Intervention de Bérengère Poletti

Réunion du 8 juillet 2014 à 17h00
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBérengère Poletti :

Je souhaite en tout premier lieu souligner un problème méthodologique. Le président de l'Assemblée nationale a saisi, sur proposition du comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques, à la fin de l'année 2013, le Premier Président de la Cour des comptes d'une demande d'évaluation portant sur le développement des services à la personne. Martine Pinville et moi-même en sommes rapporteures et rendrons nos travaux au Parlement après l'étude du texte, puisque nous devrions a priori, si vous nous le confirmez, étudier ce texte dans le courant du mois de septembre en séance. Vous avouerez que c'est une bien curieuse manière d'éclairer les travaux des parlementaires – mais nous avons l'habitude dans cette maison de travailler dans la précipitation.

Les enjeux financiers et organisationnels pour notre société face au vieillissement de la population sont extrêmement importants et ont été bien identifiés comme tels depuis de nombreuses années.

Les personnes de plus de quatre-vingt-dix ans, au nombre de 500 000 environ en France, devraient être près de 3 500 000 en 2050. C'est dire combien il est essentiel pour nous de réfléchir à l'adaptation de notre société, tant en matière de prévention que dans le domaine de la prise en charge pratique et financière du vieillissement et de la dépendance, à domicile ou en établissement.

Il avait été prévu, lors du précédent mandat, de voter une grande loi qui nous permette de répondre à la totalité de ces enjeux. Mais le contexte de crise, dans lequel nous étions et sommes encore, nous a empêchés de proposer un texte engageant considérablement les finances de l'État français ; il vous empêche aujourd'hui de répondre globalement et totalement à ces mêmes questions.

Ainsi, à l'heure où nos concitoyens attendent en priorité une aide significative sur le reste à charge en établissement, qui peut atteindre dans certaines régions plus de 3 000 euros par mois, alors que la retraite moyenne des femmes est de 1 000 euros par mois, vous nous proposez de réfléchir quasi exclusivement à une prise en charge à domicile. Je présage la grande déception de nos concitoyens, car le maintien à domicile n'est malheureusement pas toujours possible.

Comme le disait une des personnes auditionnées récemment par la rapporteure du texte, « si vous reconnaissez que votre texte est modeste, nos critiques seront modestes ». D'autant que cette loi a été précédée par ce que nous n'aurions jamais osé faire, mais que vous avez fait : la mise en place d'une taxe dans le courant de l'année 2013, la contribution additionnelle de solidarité pour l'autonomie (CASA), payée par les retraités, certes dirigée vers la CNSA, mais reprise par le biais de la dotation CSG, et donc détournée aux fins d'autres politiques, en l'occurrence le fonds de solidarité vieillesse (FSV).

Votre texte propose donc que la CASA revienne enfin à ses destinataires désignés comme tels au moment de sa mise en place. La moitié environ de ce que rapporte cette taxe sera destinée à revaloriser l'APA qui devrait déclencher un financement en moyenne de deux heures supplémentaires d'aide à domicile par mois.

Je me permets à ce stade de vous rappeler que ce texte ne résout en aucun cas les difficultés actuelles des départements à faire face au financement de l'APA. Cette problématique est pourtant de plus en plus pesante pour les budgets des conseils généraux, du fait du nombre grandissant des attributaires de cette prestation, qui d'ailleurs au moment de sa mise en place ne bénéficiait d'aucun financement. Nous allons donc aujourd'hui générer des dépenses supplémentaires, certes compensées au début. Mais qu'en sera-t-il à l'avenir, particulièrement dans un contexte de réforme territoriale, où vous nous annoncez la disparition des départements ? Car par quelle entité ces derniers pourraient-ils être avantageusement remplacés ?

Le montant total de l'effort public consacré à la compensation de la dépendance est estimé à près de 22 milliards d'euros, soit 1,1 % du PIB. Les précédentes majorités ont d'ailleurs, chaque année, augmenté considérablement l'ONDAM médicosocial de façon à moderniser les établissements accueillant les personnes âgées dépendantes. Ce coût passerait à 30 milliards d'euros à l'horizon 2025, soit une hausse de 40 %. Nous le voyons bien : les enjeux financiers se situent très largement au-delà des 645 millions d'euros de la CASA.

J'en viens à mes questions, madame la secrétaire d'État.

Dans la mesure où les caisses de retraite, on le voit sur le terrain, se retirent de plus en plus du financement de l'aide à domicile pour les GIR 5 et 6, que proposez-vous pour leur prise en charge ?

Ensuite, 26,5 % de la CASA sont destinés à financer les mesures de prévention. Que pouvez-vous nous dire sur la répartition de ces crédits et quels objectifs poursuivrez-vous, puisque ceux-ci ne sont pas définis dans ce texte ?

En outre, quelles actions dans ce domaine répondront à la stratégie nationale de santé ?

Quatrièmement, 78 millions d'euros sont fléchés vers la partie « aide aux aidants ». L'étude d'impact du texte évoque 600 000 personnes âgées dépendantes, soit 130 euros par personne et par an. Or vous nous parlez d'une cible d'une semaine de répit en hébergement temporaire. Le rapport annexé laisse supposer que seuls les GIR 1 et 2 pourraient bénéficier de cette semaine d'hébergement temporaire. Ce serait d'autres actions type « heure de ménage » ou aide à domicile supplémentaire dont pourraient bénéficier les autres que cette population cible. Pouvez-vous développer cette partie importante du texte ?

Cinquième question : le chapitre VI aborde la problématique des tarifs d'hébergement en EHPAD, notamment par la définition d'un tarif socle pour lequel nous souhaiterions des explications supplémentaires. Cette partie du texte augure-t-elle du renoncement du Gouvernement à présenter un deuxième texte sur la prise en charge dans les établissements ?

Enfin, le texte crée un Haut Conseil de l'âge qui se substituera au Comité national des retraités et personnes âgées (CNRPA). À l'époque où l'argent public est rare, n'est-il pas temps de renoncer à la création de tous ces hauts conseils qui fleurissent ici et là et engagent à chaque fois des crédits de fonctionnement importants ? N'est-ce pas le rôle du Conseil économique, social et environnemental d'assumer la mission d'évaluation et de prospective, y compris dans le domaine des politiques autour des personnes âgées ?

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