes ont vu dans le taxi une opportunité d’entrepreneuriat, la possibilité de s’installer, de travailler, d’entrer en relation avec une banque, d’essayer successivement différents statuts, en partant de la location !
D’ailleurs, je pense qu’il faudra que nous ayons une discussion sur la location, qui est souvent la première porte d’entrée pour celui qui veut devenir taxi. Je veux bien qu’on mette à bas ce statut, mais, avec la location-gérance, les chauffeurs de taxi devront réunir des dizaines de milliers d’euros pour pouvoir s’installer, alors qu’hier, il leur suffisait de passer les capacités d’usage pour entrer dans le métier.
J’ai entendu avec joie – je retirerai d’ailleurs dans le cours du débat les amendements que j’avais déposés sur le sujet – la décision prise concernant le retour à la base. Il faut être très clair et ne pas en revenir aux turpitudes qui ont caractérisé le dispositif de 2009 : si l’on dit non à la maraude, alors il faut aller jusqu’au bout : non à la maraude, cela veut dire qu’il y a une base et c’est la remise en question de la possibilité de se faire héler. Dans la pratique, cela suppose donc de devoir se garer – et pas n’importe où. C’est pourquoi j’attendrai du rapporteur et du Gouvernement une explication sur la déclaration préalable de ceux qui s’inscrivent en tant que VTC. Il ne suffit pas de dire : « Vous ne pouvez pas vous garer. » Encore faut-il demander : « Où avez-vous prévu de vous garer ? »
Je terminerai en faisant le lien avec le travail que Thomas Thévenoud et moi-même avons accompli s’agissant de la loi sur la consommation, dans ses articles 74 et 75 : ce nouveau texte ne vise pas seulement les taxis et les VTC ; il s’agit aussi de défendre les consommateurs, comme le montrent les dispositions relatives à la tarification et à la coresponsabilité.
Loi d’ordre économique, loi de régulation, loi de progrès, loi de dignité pour les taxis et loi de défense des consommateurs : c’est avec grand plaisir que nous prenons part à ce débat.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, j’apprécie les propos que vient de tenir mon prédécesseur, qui est devenu d’un seul coup le Homère des taxis. C’est bien.
Il a raison, parce que c’est une belle profession et pour rien au monde je ne voudrais me fâcher avec elle, vu que j’ai recours à elle régulièrement.
On l’a dit et je le répète, les taxis sont les premiers que les touristes rencontrent. Ils sont le premier contact avec notre pays de l’étranger qui vient nous voir.
Les étrangers, nous les aimons bien, nous, voyez-vous : nous les aimons beaucoup plus que vous !
Les taxis ont eu raison de se révolter. M. Valls n’était pas là pour les fouetter à l’époque, mais ils ont bien fait de se révolter, parce qu’ils sont dans une situation très difficile. La profession est réglementée, ils sont surveillés et ceux que l’on appelle les « boers » exercent sur eux une police tatillonne.
Nous avons bien fait de réagir, mais nous sommes allés vite : cet excès de vitesse législatif, déjà évoqué tout à l’heure, fait que, malheureusement, comme toute proposition de loi, ce texte est dépourvu de toute étude d’impact. Nous n’avons donc aucun élément statistique ; il faut bien le savoir.
Le constat du rapporteur est à mon avis pertinent. J’espère qu’on ne va pas m’interrompre au moment où je dis cela. La loi Novelli faisait la part trop belle aux VTC.
Devant cette concurrence, il fallait défendre la profession des taxis, sur-réglementée et trop souvent persécutée – notamment dans les aéroports – par la police. Les taxis n’ont pas pu tenir le choc contre les VTC, lesquels représentent, à Paris, 10 % des entreprises concernées.
Certes, il est salutaire d’encadrer les VTC, mais il y a quand même dans votre texte des lacunes. Il faut les évoquer pour essayer de les combler.
D’abord, le texte est muet sur les motos-taxis, alors même que la demande, désormais, est tout sauf négligeable et notoirement solvable.
Ensuite, sur l’interdiction de la maraude électronique pour les VTC et son autorisation pour les seuls taxis, nous n’avons pas d’éléments de contrôle. C’est très difficile, je le reconnais, mais nous n’avons pas d’éléments de contrôle.
Par ailleurs, il y a un manque de cohérence entre les articles 5 et 6. On envisage d’interdire le cumul des professions de taxi et de VTC ; on raison. En même temps, toutefois, on décentralise les registres au niveau régional. Prenons garde aux abus possibles, en particulier dans les régions limitrophes de l’Île-de-France. Il me semblerait donc très important de prévoir une interconnexion nationale entre des fichiers qui n’auraient plus de régionaux que le nom.
Enfin, je rejoins nombre de nos collègues qui ont souligné certaines absences. Quid de l’environnement, avec l’absence d’un statut préférentiel pour les véhicules peu polluants ? Quid du patriotisme économique ? Aucun dispositif qui permette de privilégier les véhicules vendus par les constructeurs français ou fabriqués en France. On aurait pu quand même faire un effort de ce point de vue-là. Il faut défendre les chauffeurs de taxi. Ils exercent un métier difficile, souvent dans des conditions pénibles, et tout texte qui viendra renforcer leurs droits sera ici le bienvenu.
Je veux d’abord saluer à mon tour le travail considérable accompli par notre rapporteur – plus de 170 heures d’audition et de dialogue – qui nous permet aujourd’hui d’examiner un texte équilibré, qui peut contribuer à régler un certain nombre de problèmes.
Je voudrais insister sur trois convictions, au moment où nous abordons ce débat.
La première, c’est qu’il faut que nous adoptions une approche économique de cette question. Plusieurs milliers d’emplois sont en jeu, de même que le développement de tout un secteur. À cet égard, il ne faut pas raisonner comme si nous étions en présence d’un marché fini : le marché du transport de personnes, en particulier en Île-de-France, a vocation à se développer. Disons-le clairement : il y a de la place pour tout le monde, pour tous les modes de transport.
Deuxième conviction : nous ne devons pas freiner l’innovation. C’est d’ailleurs ce que dit le Gouvernement : l’innovation, c’est la croissance, ce sont les emplois de demain, notamment dans les services. On voit, sur ce sujet, à quel point l’innovation est un élément moteur.
Il est vrai que l’innovation remet en question des habitudes, en particulier dans la profession dont nous discutons aujourd’hui. Les taxis souhaitent – et c’est bien légitime – continuer à exercer leur profession. Toutefois, l’innovation est aussi un vecteur de croissance. À cet égard, j’ai bien entendu ce que nous a dit le rapporteur : le texte contient des éléments d’innovation tout à fait intéressants, mais l’innovation ne se décrète pas. Ayons conscience que, dans le secteur dont nous parlons, l’innovation n’est pas venue du secteur traditionnel. C’est un constat. Pour qu’il y ait innovation, il faut aussi qu’il y ait adhésion et volonté d’avancer. Sur ce point, je le dis clairement au Gouvernement et au rapporteur : je ne partage pas leur point de vue sur l’interdiction de la géolocalisation pour les VTC ; nous en reparlerons. J’ai déposé un amendement, comme l’ont fait d’autres collègues – M. Belot, par exemple –, car je considère que cette interdiction est excessive, notamment au regard de la nécessité d’innover.
Troisième conviction : ces professions doivent rester ouvertes. M. Hammadi l’a très bien dit : pour nombre de nos concitoyens, elles offrent des perspectives d’emploi et d’intégration. Il faut donc impérativement éviter de les réglementer à l’excès.
On parle beaucoup des intermittents du spectacle. Eh bien, savez-vous qu’à Paris certains sont aussi chauffeurs de grande remise ou ont d’autres activités dans ce secteur ? Il me semble heureux qu’un certain nombre de catégories puissent exercer ces professions, y compris en complément d’une autre activité. J’ai d’ailleurs déposé plusieurs amendements visant à garantir l’ouverture du métier de VTC – tout en ayant conscience que le transport de personnes suppose un certain nombre d’obligations –, car je suis convaincu que cette activité est particulièrement importante et intéressante pour certains de nos concitoyens.
Je tiens à insister une fois encore, en conclusion, sur la qualité du travail accompli. Je me félicite de l’occasion qui nous est donnée de discuter de ces questions ici, afin de proposer un cadre législatif pérenne qui favorisera le développement de cette activité dans de bonnes conditions.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, avec le texte d’initiative parlementaire qui nous intéresse ce matin, nous sommes typiquement au coeur de ce que doit être notre rôle de parlementaires : écrire la loi pour régler des problèmes concrets rencontrés par nos concitoyens – en l’occurrence, la concurrence à laquelle les chauffeurs de taxi et de VTC se livrent depuis des années.
Elle a atteint un point culminant au mois de février dernier avec des grèves, des blocages, des altercations et, même des violences qui ne servent personne, ni les chauffeurs de taxi, ni ceux des VTC…
…ni, bien évidemment, les consommateurs.
S’est ensuivie la médiation menée par notre rapporteur, Thomas Thévenoud, dont je tiens à saluer le travail – comme les autres orateurs l’ont fait avant moi –, en particulier les trente propositions qu’il a listées dans son rapport et qui ont débouché sur la présente proposition de loi.
Le problème ne date cependant pas d’hier. Plus globalement, c’est le métier de taxi qui traverse une crise depuis de nombreuses années mais, pendant longtemps, les gouvernements successifs ont jugé qu’il était urgent d’attendre et de ne pas prendre de décision.
