Intervention de Dominique Raimbourg

Séance en hémicycle du 16 juillet 2014 à 21h30
Prévention de la récidive et individualisation des peines — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Raimbourg, rapporteur de la commission mixte paritaire :

Madame la président, madame la garde des sceaux, ministre de la justice, mes chers collègues, je suis particulièrement satisfait de vous présenter ce texte issu d’un accord trouvé en CMP. Je le suis d’autant plus qu’il y a bien longtemps qu’une loi pénale d’envergure n’avait été précédée d’une réflexion aussi approfondie que celle qui a présidé à l’élaboration de ce texte – je pense à la conférence de consensus, mais aussi aux travaux préparatoires dont elle tirera toute son efficacité.

Remarquons par ailleurs que, pour une fois, une loi pénale d’importance puise son origine, non pas dans un crime odieux ou un fait divers horrible, mais dans le seul souci de renforcer l’efficacité de notre arsenal juridique. Ce texte, en effet, tend, non pas simplement à apporter une réponse symbolique à des actes horribles, mais également à prendre en charge le réel. C’est pourquoi, d’ailleurs, il se concentre sur les délits et les 600 000 condamnations prononcées chaque année en correctionnelle, et non pas sur les 2 500 condamnations pour crimes ou encore la justice des mineurs, ce qui a pu faire polémique. Nous n’ignorons pas ces questions, mais elles méritent que l’on s’y intéresse de près et non au détour d’un texte.

Je me réjouis également de ce que l’on ne pose pas la prison comme une réponse centrale mais que l’on se préoccupe de ce qu’il se passe avant la prison, en parallèle et surtout – c’est d’ailleurs là la grande nouveauté de ce texte – après.

Ce texte présente également le mérite de relancer la probation, idée très ancienne puisque le sursis date de 1891 et le sursis avec mise à l’épreuve de décembre 1958. La contrainte pénale apporte un nouveau souffle. Cette peine a parfois été caricaturée et controversée mais elle permettra d’adapter au mieux la sanction, d’accompagner, de suivre et de contrôler le condamné afin de lutter contre la récidive.

Nous faisons, avec ce texte, un effort pour essayer de sortir de la culture de l’enfermement au profit d’une culture du contrôle, en tenant compte de toutes les contraintes qu’elle suppose – contrainte pénale mais aussi contrainte liée à l’existence même d’un contrôle effectif exercé sur ceux qui exécutent leur peine à l’extérieur. Qu’il s’agisse d’une peine en milieu ouvert ou de la fin d’une peine d’enfermement, le contrôle peut parfois être très serré en fonction de la personnalité du condamné, de la gravité des faits commis et des espoirs de réinsertion dans une vie ordinaire.

Au-delà, la commission mixte paritaire a également permis de réaliser des progrès particulièrement intéressants. Rappelons que le texte comportait quatre volets principaux : les victimes, la surveillance du contrôle et du suivi des sortants de prison, l’individualisation des peines et la tentative de contrôle des flux correctionnels.

S’agissant des victimes, la commission mixte paritaire a maintenu le principe d’une sur-amende de 10 %, y compris celle prononcée par les autorités administratives indépendantes pour sanctionner la délinquance en col blanc, destinée à abonder les associations d’aide aux victimes.

Pour ce qui est des sortants, la commission mixte paritaire a renforcé le contrôle et l’encadrement de la géolocalisation et des écoutes téléphoniques, procédés qu’elle a réservés aux personnes condamnées pour des faits autorisant le recours à la géolocalisation et aux écoutes téléphoniques, ce qui a levé toute critique. Rappelons cependant que ce contrôle s’exerce, non pas sur des citoyens présumés innocents, mais sur des coupables. Il s’agit bien là d’une modalité d’exécution de la peine qui, de surcroît, ne porte pas une atteinte insupportable aux libertés.

De même, le texte encadre davantage la possibilité offerte au juge d’application des peines de révoquer les crédits de réduction de peine dans les cas de violation des interdictions posées par ce même juge pour que les crédits puissent bénéficier aux condamnés à l’extérieur. Il s’agit, non pas d’un contrôle post-pénal indéfini, mais d’un contrôle limité dans le temps et à des obligations bien plus réduites que celles du suivi socio-judiciaire.

Par ailleurs, ont été précisées les conditions dans lesquelles pouvaient être associés nos concitoyens par l’intermédiaire de leurs élus au sein des conseils locaux de suivi et de prévention de la délinquance, les CLSPD. Il leur est désormais permis de créer en leur sein une commission chargée de suivre les questions de récidive. De fait, aucune peine ne peut être valablement acceptée par une société si elle n’est pas visible.

S’agissant de l’individualisation des peines, nous sommes revenus au seuil d’aménagement de peine possible de la loi pénitentiaire, les sénateurs ayant souligné que cette loi avait été votée à l’unanimité. Nous avons également rétabli l’équilibre, qui existait dans le projet de loi, entre les associations agréées et le service public que représentent les services pénitentiaires d’insertion et de probation. Les associations se voient réserver le contrôle pré-sententiel, avant le jugement, et les services publics le contrôle post-sententiel. La décision du Sénat d’autoriser les associations à intervenir dans la totalité du champ avait soulevé quelque émoi. Nous avons rétabli cet équilibre qui invite les associations et les SPIP à coopérer, personne ne détenant un quelconque monopole. Il y aura du travail pour tout le monde, chacun ayant des compétences variées et utiles.

Le Sénat a introduit une disposition importante pour limiter la responsabilité pénale des personnes dont le discernement est altéré. Sauf décision contraire de la juridiction, celles-ci devront bénéficier d’une réduction du maximum de la peine d’un tiers. La procédure est la même – toutes choses égales par ailleurs, bien entendu – que pour l’excuse de minorité, où la peine est réduite de moitié, sauf si le tribunal en décide autrement en raison de circonstances particulières.

Par ailleurs, la commission mixte paritaire a modifié la possibilité pour le juge d’application des peines d’organiser des mesures de sûreté en direction d’une personne dont le discernement aurait été altéré. Cette mesure est salutaire pour les nombreux malades mentaux aujourd’hui incarcérés ou poursuivis en raison des difficultés pour la psychiatrie publique de prendre en charge la totalité des malades et de l’évolution des modes de soin, du recul de l’hospitalisation à plein temps, notamment au profit d’une hospitalisation à domicile.

Enfin, nous avons mieux encadré la transaction pénale qui offre la possibilité à des officiers de police d’infliger au contrevenant qui reconnaît sa culpabilité et accepte la transaction une amende égale au tiers du montant maximum de l’amende.

Ces apports sont les bienvenus et je vous invite à voter ce texte qui enrichit notre arsenal juridique en le dotant de nouveaux moyens de lutter contre la délinquance et la récidive. J’espère que ce nouvel outil fera la preuve de son efficacité mais je ne cède pas pour autant à l’illusion selon laquelle tout serait réglé : notre chaîne pénale, incluant la police, la justice et le pénitentiaire, est dans une grande souffrance et nous devrons revenir à cette question pour procéder à d’autres aménagements.

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