COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
Mardi 8 juillet 2014
La séance est ouverte à dix-sept heures trente.
(Présidence de Mme Catherine Lemorton, présidente de la Commission)
La Commission procède à l'audition, ouverte à la presse, de Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État chargée de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie, sur le projet de loi relatif à l'adaptation de la société au vieillissement (n° 1994) (Mme Martine Pinville, rapporteure).
Mes chers collègues, je tiens tout d'abord à remercier Mme la secrétaire d'État de venir nous présenter les dispositions du projet de loi relatif à l'adaptation de la société au vieillissement, adopté par le conseil des ministres du 3 juin dernier.
Je tiens à excuser Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé, qui ne peut être parmi nous, car elle est retenue par la fin de la conférence sociale qui s'est déroulée ces deux derniers jours et dont M. Rebsamen, ministre du travail, viendra nous entretenir demain.
Le projet de loi d'adaptation de la société au vieillissement a fait l'objet d'un travail préparatoire important, notamment d'une large concertation dans laquelle notre collègue Michèle Delaunay a pris une part essentielle. Il a également fait l'objet d'une appréciation positive du Conseil économique, social et environnemental qui a considéré qu'il allait « dans le bon sens en proposant un changement de regard sur le vieillissement et des mesures d'anticipation de la perte d'autonomie ».
Nous examinerons les articles de ce texte la semaine prochaine, le mercredi 16 juillet matin, après-midi et soir, et le jeudi 17 au matin, avec une suite la semaine suivante si nécessaire.
La discussion en séance publique est prévue à l'automne prochain, au plus tôt lors de la session extraordinaire envisagée en septembre, sans qu'une date précise ait à ce jour été arrêtée. Mais peut-être Mme la secrétaire d'État pourra-elle nous donner des indications plus précises à ce sujet.
Ce projet de loi, qui traite du soutien aux personnes âgées vivant à domicile, s'articule autour de trois axes : anticiper pour prévenir la perte d'autonomie, adapter les politiques publiques au vieillissement, améliorer la prise en charge des personnes en perte d'autonomie. Il s'agit d'une première étape puisqu'un deuxième projet de loi, relatif à l'accompagnement des résidents des maisons de retraites, viendra le compléter.
Je crois que l'on peut se réjouir que notre majorité ait permis à ce texte attendu depuis longtemps, souvent annoncé mais jamais concrétisé, de devenir une réalité.
Madame la secrétaire d'État, vous avez la parole.
Je vous prie tout d'abord d'excuser Marisol Touraine, retenue par la conférence sociale. Nous souhaitions toutes les deux vous présenter notre vision commune du projet de loi d'adaptation de la société au vieillissement.
Trop longtemps repoussé par nos prédécesseurs, ce texte est le fruit d'un travail mené depuis près de deux ans et qu'a initié Michèle Delaunay, à laquelle Marisol Touraine et moi-même voulons ici rendre hommage.
Il est également l'aboutissement d'une concertation qui a rassemblé l'ensemble des acteurs du vieillissement. Les échanges réguliers et continus avec les associations d'élus, de gestionnaires, de personnes âgées et de leurs familles, avec les représentants des secteurs du logement et des transports ont permis d'améliorer et d'enrichir ce texte. Il faut rappeler que nous avions une base de départ précieuse nourrie par les trois rapports remis en mars 2013 au Premier ministre par Martine Pinville, Luc Broussy et Jean-Pierre Aquino.
Nous tenons aussi à rappeler que le vieillissement est un enjeu majeur pour les décennies à venir et que, malgré un contexte économique contraint, nous avions le devoir d'avancer en portant un projet global qui mobilise l'ensemble des politiques publiques. C'est chose faite avec ce projet de loi tant attendu par les acteurs du secteur, en particulier le monde associatif.
Marisol Touraine aurait souhaité vous faire part de quatre points essentiels qui ont guidé ses choix dans la construction de ce texte que je détaillerai tout à l'heure.
En premier lieu, ce projet de loi permettra d'attaquer les inégalités à la racine. Anticiper, prévoir, c'est nous donner les moyens de repérer et de combattre les premiers facteurs de risque de perte d'autonomie.
Deuxième point : ce texte traduit l'ambition du Gouvernement de poursuivre le mouvement de prise en charge collective du vieillissement, initié par le gouvernement de Lionel Jospin. Je souhaite ici rendre hommage à Paulette Guinchard au nom de laquelle l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) restera éternellement associée.
Troisième point : nous voulons porter une politique globale. La plupart de nos aînés vieillissent sans incapacité. Pour autant, ce n'est pas à eux de s'adapter à l'urbanisme, aux transports ou au logement ; c'est aux politiques de l'urbanisme, des transports et du logement de le faire. Ainsi, les politiques en la matière ont une place à part entière dans ce texte.
Enfin, le point majeur qui a guidé les choix lors de l'élaboration de ce projet de loi est celui du renforcement du soutien aux aidants familiaux.
Ce texte s'inscrit ainsi pleinement dans la politique menée par cette majorité depuis plus de deux ans. Sa cohérence est totale avec l'action conduite par Marisol Touraine dans le champ de la santé et dans celui de notre protection sociale : le renforcement de la prévention, la personnalisation des politiques publiques, la préservation et le renforcement de notre système solidaire.
L'adaptation de notre société au vieillissement est l'un des plus grands chantiers qu'il nous revient de conduire au cours du quinquennat.
Ce texte de programmation et d'orientation propose – c'est une première – d'aborder la double dimension du bien vieillir et de la protection des plus vulnérables.
Notre responsabilité est en effet de changer les représentations du grand âge et de renforcer la lutte contre les inégalités sociales. Le Conseil économique, social et environnemental, dans son avis rendu le 26 mars 2014, s'est d'ailleurs félicité de ce changement de regard proposé par le projet de loi à travers notamment la distinction entre vieillesse et dépendance.
Le projet de loi qui nous réunit aujourd'hui est centré sur la prévention de la perte d'autonomie et l'accompagnement à domicile et en habitat collectif intermédiaire, en réponse aux aspirations de la majorité de nos concitoyens. En effet, beaucoup souhaitent vieillir à domicile dans les meilleures conditions, et nous souhaitons les y aider. Aussi le texte développe-t-il une action globale et transversale, reposant sur trois piliers complémentaires : anticiperprévenir, adapter la société, accompagner la perte d'autonomie.
L'anticipation doit permettre de repérer et combattre les facteurs de risque de la perte d'autonomie, de développer les actions individuelles et collectives de prévention et de promouvoir une vision moderne des aides techniques en complément, et non en remplacement, des aides humaines, indispensables à la promotion du « vivre ensemble ».
Le second volet est le plus interministériel car il doit nous permettre d'adapter toutes les politiques publiques au vieillissement, en particulier celles du logement, de l'urbanisme et des transports. Il a fait l'objet d'un long travail entre les ministères concernés. L'habitat doit accompagner l'avancée en âge. S'agissant des logements privés, un plan national d'adaptation de 80 000 logements d'ici à 2017 avec la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV) et l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) est programmé, conformément à l'engagement présidentiel. L'habitat intermédiaire entre le domicile et la maison de retraite doit être développé et modernisé. De façon emblématique, les « logements foyers » seront renommés « résidences autonomie », leurs missions seront redéfinies et une aide financière, « le forfait autonomie », sera attribuée pour renforcer les actions de prévention conduites au sein de ces structures. Il s'agira également de sécuriser le modèle économique des résidences services, en conditionnant le paiement des charges liées aux services à leur réelle utilisation.
Enfin, le dernier pilier a vocation à améliorer l'accompagnement des personnes en perte d'autonomie. La loi engage un acte II de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) au service du maintien à domicile, douze ans après sa mise en place par le gouvernement de Lionel Jospin. Concrètement, les personnes âgées bénéficieront d'une augmentation importante du nombre d'heures d'aide à domicile (1 heure par jour supplémentaire pour les plans d'aide les plus lourds), accompagnée d'une réduction du ticket modérateur. En résumé, le projet de loi permettra une meilleure couverture des besoins par plus de prestations, avec des plans d'aides diversifiés, et une participation financière réduite pour les usagers. Le fil conducteur du Gouvernement pour plus de justice trouve ici une illustration concrète qui se traduira dans le quotidien des familles.
En établissement, les axes prioritaires concernent la transparence des tarifs sur la base d'un socle de prestations identiques, ainsi que l'encadrement de l'évolution des tarifs.
En outre, le respect et la dignité des personnes âgées vulnérables sont renforcés par la réaffirmation de leurs droits, en particulier lors la signature du contrat de séjour en établissement, et par les mesures prises pour lutter contre les abus de faiblesse. La liberté d'aller et venir librement est inscrite dans le code de l'action sociale et des familles, au même titre que le respect de la dignité, de l'intégrité, de la vie privée, de l'intimité et de la sécurité. Un espace de réflexion commune est aussi ouvert sur la délicate question du consentement et de l'expression de la volonté lorsque des personnes en établissement rencontrent des difficultés dans la connaissance et la compréhension de leurs droits. L'introduction de la personne de confiance est une première piste et le Gouvernement est ouvert à une réflexion plus large qui permettra, nous l'espérons, d'avancer plus encore pour ne pas restreindre à l'excès la parole de ceux de nos concitoyens que l'âge a rendu tout particulièrement vulnérables.
Enfin, les aidants sont fortement soutenus par ce texte de loi, qui reconnaît leur rôle dans l'accompagnement et leur droit au répit, en finançant l'accueil ou l'hébergement temporaire de la personne aidée dans une structure adaptée.
Un volet transversal relatif à la gouvernance unifie par ailleurs la représentation des personnes âgées et favorise leur participation à l'élaboration des politiques publiques les concernant. Le titre IV du projet de loi a fait l'objet, dans la version sur laquelle vous travaillez, du retrait d'un certain nombre de dispositions relatives à la gouvernance locale. Le Gouvernement juge en effet incontournable la mise en cohérence avec la réforme territoriale, mais aussi avec le projet de loi santé. Les articles ont été réservés, ce qui nous permettra de retravailler ces questions essentielles de gouvernance. Compte tenu des calendriers, les débats en séance seront un moment privilégié pour cette mise en cohérence qui tiendra compte des récentes prises de parole du Premier ministre concernant la particularité des territoires ruraux dans la réflexion sur le devenir des conseils généraux.
