Intervention de Paul Molac

Séance en hémicycle du 16 juillet 2014 à 21h30
Prévention de la récidive et individualisation des peines — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPaul Molac :

Cette loi instaure enfin, avec la contrainte pénale, une peine cohérente de suivi des personnes condamnées qui est aussi une peine alternative crédible.

Nous aurions pu aller plus loin en créant une contrainte pénale applicable à tous les délits, dans l’esprit du travail d’intérêt général ou du sursis avec mise à l’épreuve. Nous aurions même pu faire de cette peine la peine de référence pour un certain nombre de délits mineurs.

Nous aurions pu aller plus loin dans la lutte contre les absurdités de droit pénal, en supprimant les tribunaux correctionnels pour mineurs, que plus personne n’ose défendre. Le Sénat avait adopté une telle disposition, mais la CMP est revenue sur cette avancée. Le groupe socialiste s’est engagé à déposer un texte dans ce sens et nous espérons qu’il ne sera pas nécessaire d’attendre, pour l’examiner, la niche d’un groupe minoritaire. L’Assemblée a la maîtrise de son ordre du jour une semaine sur quatre ; une proposition de loi sur ce sujet y aurait toute sa place.

Nous aurions également pu traiter la question de la rétention de sûreté. Bien que l’un des derniers rapports du contrôleur général des lieux de privation de liberté, M. Jean-Marie Delarue, ait été très sévère sur ce dispositif, nous craignons aujourd’hui que la promesse présidentielle de revenir sur la rétention de sûreté soit désormais oubliée.

Force est pourtant de constater qu’outre l’introduction de la contrainte pénale et l’abrogation des peines planchers et de la SEFIP, cette réforme pénale propose un grand nombre d’avancées. Il importe à cet égard de souligner l’importance du travail parlementaire et en premier lieu celui des rapporteurs. Je tiens notamment à souligner l’avancée que constitue la suspension médicale de détention provisoire, qui reprend une proposition de loi adoptée au Sénat à l’initiative des écologistes, ou la suspension médicale de peine. Ce texte facilite également la domiciliation des sortants de prison et donne plus de souplesse aux juges pour convertir une peine de jours-amende en TIG, pour révoquer partiellement un sursis ou pour permettre le placement extérieur comme mesure probatoire à la libération conditionnelle. Sur tous ces sujets, nous sommes heureux que le Parlement ait suivi des initiatives écologistes.

Je tiens également à souligner l’avancée que constitue la reconnaissance, dans ce texte, de la justice restaurative. Nous y sommes très attachés et nous estimons que ce type de justice doit se développer dans notre pays. En associant mieux les victimes et les condamnés, on permet à la justice d’être plus efficace et plus à l’écoute des attentes des victimes. Ce faisant, on améliore aussi la réinsertion.

Permettez-moi toutefois de vous faire part de nos inquiétudes au sujet de certaines innovations introduites par le texte, qui n’ont pas été étudiées par notre assemblée, ou qui l’ont été trop vite.

L’article 7 quinquies A modifie les règles relatives aux personnes ayant commis un délit, alors que leur discernement était altéré : il réduit du tiers la peine encourue, mais impose également un certain nombre d’obligations. Il s’agit là d’un sujet grave – il suffit en effet de se rendre dans un établissement pénitentiaire pour comprendre combien il est difficile d’y séjourner quand on n’a rien à y faire… Paradoxalement, la multiplication des mesures de contrôle et des obligations pesant sur ces personnes condamnées fait peser le risque de voir une justice plus sévère s’appliquer à des détenus pourtant déclarés irresponsables.

Il sera désormais possible de condamner pour une durée de cinq ans, à des mesures de contrôle qui n’ont rien d’anodines, une personne ayant commis un délit très léger, voire à deux ans de prison en cas de non-respect de ces obligations, quel que soit le délit initialement commis. Nous nous demandons s’il est conforme aux principes fondamentaux reconnus par les lois de la République de juger plus sévèrement des personnes malades, comme le propose cet article. J’espère que le Conseil constitutionnel pourra apporter une réponse à cette question.

Nous restons opposés à la possibilité, introduite à l’article 15, de recourir à la géolocalisation et de procéder à des écoutes pour les personnes en probation. Dès lors que seuls deux ans sont encourus en cas de non-respect de la contrainte pénale, cette possibilité nous paraît aller contre le droit des personnes et le principe de proportionnalité. Dès lors, il est probable que le Conseil constitutionnel ou la Cour européenne des droits de l’homme censure un tel dispositif.

L’article 15 ter permet d’octroyer aux officiers de police judiciaire un pouvoir de transaction pénale. Les missions de la police judiciaire s’opposent à ce qu’on lui octroie un pouvoir de transaction. En effet, son rôle consiste à rendre compte à l’autorité judiciaire des infractions à la loi pénale et à se conformer à ses directives. Dès lors, je ne vois pas comment le Conseil constitutionnel pourrait accepter cette atteinte à la séparation des pouvoirs. De plus, pour fixer les peines, l’OPJ ne pourrait se fonder que sur les fichiers de police, qui présentent des lacunes évidentes, et non sur les fichiers judiciaires. C’est pour cela que nous soutenons l’amendement de suppression déposé par le Gouvernement.

L’article 17 bis étend à presque tous les délits la surveillance judiciaire introduite par le précédent gouvernement. Cette nouvelle surveillance judiciaire serait une extension très large des obligations et interdictions pesant sur le condamné. Cet article semble contraire à une décision du 8 décembre 2005 du Conseil constitutionnel, puisqu’il va au-delà du simple objectif de lutte contre la récidive, pour inclure l’insertion de la personne libérée. Dès lors, l’amendement de suppression du Gouvernement nous semble, une fois encore, relever du bon sens.

Au-delà de ces inquiétudes, sur lesquelles, je l’espère, le Gouvernement ou, à défaut, le Conseil constitutionnel, apportera des réponses, ce texte marque une avancée importante pour notre droit. Il témoigne d’une volonté de ne pas penser la prison comme la solution unique, mais de construire des peines alternatives crédibles. Il constitue une marque de confiance du législateur envers ses juges, qui sont si vite et si souvent dénoncés par ceux-là même qui en appellent constamment au respect des autorités.

La justice, l’administration pénitentiaire, les services pénitentiaires d’insertion et de probation et l’ensemble des personnes concernées par le suivi des personnes condamnées ont un travail difficile. C’est pourquoi il importe de leur donner la sérénité, la confiance, les moyens et les outils nécessaires à l’accomplissement de leurs missions. Ce texte va dans cette voie ; c’est pour cela qu’il reçoit le plein soutien du groupe écologiste.

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