Commission des affaires européennes

Réunion du 8 juillet 2014 à 17h00

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La réunion

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COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

Mardi 8 juillet 2014

Présidence de M. Jérôme Lambert, Vice-président, puis de Mme Danielle Auroi, Présidente de la Commission

La séance est ouverte à 17 heures

I. Examen du rapport d'information de Mme Isabelle Bruneau sur la politique européenne de la concurrence

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La politique européenne en matière de concurrence fait-elle de l'Europe « l'idiot du village global », c'est à dire de l'économie mondialisée d'aujourd'hui ?

Beaucoup de commentateurs ont souligné lors du rachat d'Alstom par General Electric, qu'une fusion avec Siemens ne pouvait pas être envisagée, sans démantèlement de l' entreprise, car le groupe se serait trouvé en position dominante sur plusieurs segments en Europe. La constitution d'un champion industriel mondial semble effectivement impossible s' il détient une position trop forte sur le marché intérieur européen. En outre, cette entreprise n'aurait peut-être pas constitué en 2014 une proie si elle n'avait pas été affaiblie par les conditions posées par la Commission européenne en 2003 pour accepter l'intervention de l' État français.

Je ne crois pas que la Chine où les États-Unis aient la même attitude vis à vis de leurs entreprises.

La réponse de la Commission européenne qui se justifie par la prééminence accordée à l'intérêt du consommateur sur le producteur est-elle fondée ?

M'étant rendue à Bruxelles pour aborder les questions de concurrence, j'avais en tête les réflexions, somme toute assez simples, d'une économiste sur l'intérêt de favoriser la concurrence en économie ouverte, tout en respectant les principes de réciprocité et de réalité.

Or, je me suis vue opposer, à mes remarques de bon sens, une accumulation de constructions juridiques, plus byzantines les unes que les autres.

Aussi, suis-je revenue de la Commission européenne avec la certitude que si l' Union européenne faisait le bonheur des cabinets d'avocats d'affaires, la législation sur la concurrence, ou plus exactement son interprétation par les autorités et juridictions européennes, n'aidait pas les entreprises européennes à développer la croissance et l'emploi.

De retour de la capitale de l'Union européenne j'ai le sentiment que la volonté, de construire l'Union européenne par le droit, a dans certains cas enclenché une mécanique qui aujourd'hui se retourne contre l'idée européenne et favorise le populisme.

J' ai été confortée dans cette conviction par la lecture du traité de Lisbonne : il n'est nul besoin de réécrire les dispositions des traités relatives au droit européen de la concurrence ; les décisions les plus contestables découlent de l'exercice par la Commission européenne de ses pouvoirs propres et de l'appui que lui offre une Cour de justice de l'Union européenne dont la jurisprudence fait, à mon sens, trop peu de cas de la subsidiarité, pourtant inscrite dans les traités européens.

À Berlin j'ai eu l'intuition que la position allemande sur la politique de la concurrence, inspiratrice des traités européens était susceptible d'inflexion.

C'est pourquoi, au moment où une nouvelle Commission européenne va prendre ses fonctions, il est utile de vous proposer non pas une réforme des traités, l'entreprise serait vouée à l'échec, mais une vision différente de la mise en oeuvre de la législation relative à la concurrence, reposant sur l'article 7 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, qui impose que celle-ci veille à la cohérence entre les politiques qu'elle conduit.

Si les décisions de la Commission européenne sont souvent objet de polémiques, le droit européen de la concurrence appartient à l'ADN communautaire. S'il constitue un volet essentiel de la construction communautaire, tout débat sur son bien-fondé ne doit pas être tabou et immédiatement assimilé à une remise en cause de la construction européenne. Une des causes de la montée inquiétante des populismes tient sans doute au refus d'engager un débat de fond sur les politiques à la base de la construction européenne.

L' article 3 du TFUE confère une compétence exclusive à l'Union européenne en matière d' « établissement des règles de concurrence nécessaires au fonctionnement du marché intérieur ». Cette compétence est traduite par le titre VII du Traité qui précise les règles applicables aux entreprises ( droit antitrust – ententes, abus de position dominante, concentrations ), et un contrôle des aides accordées par les États membres à ces mêmes entreprises.

Il est vain de vouloir remettre en cause les traités européens qui traduisent une vision économique de l'Europe majoritaire au sein des gouvernements européens. Mais il n' est pas nécessaire de devoir s'incliner devant une interprétation des textes européens qui va au-delà des stipulations des traités en imposant, par exemple que la charge de la preuve soit apportée par le défendeur et non l'accusateur – ce qui est contraire aux principes généraux du droit– ou qui considère le statut d'établissement public industriel et commercial comme constitutif en lui-même d'une aide d'État – arrêt de la Cour de justice de l'UE du 030414.

En outre, il n'est pas interdit de faire preuve de pédagogie : le fait que trop souvent les autorités de l'Union européenne considèrent la politique européenne de la concurrence comme l'alpha et l'oméga de la politique économique en Europe n'est pas toujours compris en France, où un certain nombre de décisions malheureuses, où difficiles à expliquer aux populations, entretiennent le doute sur le bien-fondé de ses règles. Nous pourrions citer, par exemple, l'ouverture à la concurrence du secteur de l'électricité où l' exigence de libéralisation des tarifs réglementés est susceptible d'entrainer une hausse des tarifs d'électricité pour le consommateur.

Le point d'achoppement le plus fréquent et le plus médiatisé des contentieux entre autorités politiques nationales et responsables de la politique européenne de concurrence réside dans l'impact des exigences des autorités de la concurrence sur le rétablissement d'entreprises en difficultés, le veto mis à des rachats ou des fusions d'entreprises, ou l' extension de l'ouverture à la concurrence à des secteurs exclus jusqu'à présent, par exemple le transport ferré régional.

Il faut d'abord relever que les vetos de la Commission européenne sur les aides aux entreprises en difficulté ou le soutien à l'emploi et à l'innovation ont été peu nombreux.

Il est exact également que les politiques industrielles ne relèvent pas des compétences de l'Union, faute d'accord des États à ce sujet. Ainsi, aucun service de la Commission européenne n'est en charge d'élaborer une politique industrielle européenne, qui pourrait être proposée aux États. Il convient de noter que les tentatives en ce sens des commissaires Barnier et Tajani n'ont pas à ce jour été relayées par le collège des commissaires.

Nous ne devons pas oublier que la libéralisation des services publics européens a été décidée par le Conseil des ministres et par le Parlement européen, c'est-à-dire par les représentants élus des citoyens européens. Si la Commission européenne a pris l'initiative de ces propositions elle ne dispose pas du pouvoir législatif. Néanmoins, nous nous trouvons en droit de la concurrence devant une politique jurisprudentielle qui a considérablement élargi la notion d'aide d'État, pour appuyer la Commission européenne, au risque d'aller bien au-delà de la simple interprétation des textes et d'handicaper nos entreprises à l'international.