Il est important de noter que le projet de loi comprend également un rapport annexé qui permet notamment de présenter les plans thématiques, dont plusieurs sont d'ores et déjà lancés : lutte contre l'isolement grâce au programme MONALISA, promotion de l'activité physique adaptée, prévention de la dépression et du suicide des personnes âgées, bon usage du médicament, promotion d'un urbanisme intergénérationnel – avec le label « Ville amie des aînés »–, développement de la filière industrielle du bien vieillir, professionnalisation du secteur par le plan métier autonomie.
Concernant la question du financement des mesures nouvelles, le Gouvernement n'a pas la prétention de répondre à l'ensemble des besoins avec l'enveloppe dédiée, qui était connue dès l'ouverture de la concertation. Nous souhaitons toutefois rappeler que, dans le contexte actuel de tensions sans précédent sur les finances publiques, les 645 millions d'euros par an – dotation appelée à augmenter dans les années à venir – représentent un effort important rendu possible grâce à la solidarité nationale et à l'engagement présidentiel.
Cette somme permet à la fois de financer le volet Accompagnement de la loi à hauteur de 460 millions d'euros, comprenant la revalorisation de l'APA à domicile –375 millions d'euros – et le droit au répit pour les aidants – 78 millions –, mais aussi de dégager de réelles marges de manoeuvre pour le volet AnticipationPrévention – 85 millions d'euros –, ce qui n'a jamais été fait précédemment. Enfin, le financement du volet Adaptation à hauteur de 84 millions d'euros sera assuré pendant la phase de montée en charge. La totalité de la contribution additionnelle de solidarité pour l'autonomie, la CASA, sera donc bien affectée à la loi dès son entrée en vigueur.
La compensation à 100 % par l'État de ces mesures nouvelles permettra par ailleurs un meilleur équilibre entre la participation financière de l'État et celle des départements.
Concernant la réforme de l'accompagnement en établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), celle-ci demeure notre objectif à moyen terme. Cette nouvelle étape pourra intervenir lorsque le redressement des finances publiques engagé par le Gouvernement aura produit ses effets. En matière de tarification, un choc de simplification visera à renforcer la responsabilisation des gestionnaires et l'efficience des établissements, en lien avec les chantiers en cours tels que les études de coûts et la réforme du référentiel PATHOS.
Je voudrais enfin aborder la situation des services d'aide à domicile qui sont un maillon essentiel pour un accompagnement à domicile professionnel, sécurisé et respectueux des habitudes de vie des personnes. En effet, le maintien à domicile suppose de s'appuyer sur des réseaux d'aide à domicile sécurisé et professionnalisé. Or la situation du secteur d'intervention auprès des publics fragiles préoccupe à la fois le Gouvernement et de nombreux parlementaires. La mobilisation du fonds de restructuration à hauteur de 130 millions d'euros de 2012 à 2014 a été un soutien significatif. Il nous faut désormais construire des réponses pérennes en lien avec les départements, les agences régionales de santé (ARS), qui disposent d'une vision d'ensemble de l'offre sanitaire et médico-sociale sur les territoires, et la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA).
À travers la réforme de l'APA à domicile, la loi va apporter naturellement un développement de l'activité par une meilleure solvabilisation de la demande. Une revalorisation des salaires est également prévue. Au total, 375 millions d'euros sont consacrés à ces mesures. Mais cela ne suffira pas à résoudre les problèmes que connaît le secteur. C'est pourquoi le projet de loi comporte également des articles relatifs à la refondation de l'aide à domicile et à l'expérimentation d'une offre plus intégrée entre l'aide et les soins à domicile, avec les services polyvalents d'aide et de soin à domicile (SPASAD). Nous devrons aboutir collectivement à des avancées structurelles de simplification et de meilleure régulation de l'offre.
Mesdames, messieurs les députés, je vous remercie de votre attention. Nous savons avec Marisol Touraine pouvoir compter sur vous pour enrichir ce texte qui nous permettra de relever cet immense défi du vieillissement de la population et de profiter pleinement de cette opportunité que représente l'allongement de la durée de vie.
Nous espérons retrouver les bancs de l'Assemblée dès la rentrée pour enfin débuter l'examen de ce texte concret et utile pour améliorer le quotidien des familles. Je souhaite un dialogue le plus ouvert possible ; nous sommes sensibles aux propositions des parlementaires. Ainsi, ce texte apportera la preuve à nos concitoyens que la représentation nationale sait se rassembler sur les grands sujets.
Je me félicite de l'ambition forte de ce projet de loi, dont le titre est éloquent. Il promeut un changement de regard, car s'adapter au vieillissement, c'est tirer pleinement parti de la longévité en prévenant la perte d'autonomie et en améliorant globalement notre cadre de vie.
Ce projet de loi, fruit d'une longue concertation avec tous les acteurs menée avec énergie par notre collègue Michèle Delaunay, était très attendu. Aussi pouvez-vous nous préciser à grands traits, madame la secrétaire d'État, le calendrier envisagé qui nous conduira à la promulgation de la loi et à sa mise en application ?
On sait que le produit de la CASA va financer de manière pérenne les mesures du projet de loi en matière d'APA à domicile, d'accès aux aides techniques, et de développement des résidences autonomie. Mais compte tenu des différents paliers d'entrée en vigueur, quelle sera l'utilisation du solde pendant la phase intermédiaire ?
Le projet de loi affirme, pour la première fois, le droit de toute personne âgée qui bénéficie d'une aide publique au respect de son projet de vie : le libre choix entre domicile et établissement est donc consacré. Il se fonde sur une évaluation multidimensionnelle de la situation et des besoins, dans le cadre de l'APA, pour mieux prendre en compte l'environnement de vie et la contribution des proches aidants, également reconnus pour la première fois.
De même, le projet de loi consacre la liberté d'aller et venir en établissement et encadre strictement les restrictions qui y sont apportées pour les personnes les plus fragiles. Dans ce domaine, à la frontière du droit de la protection des majeurs, il sera sans doute nécessaire d'apporter des précisions. Pouvez-vous nous indiquer vos intentions à cet égard ?
Concernant l'APA, je me félicite que soient écartées les approches restrictives consistant, par exemple, à réserver l'allocation aux plus fortes pertes d'autonomie, les GIR 1 à 3. Une telle mesure était préconisée dans le cadre de travaux précédents, mais elle allait à l'encontre de l'objectif de prévention. Apporter les aides de manière précoce, c'est en effet prévenir le mauvais vieillissement. À rebours de ces approches, vous nous présentez donc une amélioration de l'APA particulièrement significative dans le contexte budgétaire.
Pouvez-vous préciser les modifications apportées aux plans d'aide de l'APA, en particulier pour les personnes dont les revenus sont les plus modestes et les plans d'aide les plus lourds ? Comment envisagez-vous de réduire la disparité des pratiques de définition des plans ou d'évaluation de la perte d'autonomie selon les départements ?
Le projet de loi d'orientation se fixe comme objectif de permettre à la personne de résider le plus longtemps possible dans un domicile adapté. Aussi convient-il d'améliorer la cohérence entre les services d'aide et d'accompagnement à domicile et les établissements.
La réduction des inégalités d'accès aux aides humaines peut être un des grands marqueurs de cette réforme. Le projet de loi définit de nouveaux contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens pour les services d'aide et d'accompagnement à domicile. Pouvez-vous en préciser les effets attendus ?
De nombreuses interrogations persistent concernant les services à domicile qui font l'objet d'un simple agrément qualité par l'État : ils ont parfois contribué à faire baisser la tarification appliquée par les conseils généraux aux services autorisés, souvent bien en dessous des coûts occasionnés par l'intervention de personnels convenablement formés et expérimentés.
Si l'apparition de nouveaux intervenants privés répond aux principes de la liberté d'entreprise, une meilleure régulation est manifestement nécessaire. Pouvez-vous préciser les effets attendus du projet de loi pour pérenniser l'action du monde associatif et permettre à tous les services d'aide et d'accompagnement à domicile de répondre à une demande qui va croître dans les années à venir ?
Des expérimentations sont prévues, mais quelle sera l'étape suivante ? Faut-il d'ores et déjà définir un nouveau modèle d'ensemble ?
La question de la gouvernance me paraît donc cruciale. Il faut développer des politiques d'ensemble de la vieillesse comme il existe des politiques d'ensemble de la jeunesse. En matière de jeunesse, on mobilise différents acteurs pour accompagner et faciliter l'acquisition de l'autonomie ; en matière de vieillesse, il faut parvenir à faire de même pour préserver le capital d'autonomie, en prévenir puis en compenser la perte.
En ce qui concerne la gouvernance nationale des politiques de l'autonomie, je me félicite de la création du Haut Conseil de l'âge. Cette instance n'a-t-elle pas vocation à être rapprochée d'autres instances placées auprès du Premier ministre dans tous les domaines qui touchent la famille ?
Je me félicite également de la volonté du Gouvernement de développer les fonctions de coordination et d'animation de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie. La CNSA est devenue en quelques années une instance reconnue et crédible : lui confier de nouvelles compétences en termes de prévention, d'appui méthodologique ou encore d'information du public, va asseoir sa légitimité. Cela améliorera la coordination et le pilotage des politiques de l'autonomie au niveau national.
Cette remarque me conduit néanmoins à vous faire part de mes interrogations relatives à la gouvernance locale des politiques de l'autonomie.
L'avant-projet de loi examiné par le Conseil économique, social et environnemental consacrait de nouvelles instances de gouvernance au niveau local. Or elles ne figurent plus dans le projet de loi.
La conférence des financeurs dans le domaine de la prévention de la perte d'autonomie constitue une avancée majeure pour coordonner les financeurs locaux, l'Agence nationale d'amélioration de l'habitat, l'action sociale des caisses de retraite et des complémentaires. Pour autant, nous sommes nombreux à considérer que les outils de gouvernance locale pourraient être refondus au niveau du département. Quelles sont vos intentions au regard du projet de loi de réforme territoriale ? Peut-on généraliser les maisons départementales de l'autonomie (MDA), qui existent déjà dans certains départements ?
