Madame la présidente, madame la garde des sceaux, monsieur le président de la commission mixte paritaire, monsieur le rapporteur, chers collègues, le projet de loi relatif à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales, puisque tel est maintenant son titre, a recueilli l’approbation de toutes les composantes de la majorité lors de son examen dans les deux chambres.
Voilà donc une réforme portée par toute la gauche. Au-delà de toute posture idéologique, elle aspire à répondre à un constat d’urgence et à une attente de nos concitoyens, ainsi qu’aux besoins de notre société. Ce texte ambitieux et novateur a pris acte des échecs des politiques précédentes. Tout a été tout fait pour dépassionner le débat et proposer des solutions qui devraient réconcilier les Français et leur justice. Nous devons en remercier Mme la garde des sceaux, M. le rapporteur et tous ceux qui ont contribué avec responsabilité à l’élaboration de ce texte.
Je tiens à souligner l’importance du temps que nous avons consacré au travail de ce texte et à la volonté de tous de cerner les points de controverse et de les dépasser dans le but de rendre ce texte lisible, concret, équilibré et cohérent.
Cette loi, madame la garde des sceaux, la droite à l’Assemblée nationale l’a d’emblée maudite, en lui associant les pires qualificatifs, et ce avant même de l’avoir lue. D’autres n’ont pas eu ce réflexe pavlovien et ont admis, comme Jean-René Lecerf, qu’elle avait du bon et qu’il eût été stupide de la repousser en bloc.
Mes très chers collègues de l’UMP et de l’UDI – je pense aussi à M. Collard –, vous n’avez pas eu de mots assez durs pour qualifier ce projet de loi dès le travail en commission et avant même d’y avoir travaillé. À vous entendre, toute réforme était inutile et la place des récidivistes était tout naturellement en prison. Vous feigniez ainsi d’oublier que les délinquants – la situation des criminels est différente – sortent toujours de prison un jour et qu’il est bon pour l’ensemble de nos concitoyens et pour la société tout entière qu’ils soient alors pris en charge et suivis.
Or nos prisons ne sont pas adaptées, pour les détenus comme pour leurs gardiens, et ne remplissent pas leur mission de réinsertion en raison d’une surpopulation carcérale incoercible. On sait depuis longtemps qu’en France, à droit constant, cette surpopulation carcérale se stabilise autour de 120 % et il n’est pas imaginable de construire toujours plus de prisons.
L’un des intérêts du texte que nous allons voter, et non des moindres, est de casser cette loi d’airain déjà dénoncée en 1988 par Gilbert Bonnemaison, en luttant contre la récidive par l’individualisation de la peine et de son exécution.
Voilà peut-être la première singularité de ce texte et de notre approche législative, qui en dit long, d’ailleurs, sur un choix politique assumé : il s’agit de porter un égal intérêt aux dispositions concernant le prononcé des sanctions et à celles qui sont relatives à l’exécution des peines.
La précédente majorité a toujours fait l’impasse, dans sa politique pénale, sur une réflexion et une préoccupation pour l’exécution des peines, s’intéressant seulement à la sanction. Ils ont d’ailleurs réitéré cette erreur lors du débat, car cette partie du texte n’a pas éveillé davantage leur intérêt. Ce sont en quelque sorte des récidivistes du désintérêt pour l’exécution des peines.
Le texte retenu par la CMP s’attache, non seulement à la mise en oeuvre du droit, constitutionnellement garanti, à l’individualisation de la peine, mais également – et c’est nouveau – à l’individualisation de l’exécution de la peine. Soyons clairs : il ne s’agit pas d’adoucir la peine infligée, qui est le prix à payer à la société. Il s’agit de faire jouer son rôle à cette dernière : permettre un retour à la vie sociale la plus correcte possible. Chaque condamné doit suivre son chemin et apprendre à vivre dans le monde ordinaire sans commettre à nouveau d’infraction.
Le Sénat a souhaité que l’on maintienne néanmoins un régime différencié pour les récidivistes et pour les primo-délinquants. Soit. On peut considérer que les seconds nécessitent plus d’attention que les premiers, bien que cela soit discutable.
Mais pour que le principe de l’individualisation de l’exécution de la peine subsiste pour tous, il faut qu’il soit préparé en amont, aux deux tiers de la peine, par des diagnostics sérieux. Pour que toute personne incarcérée bénéficie quand cela est possible d’un retour progressif à la liberté, il apparaît nécessaire de proposer à chaque détenu une prise en charge personnalisée : pas de libération automatique, mais l’instauration d’un examen systématique aux deux tiers de la peine. Ce sont souvent les mesures les plus simples qui produisent les meilleurs effets. Sortir en ayant préparé les conditions matérielles – logement, domiciliation, contacts avec la famille, prise en charge médicale et ainsi de suite – depuis l’intérieur de la prison ne peut que limiter les circonstances et conditions qui recréent le recours à des pratiques délinquantes.
C’est une libération sous contrainte, dont le succès reposera largement sur les agents des SPIP. À cet égard, je me félicite qu’un malentendu ait été dissipé – je veux parler du soupçon de privatisation d’un service public d’une telle importance. Les missions seront partagées entre le service pénitentiaire d’insertion et de probation et les personnes morales habilitées. Nous aurons besoin aussi de tous les savoir-faire. Ainsi, les associations interviendront avant le jugement et les SPIP, après.
Ce texte consacre des dispositions visant à lutter contre la récidive. Nous savons que le problème se posera au niveau des moyens qui seront dégagés à cette fin.
Madame la garde des sceaux, vous nous avez rassurés. Nous savons pouvoir compter sur votre détermination pour obtenir ces moyens ; nous voterons ce texte avec enthousiasme.