Il n'existe pas de définition légale de la notion d'aide, qui ressort de la jurisprudence et est subordonnée à quatre conditions : il doit s'agir d'une intervention de l' État ou au moyen de ressources d'États, qui confère un avantage sélectif à certaines entreprises, fausse la concurrence et affecte les échanges entre États membres.

L' arrêt du 3 avril 2014 de la Cour de justice est une excellente illustration de cette interprétation extensive de la notion d'aide d'État. En effet, dans cet arrêt, la Cour de justice de l'Union européenne considère qu'une entreprise ( la Poste ) bénéficie, par son statut d' établissement public industriel et commercial, d'une aide d'État sans que les autorités européennes n'aient à prouver la réalité d'une aide et le fait que ce statut ait nui à la concurrence.

Dans ce cas précis, nous affirmons avec force que la Cour de justice de l'Union européenne n'a pas respecté le principe de subsidiarité et a substitué son appréciation à celle du législateur national.

L' extension au fil du temps de la notion d'aide d'État a généré une bureaucratie complexe et paralysante. La Commission européenne consciente de ce fait a engagé une action dans plusieurs voies : elle a réduit son champ d'intervention, par l'exclusion des montants trop faibles pour avoir un impact sur le marché intérieur, elle a produit un effort réel de modernisation et elle a élaboré des réglementations particulières encadrant les aides d'État dans certains secteurs qui présentaient des difficultés ou des particularités.

Son action bute néanmoins sur une limite importante : la concurrence déloyale en Europe est loin d'être exclusivement liée aux aides d'État. La vision de la Commission européenne est hémiplégique, malgré ses innombrables raffinements juridiques, car elle repose sur une conception inadaptée aux réalités économiques. Par exemple, les dévaluations monétaires des pays membres de l'Union européenne, mais n'appartenant pas à la zone euro, ne sont pas considérées comme des aides d'État alors que leur impact est bien supérieur à n' importe quel concours étatique.

Dans la perspective d'une simplification, la Commission européenne a publié un règlement en 2001 précisant que des aides inférieures à un certain montant ne pouvaient être considéré comme des aides d'État, car elles n'affectaient ni la concurrence, ni les échanges entre États. Depuis le 1er janvier 2007, un nouveau règlement sur les aides de minimis est entré en vigueur. Les aides inférieures à 200 000 euros, accordées sur une période de trois ans n'ont pas à être notifiées. Cela s'applique à toutes les catégories d'aides, quelle que soit la taille du destinataire.

La Commission européenne a annoncé le 2 février 2012, à l'occasion du « European Competition Forum », sa décision de lancer une initiative de modernisation du cadre général des aides à l'aune des trois objectifs suivants :

– soutenir les priorités économiques de l'Union européenne pour 2020 en redirigeant la dépense publique des États membres vers la croissance et donc vers les « bonnes » aides, susceptibles de corriger les défaillances de marchés (innovation, emploi) ;

– améliorer l'efficacité du contrôle des aides d'État en le recentrant sur les cas les plus importants et porteurs de distorsions graves de concurrence ;

– clarifier les règles et améliorer la procédure, notamment pour en réduire les délais et les contraintes administratives pour les États membres.

La Commission européenne a publié le 8 mai 2012 une communication présentant ses objectifs principaux et les mesures proposées.

Au-delà des règles générales, en dehors de l'agriculture, qui depuis l'origine bénéficie d'un régime spécifique, il existe de nombreuses réglementations particulières encadrant les aides d'État dans certains secteurs qui présentent des difficultés ou des particularités.

Trois exemples, portant sur des problématiques différentes peuvent illustrer ce propos : les aides aux entreprises en difficultés, le cinéma et l'aviation civile, qui sont précisément développés dans le rapport.

Dès l'origine, le contrôle des aides d'État a été motivé par le souci d'empêcher le favoritisme national. Il est donc logique que des divergences d'appréciation entre intérêt national et intérêt communautaire génèrent des tensions. Deux types de mesure sont plus particulièrement au coeur des débats : les aides destinées à soutenir des « champions nationaux » en difficulté et les avantages octroyés aux entreprises en charge d'une mission de service public. L'approche très juridique de ces questions par la Commission européenne est parfois difficile à comprendre par les États, confrontés à des exigences d'aménagement du territoire ou à des impératifs sociaux.

Lorsque des personnes ayant eu des négociations à conduire vous racontent des scènes où un jeune trentenaire, fonctionnaire de la Commission européenne, demande des mesures entraînant des licenciements supplémentaires d'ouvriers quinquagénaires et dépourvus de formation sur un site où toute reconversion professionnelle est impossible, le débat juridique que nous venons d'évoquer prend une forme humaine. Je ne pense pas qu'il faille laisser aux partis populistes le soin de dénoncer un certain fonctionnement autiste de la Commission européenne.

Ces tensions sont inévitables et résultent d'abord d'une insuffisante politisation de la Commission européenne. Nous pensons que la scène que nous venons de décrire ne devrait plus exister et que le collège des commissaires européens doit se réapproprier ces sujets et accepter qu'un débat public, où les États puissent faire valoir leur point de vue devant l'ensemble des commissaires, puisse avoir lieu. Les décisions seraient sans doute mieux comprises. Un bouleversement majeur de ce type dans le fonctionnement de la Commission européenne n'implique aucune modification des traités. Il s'agit d'un point essentiel des conclusions qui vous sont soumises au terme de ce rapport.

Il est incontestable que des réformes engagées ces dernières années ont atténué les tensions. Par exemple la réforme du contrôle des aides d'État initiée en juillet 2005 clarifie les compensations pour services publics et des mesures facilitant les aides en faveur de l'intérêt général : hôpitaux, logements sociaux, développement des PME, emploi, recherche et développement, etc…

En outre la Commission européenne est consciente des ravages que peut provoquer dans l'opinion un juridisme excessif. Aussi s'est-elle au cours des dernières années, centrée essentiellement sur un renforcement de l'analyse économique : publication de lignes directrices révisées sur l'analyse des concentrations horizontales, sur les restrictions verticales et sur les pratiques d'éviction abusives opérées par les entreprises dominantes.

Néanmoins nous nous situons encore très largement au niveau des pétitions de principe. Au cours des auditions que j'ai réalisées, il m'est apparu que le dialogue entre la Commission européenne et les États pouvait être amélioré sur un certain nombre de points.

