Une voie confortable aurait peut-être consisté à prendre fait et cause pour l’un ou l’autre camp, en proposant des mesures qui n’auraient convenu qu’aux uns, en suscitant l’opposition résolue des autres. Mais vous avez choisi une autre voie, celle du dialogue et de la concertation. Je tiens à vous en remercier, car la proposition de loi qui est présentée aujourd’hui permet d’aboutir à un point d’équilibre, qui est en réalité la solution.
Vous avez recherché cet équilibre et une sortie de crise par le haut, qui permet de préserver l’emploi dans les deux secteurs d’activité. Votre rapport, remis au Premier ministre le 24 avril, propose trente mesures concrètes, que le Gouvernement a souhaité mettre en oeuvre très rapidement. L’examen de cette proposition de loi dans des délais très resserrés en témoigne. C’est une première étape, qui sera prolongée par des mesures de nature réglementaire, qui seront nécessaires pour donner corps à l’ensemble de vos préconisations. Les services des ministères concernés travaillent d’ores et déjà à l’élaboration de ces dispositions – soyez rassurés sur ce point, monsieur le rapporteur.
Votre assemblée examine aujourd’hui cette proposition de loi qui a pour ambition de moderniser la profession de taxi et d’établir des règles du jeu saines dans le secteur du transport léger de personnes.
Moderniser les taxis, c’est l’objectif ambitieux de ce texte qui nous invite à dépasser une vision simpliste selon laquelle les anciens – les taxis avec un lumineux sur le toit – seraient condamnés par l’ascension irrésistible des modernes, les VTC avec leurs smartphones en main. Ainsi, la dérégulation totale du secteur du transport de personnes serait la seule voie possible, les VTC les seuls à même de tirer parti des nouvelles technologies.
Les exemples étrangers soulignent que la France, loin d’être un pays rétrograde comme certains aimeraient le laisser croire, s’emploie comme eux à trouver les voies de la coexistence entre ces deux offres de transport et à lutter contre un certain nombre de dérives inquiétantes. Londres, montrée en exemple pour son nombre de VTC, n’en applique pas moins une réglementation extrêmement contraignante pour ses minicabs afin de protéger le consommateur, et nous avons également ce devoir.
Ce nouvel équilibre à trouver passe par une utilisation accrue des nouvelles technologies par les taxis, vous l’avez vous-même souligné. C’est pourquoi le premier article de cette proposition de loi crée une infrastructure permettant la collecte de données relatives à leur disponibilité. La maraude pourra ainsi être profondément modernisée et offrira un meilleur service au client, qui pourra par exemple héler électroniquement un véhicule.
La volonté gouvernementale de moderniser notre société et de participer au développement des usages du numérique se retrouve pleinement dans ce projet d’open data de la disponibilité des taxis. Il est important que la puissance publique puisse contribuer à cette modernisation, sans, bien entendu, se substituer au marché. L’intérêt de cet open data est double. Il offre les conditions d’une amélioration de l’accès aux services de transport de personnes, tout particulièrement dans les zones urbaines, et permettra également d’améliorer l’information des acteurs publics. Ceux-ci ont en effet besoin de la connaissance la plus fine possible de l’offre de transport pour adapter celle des autres composantes du service public des transports et développer les alternatives à l’utilisation de la voiture individuelle. Le caractère innovant de cette proposition a permis à certains d’entretenir des inquiétudes infondées sur les utilisations qui pourraient en être faites, je suis convaincu que nous aurons l’occasion d’y revenir.
Il a également été dit que le Gouvernement voulait interdire l’usage des nouvelles technologies et de la géolocalisation par les VTC. Il convient sur ce point d’être extrêmement précis : il est évidemment hors de question d’interdire aux VTC d’être géolocalisés, cela n’aurait pas de sens. Ce sont les usages de cette géolocalisation qui sont, en revanche, réglementés. Les VTC ayant interdiction de circuler en quête de clients, et donc de s’adonner à la maraude réservée aux taxis, ils ne doivent pas pouvoir signaler en temps réel leur disponibilité aux clients. Par contre, les entreprises de ce secteur restent tout à fait libres d’utiliser ces technologies pour organiser au mieux leur activité.
La proposition de loi s’attache également à moderniser les conditions d’exercice de la profession de conducteur et d’exploitant de taxi. Certaines règles méritaient en effet d’être précisées, au bénéfice de ces professionnels.
Parmi les 55 000 conducteurs de taxi, 8 000 exercent aujourd’hui leur métier avec un statut de locataire qui est source d’ambiguïté et pénalise les chauffeurs. Ce régime hybride fait du locataire un salarié au titre de la Sécurité sociale et un artisan pour les services fiscaux. Il rend les locataires plus vulnérables aux fluctuations de la conjoncture, le montant forfaitaire dont ils doivent s’acquitter étant indépendant de leurs recettes réelles d’activité. La proposition de loi met donc fin à ce système, remis en cause par les locataires eux-mêmes, au profit du droit commun : la location-gérance.
La proposition de loi clarifie également les règles d’attribution des nouvelles autorisations de stationnement, plus communément appelées licences. Elles seront incessibles, attribuées pour une durée de trois ans et devront être exploitées par le titulaire lui-même. Ces mesures modernisent la loi de 1995 relative aux taxis, dite loi Pasqua, qui n’a pas été modifiée depuis sa promulgation. Elles répondent à un souci d’équité sociale, et leur mise en oeuvre est programmée dans le temps.