Comment réunir dans une même enceinte l'ensemble des acteurs concernés par la perte d'autonomie sur un territoire – financeurs, associations de personnes âgées, familles, professionnels ?
Enfin, ce projet de loi d'orientation fait de l'adaptation de la société au vieillissement une priorité de l'ensemble des politiques publiques. Cet objectif, nous ne le perdrons pas de vue lors de l'examen des textes à venir. Pouvez-vous préciser l'articulation avec le projet de loi de santé publique ? Allez-vous contribuer à enrichir l'avant-projet de loi de santé parallèlement à l'examen du projet de loi d'adaptation de la société au vieillissement ?
Je finirai par une dernière interrogation plus technique. L'article 55 du projet de loi prévoit d'habiliter le Gouvernement à réformer par ordonnances l'organisation du contentieux de l'aide sociale. Compte tenu de la complexité du sujet, nous comprenons cette demande, mais il me semblerait utile que vous nous précisiez les intentions du Gouvernement.
Je tiens d'abord à saluer ma voisine, Michèle Delaunay pour tout le travail qu'elle a accompli sur ce texte.
Rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques sur ce projet de loi, plus particulièrement sur les questions relatives au logement, je tiens tout d'abord à manifester mon soutien à ce texte et à son approche transversale des enjeux de la révolution de l'âge et des réponses à y apporter.
Quelques jours après la sortie du rapport de la Fondation de France sur l'isolement, on mesure l'importance à l'échelle d'une société de savoir anticiper ce phénomène du vieillissement. J'apprécie tout particulièrement la volonté affichée de dépasser les cloisonnements de l'organisation des secteurs de la santé, du médicosocial, de la vie associative ou économique, pour définir une stratégie d'adaptation de la société au vieillissement transversale et globale qui anticipe la perte d'autonomie et qui s'appuie sur les spécificités territoriales pour se déployer.
Je m'intéresserai plus particulièrement à la question du logement. Je salue l'esprit de ce texte qui vise à lever les freins pour permettre le développement d'une offre diversifiée de logements tout en affichant l'objectif prioritaire, le maintien à domicile.
Je salue la volonté d'accompagner la modernisation des logements foyers, de sécuriser les résidences services en faisant évoluer leur cadre juridique, mais aussi de créer un forfait autonomie pour financer les mesures de prévention collective.
Madame la secrétaire d'État, au-delà du cadre juridique renouvelé des résidences services et des logements foyers, comment envisagez-vous le développement du logement intermédiaire à coût social, avec un socle minimum de prestations de prévention de perte d'autonomie, mais aussi l'émergence de nouveaux modèles d'habitat partagé ? À cet égard, je pense au modèle que nous connaissons tous, celui des babayagas.
Madame la secrétaire d'État, le groupe socialiste, républicain et citoyen souhaite vous faire part de sa satisfaction.
D'abord, parce que ce texte était attendu depuis de nombreuses années par les personnes âgées, leurs familles et l'ensemble des acteurs qui ont participé, à leur grande satisfaction, à la concertation dirigée par votre prédécesseur, notre collègue Michèle Delaunay.
Ensuite, parce que ce gouvernement de gauche n'a pas failli à l'un des soixante engagements du Président de la République, alors que son prédécesseur de droite avait, pendant cinq ans, sans cesse parlé d'une réforme, sans jamais la faire.
Satisfaction donc d'un texte d'orientation et de programmation qui développe une vision globale, sociétale du vieillissement, et qui ne se limite pas aux seules questions de l'accompagnement et du financement.
Satisfaction de la priorité donnée à la prévention, à travers le développement de l'habitat collectif (résidences autonomie et résidences services), l'adaptation des logements, des transports, de l'espace et des politiques publiques sur les territoires, mais aussi la mise en place de la conférence des financeurs au niveau local.
Satisfaction de l'amélioration des prestations de maintien à domicile, avec un acte II de l'APA qui permettra une hausse du nombre d'heures d'aides et une baisse du reste à charge.
Satisfaction du soutien concret apporté aux aidants, avec la création tant attendue d'une aide au répit.
Satisfaction aussi de voir les droits et libertés des personnes âgées davantage sécurisés et garantis, notamment dans les établissements.
Satisfaction de la valorisation de l'engagement citoyen des âgés, avec la création du volontariat civique senior, mais aussi le renforcement de leur participation à la construction des politiques publiques au sein du Haut Conseil de l'âge.
Satisfaction, enfin, de voir mise en oeuvre une véritable stratégie de filière des métiers de l'autonomie, qui veut faire du vieillissement non une charge, mais une chance pour l'économie française.
Pour autant, nous avons certaines interrogations ou demandes de précisions, madame la secrétaire d'État.
La première tient à la gouvernance locale. Nous avons bien compris le choix cohérent du Gouvernement d'articuler ce texte avec la réforme territoriale et la future loi de santé publique. Mais pouvez-vous nous donner votre position dans la mesure où la réussite de la loi dépendra en grande partie de sa mise en oeuvre locale et que l'échelon, ou du moins le périmètre départemental, a fait preuve de sa pertinence en la matière ?
La deuxième question tient à l'avenir du secteur de l'aide à domicile, en crise depuis plusieurs années. Vous avez annoncé un plan d'actions pour la rentrée. Pouvez-vous nous en dire un peu plus, en particulier sur les perspectives de réforme de la tarification ?
La troisième tient à la distribution du forfait autonomie dans les foyers logements, futures résidences autonomie. La condition de non-cumul avec le forfait soins courants pour en bénéficier écarte d'emblée des établissements qui en ont pourtant besoin. Pensez-vous possible de permettre une mutualisation du forfait autonomie ?
La quatrième question tient à l'aide au répit. Pour qu'elle soit vraiment effective, l'accueil en hébergement temporaire doit se développer en parallèle. En la matière, qu'est-il prévu ? S'agissant de l'accueil familial, la limitation prévue dans le projet de loi à six contrats pour chaque accueillant ne serait-elle pas contreproductive ?
Enfin, si nous comprenons la volonté du Gouvernement de procéder par étapes, pouvez-vous nous donner des perspectives de calendrier quant à la réforme de la tarification des établissements ?
Au travers de la disparition des conseils départementaux pour la citoyenneté et l'autonomie (CDCA) au profit des comités départementaux des retraités et personnes âgées (CODERPA), il nous semble que la question de la gouvernance locale est insuffisamment traitée. Nous avons compris le lien que vous faites avec la réflexion engagée par le Gouvernement sur les territoires ; il n'empêche que la gouvernance locale demeure pour nous une priorité. Nous aimerions vous entendre à ce sujet, madame la secrétaire d'État.
Selon les accueillants familiaux, il existe une grande similitude entre leur activité et celle d'assistant familial et maternel. Pourtant, leur statut est différent et même précaire. Pensez-vous possible de faire évoluer leur statut, y compris vers le salariat ? Se pose également la question de l'organisation des congés pour ces accueillants familiaux.
Le besoin au répit des proches aidants ne fait pas discussion. Néanmoins, il nous semble qu'une organisation territoriale permettrait de faire face à la problématique de l'accueil d'urgence et de l'accueil séquentiel.
Enfin, s'agissant des organismes agréés ou autorisés, il existe une rivalité qui se solde parfois par des concurrences tarifaires importantes, voire une forme de dumping sur les territoires, qui aboutit à une fragilisation importante des structures autorisées. Comment résoudre l'équation entre la liberté d'entreprendre, d'un côté, et la défense d'un service au public de qualité, de l'autre ?
Je souhaite en tout premier lieu souligner un problème méthodologique. Le président de l'Assemblée nationale a saisi, sur proposition du comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques, à la fin de l'année 2013, le Premier Président de la Cour des comptes d'une demande d'évaluation portant sur le développement des services à la personne. Martine Pinville et moi-même en sommes rapporteures et rendrons nos travaux au Parlement après l'étude du texte, puisque nous devrions a priori, si vous nous le confirmez, étudier ce texte dans le courant du mois de septembre en séance. Vous avouerez que c'est une bien curieuse manière d'éclairer les travaux des parlementaires – mais nous avons l'habitude dans cette maison de travailler dans la précipitation.
Les enjeux financiers et organisationnels pour notre société face au vieillissement de la population sont extrêmement importants et ont été bien identifiés comme tels depuis de nombreuses années.
Les personnes de plus de quatre-vingt-dix ans, au nombre de 500 000 environ en France, devraient être près de 3 500 000 en 2050. C'est dire combien il est essentiel pour nous de réfléchir à l'adaptation de notre société, tant en matière de prévention que dans le domaine de la prise en charge pratique et financière du vieillissement et de la dépendance, à domicile ou en établissement.
Il avait été prévu, lors du précédent mandat, de voter une grande loi qui nous permette de répondre à la totalité de ces enjeux. Mais le contexte de crise, dans lequel nous étions et sommes encore, nous a empêchés de proposer un texte engageant considérablement les finances de l'État français ; il vous empêche aujourd'hui de répondre globalement et totalement à ces mêmes questions.
Ainsi, à l'heure où nos concitoyens attendent en priorité une aide significative sur le reste à charge en établissement, qui peut atteindre dans certaines régions plus de 3 000 euros par mois, alors que la retraite moyenne des femmes est de 1 000 euros par mois, vous nous proposez de réfléchir quasi exclusivement à une prise en charge à domicile. Je présage la grande déception de nos concitoyens, car le maintien à domicile n'est malheureusement pas toujours possible.
Comme le disait une des personnes auditionnées récemment par la rapporteure du texte, « si vous reconnaissez que votre texte est modeste, nos critiques seront modestes ». D'autant que cette loi a été précédée par ce que nous n'aurions jamais osé faire, mais que vous avez fait : la mise en place d'une taxe dans le courant de l'année 2013, la contribution additionnelle de solidarité pour l'autonomie (CASA), payée par les retraités, certes dirigée vers la CNSA, mais reprise par le biais de la dotation CSG, et donc détournée aux fins d'autres politiques, en l'occurrence le fonds de solidarité vieillesse (FSV).
Votre texte propose donc que la CASA revienne enfin à ses destinataires désignés comme tels au moment de sa mise en place. La moitié environ de ce que rapporte cette taxe sera destinée à revaloriser l'APA qui devrait déclencher un financement en moyenne de deux heures supplémentaires d'aide à domicile par mois.