Quelques mesures simples pourraient aider à améliorer ce dialogue. Par exemple le Conseil compétitivité, compétent dans ce domaine, ne se réunit qu'une fois par trimestre, ce qui semble insuffisant ; en outre il devrait être doté d'une cellule pour aider à la préparation des décisions, comme l'est le conseil éco-fin.

Il convient également de revaloriser le dialogue avec les États, en utilisant ou en créant un organisme consultatif ( au sein duquel le Parlement européen serait représenté ) donnant un avis préalable à une prise de décision. Lorsqu'un État est en désaccord avec une décision du commissaire à la concurrence, il serait utile qu'il puisse exercer un recours gracieux devant le collège des commissaires européens, et qu'une procédure soit formalisée afin de permettre l'audition par le collège des parties prenantes.

Mais surtout l'article 108 du TFUE mériterait d'être utilisé en cas de problèmes graves pour que la décision européenne passe d'une logique juridique à une logique politique. Ce dernier dispose en effet dans son deuxième alinéa que « Sur demande d'un État membre, le Conseil, statuant à l'unanimité, peut décider qu'une aide, instituée ou à instituer par cet État, doit être considérée comme compatible avec le marché intérieur, en dérogation des dispositions de l'article 107 ou des règlements prévus à l'article 109, si des circonstances exceptionnelles justifient une telle décision. Si, à l'égard de cette aide, la Commission européenne a ouvert la procédure prévue au présent paragraphe, premier alinéa, la demande de l'État intéressé adressée au Conseil aura pour effet de suspendre ladite procédure jusqu'à la prise de position du Conseil. Toutefois, si le Conseil n'a pas pris position dans un délai de trois mois à compter de la demande, la Commission statue. »

La concurrence déloyale n'est pas générée uniquement par les aides d'État. L'accent mis sur la lutte contre les aides d'État en Europe – loin d'être au coeur des politiques de concurrence dans le reste du monde – témoigne d'une volonté d'approfondir le marché intérieur et de s'assurer que les États membres ne se renferment pas dans des logiques nationales.

Par exemple, la Commission européenne sortante met en avant dans son bilan la baisse du prix des transports aériens européens. Elle est incontestable et le consommateur en profite beaucoup. Néanmoins il nous semble intéressant de regarder les contreparties de cette évolution positive pour le consommateur.

Bien plus qu'une simple compagnie la principale société aérienne low cost est aussi une structure financière très complexe regroupant des dizaines d'entités pour certaines installées dans des paradis fiscaux, qui profite depuis 20 ans d'un manque d'harmonisation des normes sociales et fiscales en Europe. En effet, il est étonnant de noter que la vente de billet ne représente qu'une part réduite de ses recettes. Le modèle de la principale compagnie aérienne low cost est également basé sur les aides publiques. Avec sa structure complexe, composée de sociétés-écran et de filiales offshores, elle semble pratiquer l'optimisation fiscale.

La masse salariale est le principal levier pour réduire les coûts d'une compagnie aérienne. Domiciliée en Irlande pour profiter d'une fiscalité avantageuse – les charges sociales n'y représentent que 12,5 % du salaire contre plus de 50 % pour la France –, cette société n'y exploite que trois bases sur les cinquante-sept de son réseau. Malgré tout, ses salariés sont régis par des contrats de droit irlandais quel que soit leur lieu d'affectation. Ce dumping social entraine une forte distorsion de concurrence sur le marché. Il est juste de noter que la Commission européenne est consciente de cette question et qu'un groupe de travail sur les faux-indépendants vient d'être lancé par le Comité du Dialogue social sectoriel de la Commission européenne.

L'Europe doit donc afficher clairement ses objectifs de défense des consommateurs mais aussi de défense de ses champions industriels, qui passent par l'institution d'une véritable politique industrielle s'appuyant, entre autres, sur une harmonisation fiscale entre États membres.

Dans le domaine de la production d'aluminium, les sites de Dunkerque et Saint-Jean-de-Maurienne, qui font partie des industries électro intensives, malgré une situation difficile, jouissent d'un approvisionnement d'électricité leur permettant d'offrir un profil compétitif.

L'objectif affiché par Bruxelles d'une remontée à 20 % de la part de l'industrie dans le PIB européen d'ici 2020 passe aussi par la prévisibilité des coûts énergétiques pour les industries afin de limiter les risques d'investissement. Or, les entreprises à forte consommation d'énergie présentent une durée moyenne de leur cycle d'investissement entre 20 et 30 ans, due à une forte intensivité de capital.

Les industries électro-intensives, et particulièrement celles de l'aluminium, doivent, à travers des clauses de réciprocités, avoir le droit de conclure des contrats d' approvisionnement sur des périodes supérieures à 10 ans. Ne pas mettre en place de telles stipulations peut avoir un effet désastreux sur l'investissement ainsi que présenter des risques liés à la délocalisation vers des zones extérieures à l'Union européenne.

Une des personnalités auditionnées évoquait les fonctionnaires de la Commission européenne rentrant au petit matin dans son entreprise, expulsant les occupants afin de mettre des scellés sur les portes des bureaux dans le cadre d'une enquête sur d'éventuelles ententes. Le côté policier de cette démarche est sans doute traumatisant, mais il illustre les prérogatives de la Commission européenne dans le seul secteur où elle dispose réellement des prérogatives d'un État supranational.

Comme en matière d'aides d'État, l'élargissement très important du champ de compétences de l'Union pose des questions mais il nous faut bien distinguer la lutte contre les cartels qui entraîne les protestations des entreprises, mais dont le bien-fondé est admis de longue date ( cf. Sherman Act aux États-Unis le 2 juillet 1890 ) et le contrôle des concentrations a un caractère préventif et peut entraver la conduite d'une politique industrielle.

Les amendes infligées par la Commission européenne pour violation de la législation relative aux ententes ou l'abus de position dominante sont considérables. J'ai, bien sûr, entendu les plaintes des entreprises, mais il me semble que la crainte d'utilisation de cette procédure pour déstabiliser des concurrents est réelle et que l'idée que la Commission européenne veille à ne pas se laisser instrumentaliser est légitime.

Toutefois la lutte contre les cartels doit être adaptée aux différents secteurs économiques. Il est possible, par exemple de s'interroger sur son application à des secteurs tels que l'agriculture où il est nécessaire de ne pas étendre à l'infini la notion d'entente, faute de quoi nous interdirions toute régulation des forces du marché et de la vie économique.

Le contrôle des concentrations permet d'éviter que la réunion de deux ou de plusieurs entreprises ne crée ou ne renforce une situation dominante sur le marché pertinent défini par la Commission européenne.

