Intervention de Noël Mamère

Séance en hémicycle du 12 novembre 2012 à 16h00
Projet de loi de finances pour 2013 — Mission aide publique au développement

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNoël Mamère :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, s'il est un poste budgétaire sur lequel nous ne devons pas faire d'économies, c'est bien celui de l'aide publique au développement, et ce pour une raison très simple : cette aide participe à l'épanouissement d'un certain nombre de pays qui en ont besoin. Elle ne doit pas être guidée simplement par des raisons géopolitiques, économiques ou d'intérêt national, mais doit au contraire favoriser la lutte contre les principaux maux qui frappent notre planète, en particulier le réchauffement climatique.

Ce dernier a en effet des conséquences absolument dramatiques pour les pays du Sud ; c'est pour eux une double peine, parce qu'ils sont déjà victimes de graves inégalités. Je rappellerai un chiffre à cet égard : en 1980, le revenu par habitant des quinze pays les plus riches du monde était 44 fois supérieur à celui des quinze pays les plus pauvres. Ce rapport est passé à 56 dans les années 2000, et ce fossé continue de se creuser. Il y a donc bien une double peine : d'une part les inégalités économiques et sociales, d'autre part la vulnérabilité plus grande aux effets du réchauffement climatique. Je pense en particulier à la désertification, mais aussi à ce que l'on appelle l'accaparement des terres, qui vise à satisfaire les besoins et l'avidité des pays riches, et qui est devenu une plaie pour un certain nombre de pays pauvres. Je pense en particulier aux phénomènes relatifs à la production de l'huile de palme.

Cette digression faite, nous voterons évidemment ce budget, vous vous en doutez. Nous remarquons avec satisfaction que le Gouvernement a décidé de modifier l'intitulé de ce ministère, qui s'appelait ministère de la coopération et n'était que la vitrine légale, si je puis dire, de la Françafrique. Le fait qu'aujourd'hui ce ministère s'appelle ministère du développement est un signe très encourageant. Cela signifie que le Gouvernement – grâce à vous, monsieur le ministre – a décidé de changer réellement et de tourner la page de ce qui a été un déshonneur pour notre pays, depuis Jacques Foccart jusqu'à Guy Penne.

Vous avez été, au Parlement européen, l'un des artisans de la taxe sur les transactions financières. Notre satisfaction est grande de voir que vous avez réussi à convaincre le Président de la République de l'appliquer dans notre pays.

Nous estimons qu'aujourd'hui 160 millions d'euros seront attribués au fonds de solidarité pour le développement, géré par l'Agence française de développement. Nous considérons cependant que nous sommes assez loin des engagements pris par le Président de la République. Vous défendez le point de vue inverse : c'est votre mission, au Gouvernement ! Si l'on m'en laisse le temps, je formulerai quelques observations sur ce budget.

Le projet de loi de finances pour 2013 prévoit une baisse de la dotation du Fonds de solidarité prioritaire, qui est tout de même le principal outil d'aide aux projets au sein du ministère des affaires étrangères, et qui permet de développer des programmes concernant les missions régaliennes de l'État dans dix-sept pays pauvres prioritaires. Je dirai ensuite qu'il est nécessaire de contrôler l'aide publique au développement. Selon la nomenclature de la loi organique relative aux lois de finances de 2001, elle concerne aujourd'hui huit ministères, douze missions, et pas moins de vingt-trois programmes très exactement ! On ne peut pas dire que ce dispositif facilite la transparence. C'est la raison pour laquelle nous souhaitons que le Parlement soit plus et mieux associé au pouvoir d'évaluation des politiques gouvernementales en matière d'aide au développement.

Nous souhaitons également plus de cohérence : vous savez qu'à l'heure actuelle l'Agence française de développement donne la priorité aux prêts plutôt qu'aux dons. Quand on regarde les chiffres, on s'aperçoit que les pays les plus aidés ne sont pas ceux qui sont considérés comme prioritaires par le Gouvernement. C'est la raison pour laquelle, d'ailleurs, nous présenterons un amendement qui visera à divertir une partie des sommes allouées par ce budget aux prêts, afin de financer des dons. Beaucoup de pays, en effet, ne peuvent aujourd'hui bénéficier des prêts de l'Agence française de développement puisqu'ils ne sont pas solvables. Ce sont, encore une fois, les pays pauvres qui sont victimes des effets collatéraux de ce dispositif.

Notez également qu'il y a une certaine déconnexion entre les priorités affichées et les moyens alloués : votre budget est en baisse de 6 % en 2013, nous sommes donc très loin de l'engagement pris par la France d'atteindre un montant d'aide au développement équivalent à 0,7 % du revenu national brut. Cet objectif finira par devenir un Graal, par définition inatteignable ! De la même manière, nous sommes très loin des objectifs fixés en matière d'aide aux ONG c'est-à-dire en matière d'association de la société civile à la politique de développement. La part du budget de l'aide au développement que la France consacre aux ONG est de 1 %, alors que la Grande-Bretagne leur consacre 10 % ! Nous sommes d'ailleurs, à cet égard, montrés du doigt par l'OCDE.

Je sais que le Président de la République a fait un effort, mais il faudrait consacrer à peu près 15 millions d'euros aux ONG. Le Président de la République et le Gouvernement – par votre intermédiaire – ont pris la décision de porter la part d'aide attribuée aux ONG à 9 millions d'euros. Ne nous plaignons pas : c'est un début.

Si vous me le permettez, madame la présidente, je ferai une dernière observation concernant la question de la sécurité alimentaire et de l'aide à l'autosuffisance des pays pauvres. Il y a, là encore, une contradiction : nous subventionnons, par l'intermédiaire de la PAC et de politiques publiques nationales, des productions agricoles qui sont exportées vers ces pays et livrent une concurrence déloyale à leurs propres productions agricoles. Il faut aussi sortir de cette contradiction, et expliquer qu'il n'y aura pas d'aide publique digne de ce nom si elle ne s'insère pas dans une politique européenne cohérente. De ce point de vue, nous réclamons beaucoup plus de vigilance et de contrôle du Fonds européen de développement. Nous en sommes le deuxième contributeur après l'Allemagne. Nos Parlements, pas plus que le Parlement européen et les Parlements des pays en développement, n'exercent de contrôle sur ce Fonds.

Ces observations étant formulées, nous voterons le budget de la mission « Aide publique au développement ». (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et du groupe SRC.)

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