Voilà ce qui est important, mais que l’opposition oublie : la prison n’est que la privation de liberté. Elle n’est pas le manque d’amour, la violence dans les couloirs ou l’atteinte au corps. Il est de notre responsabilité de dire que le chemin de l’emprisonnement est encore, à nos yeux, incompatible avec nos valeurs fondamentales. C’est pourquoi il faut travailler sur ce sujet.
Un deuxième point me semble essentiel : il faut passer d’une culture de l’enfermement à une culture du contrôle réel et efficace de l’action publique visant à prévenir la délinquance. Il y a très longtemps, le directeur d’un centre pénitentiaire au Canada m’avait expliqué que son travail le plus important consistait non pas, contrairement à ce que tout le monde croyait, à bien s’occuper des détenus, mais à préparer leur sortie. C’est même là, selon lui, le plus grand service qui peut être rendu à la civilisation.
Nous le savons tous car nous avons développé cette idée pendant des mois : lorsqu’un détenu entre en prison, sa sortie est le problème essentiel de son incarcération et la responsabilité principale des acteurs publics. L’emprisonnement ne peut pas être la seule solution pour régler les déviances et les manquements de nos concitoyens à la règle pénale. C’est d’ailleurs pour cela que nous sommes allés au fond des choses. Cela a été compliqué ; il y a eu des débats. De fait, il est difficile d’être certain que la mesure proposée va dans le sens du progrès et qu’elle n’altérera pas les dispositifs existants.
Ce texte est non pas un slogan, mais une pierre de l’édifice que nous devons incessamment construire pour consolider notre « pénalité moderne », pour reprendre l’excellente expression que vous avez utilisée, madame la garde des sceaux. Ainsi, il faut rendre efficace le système pénal de notre pays, l’adapter tout en veillant à la préservation des grands principes républicains et humanistes qui ont construit son histoire mais qui sont aussi – en tout cas, c’est ce que nous voulons – le chemin de son avenir.