Je me permets à ce stade de vous rappeler que ce texte ne résout en aucun cas les difficultés actuelles des départements à faire face au financement de l'APA. Cette problématique est pourtant de plus en plus pesante pour les budgets des conseils généraux, du fait du nombre grandissant des attributaires de cette prestation, qui d'ailleurs au moment de sa mise en place ne bénéficiait d'aucun financement. Nous allons donc aujourd'hui générer des dépenses supplémentaires, certes compensées au début. Mais qu'en sera-t-il à l'avenir, particulièrement dans un contexte de réforme territoriale, où vous nous annoncez la disparition des départements ? Car par quelle entité ces derniers pourraient-ils être avantageusement remplacés ?
Le montant total de l'effort public consacré à la compensation de la dépendance est estimé à près de 22 milliards d'euros, soit 1,1 % du PIB. Les précédentes majorités ont d'ailleurs, chaque année, augmenté considérablement l'ONDAM médicosocial de façon à moderniser les établissements accueillant les personnes âgées dépendantes. Ce coût passerait à 30 milliards d'euros à l'horizon 2025, soit une hausse de 40 %. Nous le voyons bien : les enjeux financiers se situent très largement au-delà des 645 millions d'euros de la CASA.
J'en viens à mes questions, madame la secrétaire d'État.
Dans la mesure où les caisses de retraite, on le voit sur le terrain, se retirent de plus en plus du financement de l'aide à domicile pour les GIR 5 et 6, que proposez-vous pour leur prise en charge ?
Ensuite, 26,5 % de la CASA sont destinés à financer les mesures de prévention. Que pouvez-vous nous dire sur la répartition de ces crédits et quels objectifs poursuivrez-vous, puisque ceux-ci ne sont pas définis dans ce texte ?
En outre, quelles actions dans ce domaine répondront à la stratégie nationale de santé ?
Quatrièmement, 78 millions d'euros sont fléchés vers la partie « aide aux aidants ». L'étude d'impact du texte évoque 600 000 personnes âgées dépendantes, soit 130 euros par personne et par an. Or vous nous parlez d'une cible d'une semaine de répit en hébergement temporaire. Le rapport annexé laisse supposer que seuls les GIR 1 et 2 pourraient bénéficier de cette semaine d'hébergement temporaire. Ce serait d'autres actions type « heure de ménage » ou aide à domicile supplémentaire dont pourraient bénéficier les autres que cette population cible. Pouvez-vous développer cette partie importante du texte ?
Cinquième question : le chapitre VI aborde la problématique des tarifs d'hébergement en EHPAD, notamment par la définition d'un tarif socle pour lequel nous souhaiterions des explications supplémentaires. Cette partie du texte augure-t-elle du renoncement du Gouvernement à présenter un deuxième texte sur la prise en charge dans les établissements ?
Enfin, le texte crée un Haut Conseil de l'âge qui se substituera au Comité national des retraités et personnes âgées (CNRPA). À l'époque où l'argent public est rare, n'est-il pas temps de renoncer à la création de tous ces hauts conseils qui fleurissent ici et là et engagent à chaque fois des crédits de fonctionnement importants ? N'est-ce pas le rôle du Conseil économique, social et environnemental d'assumer la mission d'évaluation et de prospective, y compris dans le domaine des politiques autour des personnes âgées ?
Le projet de loi vise à apporter une réponse à la dépendance, préoccupation majeure de nos concitoyens. Il est d'autant plus attendu que la question du vieillissement et de la dépendance est un défi majeur pour notre société.
Un défi pour la cohésion sociale, d'abord. Alors que la proportion des plus de soixante-quinze ans dans notre pays devrait doubler d'ici à 2050, la qualité de notre modèle de société se mesurera à la capacité à garantir la dignité des personnes âgées dépendantes.
Un défi financier, ensuite, qui engage la préservation de ce modèle social. En effet, le vieillissement de la population devrait engendrer des dépenses supplémentaires de l'ordre de deux à trois points de PIB d'ici à 2025.
Un défi en termes de pouvoir d'achat, car le reste à charge atteint des niveaux insoutenables pour les familles. Les ménages acquittent au moins 7 milliards d'euros par an en complément des ressources fournies par la solidarité nationale pour la couverture des frais liés à la dépendance.
Enfin, un défi au regard de la simplification et de l'amélioration de la prise en charge des personnes dépendantes. Il s'agit de garantir une prise en charge de qualité face au parcours du combattant auquel sont confrontées les personnes dépendantes, afin de le simplifier et d'accompagner les familles et les aidants.
Face à ces enjeux cruciaux, le groupe UDI regrette la méthode choisie par le Gouvernement, et je m'associe aux propos de ma collègue Bérengère Poletti sur ce point. Avec ce projet de loi, la priorité est clairement donnée au maintien à domicile, au détriment de la prise en charge de la perte d'autonomie en établissement, et ce alors que 657 000 personnes âgées, dont 42,5 % des quatre-vingt-quinze ans et plus résident dans plus de 10 000 établissements d'hébergement.
En outre, nous nous inquiétons du flou qui demeure quant au calendrier de l'examen d'un second projet de loi qui doit être présenté au cours de la seconde partie de ce quinquennat. La réforme de la dépendance – engagement numéro dix-huit du Président de la République – est donc en suspens.
Nous regrettons également les insuffisances majeures de ce projet, auxquelles la discussion parlementaire pourra peut-être remédier. Pour nous, la perte d'autonomie ne se résume pas à la seule question du grand âge.
Aussi regrettons-nous que ce projet de loi ne procède pas à une véritable harmonisation de l'évaluation des situations de dépendance avec la mise en place d'un référentiel d'éligibilité unique qui permettrait d'intégrer les situations du handicap comme ouvrant droit à une rente évaluée en fonction du degré de dépendance de la personne. Une telle réforme permettrait de corriger les imperfections de la grille AGGIR.
En outre, ce texte ne prévoit aucune mesure digne de ce nom pour le secteur des services à la personne. Or ce secteur a été fragilisé avec le plafonnement global des avantages fiscaux, l'augmentation de la TVA, la suppression du forfait, alors même qu'il joue un rôle essentiel dans la prise en charge de la perte d'autonomie.
Au nom de mon groupe, je souhaite vous interroger sur trois points précis, madame la secrétaire d'État.
Les mesures en faveur des 4,3 millions d'aidants ne peuvent constituer qu'un premier pas vers une reconnaissance pleine du rôle de l'aidant à travers la création d'un statut de l'aidant à part entière. Le Gouvernement est-il prêt à avancer sur ce sujet essentiel ?
L'enveloppe de 40 millions d'euros prévue pour l'adaptation des 80 000 logements aux contraintes de l'âge et du handicap sera notoirement insuffisante pour atteindre cet objectif. En outre, la portée de cette mesure est extrêmement faible, ces 80 000 logements ne représentant que 0,3 % des logements en France. Des mesures plus importantes sont-elles prévues en la matière ?
Enfin, le projet de loi n'est pas suffisamment ambitieux concernant la réduction des inégalités sociales et territoriales, alors que de fortes disparités demeurent en matière de gestion des aides au niveau départemental. Le rôle d'appui méthodologique et d'harmonisation des pratiques, confié à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, ne permettra pas, selon nous, d'apporter une réponse à la hauteur de cet enjeu.
Je me dois de reconnaître que, dans ce contexte de tension budgétaire extrême, la majorité actuelle s'attelle à cette question laissée en jachère par la précédente majorité. Pour autant, ce texte n'est pas à la hauteur des défis humains et financiers de la dépendance. C'est pourquoi nous ferons des propositions concrètes pour l'améliorer.
Prendre en compte le vieillissement de la population et faire en sorte que notre société soit adaptée et apporte à chacune et chacun les solutions, l'accompagnement dont nos concitoyens ont besoin pour garder le maximum d'autonomie ou l'accompagnement dans leur perte d'autonomie, tel est l'objectif que nous devons nous fixer. C'est l'objectif annoncé pour ce projet de loi, et nous ne pouvons que nous en féliciter. Une telle loi était très attendue lors de la précédente mandature, mais n'a jamais vu le jour. Cela est bien dommage car la situation actuelle montre qu'il y a urgence.
Au même titre que l'accessibilité des personnes en situation de handicap – pour lesquelles des décisions ont été prises –, l'adaptation de la société au vieillissement est une question de solidarité et d'égalité – une solidarité transgénérationnelle et une égalité face à la perte d'autonomie.
Les écologistes prônent une politique inclusive où l'autonomie doit être le principe recherché et où l'on ne stigmatise pas une quelconque dépendance. Les politiques publiques doivent permettre de placer chaque citoyen sur un pied d'égalité, quel que soit son âge ou son handicap. Une politique qui englobe les différents niveaux concernés, du principal intéressé à son entourage, en passant par les acteurs sociaux, est la source d'une adaptation réussie de la société au vieillissement.
Les personnes âgées sont un véritable atout pour notre société, notamment grâce à leur investissement associatif. Mais ne nous pouvons les envisager au travers de ce que l'on appelle cyniquement la Silver économie. Certes, des entreprises spécialisées dans les services à la personne peuvent apporter des réponses à des besoins spécifiques, mais il n'est pas supportable de voir proliférer un secteur ne voyant les personnes âgées que comme une cible marketing ou une poule aux oeufs d'or.
Un autre sujet, cher aux écologistes, est celui de la privation des libertés. Trop souvent, les personnes âgées en perte d'autonomie notamment sont déconsidérées dès lors qu'elles sont placées dans des foyers, des EHPAD ou autres structures d'accueil. Il est donc primordial de s'attarder sur cette question, afin de trouver une solution.
C'est sur ces bases que nous allons travailler pour l'examen de ce projet de loi en commission, puis en séance.
J'ai plusieurs questions à vous poser, madame la secrétaire d'État.
Tout d'abord, au sujet de la double compétence ARS-conseils généraux. L'articulation entre les deux est souvent compliquée, notamment dans le cadre du recrutement d'aides soignants ou d'infirmiers, et se conclut, faute d'accord, par l'incapacité à recruter pour les structures en demande. Pourtant, le vieillissement de la population risque d'entraîner un besoin croissant de personnel médical et social. Si l'on ne simplifie pas la procédure, on pourrait se retrouver dans une situation critique. Je souhaite connaître votre avis sur le sujet.
