Intervention de Alain Tourret

Séance en hémicycle du 16 juillet 2014 à 21h30
Prévention de la récidive et individualisation des peines — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlain Tourret :

Cette atteinte à la dignité a des conséquences. Ceux que l’on incarcère ainsi deviennent plus ou moins des fauves. Dès lors, ils constituent un danger évident pour la société lorsqu’ils sortent de prison. De plus, les personnes que l’on fréquente en prison sont en général peu recommandables – il est malheureux de devoir le rappeler.

La prison est l’école du crime par excellence ; c’est en prison que l’on devient, au contact des caïds, un petit caïd. C’est en prison que l’on rencontre des personnes qui entraînent dans le syndicat du crime, qu’on le veuille ou non. Si bien que remplir au maximum les prisons a pour conséquence d’encourager la récidive à la sortie de prison, alors que c’est précisément ce que l’on souhaite éviter.

Vous nous avez proposé, madame la garde des sceaux, un beau concept : celui de prison hors les murs. Dans mes recherches d’historien, je me suis toujours demandé pourquoi l’incarcération était la seule réponse lorsqu’une infraction était commise. Or cela n’a pas toujours été le cas : le recours massif à la prison date, pour l’essentiel, de la IIIe République ; auparavant, il était très rare.

Actuellement, on souhaite prendre en compte la personnalité de l’individu, l’accompagner et le soigner afin d’éviter la réitération de l’infraction. Les solutions que vous nous proposez sont bonnes, car c’est en fonction de l’adaptation de la sanction, des soins que l’on peut apporter, de la possibilité du suivi après la sortie de prison que l’on évitera la réitération de l’infraction. Soyez remerciée, madame la garde des sceaux, pour tout ce travail.

À l’attention des magistrats qui auront à étudier les textes qui vont bientôt devenir la loi de la République, qu’il s’agisse de procureurs de la République ou de juges de l’application des peines, je voudrais me livrer à une analyse du texte qui nous est soumis en ce qui concerne la situation des femmes enceintes en prison.

Vous avez eu l’amabilité, madame la garde des sceaux, de rappeler à quel point j’étais sensible à cette situation insupportable.

Nous avons connu trois versions de ce texte.

La première a été adoptée par l’Assemblée en première lecture. Elle était ainsi rédigée : « Le procureur de la République ou le juge de l’application des peines prennent toutes les dispositions utiles afin qu’aucune femme enceinte ne puisse être placée ou maintenue en détention au-delà de la douzième semaine de grossesse. Cette disposition ne concerne pas les crimes. Elle ne concerne pas non plus les délits commis contre les mineurs. Durant cette période, la peine est suspendue. » À la suite de mon intervention, les termes : « dans la mesure du possible » avaient été supprimés. Une obligation de résultat absolue était donc prévue ; elle s’imposait tant au procureur de la République qu’au juge de l’application des peines. Mais une limitation était apportée, puisque cette disposition ne concernait ni les crimes, ni les délits commis contre les enfants par les femmes délinquantes.

La version adoptée par le Sénat était différente : « Lorsque doit être mise à exécution une condamnation à une peine d’emprisonnement concernant une femme enceinte de plus de trois mois, le procureur de la République ou le juge de l’application des peines recherchent s’il est possible soit de différer cette mise à exécution, soit de faire en sorte que la peine s’exerce en milieu ouvert. » Je suis beaucoup inquiété de cette rédaction, notamment des termes : « recherchent s’il est possible », car ils auraient permis toutes les interprétations de la part du procureur ou du juge de l’application des peines.

Je me félicite donc du texte qui a été élaboré par la commission mixte paritaire et j’en remercie son rapporteur, M. Raimbourg. Je tiens à détailler, afin que cela figure au compte rendu et puisse être repris, la disposition qui a été retenue et l’interprétation que l’on doit en faire. Le texte de la CMP prévoit : « Lorsque doit être mise à exécution une condamnation à une peine d’emprisonnement concernant une femme enceinte de plus de douze semaines, le procureur de la République ou le juge de l’application des peines s’efforcent par tout moyen soit de différer cette mise à exécution, soit de faire en sorte que la peine s’exécute en milieu ouvert. » Nous sommes donc passés des mots : « recherchent s’il est possible » aux mots : « s’efforcent par tout moyen ».

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