Le premier fait marquant de cette proposition de loi, finalement, c’est son existence même. En effet, notre majorité a eu le courage de se saisir de l’ensemble du problème : tous les acteurs du dossier ont été écoutés au cours des 170 heures d’auditions et les questions qu’ils ont soulevées – même les plus complexes – ont été étudiées sous tous les angles.
Cette méthode, faite de dialogue et de concertation, tranchent radicalement avec la dernière attaque législative que les taxis ont dû subir. Je me souviens très bien des débats sur le projet de loi Grenelle II et, notamment, d’un amendement UMP, voté très discrètement en commission, qui visait à supprimer, du jour au lendemain, le monopole des taxis parisiens sur la liaison avec Roissy, sans qu’aucune discussion ait eu lieu ni, surtout, sans qu’aucune conséquence ait été prévue. Heureusement, la majorité de l’époque avait fini par reculer ; heureusement, nous n’employons pas aujourd’hui les mêmes méthodes.
La proposition de loi que nous examinons ce matin est équilibrée – les orateurs, quelle que soit leur appartenance politique, l’ont souligné – et permet à tous les professionnels de continuer leur activité sans remettre en cause l’existence des autres.
Le métier de taxi est enfin modernisé. Grâce à l’open data géré par l’État, les chauffeurs pourront géolocaliser leurs disponibilités ; ils disposeront d’une couleur unique et de dispositifs d’identification spécifiques facilitant leur repérage par les clients. Or, ne serait-ce que sur ce point précis, cela fait des années que les discussions se poursuivent.
La profession de VTC, quant à elle, sera désormais encadrée, ce que la loi qui l’a instituée en 2009 ne prévoyait pas. Elle bénéficiera d’une clarification juridique, très attendue, ce qui nous permettra de sortir du flou dans lequel nous sommes actuellement – je pense à la distinction précise édictée et fondée sur la maraude électronique ou dans la rue, à laquelle Gilles Savary a longuement fait référence ; nous aurons l’occasion d’y revenir dans la discussion des articles.
Ce texte, d’ailleurs, ne se limite pas aux taxis et aux VTC mais concerne d’autres formes de transports légers de personnes – je pense, en particulier, à un amendement, présenté par notre groupe, visant à encadrer – enfin ! – l’activité des motos-taxis, qui s’est développée de manière assez anarchique ces dernières années. Il me semble normal d’exiger que ces conducteurs soient titulaires d’un certificat professionnel, qu’ils aient une expérience d’au moins trois ans ainsi qu’une assurance spécifique liée à leur activité. Je suis persuadée que le Gouvernement partagera notre point de vue.
Dans ce débat, en effet, il n’y a pas d’un côté les bons et les mauvais, les vainqueurs et les vaincus.
Le texte de la proposition est équilibré ; il fixe les droits et les devoirs de chacun, dans l’intérêt de la société.
On peut comprendre les positions des acteurs en présence. Certains chauffeurs de taxi se sont très lourdement endettés pour avoir le droit de travailler, ce qui est tout de même assez singulier ; les VTC, quant à eux, ont profité d’une demande importante et du développement des applications sur smartphone renouvelant les relations avec les clients, ainsi que de l’existence d’une main-d’oeuvre nombreuse en raison de la crise que nous traversons.
La légitimité de chacun est patente puisque l’on se bat pour conserver son travail. C’est justement dans ce genre de situation que la puissance publique doit permettre une sortie par le haut. Je pense que ce texte propose justement les réponses adaptées pour que la tension redescende et que les différents acteurs puissent cohabiter dans le respect mutuel, ce qui bénéficiera bien entendu aux clients et aux consommateurs.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, chers collègues, dans cet hémicycle, nous avons bien souvent l’occasion d’aborder deux types de texte : d’une part, ceux qui orientent nos politiques publiques et qui construisent la France de demain à partir d’un projet de société et de développement et, d’autre part, ceux qui sont issus d’une problématique spécifique, d’une difficulté, d’un problème que nous devons résoudre. Rien de moins noble ni de moins prospectif que cela mais, souvent, l’urgence, la pression, voire l’émotion qui s’attachent à ce second type de texte sont peu compatibles avec la sérénité indispensable à l’accomplissement d’un bon travail législatif.
Le texte que nous étudions ce matin relève très largement de la seconde catégorie, tant le conflit entre taxis et VTC a connu un pic, en particulier lors la période sensible des élections municipales. Nous nous devons donc d’autant plus d’apporter une réponse législative à la crise. Je salue, à cet égard, le courage de Thomas Thévenoud qui a déposé une proposition de loi dans ce contexte compliqué.
Bien sûr, comme les orateurs précédents l’ont dit, nous allons traiter de certains problèmes que rencontrent les taxis et les VTC mais, pour autant, en rester à ce simple stade reviendrait à nier l’ampleur des conséquences de ce que nous nous apprêtons à décider.
En effet, parce que ce texte est le fruit d’un conflit sensible, parce qu’il touche aux innovations et aux nouveaux services, les messages que nous porterons dépasseront largement la question des transports de personne.
Mais alors, de quoi parlons-nous exactement ?
Assurément, de mobilité. Ces moyens de transport sont aujourd’hui très largement réservés à une clientèle ayant les moyens ou n’ayant pas le choix. Comment envisager les déplacements dans nos aires urbaines si nous ne les démocratisons pas, de même que leurs tarifs ?
De tourisme, également – il en a été beaucoup question. Bien souvent, après l’agent des douanes, le chauffeur de taxi ou de VTC est en effet le premier visage que voient les touristes ; pour ces gens, ils sont le premier visage de la France. Dès lors, comment accepter que cette activité s’exerce d’une manière qui est parfois à la limite de l’acceptable – le refus ou l’impossibilité du paiement par carte bleue en sont une illustration particulière ?
C’est pourquoi je salue le travail pertinent du rapporteur, non seulement en raison des propositions qu’il a formulées, mais aussi parce qu’il a su faire en sorte que tous les acteurs s’approprient l’ensemble des problématiques. C’est important de le souligner parce que chacun se devait de connaître ce que vivent les uns et les autres.
C’est bien sur la base de cette réalité et à l’occasion de la possibilité offerte par la loi de développement et de modernisation des services touristiques que les offres de VTC sont apparues. Le fondateur d’une des plus grosses sociétés dans ce domaine – les esprits les plus retors y verront une certaine forme d’ironie – a d’ailleurs eu l’idée de ces applications pour smartphones lors d’un séjour dans notre capitale.
C’est bien là qu’une nouvelle facette de ce texte se fait jour : au-delà du débat entre taxis et VTC, au-delà de la question du tourisme, au-delà d’un nouveau vecteur d’entreprenariat, c’est bien d’innovation que nous parlons. Quelle image donnerions-nous à tous les Français qui veulent entreprendre, innover et concevoir – d’une manière générale, mais aussi, plus particulièrement, dans le domaine du numérique, notamment des logiciels et des applications développés par des start-up – si nous leur interdisions d’utiliser les innovations qu’ils ont créées, alors même que nous les donnerions à ceux qui n’ont pas pu – ou su – évoluer ?
Je ne méconnais pas les réalités, en particulier fiscales, des sociétés de centrale de réservations mais je n’ignore rien, non plus, des pratiques de certaines sociétés de loueurs de plaques.
Voilà les défis qui se présentent au moment d’entamer la discussion de ce texte. Ils dépassent donc le seul règlement des taxis et VTC ; les deux professions doivent sortir gagnantes du texte que nous adopterons aujourd’hui.
Alors, mes chers collègues, inscrivons nos travaux dans l’esprit des propos qu’a tenus le Président de la République devant de jeunes créateurs de start-up français à San Francisco au mois de janvier dernier : « La France doit reconnaître le dynamisme de ses entrepreneurs et favoriser l’esprit d’initiative ». Je n’en doute pas : c’est ce qui guidera nos travaux aujourd’hui. Nous devons aux Français, aux touristes étrangers qui viennent dans nos villes – à Paris particulièrement – un service de qualité, une offre diversifiée, des services pour chacun, une juste place pour tous.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, une remarque tout d’abord sur les conditions dans lesquelles nous sommes amenés à débattre : alors que nous abordons une question majeure pour l’avenir de la profession de taxi et celle des voitures de transport avec chauffeur, le Gouvernement a choisi d’engager une procédure accélérée qui, à mon sens, ne favorise pas vraiment le débat parlementaire. Cette proposition de loi sera ainsi discutée dans la précipitation, malgré les enjeux en termes d’attractivité, d’emploi et d’innovation. Je regrette cet empressement dû au mécontentement des chauffeurs de taxi et de VTC.
Force est en effet de constater que vous n’avez pas traîné : pressés par les chauffeurs de taxis inquiets – ce qui peut d’ailleurs se comprendre – et dont la grève a paralysé une dizaine de grandes villes le 11 juin dernier, vous avez déposé ce texte dès le 18 juin.
Aussi, même s’il est grand temps de mettre fin au conflit et que la nécessité de légiférer semble évidente, nous devons rester vigilants dans le contexte d’un examen contraint par les délais.
La cohabitation entre taxis et VTC est de plus en difficile et le besoin de rééquilibrage réel. La présente proposition tente donc de trouver des solutions. La profession de taxi a sérieusement besoin d’être modernisée pour être rendue plus compétitive. Très, voire trop réglementée, elle a aujourd’hui pour seul avantage évident le monopole de la maraude, laquelle repose sur la détention d’une licence achetée fort cher – 200 000 euros environ, parfois plus, autrement dit un tarif prohibitif et inacceptable pour les artisans.
Or, avec l’apparition en 2009 des VTC, non soumis à des tarifs réglementés ou à l’obligation d’acheter ou de louer une licence, les taxis ont dû faire face à l’apparition d’une concurrence de taille.