Les conseils généraux vont être une nouvelle fois au centre du financement de la solidarité envers les personnes âgées, comme le prévoit leur clause de compétence. Mais si on leur confère de nouvelles missions au titre de cette compétence, comment les financeront-ils ? Surtout, comment voyez-vous l'articulation entre la réforme territoriale, telle qu'annoncée par le Président de la République et le Premier ministre, et la suppression des conseils départementaux ? Doit-on acter une nouvelle loi pour 2020 qui sera chargée de créer une nouvelle source de financement ? Au lieu de charger les départements avant leur suppression, n'aurait-il pas été plus opportun de mettre en place ce fameux cinquième risque dans le budget de la sécurité sociale ?
Je m'interroge également sur la solvabilité des personnes âgées. Dans beaucoup de cas, et quelle que soit la structure d'accueil, le reste à charge après les frais de soins, de dépendance ou d'hébergement, est généralement encore très élevé et compliqué à gérer pour nos seniors. En outre, si l'on a pu observer que le niveau de vie des retraités s'est rapproché de celui des actifs ces dernières années, les différentes mesures prises à leur encontre – report de la revalorisation, puis gel des pensions – ne vont pas faciliter la solvabilité des retraités. On ne peut décemment annoncer une volonté de mettre en oeuvre une politique en faveur de l'autonomie des personnes âgées et, dans le même temps, instaurer des dispositifs qui vont à l'encontre de cet objectif.
Enfin, je m'étonne de l'absence d'un volet relatif aux personnes handicapées. La circulaire du 4 septembre 2012 relative à la politique transversale du handicap aurait pourtant dû avoir pour effet l'intégration d'un chapitre spécifique. D'autant que la montée en âge des personnes en situation de handicap est liée à la problématique de la perte d'autonomie. Aussi pourriez-vous nous indiquer comment ce projet de loi pourra s'appliquer pleinement à ces personnes en situation de handicap ?
Je salue à mon tour Michèle Delaunay pour le travail qu'elle a réalisé sur notre sujet d'aujourd'hui.
Permettez-moi tout d'abord, madame la secrétaire d'État, de vous remercier de votre présence devant notre commission.
Il était temps de se pencher sur une loi portant sur l'adaptation de la société au vieillissement. En 2060, environ un tiers des Français auront plus de soixante ans et les plus de quatre-vingt-cinq ans devraient représenter près de 5 millions de personnes. Des politiques publiques résolument solidaires seront indispensables, afin d'aider le mieux possible les seniors.
À l'heure actuelle, 78 % des personnes interrogées déclarent avoir peur de devenir dépendantes, sentiment qui augmente avec l'âge, puisque 87 % des soixante - soixante-neuf ans le ressentent. Au premier rang des inquiétudes figurent les problèmes liés au suivi de la maladie, à l'isolement, au risque domestique et à la prévention.
Ce texte s'articule autour de trois axes : l'anticipation de la perte d'autonomie ; l'adaptation des logements, de l'urbanisme et des transports ; l'accompagnement, avec une réforme de l'APA. Cette dernière semble cependant se limiter à l'APA à domicile.
Dans le cadre de nos débats sur le PLFSS, nous nous sommes rendus compte que le produit de la taxe de la contribution additionnelle de solidarité pour l'autonomie avait été affecté, pendant plusieurs années de suite, au fonds de solidarité vieillesse. Toutefois, 130 millions de crédits avaient été réaffectés en faveur des personnes âgées dépendantes ; ces sommes étaient initialement prélevées sur les taxes instituées en faveur de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie.
Des critiques ont été émises, notamment par le président de l'association des directeurs des établissements pour personnes âgées, qui estime que les besoins appelés par le texte seraient de 3 à 4 milliards d'euros. Or le texte ne prévoit que les 650 millions de la CASA. Selon vous, cette somme sera-elle suffisante pour financer toutes les mesures prévues dans le texte ?
Est-il possible d'obtenir des précisions sur l'entrée en vigueur de cette loi ? Certes, les délais ne sont pas encore connus, mais les acteurs concernés sont inquiets, certains craignant qu'une entrée en vigueur de la loi en 2016 permette, pour une année supplémentaire, la réaffectation de la CASA au FSV. Pourriez-vous nous éclairer à ce sujet ?
Enfin, le Président de la République a annoncé la prolongation du plan Alzheimer pour 2014-2018 et son élargissement aux maladies neuro-dégénératives. Avez-vous une estimation quant à sa présentation ?
Il est tout à fait nécessaire de réfléchir et de travailler en amont sur les problématiques liées au vieillissement de la population, puisque ce défi ne peut être relevé rapidement. Dans l'ensemble, le contenu de ce texte nous paraît positif. À ce stade, nous sommes donc davantage préoccupés par ce qui n'y figure pas.
En effet, ce texte n'aborde pas d'importantes questions auxquelles sont confrontées les personnes concernées. D'abord, trouver une place pour accueillir une personne âgée qui ne peut plus rester chez elle reste, pour beaucoup de familles, un problème difficile à régler. Certes, nous partageons la volonté affirmée dans ce texte de faire le maximum pour maintenir les personnes âgées le plus longtemps possible à domicile et de multiplier les dispositifs en ce sens. Mais on ne peut nier qu'il n'est pas toujours possible de garder une personne âgée à domicile – même avec une aide – et que, dans certains cas, il est nécessaire de trouver une place dans un établissement spécialisé. Quelles mesures pouvons-nous envisager pour développer le nombre de places disponibles en établissement ?
S'agissant du reste à charge, évoqué par plusieurs collègues, nous savons à quel point il est très élevé par rapport au niveau des retraites. Souvent, les enfants, voire les petits-enfants doivent apporter leur contribution. Or le texte n'aborde pas ce point important.
Enfin, deux autres sujets ne sont pas traités dans ce projet de loi : l'un concerne les personnes handicapées vieillissantes – Mme Massonneau en a parlé – et l'autre les personnes immigrées âgées qui vivent aujourd'hui en foyer. À cet égard, un rapport très intéressant a été publié en juillet 2013, mais aucune des dispositions qu'il préconise n'a malheureusement été reprise ici.
Nous ne pouvons que nous réjouir de l'examen de ce projet de loi. Certes, il était attendu depuis longtemps, mais l'heure n'est plus au regret. Ce sera l'honneur de notre gouvernement, l'honneur de notre groupe, l'honneur de tous ici, de trouver le consensus le plus large possible autour de ce texte, qui ambitionne de couvrir toute la période de l'avancée en âge – la retraite, de trente années en moyenne pour les femmes ; et deux générations, l'âge et le grand âge.
Cette réforme est novatrice. Nous allons ainsi sortir de la « démographie punitive ». Ce basculement des générations impacte notre société au moins autant que la transition énergétique.
C'est une réforme transversale, qui certes ne couvre pas tous les champs de cette transition démographique, comme la fiscalité, les successions, la famille ; mais je me réjouis que le ministère de la famille et celui des personnes âgées se trouvent aujourd'hui réunis.
C'est enfin une réforme très positive. Les baby-boomers, qui deviendront des happy-boomers, sont très nombreux et ont l'intention de s'emparer de la question de l'âge en démontrant que nous y pouvons quelque chose. Tel est l'objet de ce texte.
Le temps est donc venu de nous retrouver pour cette première étape de la loi. Il est important de prévoir le second acte, de mettre en place un groupe de travail, car la question n'est pas seulement celle du financement, elle est aussi celle de la conception que nous avons des maisons de retraite : hôpital ou lieu de vie ?
On comprendra donc que je ne pose pas de question, si ce n'est celle de l'agenda.
Ce texte était attendu, car le reste à charge, pour le séjour en établissement comme pour le maintien à domicile, est un problème qui préoccupe les Français. Madame la secrétaire d'État, vous avez eu l'honnêteté de dire que le maintien à domicile se verrait attribuer une part de la somme disponible et qu'on verrait en suite, au fil de l'eau. Nos compatriotes attendent un calendrier précis de la prise en charge globale du maintien à domicile et, plus encore, du séjour en établissement, pour lequel le reste à charge est plus important.
Par ailleurs, lors des auditions organisées par la rapporteure, les associations ont demandé que le foyer logement devienne un vrai domicile – certains souhaitant même que l'EHPAD soit lui aussi considéré comme tel. Quelle est votre position à cet égard ?
Le problème des handicapés vieillissants est l'une de nos grandes préoccupations, à propos de laquelle il faut raisonner sans coût, car le nombre de ces personnes va aller croissant. Quant aux immigrés âgés, qui font l'objet du rapport que M. Alexis Bachelay et moi-même avons élaboré et qu'a cité Mme Fraysse, c'est maintenant qu'il faut traiter leur situation, car le nombre des Chibanis va diminuer avec le temps.
Ce texte très attendu traduit l'ambition d'une véritable politique publique de l'autonomie. Anticipation, adaptation et accompagnement sont autant d'enjeux auxquels sont également confrontées les personnes en situation de handicap, faisant apparaître un lien entre les deux problématiques.
Jusqu'à ce jour, l'avancée en âge des personnes handicapées n'avait pas fait l'objet d'une attention spécifique dans les politiques publiques. Je salue donc l'initiative de cette grande loi sociétale, dont les dispositions bénéficieront aussi aux personnes en situation de handicap. De nombreux travaux ont été consacrés aux personnes handicapées, notamment un rapport récent sur le vieillissement de ces personnes, dont certaines des propositions pourraient enrichir le texte que nous examinons.
Pour ce qui est de la gouvernance, la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) accompagne depuis sa création, voilà dix ans, toutes les mesures visant à permettre aux personnes âgées et aux personnes handicapées de trouver leur place et à apporter des réponses adaptées à leur situation. La CNSA doit donc être renforcée dans ses missions pour les années à venir et doit assurer sur le terrain un pilotage, une animation et une coordination qui permettront de développer des politiques sur les territoires.