Cette législation a vu le jour difficilement pour des raisons de principes : le contrôle des concentrations est réalisé avant que l'opération projetée n'ait lieu ; c'est en quelque sorte un procès d'intention en abus de position dominante que l'on fait aux entreprises. La Commission européenne considère que du fait des parts de marché détenues, la concurrence sera moindre et que cette situation entrainera un renchérissement des prix.

Il est donc fondamental de pouvoir évaluer en termes économiques et a priori si la concentration va ou non avoir un impact négatif sur la libre concurrence et, contrairement aux principes généraux du droit il appartient à l'entreprise d'apporter la preuve que l'opération projetée ne sera pas trop nuisible à la concurrence.

Or, culturellement la Commission européenne évolue dans un environnement plus juridique qu'économique. Son approche a d'ailleurs été censurée à trois reprises entre 1989 et 2004 ( promulgation du nouveau règlement ) sur le fondement d'une erreur d'appréciation.

L'affaire De Havilland, évoquée précédemment illustre les limites de cette approche devant la mondialisation : une entreprise peut être dominante sur le marché d' un État européen, tout en occupant une position moyenne au niveau mondial. Si elle décide d'une croissance externe elle pourrait être contrainte de renoncer à l'opération projetée ou, au nom de la concurrence de céder des actifs à ses concurrents extra européens dans les pays où elle est en position de force. De ce point de vue l'action de l'Union européenne est souvent profitable aux entreprises américaines et les exemples cités précédemment montrent que la protection du consommateur n'est guère convaincante lorsqu'il s'agit de l'achat d'avions.

Beaucoup des personnes auditionnées ont insisté sur la difficulté à définir aujourd'hui le marché pertinent car il existe souvent une approche opposée entre l'intérêt du consommateur et celui de l'industriel qui se bat pour développer son entreprise. Une remarque s'impose les États qui bénéficient le plus de la mondialisation sont ceux dont les entreprises tiennent solidement leur marché intérieur (cela a par exemple été longtemps le cas du Japon). Un tel raisonnement va à l'inverse de la culture de la Commission européenne qui privilégie de fait le consommateur.

En conclusion, je crois que la philosophie de la Commission européenne doit évoluer.

En Europe, la volonté des autorités de la concurrence de faire disparaître les marges, de limiter l'intensité capitalistique que favorisent les fusions et de réprimer l'acquisition d'avantages concurrentiels par les grandes entreprises peut priver celles-ci des perspectives qui motivent leurs innovations et justifient leurs investissements, les anticipations de rentabilité devenant négatives. Cela dissuade globalement l'investissement, l'innovation et au final cela mine la croissance économique dans l'Union européenne.

Pour la Commission européenne, les ressources internes permettant de financer les investissements ne doivent pas venir d'avantages concurrentiels (par exemple, pour la France, un bas coût de l'électricité), mais d'une réduction des coûts des facteurs de production liés à une augmentation de la pression concurrentielle. Cette approche est erronée : l'exercice d'un pouvoir de marché – sans abus – acquis légitimement permet une rentabilité qui à son tour favorise l'investissement et la croissance. Cette approche mérite sans doute d'être revisitée afin que soient rééquilibrées l'approche en termes de politique de la concurrence et la politique industrielle.

La taille du marché doit être appréciée à l' aune de la mondialisation. La dimension géographique pertinente s'avère en effet souvent mondiale. Concrètement, il importe d'éviter la « myopie » consistant à analyser la pertinence d'une fusion au niveau du marché européen alors que l'enjeu est international, a fortiori dans les secteurs dits « technologiques ». Un prisme trop étroit peut conduire à condamner des pratiques ou interdire des concentrations qui, pourtant, présentent une grande pertinence stratégique à l'échelle de la compétition mondiale. En tout état de cause, les outils du droit de la concurrence ne semblent pas calibrés aujourd'hui pour conduire des analyses de marchés internationaux.

Fixer comme objectif de faire éclore des leaders industriels européens et se doter à cet effet d'une véritable stratégie suppose d'améliorer le dialogue entre les entreprises et la Commission européenne. Aujourd'hui, toute esquisse de concertation, ou de rapprochement potentiel, éveille la suspicion de la Commission européenne. Une collégialité est nécessaire afin d'avoir une approche croisée entre le juridique et l'économique. Au fil des ans le collège des commissaires européens s'est en fait laissé déposséder de ses prérogatives par ses services. Beaucoup des décisions les plus contestables de l'union européenne s'expliquent par un regard trop juridique porté sur les dossiers. Il nous semble important que les décisions dans le domaine de la concurrence, dès lors qu'un État le demande puissent faire l'objet d'un débat contradictoire et public devant le collège. Une telle réforme, qui n'implique pas de modification de texte et peut être mise en oeuvre immédiatement, permettrait de considérablement améliorer la compréhension des décisions de la Commission européenne. En outre la collégialité devrait être, aux termes des traités, le fonctionnement normal de la Commission européenne.

Enfin, la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne doit évoluer pour permettre aux États de mieux réagir en fonction des données locales.

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Ce travail - auquel j'adhère - complète des travaux déjà effectués, notamment le rapport d'information sur la politique industrielle réalisé par Jacques Myard et moi-même. La direction de la concurrence bruxelloise a en effet un poids important et impose ses vues, ce qui n'est pas sans poser problème.

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Je voterai pour ce rapport, qui est d'une grande qualité.

Mais je tiens à souligner que l'on a trop tendance à mettre exclusivement en exergue la responsabilité de la Commission européenne. Le Conseil, qui est l'instance qui délègue à la Commission européenne, me semble en effet un peu trop protégé : les États arguent qu'ils n'arrivent pas à se mettre d'accord, et il revient à la Commission européenne de se débrouiller. Dans la prochaine mouture du rapport, il serait opportun de pointer également la responsabilité du Conseil.

S'agissant de la formation des fonctionnaires européens, je pense que s'il faut effectivement les envoyer sur le terrain, cette disposition est également valable pour les fonctionnaires nationaux.

Ryanair, dont l'exemple est développé dans ce rapport, oblige les pilotes français à se déclarer à Dublin : il convient de mettre en évidence, chaque fois que cela est possible, ces contournements du système.

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Le point essentiel réside dans la compétence exclusive de la Commission européenne. Pour ma part, j'adhère relativement peu à la nécessité d'associer davantage le Parlement européen et le Conseil : il faut commencer par questionner la compétence exclusive de la Commission européenne, dont la collégialité des décisions est un fait.

Je suis sensible à la proposition n°14, qui « demande que les distorsions de fiscalité soient intégrées dans l'appréciation des aides d'État ». Elle est fondamentale et prioritaire.