C’est vrai que, lorsqu’on arrive à Roissy, on peut être surpris, mais comparons avec d’autres pays. À l’aéroport de Moscou, il faut se battre pour savoir quel prix on va payer et, à Pékin, vous avez des chauffeurs qui non seulement ne prennent pas la carte de crédit mais, en plus, ne comprennent aucun caractère latin. À Paris, ce n’est pas extraordinaire mais il ne faut pas noircir la situation. Il y a un certain nombre de pays où elle est bien pire.
Les VTC se sont développés grâce à la révolution numérique, et le retard des taxis, notamment en matière de géolocalisation, les a empêchés encore un peu plus de faire face à cette concurrence. Ce texte cherche donc à moderniser une profession en retard sur son temps, notamment en lui permettant d’accéder à la maraude électronique tout en l’interdisant aux VTC.
Si cette proposition de loi présente des mesures essentielles et même indispensables, elle n’est, à mon sens, pas encore assez ambitieuse. En effet, même si je suis favorable à la création d’un registre numérique, dit d’open data, géré par l’État, avec une inscription gratuite et non obligatoire, je ne suis pas convaincu en revanche de la pertinence, sur le plan juridique, de réunir dans le même concept la maraude sur la voie publique et la maraude électronique. S’il fallait une réservation préalable pour les VTC, il y aurait une forme de logique, mais le texte semble manquer de clarté à ce sujet.
Pour l’autorisation de stationnement, à savoir les licences, il est proposé la création d’une licence incessible, ce qui apparaît comme une solution appropriée si elle est associée à la fin du numerus clausus en zone tendue.
Cependant, je crains qu’à trop vouloir renforcer l’encadrement des véhicules de tourisme avec chauffeurs, nous ne donnions un trop grand coup de frein à ce marché en plein essor, qui, comme cela a été souligné, peut être créateur d’emplois. Aujourd’hui, il y a une offre plus vaste qui bénéficie aux usagers et qu’il serait dommage de trop contraindre. Il ne faudrait pas que ce soit la clientèle qui subisse les conséquences de cette proposition de loi.
Nous devons laisser le choix nos compatriotes. Les VTC offrent une gamme de produit différente, avec, par exemple, la possibilité de choisir le chauffeur ou la formule du forfait. Il ne faut pas oublier non plus que ce secteur peut représenter un réel réservoir d’emplois.
Si le nombre de VTC et de taxis s’accroît suffisamment, nous pourrons alors compter aisément sur l’un ou l’autre de ces deux moyens de transport. La conséquence directe pourrait être une baisse des prix. Les professionnels pourraient également décider d’utiliser leur véhicule personnel, ce qui serait un coup de pouce pour régler les problèmes de stationnement que connaissent de nombreuses grandes villes françaises.
En conclusion, le texte examiné aujourd’hui, préparé, hélas ! dans la précipitation, ne tient pas assez compte de la complexité du sujet et des enjeux que j’ai pu évoquer. Je resterai donc réservé sur cette proposition de loi.
J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.
Permettez-moi tout d’abord, monsieur le rapporteur, de vous dire toute mon estime pour le travail que vous avez effectué sur un sujet extrêmement complexe, que l’élu parisien que je suis depuis longtemps connaît un petit peu.
Il faut en effet tenir compte à la fois des besoins des Parisiens, du caractère extrêmement sensible, sur le plan social, du sujet – les chauffeurs de taxi travaillent énormément et gagnent peu –, mais aussi des besoins de notre capitale, qui reçoit chaque année plus de 70 millions de touristes pour qui, on l’on dit et répété, le déplacement en taxi constitue le premier contact avec la France. En outre, le secteur est confronté à des transformations technologiques considérables, avec l’arrivée de la géolocalisation et des dispositifs permettant de localiser les taxis en temps réel, les opérateurs n’étant d’ailleurs même plus situés en France.
Tout cela est donc très compliqué socialement, comme cela l’est pour le législateur et le Gouvernement. C’est dire si, à l’UMP, nous avons regardé votre proposition avec intérêt et compréhension.
En revanche, j’ai un certain nombre de réserves, notamment sur l’article 1er, sur lesquelles je voudrais insister.
La réserve principale concerne le diagnostic. Vous écrivez, dans votre rapport, que l’offre à Paris est suffisante mais qu’elle est mal répartie. C’est un vieux débat que les élus parisiens ont avec les responsables de la profession. En fait, on est dans un système malthusien d’une organisation professionnelle qui dépend du ministère de l’intérieur, avec des licences très chères. Il y a 18 000 taxis à Paris. Les professionnels vous diront que, au prorata de la population, c’est le même nombre qu’à New York. Ce n’est pas du tout la vérité car, à New York, les taxis travaillent vingt-quatre heures sur vingt-quatre, ce qui n’est pas le cas en France.
Je vais faire court alors.
Tant que vous n’aurez pas touché aux licences, vous continuerez à courir derrière les nouveaux compétiteurs.
De la même façon, vous continuerez de courir derrière la technologie. Je ne vois pas très bien, en effet, comment l’article 1er permettrait d’empêcher d’autres opérateurs d’avoir les mêmes services de géolocalisation.
Je me réjouis, monsieur le président, que l’on puisse approfondir un sujet aussi important. Je suis navré de voir comment sont conduits les débats. Quoi qu’il en soit, j’espère que la sagesse de l’Assemblée prévaudra.
À l’article 1er, je suis saisi de plusieurs amendements.
La parole est à M. Razzy Hammadi, pour soutenir l’amendement no 75 .
Si vous le permettez, monsieur le président, je défendrai en même temps l’amendement no 76 puisqu’ils ont le même objet.
Nous sommes devant un cas pratique, je dirai même un cas d’école de ce à quoi la représentation nationale sera de plus en plus confrontée dans les années qui viennent, à savoir la nécessité de prendre en compte, dans les décisions que nous prenons, l’évolution du numérique, avec les bouleversements économiques qu’elle entraîne.
Mettre en place l’open data, même sur la base du volontariat, mérite à tout le moins que l’on prenne la précaution de lancer une expérimentation de dix-huit mois, au terme de laquelle le législateur se verra remettre un rapport. Je sais que les demandes de rapport viennent égayer nos textes comme les virgules et les points mais, en l’espèce, un rapport me semble essentiel, tant les effets de cette disposition sur le marché seront importants.
Je donnerai un exemple pour essayer d’éclairer ceux qui peuvent encore se poser des questions, tant chez les taxis que chez les VTC. Dans quelques semaines, des algorithmes permettront de savoir s’il faut orienter la demande du client vers un VTC ou vers un taxi. L’intermédiaire, notamment les sociétés que vous avez citées, pourra décider par exemple qu’à une heure du matin, il est plus rentable de l’orienter vers un VTC que vers un taxi, qu’entre midi et deux heures, heure de pointe, il vaut mieux un taxi sur une longue course et un VTC sur une petite course.
Je pense que nous ne sommes pas armés pour accompagner une telle évolution et que nous devons au moins lancer une expérimentation, faire une évaluation et présenter un rapport.
Ces amendements proposent que l’on procède à une expérimentation sur l’open data.
Nous avons eu un débat avec les représentants de la profession des taxis sur l’obligation ou non de l’utiliser. Je les ai rencontrés à plusieurs reprises ; nous avons finalement transigé sur une rédaction où l’État offre la possibilité aux taxis de géolocaliser leurs disponibilités. Voilà en quoi consiste, ici, l’open data. Par ailleurs, la géolocalisation permettra de rapprocher le client du taxi.
Dans la mesure où c’est une possibilité, je ne souhaite pas que l’on fasse une expérimentation. Il faut laisser du temps pour que l’habitude s’installe, l’objectif étant naturellement que le plus grand nombre possible de taxis se géolocalisent ; c’est bon pour eux et pour les clients.
J’ajoute que nous examinerons, après l’article 1er, un amendement de M. Tardy proposant que le Gouvernement remette un rapport au Parlement un an après l’entrée en application de la loi. Je pense qu’une grande partie de ce rapport sera consacrée à la mise en oeuvre de l’open data.
Je termine par un autre argument, monsieur Hammadi, qui rejoint la remarque qu’a faite tout à l’heure Pierre Lellouche sur le nombre de taxis. Je préconise, dans mon rapport, que l’on mette en place, à l’échelle du Grand Paris, un observatoire de l’activité des taxis et des VTC pour voir comment évoluent ces professions.
Encore une fois, il me semble que le principal problème concerne la répartition des taxis – d’où l’importance de travailler sur la création d’un forfait pour les aéroports et d’une voie dédiée aux taxis leur permettant de s’y rendre plus rapidement et de s’assurer que l’offre est suffisante. J’ai souligné dans mon intervention que c’était un métier d’avenir, qui allait donc évoluer, mais que l’offre devrait elle aussi évoluer.
Entre l’observatoire de l’activité des taxis et des VTC et le rapport du Gouvernement au Parlement qui pourrait être accepté tout à l’heure, je crois que nous répondons aux objectifs des amendements de M. Hammadi.
Le Gouvernement a la même approche que le rapporteur et, pour les raisons qu’il a évoquées, je souhaiterais que ces amendements soient retirés.
La proposition de loi a pour objet d’empêcher les VTC de pratiquer la maraude électronique afin de préserver pleinement – au moins sur ce point – le monopole des taxis. Elle contient des dispositions interdisant les applications indiquant en temps réel la disponibilité des VTC. La création d’un open data des VTC, que propose l’amendement no 75 , n’est donc pas selon nous pertinente.
