Intervention de Arnaud Leroy

Réunion du 8 juillet 2014 à 17h00
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaArnaud Leroy, rapporteur :

Dans une étude rendue publique en mai dernier, l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) évaluait le coût annuel de la pollution atmosphérique à plus de 2 600 milliards de dollars et s'inquiétait de l'aggravation du phénomène à l'échelle mondiale.

Par ailleurs, les experts du Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), une agence spécialisée de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), viennent de classer la pollution de l'air dans la catégorie des « cancérigènes certains ».

La stratégie européenne d'amélioration de la qualité de l'air a permis de réduire considérablement les polluants nocifs comme les particules fines, le dioxyde de soufre – principal responsable des pluies acides –, le plomb, les oxydes d'azote, le monoxyde de carbone et le benzène. Les résultats positifs ont été de plusieurs ordres : les effets sanitaires des particules ont été réduits d'environ 20 % entre 2000 et 2010 ; le problème des pluies acides a été en grande partie résolu ; l'innovation a été stimulée.

Il arrive toutefois couramment que les seuils de sécurité soient dépassés dans des régions ou des villes européennes – d'autant que les normes communautaires demeurent moins strictes que celles des autres pays développés et que la mise en conformité avec certaines d'entre elles se révèle laborieuse. Au total, en 2010, 2011 et 2012, aucun État membre n'est même parvenu à respecter l'ensemble des valeurs limites d'émission prévues par la réglementation communautaire !

Il en résulte un nombre de décès prématurés dus à la pollution de l'air évalué à 420 000 par an, c'est-à-dire environ dix fois plus que ceux consécutifs aux accidents de la route ; l'espérance de vie moyenne des Européens s'en trouve réduite de huit mois et même de deux ans pour les habitants des zones les plus polluées.

En outre, la pollution liée à l'azote menace 123 000 kilomètres carrés d'écosystèmes, dont 56 000 kilomètres carrés de zones classées Natura 2000. L'acidification menace aussi 19 000 kilomètres carrés d'écosystèmes forestiers.

Quant aux dommages économiques directs, ils entraînent un coût élevé pour la société, en termes de jours de travail perdus, de dépenses de santé, de pertes de récoltes et de détériorations de bâtiments : celui-ci atteindrait 23 milliards d'euros par an.

Ces trois considérations ont conduit la Commission européenne, le 18 décembre 2013, au terme de deux années de réflexion, à présenter un paquet de quatre textes tendant à améliorer la qualité de l'air. L'enjeu consiste à imposer des plafonds d'émission aux États membres qui tardent à mettre en place des plans anti-pollution efficaces. La Commission européenne fixe ainsi pour objectif sanitaire d'éviter, d'ici à 2030, 58 000 victimes de ce tueur invisible.

D'abord, une communication stratégique instaure des mesures garantissant la réalisation des objectifs de qualité de l'air, fixe de nouvelles catégories d'objectifs, en particulier pour les villes, et prévoit des aides pour accompagner la mise en place des moyens de réduction de la pollution de l'air, ainsi que des mesures en faveur de la recherche et de l'innovation.

Ensuite, une proposition de décision du Conseil vise à ratifier un amendement au protocole de Göteborg. Ce dernier, relatif à la réduction de l'acidification, de l'eutrophisation et de l'ozone troposphérique, découle de la Convention de la Commission économique pour l' Europe des Nations unies (ONU-CEE) sur la pollution atmosphérique transfrontière à longue distance (PATLD).

Conclu en 1999, ce protocole fixe des plafonds d'émission nationaux en matière d'émissions de dioxyde de soufre (SO2), d'oxydes d'azote (NOx), de composés organiques volatils non méthaniques (COVNM) et d'ammoniac (NH3).

La proposition de décision, soumise à la procédure législative spéciale avec consultation du Parlement européen, vise à ratifier un amendement au protocole de Göteborg : celui-ci définit de nouveaux engagements nationaux de réduction des émissions, pour 2020 et jusqu'en 2030, en ce qui concerne les quatre polluants atmosphériques susmentionnés ; il ajoute des plafonds d'émission pour deux autres polluants, les particules fines (PM2,5) et le méthane (CH4) ; il préconise la réduction des émissions de carbone noir, composant des particules et polluant climatique à courte durée de vie ; il établit de nouvelles normes pour le calcul de la teneur en COVNM des produits ; il complète les obligations des parties en matière de déclaration et de notification des progrès accomplis dans la recherche et la technologie.