L' absence de publicité des débats de la Commission européenne constitue le vrai sujet : afin de pouvoir peser davantage, il faudrait savoir ce qui s'y dit. L'insuffisance de politisation me préoccupe également. Chaque État désigne son commissaire ; au final les accords techniques se pérennisent, au détriment de la composition qui devrait découler du suffrage universel direct. La Commission européenne est quant à elle très politisée, et cela est assumé !

En ce qui concerne les exemptions en matière de recherche et développement, il existe des confrontations lourdes et des enjeux profonds portant sur l'absence de convergence entre recherche publique et recherche privée. Le secteur privé subventionne davantage la recherche au sein de l'Union européenne que ne le font les États. Il faudrait par conséquent viser la convergence entre recherche publique et recherche privée.

Enfin, si j'adhère entièrement aux dispositions relatives à la fiscalité de ce rapport, cela est moins le cas s'agissant des points institutionnels.

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L'aspect institutionnel est effectivement essentiel. La Commission est le pivot du système européen. D'autres acteurs, tel que le Conseil, prennent une dimension importante dans le nouveau dispositif institutionnel : il y a donc beaucoup à faire en matière de transparence !

S'agissant de la question des fonctionnaires et des stages, il faut faire attention à ne pas oublier qui sont les personnes qui donnent les ordres. S'il est logique que les parlementaires européens auditionnent le candidat français pressenti au poste de commissaire européen afin de connaître ses intentions, il n'en est pas rendu compte aux États, qui sont pourtant aussi détenteurs d'une voix nationale. Très peu de fonctionnaires sont capables de prendre une initiative ou d'aller à l'encontre de leur hiérarchie. Il existe un personnel politique qui ne se vit pas comme tel, mais qui fait de la politique de fait ! L'initiative « better regulation » ou « mieux légiférer » est autrefois revenue sur un certain nombre de droits européens, et il s'agissait d'un choix politique : sous l'habillage administratif, se fait de la politique ! Il faut donc faire attention à cibler les vrais responsables.

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Ce point ne constitue pas l'essentiel des conclusions. En Charente, des entreprises étaient concernées par l'interdiction de la fusion Schneider-Legrand par la Commission européenne qui a été évoquée. Il y a eu des recours juridiques, qui ont conduit à l'infirmation des décisions de la Commission européenne. Hélas, le délai de rendu de jugement ayant été de deux ans, la fusion n'a pas pu se faire. Ce qui est proposé est très juste, même s'il ne s'agit pas de « la » solution miracle. Il nous faut pointer les mécanismes qui sont dangereux pour l'industrie européenne.

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La priorité est une estimation de l'impact des décisions sur le territoire : le coût des aides d'État est-il supérieur ou inférieur aux coûts sociaux ? Le Ministre de l'économie m'a à cet égard donné son accord pour réaliser une étude plus approfondie, avec l'Inspection générale des finances. Les effets induits me semblent en effet être les plus importants.

Quant aux fonctionnaires nationaux, ils pourraient effectivement également faire le stage, afin de se reconnecter aux territoires dévastés.

La Commission a ensuite adopté, à l'unanimité, les conclusions suivantes :

« La Commission des affaires européennes,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu l'article 17 du traité sur l'Union européenne,

Vu l'article 3 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne,

Vu l'article 7 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne,

Vu les articles 101 à 109 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne,

Considérant qu'aux termes de l'article 7 du traité sur le fonctionnement de l' Union européenne, l'Union veille à la cohérence entre ses différentes politiques et actions,

Considérant que les décisions de l' Union européenne en matière de contrôle des aides d' État sont instruites sans prendre en compte les autres politiques de l'Union européenne,

Considérant que les dispositions du paragraphe 2 de l'article 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne permettant au Conseil d'accorder des dérogations en matière de compatibilité des aides d'État avec le marché intérieur n'ont jamais été appliquées,

Considérant la nécessité pour l'Union européenne de mettre en oeuvre le principe de réciprocité dans ses relations avec les pays tiers en matière d'aide d'État,

Considérant que les entreprises des pays tiers bénéficient le plus souvent d'aides publiques nombreuses en matière de recherche et de développement et que les entreprises européennes sont désavantagées dans ce domaine essentiel pour la croissance économique,

Considérant que la Commission européenne doit mieux écouter le point de vue exprimé par les États, y compris dans les domaines qui relèvent de ses pouvoirs propres, et qu' il est notamment indispensable que le service juridique de la Commission travaille directement dans ces domaines avec les représentants des États,

Considérant qu'aux termes de l'article 17 du traité sur l' Union européenne la Commission européenne est un organe collégial et l'absence de recours hiérarchique organisé devant le collège des commissaires contre les décisions intervenues en matière de droit de la concurrence,

Considérant la nécessité de mieux associer le Parlement européen aux décisions intervenant dans le domaine du droit de la concurrence, parfois lourdes de conséquences économiques et sociales,

1. Appelle à ce que les décisions les plus importantes prises par la Commission européenne dans le domaine de la concurrence soient motivées au regard de l'article 7 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et accompagnées d'une étude d'impact sur leur compatibilité avec les autres politiques conduites par l' Union européenne ;

2. Souhaite que la recherche bénéficie d'une exemption aux règles relatives à la prohibition des aides d'État, en considération des politiques conduites dans ce domaine par l' Union européenne, conformément à l'article 7 sur le fonctionnement de l' Union européenne ;

3. Demande, au regard de l'article 107 sur le fonctionnement de l' Union européenne, que la Commission européenne opte pour une vision plus limitée de son rôle et n'intervienne que dans le seul cas où le commerce entre les États peut être affecté ;

4. Recommande que les États, préalablement à un recours devant les juridictions européennes, fassent usage de l'article 108 paragraphe 2 sur le fonctionnement de l' Union européenne, confiant ainsi au Conseil le soin d'arbitrer les litiges entre les États et la Commission européenne ;

5. Souhaite que le collège des commissaires permette à un État, dans le domaine de la concurrence, de demander une seconde délibération de la Commission européenne, qui soit publique et dans le cadre de laquelle l'État concerné serait entendu ;

6. Précise qu'aucune décision négative de la Commission européenne ne devrait intervenir en l'absence de saisine et d'avis des comités consultatifs des États, afin que les décisions du collège des Commissaires soient éclairées par d'autres avis que ceux formulés par les services de la Commission, qui privilégient souvent une approche exclusivement juridique ;

7. Estime que sur les dossiers importants en termes de conséquences économiques et sociales, le collège des commissaires devrait pouvoir disposer d'une étude d'impact, rendue publique, et que les exigences supplémentaires formulées par la Commission européenne par rapport aux propositions des États soient évaluées par un organisme indépendant.

