Intervention de Christiane Taubira

Séance en hémicycle du 16 juillet 2014 à 21h30
Prévention de la récidive et individualisation des peines — Présentation

Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice :

Monsieur le rapporteur, vous avez exprimé votre plaisir à cette tribune ; le mien est plus grand encore. Il est intense et extrêmement vif car il est gratifiant et revigorant d’avoir recouru à une méthode qui a permis une réflexion collective, à avoir parcouru un chemin long, semé d’embûches et se retrouver ce soir, en lecture conclusive, à examiner un texte enrichi substantiellement par les parlementaires, à l’Assemblée nationale et au Sénat, en commission des lois puis en séance publique.

La commission mixte paritaire a offert un espace de réflexion, d’échange, de travail en ce qu’elle a été fécondée de tous les efforts respectifs des députés et des sénateurs, dans le souci de converger vers un texte dont on nous a fait comprendre qu’il devait être équilibré. À cet égard, nous avons fait valoir – à bon droit – qu’en matière pénale, la question n’était pas tant celle de l’équilibre que de la cohésion et de l’efficacité. C’est dans cet esprit que vous avez travaillé pour aboutir à un texte tout à fait satisfaisant.

L’exercice, pourtant difficile, fut particulièrement fructueux. Il a « commencé » avec la conférence de consensus qui, installée le 18 septembre 2012, a connu deux étapes : un comité d’organisation a tout d’abord établi un état des savoirs en matière de prévention de la récidive et un jury de consensus a procédé à des auditions publiques, lesquelles ont rassemblé plus de 2 300 personnes. Dès lors, le rapport ayant été remis au Premier ministre Jean-Marc Ayrault, avec des préconisations, le ministère de la justice a organisé trois cycles de consultation qui ont débouché sur le texte que nous vous avons présenté à l’issue du conseil des ministres du 9 octobre 2013.

J’entoure de guillemets le verbe « commencer » car ce travail avait en réalité démarré bien avant et je voudrais vous rendre hommage, à vous en particulier, mais aussi à d’autres responsables du texte, des parlementaires, des universitaires, des chercheurs, des juristes, des magistrats, des professionnels du monde associatif qui, depuis plusieurs années, réfléchissent à ces questions, produisent des études, des analyses et ont permis à la conférence de consensus de ne pas partir de rien mais au contraire de s’appuyer sur un travail rigoureux et de qualité. Je salue ces personnalités qui ont des positions, des parcours, des expériences et des profils différents.

J’ai entendu mettre en cause les membres du comité d’organisation puis du jury ; je veux leur rendre hommage, car ils ont eu le courage moral de se rencontrer, de travailler ensemble et de rechercher le consensus. Au départ, pourtant, le dissensus n’était pas à exclure tant ces personnalités étaient différentes. On a prétendu qu’elles avaient d’emblée le même avis ; c’est faux. Elles ne se connaissaient pas et avaient déjà publiquement exprimé des points de vue divergents.

Je rappelle en outre qu’aux universitaires français et étrangers, aux magistrats ès qualités, au personnel pénitentiaire et aux représentants d’associations d’aide aux victimes et d’associations de prise en charge des personnes condamnées se sont ajoutés un commissaire divisionnaire et un colonel de gendarmerie, ainsi que des maires issus de la majorité comme de l’opposition. Toutes ces personnes savaient bien que leur perception de ces sujets ne concordait pas forcément ; elles ont pourtant réussi à produire ce travail de très grande qualité.

Nous nous sommes appuyés dessus. Les rapporteurs, les responsables des groupes sur ce texte et les commissions des lois de l’Assemblée nationale et du Sénat ont singulièrement enrichi ce projet de loi qui est l’aboutissement d’une véritable maïeutique, puisque nous avons fait de nos esprits accoucher un dispositif qui prouvera son efficacité. Grâce à cette méthode, nous avons évité tout positionnement dogmatique, toute posture démagogique. Nous avons réussi à agir avec des personnes dont le travail se fonde sur des bases rigoureuses et rationnelles, et à tenir compte d’expériences conduites ici ou ailleurs et ayant fait l’objet d’une évaluation scrupuleuse.

Les dispositifs structurants de ce texte sont les suivants : restituer aux magistrats la totalité de leur liberté d’appréciation, notamment grâce à la suppression des automatismes ; créer en milieu ouvert une peine autonome assortie d’un programme individualisé de suivi qui s’ajuste et s’évalue et qui prévoit des sanctions en cas de non-respect des obligations et des interdictions ; lutter avec détermination contre les sorties sèches, dont nous savons à quel point elles génèrent la récidive. Cette lutte résolue se traduit par le dispositif de libération sous contrainte après examen, la décision pouvant être prise aux deux tiers de l’exécution de la peine.

Outre ces principaux dispositifs, vous avez introduit dans le texte tout une série de mesures qui les étayent et leur donneront toute leur efficacité. Vous avez ainsi veillé à inclure les bureaux d’exécution des peines dans la partie législative du code de l’organisation judiciaire, car ils sont l’une des conditions d’efficacité des peines prononcées par les juridictions. Vous avez également souhaité introduire dans le même code les bureaux d’aide aux victimes ; il en a été créé une centaine en un an et nous avons fait en sorte d’en créer ou d’en consolider un dans chacun de nos tribunaux de grande instance.

Ce texte comprend aussi des dispositions sur la justice restaurative. Je saisis cette occasion pour rendre hommage à l’INAVEM, l’Institut national d’aide aux victimes et de médiation, qui a procédé à une première expérience de justice restaurative hébergée dans notre établissement de Poissy, et qui en effectue actuellement une deuxième.

Vous avez ouvert une possibilité de réexamen par le juge d’application des peines s’agissant de peines ayant été prononcées depuis plus de trois ans. Vous avez accepté d’introduire des dispositions incitant à la lecture, sur l’initiative d’un député de l’UMP, M. Jean-Frédéric Poisson.

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