Intervention de Jean-Pierre Dufau

Séance en hémicycle du 12 novembre 2012 à 16h00
Projet de loi de finances pour 2013 — Mission aide publique au développement

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Pierre Dufau :

Il faut simplement donner un sens.

De nouveaux instruments financiers, comme la taxe sur les billets d'avions et, surtout, la taxe sur les transactions financières, ont été décidés. On a vu la part de cette taxe qui pourrait être attribuée à l'aide au développement et vous avez cité le chiffre de 162 millions, monsieur le ministre. C'est un outil qu'il faut utiliser et faire monter en puissance pour financer les actions.

Les crédits que vous avez évoqués sont un premier pas, mais il ne faut pas en rester là. Des réflexions s'imposent : nous avons besoin de restructurer l'aide au développement.

Certes, nous sommes en période de crise, il convient d'en tenir compte. Mais l'APD doit-elle pour autant privilégier les instruments financiers qui ciblent les pays émergents ? L'Agence française de développement, instrument bancaire gérant 80 % de l'aide bilatérale, s'oriente de plus en plus vers des prêts accordés à des pays membres du G20, comme l'Afrique du Sud, le Mexique et même, de plus en plus, les pays asiatiques, donc la Chine. Rien à dire à cette action-là, mais peut-être pas dans ce cadre…

Ne doit-on pas privilégier les dons en direction des quarante-neuf pays moins avancés, dont trente-trois sont en Afrique subsaharienne ? Une réflexion sur les prêts et les dons est à mener, là encore, en profondeur et dans le temps.

Monsieur le ministre, la période difficile que nous traversons – ce sera là ma dernière remarque critique – devrait inciter à rationaliser le bras, ou plutôt les bras dont dispose la France pour sa politique en faveur du développement : il y en a trop, on ne s'y reconnaît plus. Et tout cela est source de confusion, en tout cas de manque de clarté et de transparence. La mission dont nous examinons les crédits, bien que ne concernant qu'environ 37 % de l'APD, regroupe des crédits gérés par trois ministères différents, dotés de services travaillant sur le terrain en parallèle. La gestion de l'APD française capterait 700 millions d'euros.

Il conviendrait donc de remettre de façon urgente la maison développement en ordre et en transparence. La tenue d'assises organisées depuis quelques jours par votre ministère est une excellente initiative et elle est bienvenue. Mais le Comité interministériel de coopération, en sommeil paradoxal depuis 2009, ne pourrait-il pas être réactivé et chargé d'une réflexion urgente sur les objectifs, la stratégie, les instruments de la politique française de développement, en partenariat avec le Parlement, comme cela avait souvent été réclamé ?

Les députés SRC ont, malgré ce qui vient d'être dit, accepté de voter ce budget par sens des responsabilités, parce que des signes ont été donnés et qu'un sens commence à se dessiner. La situation budgétaire et les structures administratives héritées des équipes précédentes ne permettent malheureusement pas, en effet, de faire beaucoup plus à l'égard des pays en développement d'aujourd'hui. Le ministre des affaires étrangères, ou même le ministre délégué au développement, ont malgré tout dans un contexte difficile réussi à préserver l'essentiel. On peut noter parmi les motifs de satisfaction les crédits alloués à la lutte contre un certain nombre de maladies – le sida, le paludisme, les diarrhées et d'autres pathologies – ainsi que cette volonté d'augmenter sensiblement l'aide en direction des ONG et de la société civile. On pourrait aussi y associer la coopération décentralisée, qui est aussi un point important et qui peut être efficace.

Toutes ces préoccupations, monsieur le ministre, vont être à l'ordre du jour des assises. Nous prenons donc rendez-vous dans un an : vous pourrez en présenter un premier bilan et, peut-être, nous donner une feuille de route, articulant une meilleure gestion, une plus grande cohérence de l'effort public en faveur du développement, dans le contexte d'une concertation avec le Parlement, et pourquoi pas d'un contrat programmé avec les élus de la nation.

C'est en tous les cas ce que nous souhaitons, députés socialistes, républicains et citoyens, car c'est aussi pour cela, en raison de cet effort tout à la fois de réflexion et de concertation, que nous voterons vos crédits : ils reflètent un moment de difficulté générale, mais nous espérons que progressivement vous serez en capacité de donner un sens.

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