Quant à l’amendement no 76 , la proposition de loi prévoit la mise en place de cet open data des taxis afin d’améliorer l’accès à ce mode de transport. C’est une avancée qui a été réalisée grâce au travail de M. Thévenoud. Elle a été saluée par un certain nombre d’organisations professionnelles et de spécialistes du secteur. Une expérimentation aurait pour conséquence de fragiliser la mise en place de ce dispositif et le rendrait moins attractif pour les taxis en suscitant le doute sur sa pérennité.
Le rapporteur ayant donné par anticipation un avis favorable à la rédaction d’un rapport sur l’évaluation de l’open data, je retire mes amendements.
L’open data est incontestablement une bonne chose. Je pense d’ailleurs que tous les taxis qui pourront y accéder le feront, mais une somme d’intérêts particuliers ne fait pas l’intérêt général – j’espère d’ailleurs que le rapport en question ne dira pas le contraire.
La parole est à M. Yannick Favennec, pour soutenir l’amendement no 51 .
La création d’un registre national recensant les informations relatives à l’identification, à la disponibilité et à la géolocalisation des taxis est une très bonne chose. Les chauffeurs de taxi doivent davantage s’ouvrir aux innovations technologiques pour espérer devenir plus compétitifs.
Pour autant, l’exploitant doit rester libre de transmettre au gestionnaire du registre les informations relatives à la disponibilité et à la localisation du taxi. Il ne nous semble pas nécessaire de rendre obligatoire un tel dispositif. Cela pourrait brusquer les chauffeurs de taxi, parfois réticents à l’idée de communiquer leurs données. Il faut leur laisser le temps de s’approprier ces innovations.
Cet amendement a donc pour but de rappeler que l’exploitant conserve la faculté de transmettre les informations.
Défavorable. Cette précision est superflue. Je l’ai dit tout à l’heure, l’open data est facultatif ; l’État offre seulement la possibilité aux taxis de se géolocaliser.
L’amendement no 51 , repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.
La parole est à M. Patrice Carvalho, pour soutenir l’amendement no 19 .
Le texte, dans sa rédaction actuelle, propose de mettre à disposition les données publiques de géolocalisation et de disponibilité aux éditeurs spécialisés afin que ceux-ci puissent les rendre accessibles par de multiples applications de smartphone aux clients.
L’idée n’est pas mauvaise, mais nous proposons, à travers cet amendement, de faire en sorte que le gestionnaire de registre puisse développer lui-même, dans un délai d’un an, des applications exploitant ces données publiques.
Pourquoi, en effet, confier nécessairement à des acteurs privés le soin d’exploiter ces données ? Nous pensons pour notre part que le développement et la mise à disposition d’une application publique – ce qui revient, au fond, à envisager pour les taxis un service gratuit et public de mise en relation – représenterait une excellente option. L’existence d’applications publiques gratuites serait d’ailleurs probablement de nature à la fois à vaincre les réticences des taxis et à populariser le recours à ces données publiques auprès des clients. Enfin, cela contribuerait à élever le transport de personnes avec chauffeur au rang d’un service public complémentaire des offres de transport. Tout milite donc à nos yeux pour le développement d’applications publiques.
Défavorable. L’amendement relève manifestement du domaine réglementaire. En outre, il s’agit d’établir une plate-forme numérique ; ce n’est pas à l’État de créer les applications qui se grefferont sur cette base de données où se trouveront géolocalisés en temps réel les taxis de France.
Même avis. Les possibilités que l’amendement vise à offrir ne sont nullement exclues. La Ville de Paris, je crois, travaille au développement de telles applications. Il faut cependant laisser aux collectivités locales et à l’initiative privée le choix des applications qu’elles développent. C’est ainsi que le rapport de M. Thévenoud mise sur le développement des applications internet et smartphone par des sociétés innovantes.
L’amendement no 19 n’est pas adopté.
La parole est à M. Yannick Favennec, pour soutenir l’amendement no 50 .
L’argumentation sera la même que précédemment ; peut-être dois-je m’attendre à la même réponse.
Cet amendement vise à mentionner explicitement la possibilité pour l’exploitant de transmettre au gestionnaire du registre les informations relatives à la disponibilité et à la localisation du taxi durant tout ou partie des horaires d’exécution de son service. En effet, la rédaction actuelle n’est pas claire : elle laisse penser que l’exploitant a l’obligation d’utiliser les dispositifs de géolocalisation pendant toute la durée de son service.
Défavorable. Cet amendement revient à offrir la possibilité aux chauffeurs de taxi de se géolocaliser à certains moments de la journée et non à d’autres. Encore une fois, le principe de la géolocalisation est qu’elle doit permettre de rapprocher le client du taxi. Il faut que les taxis disponibles soient géolocalisés à tout moment de la journée.
Défavorable. Cet amendement aurait pour conséquence de réduire la transmission des données disponibles dans l’open data. Outre les difficultés de mise en oeuvre technique de la proposition, il n’est pas opportun, selon nous, de réduire la quantité d’informations transmises pendant le service. Pour être attractif, l’open data doit présenter le plus fidèlement possible l’offre de taxis effectivement disponible. Si nous adoptions cet amendement, nous risquerions d’avoir de la perte en ligne.
L’amendement no 50 n’est pas adopté.
Cet article 1er force le pas pour faire entrer les taxis dans l’open data et favoriser le développement d’outils correspondants, en bref pour adapter enfin le marché de la maraude aux nouvelles technologies.
C’est une bonne chose, car il y avait clairement un retard de ce côté-là – je dis bien un retard et non un désavantage. L’open data ici proposé est un peu contrarié, puisque l’alimentation du registre en temps réel sera facultative et reposera uniquement sur l’exploitant. Or c’est l’alimentation en temps réel qui sera le nerf de la guerre et permettra un vrai développement de services innovants.
Je propose donc, à travers cet amendement, de mettre les intermédiaires dans la boucle. Parfois – mais ce n’est pas toujours le cas –, les centrales sont à la fois intermédiaires et exploitants. Or l’intermédiaire est celui qui a fait la réservation ; il a toutes les données nécessaires et il lui est facile – en tout cas, plus qu’à un chauffeur de taxi – de les transmettre en temps réel.
L’amendement no 2 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
La parole est à M. Patrice Carvalho, pour soutenir l’amendement no 18 .
Nous proposons, à travers cet amendement, de rendre obligatoire la transmission par les chauffeurs de taxi, exclusivement pendant leur service, des données de localisation et de disponibilité de leurs véhicules.
Si nous souhaitons que le registre national permette de rendre les taxis plus proches de leurs clients, nous partageons la crainte de notre collègue Lionel Tardy selon laquelle, si l’alimentation du registre reste facultative, elle ne sera pas assurée dans la pratique, ce qui irait à l’encontre des objectifs poursuivis.
Cela dit, nous n’accordons pas à ce point une importance cruciale. Nous savons que cette proposition suscite des réticences chez certains chauffeurs, qui craignent que ce dispositif ne devienne un outil de surveillance de leur vie privée trop intrusif. L’option proposée d’une transmission sur la base du volontariat nous convient d’autant plus que vous prévoyez l’impossibilité pour les intermédiaires – ce qui était pour nous une préoccupation centrale – de prévoir des clauses d’exclusivité dans leurs contrats excluant la transmission au registre public. Compte tenu de cette sage précaution, nous retirons notre amendement.
L’amendement no 18 est retiré.
Le décret d’application sur l’alimentation du registre devra être pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, comme c’est la règle pour les dispositions soumises à la loi de 1978.
Défavorable. Cet amendement est satisfait par l’alinéa 2 du présent article, qui dispose que le registre est soumis à la loi informatique et libertés.
L’amendement no 3 , repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.
Je comprends l’objectif de l’alinéa 7 : il s’agit d’interdire, dans les contrats entre chauffeurs de taxi et intermédiaires, les dispositions prohibant la prise de clients sur la voie publique sans que le chauffeur soit passé par l’intermédiaire. En substance, cela revient à interdire les clauses d’exclusivité. Admettons.
Toutefois, tel qu’il est rédigé, l’alinéa signifie que les taxis peuvent tout à fait prendre un client sur la voie publique même s’ils ont une commande en cours. Le risque est que les chauffeurs soient incités à arbitrer entre les clients en privilégiant les grosses courses, par exemple issues de grands hôtels, à destination des aéroports. Or un client qui commande un taxi ne veut pas que celui-ci l’abandonne parce qu’il serait obligé de répondre à une autre sollicitation. Vous me direz que cela ne concernerait qu’une minorité de chauffeurs peu scrupuleux et peu commerçants ; je l’espère, mais il faut à mon sens clarifier tout cela, en précisant que le chauffeur ne peut le faire que lorsqu’il n’a pas de commande en cours. C’est évident mais il vaut mieux le préciser.
Défavorable. La réservation d’un taxi fera automatiquement disparaître celui-ci de l’écran du smartphone des clients ; c’est le principe de cet open data. Cette précision n’est donc pas nécessaire.
L’amendement no 4 , repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.
La parole est à M. Yannick Favennec, pour soutenir l’amendement no 52 .
Il nous semble important de rester vigilant quant aux éventuelles pressions que peut exercer un intermédiaire sur l’exploitant ou sur un conducteur de taxi, lorsque celui-ci utilise la géolocalisation, notamment.
Cependant, nous pensons qu’il est nécessaire de conserver la possibilité de clauses d’exclusivité entre un exploitant et un intermédiaire, sachant que l’exploitant pourra toujours proposer un contrat ne comportant pas de telles clauses. En effet, la suppression des clauses d’exclusivité peut laisser craindre une baisse de la qualité du service. Par exemple, les chauffeurs de taxi risquent de ne plus servir les petites courses pour privilégier les courses plus rentables, même si cela ne peut concerner qu’une minorité de chauffeurs.