8. Relève la nécessité de rendre obligatoire et public le chiffrage par la Commission européenne du coût total des conséquences de ces décisions pour les États membres, en particulier l'intégration dans ce chiffrage du coût des licenciements et des politiques de revitalisation des territoires induits par la disparition des aides d'État ;

9. Appui l'intégration du service juridique de la Commission européenne dans le processus de dialogue entre la Direction Générale de la Concurrence et les acteurs concernés, nécessaire pour éviter que les solutions élaborées par les services, en lien avec les États ne soient remises en cause ;

10. Souhaite que le Conseil compétitivité soit doté d'un secrétariat permanent afin que les décisions soient mieux préparées dans le domaine de la concurrence ;

11. Demande que la Commission européenne soit dotée d'un pouvoir d'arbitrage en cas de décisions contradictoires prises par les autorités nationales de la concurrence, pour éviter la situation où les autorités nationales de la concurrence rendent des décisions divergentes ;

12. Considère que la charge de la preuve devrait reposer sur la Commission européenne s'agissant de la définition du marché pertinent ;

13. Estime nécessaire la révision de concepts tels que la notion « d'investisseur avisé », qui prenne en compte le fait qu'un État n'est pas une entreprise et qu'il peut avoir une logique de long terme que n'aurait pas une entreprise privée, en particulier en matière de recherche et développement ;

14. Demande que les distorsions de fiscalité soient intégrées dans l'appréciation des aides d'État ;

15. Engage la Commission européenne à prévoir que ses fonctionnaires, de rang administrateur, relevant de la Direction générale de la concurrence, effectuent un stage de longue durée dans des industries concernées par les décisions de l' Union européenne en matière d'aide d'État. »

II. Communication de M. Arnaud Leroy sur la lutte contre la pollution atmosphérique

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Dans une étude rendue publique en mai dernier, l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) évaluait le coût annuel de la pollution atmosphérique à plus de 2 600 milliards de dollars et s'inquiétait de l'aggravation du phénomène à l'échelle mondiale.

Par ailleurs, les experts du Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), une agence spécialisée de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), viennent de classer la pollution de l'air dans la catégorie des « cancérigènes certains ».

La stratégie européenne d'amélioration de la qualité de l'air a permis de réduire considérablement les polluants nocifs comme les particules fines, le dioxyde de soufre – principal responsable des pluies acides –, le plomb, les oxydes d'azote, le monoxyde de carbone et le benzène. Les résultats positifs ont été de plusieurs ordres : les effets sanitaires des particules ont été réduits d'environ 20 % entre 2000 et 2010 ; le problème des pluies acides a été en grande partie résolu ; l'innovation a été stimulée.

Il arrive toutefois couramment que les seuils de sécurité soient dépassés dans des régions ou des villes européennes – d'autant que les normes communautaires demeurent moins strictes que celles des autres pays développés et que la mise en conformité avec certaines d'entre elles se révèle laborieuse. Au total, en 2010, 2011 et 2012, aucun État membre n'est même parvenu à respecter l'ensemble des valeurs limites d'émission prévues par la réglementation communautaire !

Il en résulte un nombre de décès prématurés dus à la pollution de l'air évalué à 420 000 par an, c'est-à-dire environ dix fois plus que ceux consécutifs aux accidents de la route ; l'espérance de vie moyenne des Européens s'en trouve réduite de huit mois et même de deux ans pour les habitants des zones les plus polluées.

En outre, la pollution liée à l'azote menace 123 000 kilomètres carrés d'écosystèmes, dont 56 000 kilomètres carrés de zones classées Natura 2000. L'acidification menace aussi 19 000 kilomètres carrés d'écosystèmes forestiers.

Quant aux dommages économiques directs, ils entraînent un coût élevé pour la société, en termes de jours de travail perdus, de dépenses de santé, de pertes de récoltes et de détériorations de bâtiments : celui-ci atteindrait 23 milliards d'euros par an.

Ces trois considérations ont conduit la Commission européenne, le 18 décembre 2013, au terme de deux années de réflexion, à présenter un paquet de quatre textes tendant à améliorer la qualité de l'air. L'enjeu consiste à imposer des plafonds d'émission aux États membres qui tardent à mettre en place des plans anti-pollution efficaces. La Commission européenne fixe ainsi pour objectif sanitaire d'éviter, d'ici à 2030, 58 000 victimes de ce tueur invisible.

D'abord, une communication stratégique instaure des mesures garantissant la réalisation des objectifs de qualité de l'air, fixe de nouvelles catégories d'objectifs, en particulier pour les villes, et prévoit des aides pour accompagner la mise en place des moyens de réduction de la pollution de l'air, ainsi que des mesures en faveur de la recherche et de l'innovation.

Ensuite, une proposition de décision du Conseil vise à ratifier un amendement au protocole de Göteborg. Ce dernier, relatif à la réduction de l'acidification, de l'eutrophisation et de l'ozone troposphérique, découle de la Convention de la Commission économique pour l' Europe des Nations unies (ONU-CEE) sur la pollution atmosphérique transfrontière à longue distance (PATLD).

Conclu en 1999, ce protocole fixe des plafonds d'émission nationaux en matière d'émissions de dioxyde de soufre (SO2), d'oxydes d'azote (NOx), de composés organiques volatils non méthaniques (COVNM) et d'ammoniac (NH3).

La proposition de décision, soumise à la procédure législative spéciale avec consultation du Parlement européen, vise à ratifier un amendement au protocole de Göteborg : celui-ci définit de nouveaux engagements nationaux de réduction des émissions, pour 2020 et jusqu'en 2030, en ce qui concerne les quatre polluants atmosphériques susmentionnés ; il ajoute des plafonds d'émission pour deux autres polluants, les particules fines (PM2,5) et le méthane (CH4) ; il préconise la réduction des émissions de carbone noir, composant des particules et polluant climatique à courte durée de vie ; il établit de nouvelles normes pour le calcul de la teneur en COVNM des produits ; il complète les obligations des parties en matière de déclaration et de notification des progrès accomplis dans la recherche et la technologie.

Une proposition de directive relative aux plafonds d'émission nationaux, a vocation à se substituer à celle de 2001, dite « directive PEN » ou « directive NEC ».

Ce second texte législatif, soumis à la procédure législative ordinaire de codécision, vise à réexaminer et actualiser les dispositions de la directive PEN afin de tenir compte de la persistance de risques sanitaires très importants et d'effets considérables sur l'environnement imputables à la pollution atmosphérique dans l'Union européenne, à adapter le droit européen aux nouveaux engagements internationaux découlant de la révision du protocole de Göteborg et à établir, pour les six principaux polluants, de nouvelles valeurs maxima, plus strictes, à respecter en 2020, 2025 et 2030.