Les conseils départementaux de la citoyenneté et de l'autonomie (CDCA) ont fait l'objet de nombreux échanges et d'une concertation constructive entre les différents acteurs, les personnes âgées et les personnes handicapées. Comment comptez-vous répondre à cet impératif de coordination locale s'ils ne figurent pas dans le texte ?
Merci, madame la secrétaire d'État, pour cette présentation. L'adaptation de notre société au vieillissement est en effet souhaitable et il importe de bien vivre en vieillissant.
Vous avez évoqué la situation du logement en faisant allusion à un habitat intermédiaire entre le logement privé et la maison de retraite ou l'EHPAD, mais vous occultez entièrement les besoins en nombre de lits dans les EHPAD sur les territoires.
Pouvez-vous, par ailleurs, nous en dire davantage sur les articles qui, comme vous l'avez indiqué, seront réservés au titre de la réforme territoriale et de la loi de santé publique que nous examinerons prochainement ?
En troisième lieu, vous avez présenté la ventilation des 645 millions d'euros, mentionnée dans l'étude d'impact – et, de fait, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 prévoyait un total de produits de 650 millions d'euros pour la CASA –, mais il semble que vous n'ayez pas évalué les besoins, ni tenu compte de leur évolution dans le temps, mais que l'étude d'impact soit fondée sur le seul produit pour 2014.
Enfin, je me réjouis d'entendre que vous souhaitez une meilleure régulation de l'offre de soins à domicile, car nous avons rencontré à cet égard des difficultés sur le terrain, notamment avec le nouveau contrat de travail à temps partiel.
Madame la secrétaire d'État, je m'associe moi aussi aux remerciements qui vous ont été adressés par mes collègues. Je salue également Mme Michèle Delaunay, dont nous avons tous apprécié l'implication sur les sujets dont nous traitons aujourd'hui.
Le texte qui nous est soumis comporte de nombreux points positifs : l'article 3 avec l'accompagnement des aidants, l'article 8 avec le financement du soutien et de la formation des bénévoles, les articles 19, 20 et 21 avec la suppression de la notion de placement, l'article 22 avec le contrat de séjour, qui gère la liberté de circuler de la personne âgée, l'article 29 avec l'évaluation large des besoins de la personne, au-delà de la grille AGGIR, et le rôle prépondérant de l'équipe médico-sociale dans l'évaluation de ses besoins, l'article 36 avec la prise en charge du répit des aidants, l'article 42 avec la possibilité de saisir le juge aux affaires familiales pour les impayés, l'article 47 avec l'élargissement du rôle de la CNSA et l'article 52 avec l'élargissement du rôle des maisons pour l'autonomie et l'intégration des malades Alzheimer (MAIA), qui ne sont plus une structure supplémentaire, mais un dispositif d'aide.
Des questions et des interrogations demeurent cependant, notamment à propos du développement de l'aide technique aux groupes iso-ressources (GIR) 5 et 6, qui nous semble positif à condition qu'il ne se substitue pas aux aides à la personne. Le forfait autonomie est également une proposition intéressante, à condition qu'il ne se substitue pas au forfait soins. Quant à la prise en charge des GIR 1, 2 et 3, sur laquelle le texte met l'accent, elle ne doit pas se faire au détriment des GIR 4.
Le texte devrait également fournir davantage d'éléments d'information sur le financement des soins infirmiers à domicile, car il est difficile de préconiser les avantages du maintien à domicile sans se donner les moyens d'assurer ce dernier. Il importe également de préciser comment le mécanisme sera organisé compte tenu de la diversité des structures, dans le cadre notamment de la loi sur la simplification de l'organisation territoriale.
Bien vieillir suppose certes une vision transversale du logement et des transports, mais cela suppose également que l'on ait un projet de vie jusqu'à la fin de celle-ci. Au-delà de leur participation à la vie associative, les personnes âgées doivent également pouvoir être très actives dans la cité, car elles déplorent souvent d'être en situation d'isolement par rapport à la vie sociale. Le texte peut certainement être amélioré en ce sens.
L'augmentation de l'espérance de vie est à la fois une chance et un défi et l'on ne peut que souhaiter que ce projet de loi nous apporte à la fois les moyens et la mise en oeuvre d'une véritable approche territoriale, d'une gouvernance locale qui prenne véritablement en compte les réalités de la vie et le nombre croissant des personnes qui souhaitent rester chez elles ou aller en établissement.
Plusieurs réflexions méritent cependant d'être poursuivies, notamment à propos du financement. Celui que prévoit le projet de loi repose sur la CASA, mais encore faut-il qu'il soit suffisant par rapport aux besoins : nous devrons avoir un débat lucide sur les coûts à prévoir et ne rien cacher.
En deuxième lieu, si l'amélioration de l'APA est essentielle, elle ne peut déboucher sur une meilleure prise en charge des personnes que si elle s'accompagne de mesures visant à l'offre de services aux personnes âgées et aux aidants. C'est notamment le cas du soutien au secteur de l'aide à domicile, qui se trouve en grande difficulté. L'absence d'engagements suffisants risquerait d'aggraver les disparités géographiques qui accompagnent, d'un département à l'autre, la mise en oeuvre de cette prestation. Il faut donc un véritable volet de sécurisation des financements du secteur de l'aide à domicile.
La reconnaissance de l'aidant, avec notamment l'introduction d'un droit au répit, est incontestablement une avancée de ce texte, mais ces éléments restent encore trop restrictifs car, si la référence aux proches aidants permet d'inclure la reconnaissance de solidarités de proximité hors de la seule sphère familiale, elle ne devrait pas effacer pour autant la spécificité des aidants familiaux. C'est là un point sur lequel nous pourrions améliorer le texte.
Je ne puis enfin que me réjouir que le projet de loi comporte des dispositions relatives à la gouvernance, avec notamment la création d'un Haut conseil de l'âge et de conseils départementaux de la citoyenneté et de l'autonomie. J'espère que les familles seront justement et dignement représentées au sein de ces instances, car les personnes âgées incarnent aussi la famille, les relations intergénérationnelles et les solidarités.
Je commencerai moi aussi par saluer le travail extraordinaire fourni par Mme la secrétaire d'État et par celle qui, avant elle, a porté ce projet de loi jusqu'à son examen par le Parlement. Je ne doute pas que, dans les mois à venir, les Français se saisiront de ce projet de loi, qui parle à des millions de familles.
Madame la secrétaire d'État, quel avenir voyez-vous à des expérimentations telles que les maisons de l'autonomie et le guichet unique handicap dépendance ? Je pense notamment à l'expérience iséroise, saluée par l'ensemble des acteurs du médico-social, mais qui n'est pas mentionnée dans le texte : de telles expérimentations pourront-elles être poursuivies, voire encouragées ?
Par ailleurs, le financement de l'APA, évoqué à l'article 38, est de plus en plus difficile pour certains conseils généraux, malgré la compensation des charges nouvelles, en raison notamment de l'inégalité de l'évolution de la démographie et des ressources propres d'un département à l'autre. Envisagez-vous, à terme, une participation des régions ou de l'État ?
En troisième lieu, envisagez-vous de faire évoluer les modes de tarification des aides à domicile en tenant davantage compte du contenu de l'intervention – notamment des GIR des personnes aidées –, mais aussi des déplacements ? En Isère, un dispositif de ce type fait actuellement l'objet d'une expérimentation par le conseil général.
En matière de gouvernance, enfin, est-il prévu que le conseil départemental – dont l'avenir est certes incertain à moyen terme – remplace le CODERPA et la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPDH) ?
Madame la secrétaire d'État, vous avez axé votre projet de loi relatif à l'adaptation de la société au vieillissement sur le maintien à domicile. Je reconnais le souhait fortement exprimé des personnes âgées de rester le plus longtemps possible chez elle et, à ce titre, l'adaptation, voire la réhabilitation de leur logement est souvent nécessaire. Vous nous avez confirmé le plan d'adaptation de 80 000 logements annoncé par le Président de la République, avec des crédits de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) et des caisses d'allocations familiales (CAF). Je tiens pour ma part à insister sur les difficultés liées aux procédures compliquées et souvent fastidieuses inhérentes à ce type de rénovation des logements et à la mobilisation de financements pour de telles opérations – le ministre du budget vient du reste de réduire de moitié, dans le projet de loi de finances rectificative, les crédits affectés aux opérations de réhabilitation et de rénovation des logements.
Merci à nos ministres pour leur travail, qui nous permet d'avoir ces échanges fructueux. Le vieillissement de notre population est une richesse qui nous concerne tous, c'est notre avenir. Une grande partie de la population vieillissante pourra vieillir à domicile et aura besoin des professionnels que sont les aides à domicile. Or, comme vous l'avez évoqué, madame la secrétaire d'État, de nombreuses associations d'aides à domicile se trouvent dans une situation d'inégalité face au secteur privé pour assurer aux aidants à domicile de véritables parcours professionnels, et les coûts pour les familles et pour la prise en charge collective accusent une distorsion. Nous devons veiller à la qualité de l'aide à domicile sur l'ensemble du territoire et le Gouvernement doit donc tenir compte de cette distorsion entre les exigences imposées respectivement aux différents acteurs.
J'ai déposé l'été dernier, avec plusieurs de mes collègues, une proposition de loi relative aux résidences services pour personnes âgées – qui font l'objet de l'article 15 du projet de loi –, afin d'attirer l'attention sur les problèmes rencontrés par un certain nombre de propriétaires d'appartements dans de telles résidences du fait de l'importance des charges de services et du schéma juridique de fonctionnement. Depuis un an, j'ai reçu des centaines de témoignages et rencontré de nombreuses personnes concernées par ce problème, notamment tous les acteurs de ce secteur. J'ai également été reçu par Mme Delaunay, en sa qualité de ministre.
Les résidences services répondent à une véritable demande de la part des personnes âgées souhaitant trouver un mode d'hébergement qui les sécurise, leur facilite la vie et leur offre confort et convivialité. Cette demande risquant d'aller croissant, il faut trouver des réponses aux dysfonctionnements qui existent, sinon dans toutes les résidences, du moins dans certaines d'entre elles, souvent les plus anciennes.