Défavorable. Cet amendement vise à rétablir les clauses d’exclusivité qui font partie des choses que j’ai remises en cause dans mon rapport.
L’amendement no 52 , repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.
L’article 1er est adopté.
Je suis saisi de plusieurs amendements portant articles additionnels après l’article 1er.
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement no 113 .
Il s’agit d’un amendement important qui concerne le paiement par carte bancaire, dont il a été question dans la discussion générale. Cet amendement prévoit qu’il y aura désormais, parmi les équipements du taxi, de manière obligatoire, un terminal de paiement par carte bancaire. Il me semble normal, en 2014, que tous les taxis de France acceptent ce moyen de paiement.
Le Gouvernement est favorable à la modernisation de la profession de taxi, qui est de nature à augmenter l’attractivité de ce service, de même que notre attractivité touristique, et à améliorer l’image de la profession auprès du grand public. Il est à noter d’ailleurs, comme l’indique le rapport, qu’un très grand nombre de taxis sont déjà équipés pour accepter ce moyen de paiement.
Ce dispositif aurait pu faire l’objet d’un texte réglementaire mais son inscription dans la loi, comme vous l’avez souhaité, monsieur le rapporteur, souligne l’importance que revêt cette mesure d’amélioration du service et montre une forte volonté du législateur, que le Gouvernement partage pleinement. Avis favorable.
La commission du développement durable est particulièrement attachée à cet amendement, qui prend en considération un point de vue n’ayant pas forcément été mis en lumière lors des auditions et de l’excellent travail conduit par le rapporteur Thomas Thévenoud : celui des usagers.
Il nous a paru très important d’inscrire cette disposition dans la loi, pour bien affirmer qu’il s’agit là d’un progrès pour les usagers. Je pense que nombre d’entre nous se sont déjà retrouvés en difficulté au moment de payer la course dans un taxi. Même s’il est vrai que, ces dernières années, des progrès ont été réalisés, le constat empirique que nous sommes des milliers à faire reste le même : un grand nombre de taxis ne se sont toujours pas équipés de terminaux. Il nous paraît donc extrêmement important, dans le cadre de la modernisation de la profession et pour faire progresser les droits des usagers et des consommateurs, de généraliser cette possibilité.
Je crois en effet que c’est une mesure importante en faveur des consommateurs. Il est assez gênant, dans un aéroport, d’avoir à sélectionner un taxi qui prend la carte bleue. La clientèle étrangère a du mal à le comprendre. Les Français, à la rigueur, peuvent faire la démarche, mais cet amendement va dans le bon sens, pour renforcer, comme l’a souligné M. le ministre, l’attractivité de la destination France.
Le groupe UDI soutient avec enthousiasme cet amendement qui, non seulement accroît l’attractivité, mais représente aussi un outil supplémentaire au service du consommateur, ce dont nous nous en réjouissons.
L’amendement no 113 est adopté à l’unanimité.
En commission, j’avais déposé un amendement visant à rendre obligatoire la transmission au registre. Vous m’avez signalé votre opposition nette ; je ne l’ai donc pas déposé de nouveau. Je redis cependant que, si la transmission au registre reste facultative, elle sera à mon avis, même si j’espère me tromper, peu utilisée.
Certains collègues – ils ont entre-temps retiré leurs amendements – ont proposé une expérimentation. Personnellement, je demande un rapport statistique un an après l’entrée en vigueur de la loi, pour que nous ayons une idée de la quantité d’informations transmises. Vous savez que je ne suis pas un « fana » des rapports mais, comme on ne prévoit pas d’obligation, il faut tout de même savoir si les choses progressent. Ce rapport sera d’ailleurs très court ; il présentera quelques chiffres qui nous éclaireront et nous permettront d’avancer en conséquence.
Avis favorable. Cet amendement reprend l’objectif qui était, tout à l’heure, celui de l’amendement défendu par M. Hammadi. Je suis favorable à ce que l’on puisse contrôler et évaluer l’effectivité de cette loi.
Il me paraît intéressant, pendant la montée en puissance de ce dispositif, que des éléments statistiques permettent d’en évaluer les modalités, le contenu et la dynamique. Le Gouvernement est donc favorable à cet amendement.
L’amendement no 5 est adopté.
Je suis saisi d’un amendement no 6 qui vise à supprimer l’article 2.
La parole est à M. Lionel Tardy, pour le soutenir.
L’article 2 incite les taxis à utiliser une couleur unique, comme cela se fait dans certains pays : on connaît tous les yellow cabs, pour ne citer qu’eux. Autant dire qu’il s’agit d’un sujet important.
Sourires.
Même si l’idée n’est pas mauvaise en soi, je maintiens ma demande de suppression de cet article, sur le fondement d’une double objection.
Première objection : l’article 2 laisse l’autorité compétente décider, ce qui équivaut à laisser chaque commune faire le choix du signe distinctif : reconnaissez que ce serait gênant. Or, cette disposition concernait plutôt, à l’origine, et de manière logique, les taxis parisiens.
Seconde objection : ce n’est pas à la loi de sanctionner une telle disposition. Le rapport fait référence à une ordonnance du préfet de police de Paris en date du 16 juillet 1953 ou encore, monsieur Thévenoud, à un protocole d’accord de mai 2008. C’est bien la preuve, encore une fois, qu’une telle mesure n’est pas d’ordre législatif mais revêt un caractère réglementaire.
Vous m’avez répondu, monsieur le rapporteur, que cela permettrait d’accélérer les choses. Je ne vois pas en quoi, car ce n’est qu’une possibilité. Je ne comprends donc pas l’intérêt d’inscrire dans la loi une possibilité qui existe déjà. L’existence même de votre rapport suffira à répandre l’information auprès des intéressés.
Je vous confirme, monsieur Tardy, que je tiens beaucoup à cette question de la couleur unique. C’est d’ailleurs l’une des propositions du rapport qui a recueilli le plus d’échos auprès des clients.
J’ajoute que la France est assez en retard sur cette question. Vous avez rappelé les précédents ; les rapports et les textes se sont succédé – je pense notamment au protocole d’accord de 2008 sur la question de l’identification et de la couleur unique des taxis.
J’en profite pour dire publiquement que ma préférence ne va pas forcément au rose bonbon, au jaune, au vert ou à je ne sais quelle couleur.
Le modèle que j’ai en tête est celui des taxis bruxellois. Bruxelles s’est en effet posé, il y a quelques années, la question de la modernisation des stations de taxis, des lumignons et du choix de la couleur à adopter.
Je suis allé sur place. Les taxis bruxellois sont de couleur sombre – noire, plus précisément. De la même façon, si vous allez à la base arrière de Roissy, vous constaterez que les trois quarts des taxis parisiens sont gris foncé ou noirs.
Bruxelles a par ailleurs adopté un système d’identification, sous la forme d’une bande magnétique qui ne coûte pas très cher – dix euros –, que l’on peut enlever lorsqu’on revend le véhicule. N’oublions jamais, en effet, que le taxi est un véhicule personnel, avec lequel le chauffeur part en week-end en vacances. C’est d’ailleurs pour cela qu’il vaut sans doute mieux éviter les couleurs trop chatoyantes ou voyantes.
Sourires.
La bande magnétique a l’apparence d’un damier jaune et noir. Pourquoi ce symbole représente-t-il le taxi dans le monde entier ? C’est une autre question.
Bruxelles a aussi adopté l’iris, qui est un moyen d’identifier la région où exerce le taxi. On pourrait donc tout à fait imaginer que les taxis parisiens soient identifiés par une bande magnétique de couleur bleu et rouge, avec une belle tour Eiffel. Pour la Bourgogne, ma région de coeur, d’origine et d’élection, on pourrait par exemple, monsieur Tardy, imaginer un escargot.
Rires.
Compte tenu des spécialités de la Bourgogne, et dès lors qu’il s’agit de transporter du public, mieux vaut en effet un escargot qu’une bouteille...
Sourires.
Plus sérieusement, il s’agit ici de donner une plus grande visibilité aux taxis et de faciliter leur identification, notamment dans le but de renforcer notre attractivité touristique. C’est d’ailleurs une question sur laquelle le ministre des affaires étrangères, qui a également en charge l’attractivité de notre pays, s’est prononcé, en la considérant comme un élément de nature à améliorer les conditions d’accueil des touristes en France.
Il faut que l’on puisse progresser dans cette direction. Le texte présenté par le rapporteur permet d’atteindre cet objectif. Il faut aussi laisser aux collectivités locales le soin de discuter avec la profession, pour éviter toute crispation et engager cette modernisation de manière intelligente et concertée. Telle est la volonté du Gouvernement et l’équilibre auquel le texte est parvenu. Aussi ne souhaitons-nous pas que l’on revienne sur cette disposition ; l’avis du Gouvernement est donc défavorable.
N’ayant pas eu le temps de déposer d’amendement sur cet article, je me contenterai de soulever une interrogation : alors que l’on souhaite éviter de prendre en otage le véhicule – qui, on l’a dit, revêt un caractère personnel – par la couleur, pourquoi conserve-t-on la rédaction actuelle de l’alinéa 2 ?
