Intervention de François Asensi

Séance en hémicycle du 12 novembre 2012 à 16h00
Projet de loi de finances pour 2013 — Mission aide publique au développement

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Asensi :

Madame la présidente, monsieur le ministre, les politiques d'austérité menées dans les pays développés pour satisfaire les exigences des marchés financiers touchent durement l'aide publique au développement. Les principaux pays donateurs ont réduit leurs dotations. La France s'inscrit dans ce mouvement de reflux avec un budget pour 2013 amputé de 200 millions d'euros.

N'oublions pas que les pays du Sud sont les plus touchés par la crise, et que les inégalités entre les pays et à l'intérieur des sociétés explosent. Comment accepter que cette aide indispensable soit sacrifiée sur l'autel de la crise financière ? Nous ne pouvons rester spectateurs des inégalités galopantes créées par un système économique mondial très injuste. 1,25 milliard de personnes vivent toujours sous le seuil de l'extrême pauvreté dans le monde, 860 millions de personnes sont sous-alimentées et le virus du sida et le paludisme continuent de faire des ravages, notamment en Afrique.

La Banque mondiale estime qu'il faudrait de 60 à 80 milliards d'euros supplémentaires par an pour atteindre ces objectifs et permettre à des millions de personnes d'avoir accès à l'eau, à la santé, à l'éducation. Ce n'est ni plus ni moins ce que la France donne chaque année aux marchés financiers en paiement des intérêts de sa dette !

L'adoption d'une taxe sur les transactions financières est une revendication de longue date des députés communistes, du Parti du gauche, du Front de gauche en général et du mouvement social. Avec 8 000 milliards d'euros de transactions financières par jour, les fonds nécessaires au financement de l'aide au développement existent pour peu qu'on ose remettre en cause la spéculation internationale. Il y a peu de temps encore, les libéraux – surtout à la droite de cet hémicycle – qualifiaient cette proposition d'irréaliste, au motif qu'elle mettrait en cause la liberté du marché. Aujourd'hui, nous nous réjouissons de voir qu'il y a un consensus sur ce dispositif.

Mais alors, quel but assigner à cette taxe ? Aider les pays victimes d'un ordre économique générateur d'inégalités et de désastres écologiques, ou combler les déficits des pays développés ?

En 2013, la France consacrera environ 0,3 % de son RNB à l'aide publique au développement, loin – cela a été dit tout à l'heure – de l'objectif de 0,7 % fixé par les Objectifs du millénaire pour le développement, que peu de pays atteignent à l'heure actuelle.

J'observe que la moitié du budget est constituée de prêts accordés aux pays émergents, ce qui relativise plus encore l'effort français.

Soutenir les exportations françaises est légitime, mais certainement pas au détriment de l'aide au développement.

Nous souhaitons que l'aide se concentre sur les pays qui en ont le plus besoin, en particulier en Afrique subsaharienne, où les défis sont nombreux. Or, la France accorde seulement 167 millions d'euros de subventions, soit un montant dérisoire de moins de 10 millions d'euros par pays. Dans le même temps, la Chine est un des principaux bénéficiaires de l'aide. En a-t-elle réellement besoin ?

L'ouverture des marchés pour nos multinationales et les plans d'ajustement structurels prônés par le FMI et l'OMC ont mis à genoux les économies locales et réduit sensiblement les services publics. Les banques et les marchés financiers ont asservi ces pays à travers le mécanisme injuste de la dette.

Pour ces raisons, il y a urgence à mettre la mondialisation au service des peuples. Nous réclamons, nous députés du Front de gauche, l'annulation des dettes des pays les moins avancés, une lutte résolue contre les paradis fiscaux et la spéculation, une contribution de la France à hauteur de 0,7 % du PIB en 2015 hors financements privés, remises de dette et prêts, une véritable taxe sur les transactions financières, au service de l'aide au développement, avec une large assiette.

Néanmoins, nous relevons un certain nombre de points positifs dans ce budget – cela arrive… – comme une volonté plus affirmée de dialoguer avec la société civile, le maintien à un niveau élevé du budget affecté à la lutte contre le sida et le paludisme, ou l'augmentation de 9 millions d'euros des fonds attribués aux ONG.

Enfin, les efforts faits par la France pour instituer une taxe sur les transactions financières au niveau européen vont évidemment dans le bon sens. Nous attendons du Gouvernement qu'il fasse preuve de pugnacité, de combativité, de conviction pour que cette taxe soit rapidement effective.

Ces éléments s'accompagnent d'une amorce de changement encourageant de notre politique étrangère. Je salue, au nom des députés du Front de gauche, le retrait des troupes françaises d'Afghanistan, ainsi que la volonté affirmée du Gouvernement d'établir de nouvelles relations avec l'Algérie. La reconnaissance de la responsabilité de la France dans les événements du 17 octobre 1961 est une décision importante qu'a prise le Président de la République.

C'est pourquoi les députés communistes et républicains voteront les crédits de la mission « Aide publique au développement ». (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

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