À l'origine de ces dysfonctionnements se trouve le régime juridique applicable : les charges de services – restauration, aide, loisirs et animation – sont incluses dans les charges de copropriété et grèvent, quasiment à titre de droits réels, un bien acheté avec l'espoir d'y vivre heureux sa vieillesse. Ces charges de services incompressibles sont à payer dans tous les cas – qu'on les utilise ou non, que le logement soit occupé ou non, que l'on soit hospitalisé ou non, que le conjoint soit décédé ou non. Cette globalisation des charges donne lieu à des difficultés dramatiques pour le propriétaire obligé de payer ces charges de services, notamment en cas de logement vacant. Les personnes ayant hérité se trouvent elles aussi confrontées à ce dysfonctionnement : elles doivent payer ces charges et, souvent, ne parviennent pas à vendre le bien, ni même à le donner.
Ma proposition de loi visait à clarifier le régime juridique applicable, afin d'opérer une distinction entre les charges de copropriété et celles qui sont liées aux services, de manière à ce que les dépenses supportées correspondent à l'usage effectif de ces derniers. Il convient en effet de définir de façon limitative les dépenses courantes autorisées au titre des services mutualisés, du matériel et mobilier nécessaire pour l'utilisation des espaces de convivialité, ainsi que des charges de personnel de l'accueil, et de prévoir que la restauration et les diverses activités culturelles, de loisirs et d'animation ne constituent pas des charges de copropriété.
Ma proposition de loi visait aussi à mettre fin au conflit d'intérêts inhérent à la possibilité pour le syndic d'être également prestataire de services. Alors qu'il ne s'agissait que de mettre ainsi en lumière un problème fondamental que nous devons régler, cette démarche m'a valu des lettres parfois très agressives.
Bien que le projet de loi que nous examinons aujourd'hui aborde cette question avec lucidité, plusieurs points sont renvoyés à des décrets et je souhaiterais, madame la secrétaire d'État, des précisions à ce propos. Des adaptations restent en effet nécessaires si nous voulons préserver cet outil indispensable que sont les résidences services.
Je salue le travail accompli par Mme Michèle Delaunay, puis par vous-même, madame la secrétaire d'État.
La continuité des soins exige de plus en plus la compatibilité des systèmes d'information du médico-social et du sanitaire. L'article 49 du projet de loi évoque précisément les systèmes d'information pour les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), ce qui est très important pour l'analyse statistique et l'évaluation des besoins. Votre ministère travaille-t-il déjà sur le parcours des soins, qui est l'un des éléments importants de la stratégie nationale de santé (SNS) ?
Pour ce qui est du financement, la CASA, désormais destinée pleinement à la CNSA et aux actions relevant de votre compétence, en vue d'alléger la charge des départements et de revaloriser le soutien à domicile, notamment pour les personnes les plus modestes, méritera d'être complétée ultérieurement. La question de l'hébergement reste cependant posée.
Par ailleurs, les héritages se transmettant de plus en plus souvent des arrière-grands-parents vers les grands parents plutôt que des parents vers les enfants, une contribution de solidarité serait-elle envisageable pour réinjecter les patrimoines vers la vie active et la solidarité ?
Pour l'avoir tant attendu, nous espérions que ce projet de loi sur le vieillissement serait ambitieux. Malheureusement, le résultat n'est pas à la hauteur des attentes et de l'image d'une société solidaire qui protège les plus vieux et les plus fragiles des siens. Votre projet de loi, madame la secrétaire d'État, pourtant inspiré des réflexions des États généraux de 2011 et du rapport Rahola, fait l'impasse sur le financement, qui se révèle insuffisant face aux besoins et sans aucune articulation universelle, se limitant aux incantations, aux bons sentiments et à une sémantique qui habille des actions déjà en place. En revanche, les moyens nécessaires pour assurer une meilleure prise en charge de la perte d'autonomie manquent cruellement ou sont mal définis.
Si le pilotage de la politique du vieillissement est avantageusement assuré par ce que vous appelez la « maison commune » pour assurer sa globalité, on en perçoit mal la déclinaison territoriale, surtout dans la perspective de la suppression des conseils généraux.
Je tiens enfin à attirer votre attention sur la nécessité d'impliquer les organismes bailleurs sociaux dans l'adaptation du logement pour les personnes en perte d'autonomie. Il s'agit là en effet d'un élément clé de confort et de sécurité, sans lequel le maintien à domicile serait inenvisageable.
Je m'associe, madame la secrétaire d'État, aux félicitations que vous ont adressées presque tous les orateurs précédents et, pour reprendre les propos de Mme Delaunay, j'espère que, sur cette question qui nous intéresse tous, nous pourrons trouver les modalités d'un consensus. Je me réjouis que la question soit également abordée en termes de droits, et non pas seulement de moyens, pour traiter les personnes âgées comme les citoyens et les personnes humaines qu'elles sont.
Faisant écho à M. Jacquat et à Mme Fraysse, je m'interroge sur notre capacité à intégrer, au moyen de ce projet de loi, une partie au moins des recommandations du rapport d'information du 2 juillet 2013 sur les immigrés âgés, qui abordait notamment l'adaptation du regroupement familial, de certains titres de séjour et des conditions de naturalisation, ainsi que les droits sociaux de personnes qui ont de très petits revenus et vivent dans des foyers logements, et que la législation empêche parfois d'avoir une vie normale.
Ma deuxième question porte sur les articles 22 et suivants du projet de loi. Je me réjouis que l'on travaille sur les conditions contractuelles, notamment avec les EHPAD et, plus généralement, les établissements d'hébergement, et que l'on étende le dispositif de la personne de confiance au secteur médico-social, que l'on travaille sur le régime de protection au sens de la curatelle, de la tutelle et de la sauvegarde de justice, et que l'on légifère sur la restriction d'aller et venir, qui pose de difficiles questions liées au consentement. Pour faire suite à l'interpellation lancée à cet égard par M. Jean-Marie Delarue, alors contrôleur général des lieux de privation de liberté, serait-il possible de saisir l'occasion du travail législatif auquel donnera lieu le présent projet de loi pour organiser un « regard extérieur » qui serait une protection importante pour les personnes âgées ?
Au-delà des interrogations légitimes que la disparition annoncée des départements suscite quant au financement et à la gouvernance du dispositif, et au-delà de ses lacunes importantes quant à la prise en charge des personnes handicapées vieillissantes, le texte qui nous est soumis consacre le principe important du libre choix des personnes âgées confrontées à la dépendance, qui doivent pouvoir décider de rester à domicile ou de séjourner dans un établissement.
Les dispositions financières du texte risquent cependant d'orienter ce choix. Ainsi, 375 millions d'euros sur 645, soit la moitié du budget, seront consacrés à la revalorisation des plafonds de l'APA. Sur ces 375 millions d'euros, vous avez choisi de revaloriser d'une manière significative les GIR 1 et GIR 2, pour les porter respectivement à 400 euros et 250 euros, au détriment des GIR 3 et GIR 4, alors que 80 % des GIR 1 et 2 – lesquels représentent 20 % des bénéficiaires de l'APA – séjournent en établissement. Un tel mécanisme ne risque-t-il pas de réorienter contre leur gré vers le domicile des personnes qui se trouvaient en établissement, compte tenu du montant des aides financières ? La discussion parlementaire ne pourrait-elle permettre un rééquilibrage de cette aide de 375 millions d'euros entre les GIR 1, 2, 3 et 4, afin de garantir véritablement le libre choix ?
Ce projet de loi, on l'a dit, était attendu et nous sommes tous concernés par le vieillissement. Les chiffres sont éloquents : 5,4 millions de personnes auront plus de 85 ans en 2060.
Ce texte ambitieux de 66 articles touche à tous les secteurs et presque rien n'est oublié, sinon les immigrés âgés, qui pourront y être réintégrés.
J'observe tout d'abord qu'il faut veiller à la filière des personnes travaillant dans le secteur du maintien à domicile, qui s'estiment mal payées et mal considérées dans un travail difficile qui comporte aussi un aspect psychologique que le développement de la filière doit, le cas échéant, prendre en compte.
Pour ce qui est par ailleurs de l'aide aux aidants, on pourrait, à l'instar de ce qui s'applique pour les retraites, valoriser les interruptions de carrière justifiées par les soins dispensés à des parents en difficulté et en fin de vie. Une telle mesure pourrait contribuer à favoriser le maintien à domicile et à limiter les besoins en places en EHPAD.
Je me joins moi aussi aux félicitations exprimées à Mme la secrétaire d'État et à Mme la rapporteure et je tiens à rendre moi aussi un hommage appuyé à Mme Delaunay, qui s'était elle aussi beaucoup investie sur ce sujet. Le nombre des orateurs qui se sont exprimés avant moi suffirait à prouver l'importance de ce texte et le nombre des questions qu'il suscite encore pour une prise en compte du bien-être et d'un vieillissement dans les meilleures conditions pour tous.
Si importante que soit la question du financement, la préparation de la société au vieillissement n'en représente pas moins un investissement.
Il conviendra par ailleurs d'examiner aussi la situation des personnes handicapées vieillissantes. Pour avoir participé aux missions consacrées aux immigrés âgés et à la santé mentale, j'attache une grande importance à ces sujets, qu'ont évoqués tout à l'heure M. Jacquat et M. Robilliard, lequel a souligné à juste titre la question de la restriction des libertés des personnes âgées dans certains établissements. Le contrôleur des lieux de privation de liberté avait du reste constaté, lors des visites préparatoires à son rapport, l'inadaptation de la prise en charge des personnes âgées et il a demandé depuis lors que sa compétence soit étendue aux établissements accueillant les personnes âgées dépendantes. Quelle est aujourd'hui la position du Gouvernement à cet égard ?
Madame la secrétaire d'État, si vous n'avez pas le temps de répondre à toutes ces nombreuses questions, vous aurez tout le loisir d'y revenir lors de l'examen du texte en séance.
J'ai tout le temps qu'il faut pour le Parlement. Ma crainte est plutôt d'oublier de répondre à certaines de ces questions.
Certaines des interventions que nous venons d'entendre saluent l'adoption de ce texte en conseil des ministres et son examen par votre commission, puis par l'Assemblée nationale ; d'autres expriment des regrets, d'autres encore des questions. Le texte mérite ces trois attitudes. Pour ma part, je me félicite de la satisfaction collective qui s'exprime, je partage les regrets et je m'efforcerai de répondre aux questions.