Les termes employés par le rapporteur – le signe distinctif, ce qui renvoie par exemple à une bandelette métallique – me conviennent parfaitement. Mais alors, pourquoi, outre les signes distinctifs, évoquer dans le texte la couleur du véhicule, sachant que le choix sera laissé au bon vouloir des territoires, ce qui veut dire que le résultat ne sera pas nécessairement homogène ? Ici, on pourrait avoir des bandes magnétiques, tandis qu’ailleurs, on aurait une certaine couleur. La décision, je le répète, appartiendra à une autorité administrative.
Peut-être le ministre ou le rapporteur pourraient-ils nous éclairer et nous indiquer si, le cas échéant, on favorisera un signe distinctif exclusif du choix de la peinture. Cela permettrait aux taxis de faire des économies et de continuer à utiliser, quelle que soit la couleur choisie, leur véhicule personnel.
Pour répondre à l’interpellation de notre collègue Hammadi, nous avons utilisé, dans cet article, le mot « peut ». Nous trouverons certainement le moyen de définir une couleur unique, qui satisfasse les taxis et leurs représentants – la discussion est évidemment nécessaire sur ce point, car on ne peut imposer une couleur dans la loi –, tout en adoptant un dispositif d’identification comme celui que j’évoquais tout à l’heure.
Couleur unique et dispositif d’identification : telle est la voie qu’il faut essayer de suivre. Les autorisations de stationnement sont délivrées, à Paris, par la préfecture de police, ailleurs par des collectivités locales : il est donc normal qu’un dialogue s’instaure sur ces questions entre les taxis, leurs représentants et l’autorité administrative compétente.
L’amendement no 6 n’est pas adopté.
La parole est à M. Yannick Favennec, pour soutenir l’amendement no 53 .
Cet amendement a pour objet de permettre à l’autorité administrative compétente en matière d’autorisations de stationnement de déterminer les activités complémentaires permises aux taxis d’une manière qui favorise l’égalité de traitement entre les taxis et les VTC.
Cet amendement est sans lien avec l’article 2 et ne précise d’ailleurs pas de quelles « activités connexes » il pourrait s’agir. Nous ne pouvons donc pas y être favorables.
L’amendement no 53 n’est pas adopté.
L’article 2 est adopté.
La location est un sujet important. Le Gouvernement a d’ailleurs, me semble-t-il, déposé à ce propos un amendement, sur lequel le rapporteur pourra certainement nous éclairer. Comme je l’ai dit tout à l’heure, pour beaucoup de chauffeurs, la location constitue la porte d’entrée dans le métier. Certes, le statut n’est pas parfait ; il faut essayer de l’améliorer, notamment du point de vue de la protection sociale.
Leur laisser seulement le choix entre le salariat – auquel je ne crois pas, pour des raisons qui tiennent aux spécificités du marché et du métier lui-même – et la location-gérance ne me paraît pas souhaitable. Cela ferme des portes. L’enjeu est donc important. Je le répète, la location permet à de nombreux jeunes, pendant deux ou trois ans, de se faire au métier, et cela sans apporter la moindre mise de fonds. J’ai l’impression que l’on n’a pas suffisamment pris en compte cette réalité – mais le rapporteur va certainement nous répondre sur ce sujet.
Il est vrai que le sujet est très important. Le statut de locataire concerne 6 000 des 20 000 taxis parisiens.
Je veux dire les choses très clairement : l’ensemble des organisations syndicales m’ont expliqué à plusieurs reprises à quel point ce statut est défavorable au chauffeur de taxi, en termes de couverture sociale. Il faut aussi savoir que le coût mensuel de la location est de 4 500 euros.
Aussi me paraissait-il normal de faire droit à cette demande des organisations syndicales dans une proposition de loi défendue par un député de la majorité…
…oui, mon cher collègue, un député de gauche, un député socialiste, qui écoute ce qu’ont à lui dire les chauffeurs de taxi, notamment les locataires, qui veulent sortir de ce système.
Razzy Hammadi a expliqué que cela pouvait être une porte d’entrée. Oui, cela peut être le cas, mais ce peut être aussi une impasse, une voie sans issue pour des chauffeurs de taxi qui se trouvent ensuite pieds et poings liés. Je propose donc que l’on sorte de ce statut pour aller vers la location-gérance et, partant, comme l’a dit Mme la secrétaire d’État, bénéficier du statut d’artisan.
Le Gouvernement présentera tout à l’heure un amendement qui a pour objet de lisser les choses dans le temps et de faire en sorte que la transition puisse se faire de la meilleure des manières. Mais, encore une fois, il me semblait normal, par cette proposition de loi, de mettre un terme à ce statut, qui me semble extrêmement défavorable aux chauffeurs de taxi locataires. C’est la raison pour laquelle, mon cher collègue Hammadi, je vous demanderai de retirer cet amendement qui vise à supprimer les alinéas 1 à 5.
Le présent amendement a, je le rappelle, pour objet de supprimer le dispositif prévu par la proposition de loi, en vertu duquel seule la location-gérance ou le salariat pourront être utilisés pour exploiter une autorisation de stationnement de taxi.
En effet, la location-gérance correspond au régime général d’exploitation des fonds de commerce par un tiers indépendant, tandis que la location taxi constitue un régime dérogatoire sectoriel, qui a de nombreux impacts négatifs sur les locataires taxis.
En premier lieu, leurs cotisations sociales sont forfaitaires, contrairement à celles des artisans taxis, qui sont proportionnelles à leurs bénéfices. Il en résulte qu’un locataire taxi est contraint à un seuil minimum d’activité, en contradiction avec son statut d’indépendant.
En second lieu, les locataires ne sont pas considérés comme des artisans et ne sont donc pas, de ce fait, représentés au sein des organisations professionnelles de taxis.
Enfin, il est à noter que le statut de locataire-gérant est privilégié partout en France, à l’exception de Paris.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est défavorable à cet amendement et demande son retrait. Je précise d’ailleurs que nous avons prévu un délai supplémentaire pour permettre à la profession de s’organiser.
On peut être de gauche et réformiste, ces deux dimensions étant liées par la méthode. On n’a pas supprimé le statut du salariat au prétexte que, au début du siècle précédent, il n’offrait pas toutes les garanties en termes de protection sociale. On l’a conservé, tout en renforçant la protection par la création de droits nouveaux. C’est ce que j’aurais souhaité, pour ma part, que l’on fasse s’agissant du statut de locataire, plutôt que de le supprimer purement et simplement.
Il faut de la méthode, mais aussi de la cohérence. En effet, s’il est normal que l’on s’indigne, sur les bancs de la gauche, de la condition du locataire, pourquoi ne s’indignerait-on pas aussi du statut d’auto-entrepreneur s’agissant des VTC ? De gauche et réformiste : si l’on veut aller au bout, c’est avec méthode et cohérence.
Je suis toutefois prêt à retirer cet amendement, à la condition qu’il y ait un débat et que, comme on l’a évoqué lors de la préparation de ce texte, l’on nous confirme ici que les licences non cessibles iront en priorité aux locataires ayant deux ans d’expérience.
C’est exactement ce que nous proposons : les licences non cessibles seront attribuées à des chauffeurs ayant une expérience professionnelle. Je rassure donc M. Hammadi : il s’agit, non pas de supprimer le statut actuel du locataire du jour au lendemain – un amendement du Gouvernement va d’ailleurs lisser le processus –, mais de faire passer les 6 000 locataires vers le statut de la location-gérance et de les faire bénéficier en priorité, vous avez raison de le noter, monsieur Hammadi, des licences gratuites que nous allons créer par l’intermédiaire de l’article suivant. Il faut tout de même rappeler qu’aujourd’hui, ils n’ont pas forcément l’intégralité de la couverture sociale pour laquelle ils ont cotisé. Cela s’inscrit dans notre façon de faire, que vous avez résumée dans une formule : « être de gauche et réformiste ».
L’amendement no 98 est retiré.
Le présent amendement a pour objet de préciser et de compléter le dispositif qui fixe les conditions d’exploitation des ADS.
Tout d’abord, il vise à préciser que les nouvelles ADS attribuées après la promulgation de la loi devront être exploitées personnellement. Cette approche est cohérente avec le fait que ces autorisations seront gratuites, non transférables et réservées à des conducteurs de taxi.
Par ailleurs, l’amendement prévoit un mode particulier d’exploitation spécifique aux SCOP. Certes, le code de la Sécurité sociale prévoit un principe général d’assimilation de leurs sociétaires à des salariés, et ce principe s’applique notamment aux taxis. Mais une telle assimilation, et plus généralement le fonctionnement des SCOP, n’est pas compatible avec la location-gérance des ADS. En effet, les conducteurs de taxi d’une SCOP en sont les propriétaires, et elle-même détient les ADS. Permettre le maintien du recours à la location dans le cas très particulier des SCOP est donc souhaitable et ne pose pas de difficultés dans le contexte spécifique de la coopérative.
Le sous-amendement est rédactionnel. Je suis évidemment favorable à l’amendement du Gouvernement. Chacun sait que notre majorité est très attachée au statut des SCOP. Le cas des taxis est particulier. Comme je l’expliquais précédemment, il s’agit, non pas de supprimer purement et simplement le statut de locataire, mais de l’adapter dans le temps pour le transformer en location-gérance.
Le sous-amendement no 111 est adopté.
La généralisation du statut de location-gérance pose un problème par rapport à la qualification en fonds de commerce, notamment en l’absence d’une clientèle déterminée.
En effet, la location-gérance implique le principe de solidarité fiscale, ce qui, en l’espèce, n’est pas soutenable pour le titulaire comme pour l’exploitant ; il leur serait demandé de fournir des garanties, des cautions, que, dans la majorité des cas, ils ne seraient pas en mesure d’obtenir. Enfin, avec l’arrivée des licences non cessibles, on peut mettre en doute la qualification de fonds de commerce.