Une proposition de directive relative aux plafonds d'émission nationaux, a vocation à se substituer à celle de 2001, dite « directive PEN » ou « directive NEC ».

Ce second texte législatif, soumis à la procédure législative ordinaire de codécision, vise à réexaminer et actualiser les dispositions de la directive PEN afin de tenir compte de la persistance de risques sanitaires très importants et d'effets considérables sur l'environnement imputables à la pollution atmosphérique dans l'Union européenne, à adapter le droit européen aux nouveaux engagements internationaux découlant de la révision du protocole de Göteborg et à établir, pour les six principaux polluants, de nouvelles valeurs maxima, plus strictes, à respecter en 2020, 2025 et 2030.

La réglementation française, à l'instar de celles de la plupart des autres États membres, est largement insuffisante pour atteindre les nouveaux niveaux requis. Les respecter nécessitera l'adoption de mesures nationales fortes et l'organisation de contrôles pour vérifier l'effectivité de leur mise en oeuvre.

Une seconde proposition de directive vise à limiter les pollutions atmosphériques émanant des installations de combustion de taille moyenne, c'est-à-dire développant une puissance comprise entre 1 et 50 mégawatts, qu'elles soient destinées à la production d'électricité, de chauffage ou de refroidissement domestiques ou résidentiels, à l'échelle d'un quartier ou d'un grand bâtiment, ou à la production de chaleur ou de vapeur à des fins industrielles.

Quoique représentant une source non négligeable d'émissions de dioxyde de soufre, d'oxydes d'azote et de particules, ces installations – dont le nombre est estimé à 143 000 dans toute l'Union européenne et à 19 000 en France – ne font actuellement l'objet d'aucune réglementation communautaire.

Un système d'autorisation simplifiée, comparable à la procédure de déclaration applicable aux installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE), serait mis en place.

Pour la France, les changements induits par l'adoption de ce texte – lui aussi soumis à la procédure législative ordinaire – seraient de faible ampleur. Des valeurs limites d'émission sont en effet déjà imposées à la plupart des installations de ce type : celles dont la puissance est comprise entre 2 et 50 mégawatts. Les installations d'une puissance de 0,1 à 2 mégawatts ne sont réglementées que dans certains cas particuliers ; l'entrée de cette catégorie d'équipements dans le champ d'application de la proposition de directive est par conséquent un sujet de discussion entre colégislateurs.

Le conseil Environnement, lors de sa session du 12 juin 2014, a procédé à un premier débat d'orientation sur ce paquet législatif, lequel a mis en évidence une adhésion générale à ses objectifs et à ses grandes orientations.

Plusieurs délégations, arguant de leurs difficultés particulières et de la nécessité d'épargner la compétitivité des PME, ont toutefois réclamé que la proposition de directive relative aux installations de combustion de taille moyenne inclue des niveaux d'exigence progressifs en fonction de la taille des équipements, que des périodes de transition plus longues soient accordées en attendant la mise aux normes desdits équipements et que les valeurs limites soient moins draconiennes.

La plupart des délégations ont approuvé l'approche en deux étapes – 2025 et 2030 – ainsi que la couverture de tous les secteurs économiques prévues dans la proposition de directive relative aux plafonds d'émission nationaux.

Néanmoins, là encore, certaines d'entre elles ont jugé excessifs les exigences de réduction d'émissions. La Pologne a en outre rejeté l'inclusion du secteur agricole dans le périmètre du texte. L'année butoir de 2030 a aussi été jugée trop ambitieuse au regard des difficultés auxquelles les États membres sont déjà confrontés pour respecter les valeurs limites en vigueur actuellement.

À la suite de ces débats, les organisations non gouvernementales, par la voix du Bureau européen pour l'environnement (BEE), ont dénoncé ce qu'elles jugent être un « manque d'ambition » de la part des États membres.

Considérant que les émissions dans l'atmosphère de substances polluantes ont de graves conséquences sanitaires, environnementales et économiques et que l'aggravation du phénomène en Europe appelle un renforcement de la législation, nous pourrions approuver les orientations du paquet législatif « Air pur en Europe », appeler les colégislateurs à en conserver l'économie générale afin de se rapprocher de niveaux d'émission inoffensifs pour la santé et l'environnement, et, enfin, nous prononcer pour que le produit des amendes pour manquement à la réglementation relative à la qualité de l'air soit affecté à des actions en faveur de l'amélioration de celle-ci.

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