Cette modernisation doit également permettre aux taxis de participer, à leur manière, à l’amélioration de l’image de la France auprès des touristes. Des millions de touristes étrangers arrivent chaque année dans nos gares et aéroports, et la première image de notre pays leur est donnée par la fréquentation des taxis. Le mois dernier, lors de la clôture des assises du tourisme, le ministre des affaires étrangères et du développement international a repris des propositions développées dans le rapport Thévenoud visant à donner davantage de visibilité aux taxis dans les villes et à faciliter les accès depuis les aéroports par des voies réservées. Vous laissez dans ce texte le soin aux autorités compétentes de fixer les mesures d’identification des taxis, en respectant ainsi les compétences des collectivités territoriales et, à Paris, de la préfecture de police dans ses prérogatives d’autorité communale. Les élus parisiens qui siègent ici – et que je salue – savent de quoi il s’agit. Le Gouvernement partage cette orientation.
Au-delà de la modernisation des conditions d’exercice de la profession de taxi, cette proposition de loi entend clarifier et renforcer les règles s’appliquant au transport de personnes et singulièrement aux VTC, régime de création récente insuffisamment protecteur pour le consommateur.
La loi de 2009, dite loi Novelli, avait pour ambition affichée de réformer le statut des grandes remises s’adressant à une clientèle haut de gamme sur un segment du marché très particulier. Il en a résulté une dérégulation quasi complète du secteur. Cette loi a créé le régime des véhicules de tourisme avec chauffeurs bénéficiant de dispositions extrêmement souples : absence de qualification des conducteurs, inscription dématérialisée avec un niveau de contrôle très limité. Les informations demandées lors de leur enregistrement ne permettent même pas de connaître avec précision le nombre réel de VTC en activité.
Avec le développement des smartphones, de nouveaux opérateurs se sont implantés sur ce marché qui connaît une forte expansion depuis deux ans, tout particulièrement en région parisienne. Le Gouvernement ne souhaite pas freiner les initiatives, ni entraver des acteurs économiques qui répondent à de nouveaux besoins. Au contraire, les services à la personne doivent contribuer au développement de l’emploi et de la compétitivité de notre pays en répondant aux besoins là où ils existent. Toutefois, les règles du jeu doivent être claires et partagées.
Dès 2013, nous avons pris des mesures réglementaires afin de réguler cette activité. Toutefois, et le rapport Thévenoud le souligne, il est nécessaire de fixer un cadre législatif aux VTC adapté à une activité de transport de personnes. Il ne s’agit pas de créer une autre profession réglementée, mais simplement de fixer des règles pour la protection des personnes, afin de garantir leur sécurité et leurs droits comme consommateurs. Partout, les activités de transport sont réglementées : c’est la nature même de ce secteur économique qui l’impose. Du pilote de ligne au conducteur de taxi en passant par le conducteur de poids lourds ou d’autobus, toutes ces professions sont soumises à des règles.
La proposition de loi répond bien à ce souci d’équilibre : renforcer les garanties de professionnalisme des acteurs du VTC et la responsabilité des intermédiaires, mais sans excès de réglementation. Elle le fait par l’introduction d’un certain nombre de règles simples : capacité financière des exploitants, obligation de vérification de la carte professionnelle et de l’assurance par les intermédiaires, garanties accrues du monopole des taxis sur la maraude.
Cette proposition de loi s’attache également à faire en sorte que ces règles soient respectées par tous. C’est le sens de la responsabilisation accrue des intermédiaires, qui bénéficiaient jusqu’ici d’une relative impunité, les dispositions existantes visant soit les exploitants soit les chauffeurs eux-mêmes.
La redéfinition des infractions relatives à l’offre frauduleuse de transport permettra une répression facilitée du racolage. Les forces de l’ordre sont d’ores et déjà mobilisées de manière importante pour mettre fin à ces situations qui portent préjudice aux taxis comme aux VTC qui respectent la réglementation. Elles doivent avoir les moyens d’exercer plus facilement leur mission.
Je voudrais d’ailleurs saluer leur mobilisation. Ainsi, en région parisienne, soixante-dix-sept opérations ciblées de contrôle sur les plates-formes aéroportuaires et aux abords des gares ont été réalisées entre mars et juin 2014 par les effectifs spécialisés de la préfecture de police. Ce sont ainsi 3 800 véhicules qui ont été contrôlés. Elles ont permis aux forces de police de relever soixante-huit délits et mille cent dix-huit contraventions, dont cent six pour racolage, essentiellement à l’encontre des véhicules de transport privé alternatifs aux taxis.
Le texte prévoit également une intervention accrue de la DGCCRF, qui contrôlera notamment l’application par les VTC des règles relatives à la tarification. En privilégiant l’efficacité du contrôle de règles simples à un excès de réglementation sans moyen effectif d’assurer leur respect, le texte présente un équilibre auquel le Gouvernement souscrit pleinement.
Les crises sont des moments où les problèmes et les passions émergent, mais notre société a aussi besoin de sérénité afin de mener des réformes importantes. Le chemin de la réforme du secteur des transports de personnes qui est tracé dans cette proposition de loi est réaliste et équilibré. Porteur de créations d’emplois tout en préservant ceux qui existent, il permettra de répondre aux besoins de mobilité des citoyens, et je tiens à vous féliciter une fois encore, monsieur le rapporteur, pour la qualité du travail que vous avez accompli.