La parole est à M. Yannick Favennec, pour soutenir l’amendement no 56 .
En l’absence d’une clientèle clairement déterminée, il existe un doute sérieux sur la qualification de fonds de commerce au sujet des autorisations de stationnement. De surcroît, avec la présente proposition de loi, les nouvelles autorisations délivrées ne seront plus cessibles.
La location-gérance de l’autorisation, dans un tel contexte, ne saurait exposer son titulaire à être tenu solidairement responsable des impôts directs établis à raison de l’exploitation de l’autorisation. Une telle solidarité rendrait la location-gérance impraticable pour le titulaire, mais aussi pour l’exploitant, auquel il serait nécessairement demandé de fournir des garanties, telles qu’une caution, que dans la majorité des cas il ne serait pas en mesure d’obtenir.
Avis défavorable car la suppression de la solidarité fiscale entre loueur et locataire-gérant aurait pour conséquence de remettre en cause la location-gérance telle qu’elle existe aujourd’hui.
Si j’ai bien compris, vous souhaitez quelques précisions complémentaires, monsieur Tardy...
Les présents amendements ont pour objet de prévoir une dérogation, propre au secteur des taxis, aux dispositions du code de commerce et du code général des impôts qui instaurent une solidarité sur les dettes d’exploitation et une solidarité fiscale entre loueur et locataire-gérant.
Au préalable, il convient de noter que l’autorisation de stationner et le véhicule auquel elle est attachée constituent un fonds de commerce. Le Conseil d’État l’a souligné dans un avis du 12 novembre 2003. La location-gérance d’une ADS et la double solidarité qui l’accompagne ne posent donc aucune difficulté sur le plan juridique, pas plus d’ailleurs que sur le plan pratique, puisqu’elle est utilisée en province dans le secteur des taxis – les provinciaux que nous sommes le savent bien. Cette double solidarité permet de responsabiliser le loueur et d’éviter que des montages juridiques ne lui permettent de s’exonérer indûment de ses obligations. J’ajoute que chacune d’entre elles est strictement circonscrite et proportionnée.
S’agissant de la solidarité sur les dettes d’exploitation, elle ne vaut que pendant les premiers six mois après la conclusion du contrat. Elle permet notamment de prévenir le comportement du loueur qui se déresponsabiliserait en louant un fonds déficitaire.
S’agissant de la solidarité fiscale, elle est limitée aux impôts directs – la TVA en est, par exemple, exclue. Cette solidarité est cohérente avec le fait que le loueur continue de bénéficier de revenus à travers son fonds de commerce. Il en perçoit le loyer et en garde aussi une part de responsabilité dans le paiement des impôts nominativement dûs par le locataire.
Par conséquent, le Gouvernement estime qu’il n’y a pas de justification à une telle exemption sur le plan juridique. Avis défavorable.
La parole est à M. Yannick Favennec, pour soutenir l’amendement no 57 .
L’amendement no 57 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
L’article 3, amendé, est adopté.
À l’article 4, je suis saisi de plusieurs amendements.
La parole est à M. Yannick Favennec, pour soutenir l’amendement no 70 .
Il s’agit d’un amendement de précision visant à rappeler que l’autorisation de stationnement incessible et valable pendant cinq ans ne concerne que les ADS délivrées postérieurement à la promulgation de cette loi.
L’amendement no 70 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
L’amendement no 27 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L’amendement no 28 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L’amendement no 29 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Je suis saisi d’un amendement no 38 rectifié qui fait l’objet d’un sous-amendement no 118 .
La parole est à M. Patrice Carvalho, pour soutenir l’amendement.
L’article 4 a pour objectif d’encadrer la distribution d’ADS gratuites, tout un commerce s’étant développé autour de l’obtention de ces autorisations. Certaines personnes inscrites sur les listes d’attente espèrent en effet les transformer en une rente supplémentaire. Ainsi, une ADS gratuite peut être attribuée à des personnes qui ne sont pas chauffeurs de taxi. Il faut assainir leur attribution, comme le note le rapport Thévenoud, en les donnant à des personnes qui exercent le métier de chauffeur de taxi.
La nouvelle réglementation vise aussi à réduire l’attente des chauffeurs inscrits sur les listes – à Paris, ils doivent patienter entre quinze et vingt ans. Les auteurs de cet amendement s’inscrivent donc dans l’esprit du texte en proposant d’écarter aussi des listes d’attente les personnes déjà titulaires d’une ADS ou ayant une part dans une entreprise en possédant. L’objectif est clair : nous souhaitons que les ADS gratuites soient attribuées en priorité à des locataires ou à des locataires-gérants, puisque ce sont eux qui travaillent dans la plus grande précarité.
La parole est à M. le ministre, pour soutenir le sous-amendement no 118 et donner l’avis du Gouvernement sur l’amendement no 38 rectifié .
Le Gouvernement est favorable à l’amendement de M. Carvalho, sous réserve de l’adoption d’un sous-amendement qui vise à supprimer l’interdiction du cumul pour une personne exploitant déjà une autorisation ou étant détentrice d’une part sociale.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement no 38 rectifié et sur le sous-amendement no 118 ?
Je suis favorable à cet amendement et au sous-amendement du Gouvernement.
Monsieur Carvalho, proposer que les nouvelles licences aillent en priorité aux locataires-gérants se trouvant dans la précarité va en effet dans le sens des propositions que j’ai formulées dans le rapport.
Le sous-amendement no 118 est adopté.
L’amendement no 38 rectifié , sous-amendé, est adopté.
Pour l’attribution des nouvelles licences, l’article 4 prévoit des conditions de qualification professionnelle, ce qui est tout à fait normal. Mais il prévoit également de réserver leur délivrance aux chauffeurs ayant exercé au moins deux ans au cours des cinq dernières années, ce qui devrait fermer la porte à de nouveaux professionnels. Il faut donc que cette condition d’expérience donne la priorité dans l’attribution, sans qu’elle soit pour autant exclusive.
L’exposé des motifs de la proposition de loi ne dit d’ailleurs pas autre chose, puisqu’il s’agit de « privilégier les chauffeurs de taxi ayant deux ans d’activité dans la profession durant les cinq dernières années ». Vous y voyez, monsieur le rapporteur, un moyen de réserver l’accès aux chauffeurs, mais ce n’est pas le sujet, puisque les nouveaux entrants devront, eux aussi, justifier de leurs compétences et qu’ils seront, eux aussi, des chauffeurs.
L’amendement no 9 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
L’amendement no 30 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L’article 4, amendé, est adopté.
À l’article 5, je suis saisi d’un amendement no 21 .
La parole est à M. Patrice Carvalho, pour le soutenir.
Nous proposons, à travers cet amendement, d’étendre l’interdiction du cumul des activités de taxi et de VTC à tous les autres véhicules de transport de personnes avec chauffeur. Il s’agit presque d’un amendement de précision, puisque nous le croyons fidèle à l’esprit de la proposition de loi, dont l’un des objectifs est de fixer clairement les distinctions qui s’imposent entre les différentes activités. Elle vise, en d’autres termes, à consolider la sanctuarisation du monopole des taxis. Par-delà l’enjeu qui consiste à éviter la confusion des genres et donc des activités, il s’agit de mieux garantir les conditions sociales et de sécurité de ces activités professionnelles que la possibilité du cumul met en péril.
Avis défavorable. Aujourd’hui, les taxis peuvent exercer l’activité LOTI à titre dérogatoire et il ne serait pas justifié de revenir sur cette possibilité.
L’amendement no 21 , repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.
L’article 5 est adopté.
À l’article 6, je suis saisi de plusieurs amendements.
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement no 31 .
L’amendement no 31 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Avis favorable car ils assurent la cohérence de l’article 6. En effet, la disposition du code du tourisme qu’il convient de supprimer est également abrogée par un autre alinéa de ce même article.
L’article 6, amendé, est adopté.
À l’article 7, je suis saisi de plusieurs amendements.
La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement no 97 rectifié .
Cet amendement tend à limiter le nombre de régimes juridiques applicables en matière de transport public particulier, en supprimant celui des voitures de petites remises – déjà en voie de disparition, puisqu’il ne concerne plus que 2 000 véhicules sur tout le territoire. Cette suppression est certes déjà prévue par le projet de loi relatif à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures, actuellement en nouvelle lecture à l’Assemblée nationale, mais il est plus cohérent de passer par la proposition de loi que nous examinons, car elle a vocation à traiter de tous les transports particuliers de personnes.
L’amendement no 97 rectifié est adopté et l’amendement no 103 tombe.
La parole est à M. Yannick Favennec, pour soutenir l’amendement no 58 .
Cet amendement vise à préciser que les dispositions relatives aux voitures de transport avec chauffeur concernent bien le transport de personnes.
L’amendement no 58 n’est pas adopté.
La parole est à M. Yannick Favennec, pour soutenir l’amendement no 59 .
L’amendement no 59 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
La parole est à M. Patrice Carvalho, pour soutenir l’amendement no 22 .
La proposition de loi ouvre aux VTC la possibilité d’opter pour une tarification à la durée, alors que ce type de tarification est le propre des taxis. En outre, ni cette proposition, ni la loi Novelli du 22 juillet 2009, ni les différents décrets et arrêtés applicables en ce domaine ne réglementent les appareils de mesure embarqués dans les VTC. Le recours à une tarification à la durée dans ces véhicules présenterait donc un risque pour les consommateurs.