La réglementation française, à l'instar de celles de la plupart des autres États membres, est largement insuffisante pour atteindre les nouveaux niveaux requis. Les respecter nécessitera l'adoption de mesures nationales fortes et l'organisation de contrôles pour vérifier l'effectivité de leur mise en oeuvre.

Une seconde proposition de directive vise à limiter les pollutions atmosphériques émanant des installations de combustion de taille moyenne, c'est-à-dire développant une puissance comprise entre 1 et 50 mégawatts, qu'elles soient destinées à la production d'électricité, de chauffage ou de refroidissement domestiques ou résidentiels, à l'échelle d'un quartier ou d'un grand bâtiment, ou à la production de chaleur ou de vapeur à des fins industrielles.

Quoique représentant une source non négligeable d'émissions de dioxyde de soufre, d'oxydes d'azote et de particules, ces installations – dont le nombre est estimé à 143 000 dans toute l'Union européenne et à 19 000 en France – ne font actuellement l'objet d'aucune réglementation communautaire.

Un système d'autorisation simplifiée, comparable à la procédure de déclaration applicable aux installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE), serait mis en place.

Pour la France, les changements induits par l'adoption de ce texte – lui aussi soumis à la procédure législative ordinaire – seraient de faible ampleur. Des valeurs limites d'émission sont en effet déjà imposées à la plupart des installations de ce type : celles dont la puissance est comprise entre 2 et 50 mégawatts. Les installations d'une puissance de 0,1 à 2 mégawatts ne sont réglementées que dans certains cas particuliers ; l'entrée de cette catégorie d'équipements dans le champ d'application de la proposition de directive est par conséquent un sujet de discussion entre colégislateurs.

Le conseil Environnement, lors de sa session du 12 juin 2014, a procédé à un premier débat d'orientation sur ce paquet législatif, lequel a mis en évidence une adhésion générale à ses objectifs et à ses grandes orientations.

Plusieurs délégations, arguant de leurs difficultés particulières et de la nécessité d'épargner la compétitivité des PME, ont toutefois réclamé que la proposition de directive relative aux installations de combustion de taille moyenne inclue des niveaux d'exigence progressifs en fonction de la taille des équipements, que des périodes de transition plus longues soient accordées en attendant la mise aux normes desdits équipements et que les valeurs limites soient moins draconiennes.

La plupart des délégations ont approuvé l'approche en deux étapes – 2025 et 2030 – ainsi que la couverture de tous les secteurs économiques prévues dans la proposition de directive relative aux plafonds d'émission nationaux.

Néanmoins, là encore, certaines d'entre elles ont jugé excessifs les exigences de réduction d'émissions. La Pologne a en outre rejeté l'inclusion du secteur agricole dans le périmètre du texte. L'année butoir de 2030 a aussi été jugée trop ambitieuse au regard des difficultés auxquelles les États membres sont déjà confrontés pour respecter les valeurs limites en vigueur actuellement.

À la suite de ces débats, les organisations non gouvernementales, par la voix du Bureau européen pour l'environnement (BEE), ont dénoncé ce qu'elles jugent être un « manque d'ambition » de la part des États membres.

Considérant que les émissions dans l'atmosphère de substances polluantes ont de graves conséquences sanitaires, environnementales et économiques et que l'aggravation du phénomène en Europe appelle un renforcement de la législation, nous pourrions approuver les orientations du paquet législatif « Air pur en Europe », appeler les colégislateurs à en conserver l'économie générale afin de se rapprocher de niveaux d'émission inoffensifs pour la santé et l'environnement, et, enfin, nous prononcer pour que le produit des amendes pour manquement à la réglementation relative à la qualité de l'air soit affecté à des actions en faveur de l'amélioration de celle-ci.

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La France ne respecte en effet même pas les normes prévues par la réglementation européenne et certains de ses échecs sont cuisants, à commencer par l'abandon en cours de route de l'expérience des zones d'actions prioritaires pour l'air, qui ciblaient la circulation dans les agglomérations dépassant les plafonds d'émission autorisés.

Je rappelle que la prééminence des véhicules diésel – spécificité française découlant d'un choix politique – pose un double problème : les véhicules anciens émettent trop de particules, tandis que les véhicules récents émettent trop de dioxyde d'azote, une substance encore plus cancérigène.

Du côté des bâtiments, deuxième source d'émissions, certains équipements de chauffage individuels obsolètes, notamment au bois, émettent des polluants extrêmement dangereux.

Pour descendre à des niveaux d'émissions acceptables, des efforts doivent être consentis dans ces deux secteurs et la France ne fait pas partie des meilleurs élèves de la classe européenne. Autrement dit, la Pologne n'est pas la seule à souhaiter gagner du temps…

Il est très utile de sensibiliser nos collègues à ce sujet et vos propositions de conclusions, monsieur le rapporteur, vont parfaitement dans ce sens.

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La pollution ne connaît pas les frontières. Récemment encore, la région parisienne et le nord de la France ont subi des pics de pollution dus à des émissions en Grande-Bretagne. Il est aussi arrivé que l'est de l'agglomération parisienne, zones forestières incluses, soit particulièrement pollué à cause du régime de vent. C'est un vrai sujet pour nos compatriotes car les activités humaines génèrent de plus en plus de pollution et, en dépit des mesures politiques, les émissions continuent d'augmenter. Les conclusions proposées sont donc appropriées.

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Sur les sujets environnementaux, l'Union européenne fut et demeure un aiguillon pour influencer positivement les législations nationales. Les enjeux sont à la fois intérieurs et extérieurs à l'Union européenne, avec des négociations internationales qui ont jusqu'à présent échoué. Compte tenu de l'impact sanitaire de la pollution atmosphérique, il est urgent de mettre en oeuvre des réglementation efficaces et, au niveau mondial, d'afficher une volonté de régulation. Et il est essentiel d'en finir, dans le cadre des négociations internationales, avec une pratique obsolète : le versement de contreparties pour obtenir le droit de polluer.

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Monsieur Lambert, la mobilité de ces pollutions est évidente – elles peuvent provenir d'Allemagne, de Pologne voire de la mer, compte tenu des combustibles utilisés sur les navires, qui provoquent des pluies acides sur la terre ferme, avec notamment un impact sur l'agriculture. Tout cela nous démontre l'importance des mesures européennes, applicables à l'intérieur d'un périmètre géographique large. Et même les directives, dès lors qu'elles prévoient des plafonds d'émission, ne laissent guère de marge d'appréciation aux États membres.