Cet amendement vise donc à réserver aux taxis la tarification à la durée, plus adaptée à la maraude. Quant aux VTC, ils devront déterminer le prix total de la prestation lors de la réservation, ce qui correspond à leur activité de mise à disposition de véhicules de tourisme avec chauffeur, selon des conditions déterminées à l’avance. Toutefois, et par dérogation, ils pourront recourir à la tarification à la durée si la prestation dure plus de trois heures.
Les auteurs de l’amendement souhaitent qu’aucune confusion ne soit rendue possible entre l’activité de taxi et celle de VTC, afin de permettre à tous – consommateurs, professionnels et agents de l’autorité compétente – d’identifier facilement ces différents modes de transport. L’objectif est de protéger le consommateur et d’éviter toute forme de concurrence déloyale.
Le dispositif proposé est largement disproportionné au regard de l’objectif qu’il se propose d’atteindre. Il présenterait en outre des risques sérieux d’inconstitutionnalité. Pour ces deux raisons, le Gouvernement y est défavorable.
L’amendement no 22 n’est pas adopté.
La parole est à M. Christophe Caresche, pour soutenir l’amendement no 79 rectifié .
Nous proposons que le prix de la course effectuée par une voiture de transport avec chauffeur puisse être calculé non seulement en fonction de la durée de celle-ci, ce que prévoit déjà le texte, mais aussi de sa longueur.
La référence au kilométrage a été supprimée dans la proposition de loi au motif, nous dit-on, que cette donnée n’est pas claire et peut donner lieu à des confusions. S’il existe un critère objectif, c’est pourtant bien celui-là ! Il l’est même beaucoup plus que la durée, qui peut varier considérablement, notamment en cas d’embouteillage. J’ai donc du mal à comprendre pourquoi on ne permet pas aux VTC de déterminer le prix de leur course à partir de la distance parcourue, d’autant que ce choix pourrait, à certaines heures, se révéler beaucoup plus favorable aux consommateurs.
Avis défavorable. L’objectif de l’article 7 est d’assurer la transparence tarifaire de l’activité des véhicules de transport avec chauffeur. Ces derniers devront établir leurs tarifs soit au forfait, soit en fonction de la durée de la prestation. L’introduction d’une tarification horokilométrique, aujourd’hui utilisée par les taxis, ne me semble pas souhaitable car elle serait source de confusion. Dans mon esprit, le VTC est avant tout un véhicule que l’on réserve pour se rendre d’un point A à un point B, selon un prix déterminé à l’avance. Nous voulons ouvrir la possibilité de recourir à une tarification à la durée, mais pas aller jusqu’à la tarification horokilométrique. Je demande donc le retrait de l’amendement.
L’objet de l’amendement est de prévoir pour les VTC une réglementation très proche de celle, spécifique, qui s’applique aujourd’hui aux taxis. Je n’y suis pas favorable.
Je comprends qu’une profession réglementée comme celle des taxis fasse l’objet d’un régime spécifique, comprenant une tarification calculée à la fois à partir de la durée de la course et de la distance parcourue. Mais dans le cas des VTC, une relation contractuelle se noue entre le client qui commande le véhicule et la société qui fournit la prestation, par laquelle chacun des cocontractants accepte la façon dont le prix est établi. Or je ne crois pas qu’il soit de la compétence du législateur de déterminer si ce calcul doit être effectué à partir de la durée de la course, de la distance parcourue ou – ce qui est le cas la plupart du temps – d’une combinaison des deux.
Il est d’ailleurs cohérent de rechercher un juste équilibre entre ces deux critères, qu’il s’agisse de trajets effectués sur une petite distance, mais à travers un trafic dense, ce qui en augmente la durée, ou de trajets effectués en pleine nuit, sur une longue distance mais avec une circulation fluide – pour rejoindre un aéroport par exemple. Pour être lisible, le critère retenu pour le calcul doit être explicitement indiqué au moment de la commande, mais il ne doit pas être imposé.
J’insiste sur le fait que les tarifs doivent être lisibles et transparents. Or je considère qu’en recourant au critère horokilométrique, ce que font aujourd’hui certains opérateurs de VTC, on perd en lisibilité. Il faut donc simplifier les choses en réduisant le choix à deux options, la tarification forfaitaire ou selon la durée.
L’amendement no 79 rectifié n’est pas adopté.
La parole est à M. Yannick Favennec, pour soutenir l’amendement no 61 .
Jusqu’à présent, les VTC avaient l’obligation d’annoncer le prix de leur prestation à l’avance à leurs clients. La proposition de loi introduit une exception à cette règle, en autorisant la facturation de la prestation a posteriori selon la durée de la course.
Mais ce nouveau mode de facturation doit être encadré précisément afin d’éviter les pratiques destinées à contourner la réglementation. C’est ainsi que certains opérateurs de VTC, pour éviter de se soumettre à l’obligation de déclarer le prix à l’avance, proposent, à chaque minute, un contrat accepté tacitement par le client accordant une minute supplémentaire de transport.
Un décret permettrait donc de préciser dans quelles conditions la facturation horaire peut avoir lieu, en conformité avec la réalité des usages et les besoins des clients.
L’alinéa 7 prévoit déjà que les modalités d’application du chapitre consacré aux VTC sont définies par décret en Conseil d’État. L’amendement est donc satisfait et j’en demande le retrait.
L’amendement no 61 est retiré.
La parole est à M. Razzy Hammadi, pour soutenir l’amendement no 81 rectifié .
L’amendement proposé par M. Caresche avait le mérite de la clarté. Mais puisque ni le rapporteur, ni le Gouvernement n’ont fait le choix d’autoriser les VTC à fixer le prix de leurs prestations en combinant les critères de la durée et de la distance, il convient de régler le cas des petites courses, « zone grise » dans laquelle une tarification en fonction de la durée de la prestation est assimilable à la tarification horokilométrique des taxis. Le présent amendement vise donc, lorsque le prix est calculé uniquement en fonction de la durée de la prestation, de fixer une durée minimale.
La proposition de loi établit un principe simple, que des précisions apportées par voie réglementaire ne feraient que compliquer artificiellement. Rappelons que toute intervention en matière tarifaire doit être strictement justifiée pour ne pas être contraire au droit de la concurrence. La fixation d’un contenu minimum à la prestation, par exemple en imposant un pas de facturation d’au moins trois heures, serait à notre avis censurée par le juge. C’est la raison pour laquelle nous ne sommes pas favorables à cet amendement.
Comme vient de l’expliquer M. le ministre, cet amendement me paraît tout à fait contestable sur le plan constitutionnel, car il introduit une distorsion de concurrence. Par ailleurs, comme M. Belot, je suis persuadé qu’il faut laisser de la souplesse et de la liberté en matière de calcul du prix de la course.
Il me semble, monsieur le ministre, qu’il y a une petite incompréhension. Vous évoquez un pas de facturation de trois heures, alors que l’amendement ne concerne que les prestations de courte durée et vise justement à éviter les cas dans lesquels une tarification en fonction de la durée serait assimilable à la tarification horokilométrique. Je maintiens donc l’amendement.
L’amendement no 81 rectifié est adopté.
Dans certains cas exceptionnels, le prix de la prestation ne peut être calculé uniquement en fonction de la durée. C’est par exemple le cas si un client aisé souhaite effectuer, hors agglomération, un détour de plusieurs dizaines de kilomètres. Il convient donc de prévoir la possibilité de facturer les modifications effectuées en cours de trajet dès lors que le client a été informé des conditions à l’avance.
L’amendement no 46 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
La parole est à M. Patrice Carvalho, pour soutenir l’amendement no 23 .
La proposition de loi ne prévoit ni recensement des VTC en circulation ni limitation de leur nombre, alors que le développement anarchique de ces véhicules – en quatre ans, on est passé de 400 licences de grande remise à 300 entreprises de VTC et plus de 10 000 licences – a bouleversé toute l’industrie du taxi et rendu précaire la situation des chauffeurs.
Les auteurs de cet amendement considèrent qu’il faut se donner les moyens de réguler ce marché, comme cela se fait pour les taxis, à travers les autorisations de stationnement. Ils proposent donc que soient recensés tous les véhicules de transport avec chauffeur, et non pas seulement les exploitants. Par ailleurs, le ministre en charge des transports devrait fixer chaque année le nombre de véhicules dont l’inscription est autorisée dans chaque région. La régulation du marché permettrait de garantir des conditions sociales suffisantes aux travailleurs concernés, de sauvegarder la profession de taxi et d’assurer la viabilité du secteur.
Avis défavorable. L’amendement revient à établir un numerus clausus pour les VTC, en contradiction avec l’esprit de la proposition de loi que nous examinons.
Si nous sommes réunis ce matin, c’est bien pour tenter de trouver un équilibre entre l’activité des taxis et celle des VTC. Cela étant, je ne suis pas étonné de voir le groupe GDR déposer un amendement tendant à restreindre la liberté d’entreprendre en instituant un numerus clausus.
Croyez-moi, mon cher collègue : s’il n’y avait pas de demande, les chauffeurs potentiels de VTC se garderaient bien de se lancer sur le marché. En ce sens, et contrairement à ce que vous affirmez, leur développement n’a rien d’anarchique.
L’amendement no 23 n’est pas adopté.
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Suite de la discussion de la proposition de loi relative aux taxis et aux voitures de transport avec chauffeur ;
Discussion des propositions de loi relatives à la sécurisation des transactions relatives à la zone d’aménagement concerté du quartier de Gerland à Lyon ;
Discussion du projet de loi relatif à la sécurisation des contrats de prêts structurés souscrits par les personnes morales de droit public.
La séance est levée.
La séance est levée à treize heures.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Catherine Joly