Madame Grelier, vous avez raison, nous pourrions communiquer pour souligner l'aspect positif de ces dispositions. Sans vouloir dramatiser, la santé publique est en jeu, avec notamment l'accroissement du nombre d'enfants souffrant de maladies respiratoires chroniques.

Croissance économique et augmentation des émissions ont été découplées dans le secteur des transports. Cette logique doit se généraliser, grâce aux stratégies et aux instruments européens destinés à contribuer, à l'horizon 2040 ou 2050, à une « économie bas carbone ». Les États membres doivent maintenant se les approprier, au travers de financements adaptés et de nouveaux choix technologiques et industriels. La France est en train de prendre de l'avance – ou du moins de combler son retard –, grâce aux filières lancées par le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, dans le cadre de la Nouvelle France industrielle. Ce combat est majeur pour la santé publique et le développement des villes durables.

Enfin, le dernier point de la proposition de conclusions que je vous soumets est important : le produit des amendes doit vraiment être mobilisé pour passer le cap nécessaire à la réalisation des objectifs de réduction de la pollution atmosphérique.

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La France, plutôt en retard, je le répète, dans ce domaine, est tirée vers le haut par l'Union européenne. Mieux appliquer les directives et mieux affecter les ressources européennes convaincra nos concitoyens que l'Union européenne s'occupe de leur santé et les incitera à effectuer les efforts nécessaires. Encore une fois, je m'associe donc à l'ensemble de vos propositions.

La Commission a ensuite adopté, à l'unanimité, les conclusions suivantes :

« La Commission des affaires européennes,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu les articles 191 et 192, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne,

Vu la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions du 18 décembre 2013 : programme “Air pur pour l'Europe” [COM(2013) 918],

Vu la proposition de décision du Conseil portant approbation de l'amendement au protocole de 1999 à la Convention de 1979 sur la pollution atmosphérique transfrontière à longue distance relatif à la réduction de l'acidification, de l'eutrophisation et de l'ozone troposphérique [COM(2013) 917 – E 8978],

Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à la limitation des émissions de certains polluants dans l'atmosphère en provenance des installations de combustion moyennes [COM(2013) 919 – E 8979],

Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant la réduction des émissions nationales de certains polluants atmosphériques et modifiant la directive 200335CE [COM(2013) 920 – E 9021],

Considérant que les émissions dans l'atmosphère de substances polluantes ont de graves conséquences sanitaires, environnementales et économiques,

Considérant que l'aggravation du phénomène en Europe appelle un renforcement de la législation,

1. Approuve les orientations du paquet législatif “Air pur pour l'Europe” ;

2. Appelle les colégislateurs à en conserver l'économie générale afin de se rapprocher de niveaux d'émission inoffensifs pour la santé et l'environnement ;

3. Se prononce pour que le produit des amendes pour manquement à la réglementation relative à la qualité de l'air soit affecté à des actions en faveur de l'amélioration de celle-ci. »

III. Examen de textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution

Sur le rapport de la Présidente Danielle Auroi, la Commission a examiné des textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution.

l Textes « actés »

Aucune observation n'ayant été formulée, la Commission a pris acte des textes suivants :

Ø Politique économique, budgétaire et monétaire

- Proposition de décision du Conseil portant adoption par la Lituanie de l'euro au 1er janvier 2015 (COM(2014) 324 final – E 9395) ;

- Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) no 97498 concernant l'introduction de l'euro en Lituanie (COM(2014) 325 final – E 9396).

Ø Santé

- Proposition de décision du Conseil relative à la position à adopter, au nom de l' Union européenne, au sein du Comité mixte de l'EEE concernant une modification de l' annexe II de l'accord EEE (COM(2014) 351 final – E 9432).

Ø Sécurité alimentaire

- Règlement (UE) de la Commission modifiant l' annexe II du règlement (CE) no 13332008 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne l'utilisation de laques aluminiques de E 101 (riboflavines) et de E 120 (cochenille, acide carminique, carmins) dans certaines catégories de denrées alimentaires, ainsi que l'annexe du règlement (UE) no 2312012 en ce qui concerne les spécifications du E 101 (riboflavines) (D03363604 – E 9434).

l Accords tacites de la Commission

En application de la procédure adoptée par la Commission les 23 septembre 2008 ( textes antidumping ), 29 octobre 2008 (virements de crédits), 28 janvier 2009 (certains projets de décisions de nominations et actes relevant de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) concernant la prolongation, sans changement, de missions de gestion de crise, ou de sanctions diverses, et certaines autres nominations), et 16 octobre 2012 (certaines décisions de mobilisation du fonds européen d'ajustement à la mondialisation), celle-ci a approuvé tacitement les documents suivants :

- Décision du Conseil portant nomination d'un membre danois et de trois suppléants danois du Comité des régions (1135214 – E 9451) ;

- Décision du Conseil portant nomination de deux membres italiens du Comité des régions (1135514 – E 9452).

l Accords tacites de la Commission liés au calendrier d'adoption par le Conseil

La Commission a également pris acte de la levée tacite de la réserve parlementaire, du fait du calendrier des travaux du Conseil, pour les textes suivants :

Ø PESC - Relations extérieures

- Décision du Conseil modifiant l'action commune 2005889PESC établissant une mission de l'Union européenne d'assistance à la frontière au point de passage de Rafah ( EU BAM Rafah ) (968114 – E 9443) ;

- Décision du Conseil modifiant et prorogeant le mandat du représentant spécial de l'Union européenne pour le Caucase du Sud et la crise en Géorgie (693814 – E 9444) ;

- Décision du Conseil modifiant la décision 2013189PESC instituant un Collège européen de sécurité et de défense (CESD) (1053314 – E 9445) ;

- Décision du Conseil relative à la signature et à la conclusion de l'accord entre l' Union européenne et la République de Colombie établissant un cadre pour la participation de la République de Colombie aux opérations de gestion de crise menées par l'Union européenne (1078714 – E 9446) ;

- Accord entre l'Union européenne et la République de Colombie établissant un cadre pour la participation de la République de Colombie aux opérations de gestion de crise menées par l' Union européenne (1079214 – E 9447) ;

- Décision du Conseil mettant à jour et modifiant la liste des personnes, groupes et entités auxquels s'appliquent les articles 2, 3 et 4 de la position commune 2001931PESC relative à l'application de mesures spécifiques en vue de lutter contre le terrorisme, et abrogeant la décision 201472PESC (1108014 – E 9448) ;

- Règlement d'exécution du Conseil mettant en oeuvre l'article 2, paragraphe 3, du règlement (CE) no 25802001 concernant l'adoption de mesures restrictives spécifiques à l'encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, et abrogeant le règlement d'exécution (UE) no 1252014 (1108214 – E 9449).

La séance est levée à 18 h 20