Peut-être ai-je fait une erreur tactique en désignant ce projet de loi comme un texte important du quinquennat et sans doute aurais-je dû me contenter de dire qu'il s'agissait d'un texte important pour les Français, ce qui aurait évité des interventions justifiées surtout par le positionnement politique de certains orateurs, et nous permettrait de chercher ensemble les conditions d'un consensus.
L'un des regrets que je partage avec vous est que nous devions rétablir les comptes publics du pays et procéder, au titre du pacte de responsabilité annoncé par le Président de la République et le Premier ministre, à une économie de 50 milliards d'euros d'ici à 2017. Je préférerais que nous ayons de l'argent à dépenser, plutôt que d'avoir à économiser.
Cependant, dans les débats que nous tenons à propos du pacte de responsabilité et de solidarité et des économies nécessaires pour redresser les comptes publics, certains ont évoqué des montants d'économies bien plus importants – jusqu'à 130 milliards. On peut donc penser qu'un montant minimal de 50 milliards d'économies fait consensus. C'est dans ce cadre qu'un projet de loi qui induit 650 millions d'euros de dépenses et d'actions nouvelles est, dans un contexte budgétaire particulièrement tendu, un texte important qui mérite que nous nous en satisfassions ensemble.
Ce texte ne donne pas priorité au maintien à domicile au détriment des établissements. Il ne privilégie pas les GIR 1 et GIR 2 au détriment des GIR 3 et GIR 4. Il ne prend rien à personne, mais donne des moyens supplémentaires d'accompagnement pour l'adaptation de notre société au vieillissement sans en retirer à aucun autre dispositif. N'opposons donc pas le maintien à domicile et les établissements. Le texte fait le choix de traiter d'abord le maintien à domicile, car tel est le souhait des personnes qui vieillissent et des familles. Ce choix est celui d'un report aussi tardif que possible de l'entrée en établissement, conformément aux souhaits de nos concitoyens. Nous pouvons y parvenir tout en n'évoquant qu'avec prudence les établissements, où l'on entre aujourd'hui de plus en plus vieux, c'est-à-dire dans une situation de perte d'autonomie de plus en plus importante. Ne contribuons pas à donner de l'EHPAD une image inquiétante pour ceux qui devront y entrer. De fait, l'entrée en EHPAD permet parfois aussi une moindre solitude et un moindre isolement par rapport au maintien à domicile. N'opposons donc pas les deux et ne présentons pas l'établissement comme le parcours final, le lieu où l'on ne va que lorsqu'on ne peut vraiment plus faire autrement.
Je ne crois pas qu'on puisse dire que les EHPAD – que j'ai du reste évoqués avec le contrôleur des lieux de privation de liberté – soient des lieux de privation de liberté. En revanche, il faut y garantir l'accès aux droits, à la dignité et à la liberté d'aller et venir. Comme je l'ai exprimé à l'ancien contrôleur, si son champ d'intervention était celui des situations de privation de liberté, peut-être pourrait-il s'intéresser de près aux EHPAD, où l'on trouve parfois de telles situations, rendues nécessaires par la nécessité d'assurer la sécurité des personnes qui y sont accueillies. Soyons cependant attentifs à la façon dont nous présentons ces lieux qui sont aussi, je le répète, des endroits où les personnes âgées retrouvent une sécurité physique et une vie sociale après un certain isolement dans le cadre du maintien à domicile.
Pour ce qui est de savoir si l'enveloppe consacrée par le projet de loi au maintien à domicile et à l'adaptation au vieillissement n'est pas déterminée davantage par les recettes que par les besoins, il se trouve que c'est absolument le cas ! Les besoins sont infiniment supérieurs – on pourrait faire incomparablement plus et mieux –, mais au moins disposons-nous de cette enveloppe. Quant au fait que les besoins vont encore augmenter, il se trouve que la recette, qui est dynamique, augmentera aussi. J'observe d'ailleurs qu'elle aura augmenté d'une trentaine de millions d'euros en deux ans, entre 2013 et 2015. Saluons déjà cette dépense et son affectation.
Le plafonnement des plans d'aide est fixé par décret. Les plafonds mensuels des GIR 1 et GIR 2 sont les plus contraints. La réforme se traduit par des augmentations dégressives de 400 euros pour le GIR 1, de 250 euros pour le GIR 2, de 150 euros pour le GIR 3 et de 100 euros pour le GIR 4. L'augmentation des plafonds d'aide est donc de 30 % pour le GIR 1, ce qui est très significatif. En outre, la diminution du reste à charge rend plus efficiente l'augmentation du plafond, avec une diminution du ticket modérateur par tranche : sur la part du plan d'aide située entre 1 et 350 euros, le ticket modérateur reste inchangé ; de 350 à 550 ; sa baisse peut atteindre 60 % en fonction des revenus et 80 % au-delà de 550 euros. Cet effort significatif permet de présenter sans emphase cette réforme comme un acte II de l'APA.
Ce dispositif n'a de sens que s'il s'accompagne d'un travail sérieux sur l'état des services d'aide à domicile, qui ne sont pas aujourd'hui en situation d'accompagner les mesures prévues d'augmentation des heures d'APA. Je connais la liste exacte des difficultés et je suis particulièrement mobilisée.
Madame Poletti, le rapport que vous préparez avec Mme Pinville n'arrivera pas après la bataille législative qui se livrera au mois de septembre dans l'Hémicycle autour de la première lecture de la loi sur le vieillissement, car une partie des mesures que nous devons prendre sont parallèles à la loi et ne sont pas de nature législative. Si besoin est, la navette nous permettra d'avancer. Votre rapport sera bienvenu, car mon objectif est d'identifier et de décider des mesures relatives aux services d'aide à domicile, afin que leur mise en oeuvre soit concomitante à l'entrée en vigueur de la loi. Il s'agit, d'une manière générale, de remettre le secteur sur pied au moment où la loi s'appliquera. Le sujet n'est ni simple ni récent. Depuis 2009, en effet, le plan Borloo, malgré ses bonnes intentions, n'a pas eu qu'un effet positif et certains acteurs contribuent, par une concurrence qui est même du dumping, à fragiliser le secteur.
Une autre préoccupation tient à la décentralisation et à la diversité des tarifs pratiqués par les conseils généraux, qui ne sont pas toujours adaptés aux réalités locales – car la diversité du pays ne justifie pas toujours celle des tarifs. On peut également s'inquiéter des nouvelles règles régissant le travail à temps partiel, compte tenu du fractionnement des plans d'aide – certaines interventions d'aide à domicile se déroulent en effet sur un temps très court, avec des temps de trajet très longs.
La loi, qui créera des besoins nouveaux, relancera incontestablement l'activité et l'emploi, mais il faut aussi garantir un emploi de qualité, tant pour les salariés que pour les bénéficiaires des aides.
Le projet de loi prévoit également de consacrer 25 millions d'euros à l'amélioration des conditions de travail dans le secteur. Cette somme s'ajoute donc au montant global consacré à l'APA. Je vous propose que nous travaillions tous ensemble selon le calendrier que j'ai proposé et j'attendrai votre rapport pour prendre toutes les décisions.
Si le délai d'expérimentation de trois ans pour la réforme des aides à domicile a pu paraître raisonnable au début de l'élaboration de la loi, on peut aujourd'hui viser un calendrier et une méthode plus ambitieux.
Pour ce qui concerne les immigrés âgés, des mesures seront prévues dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), à la suite de votre rapport.
Monsieur Gérard, votre intervention relative aux résidences services me semble s'intégrer dans les objectifs du projet de loi. En outre, un rapport conjoint de l'inspection générale des affaires sociales (IGAS) et du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD), le corps d'inspection du ministère de l'équipement, du logement et des transports, a été lancé sur ces résidences. En effet, si une partie de la question, qui concerne l'avenir, figure dans le projet de loi, la situation de l'existant reste à traiter et la mission de l'IGAS et du CGEDD devrait donc formuler des propositions à cet égard.
L'aide aux aidants et le droit au répit qui leur est reconnu constituent une belle mesure, qui pourrait en inspirer d'autres à l'intention d'autres catégories d'aidants. Les 83 millions d'euros engagés ne sont pas réservés aux GIR 1 et GIR 2, même si ces deux catégories sont celles où les besoins seront les plus importants. Aucun verrou n'est prévu et les aides seront attribuées par les conseils généraux.
Un travail est en cours pour améliorer l'hébergement temporaire. À cet égard, j'ai visité la semaine dernière dans le Nord un EHPAD de la Croix-Rouge consacré uniquement à ce type d'hébergement. Le coût en est élevé, car cet établissement ne tourne jamais à plein, mais à 75 % ou 80 %, à la fois parce que la rotation des personnes hébergées provoque des interruptions et parce que ce mode d'hébergement n'est pas assez connu. Il faut par ailleurs assouplir certaines règles pour permettre à d'autres EHPAD de développer l'hébergement temporaire à côté de l'hébergement permanent.
Pour lever les blocages psychologiques, un accompagnement s'impose. En même temps que l'aide aux aidants et le droit au répit, il faudra aussi développer le nombre des places d'accueil et la possibilité d'un hébergement temporaire, car certaines personnes craignent de ne pas pouvoir quitter ces établissements. Il s'agit là d'un travail de sensibilisation et de prise en compte des inquiétudes.
La loi s'articule avec la stratégie nationale de santé au moins sur quatre thèmes : le suicide, le plan médicament, la logique des parcours et l'information des patients et des usagers.
Madame Poletti, la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV) ne se désengage pas des GIR 5 et 6, mais réoriente son intervention de l'aide-ménagère classique vers des paniers de services et de la prévention.
La maison départementale de l'autonomie (MDA) fait partie des sujets réservés, car relevant des départements. Cette question fait l'objet d'un grand consensus : si l'Assemblée nationale le soutient, nous en tiendrons compte. Des expériences positives ont été réalisées, comme en Isère, et un intérêt s'exprime pour ce dispositif, dont nous débattrons sans a priori de ma part.
La suite du plan Alzheimer et du plan consacré aux maladies neurodégénératives sera présentée en septembre, soit au moment de l'examen du projet de loi.
Pour ce qui est de la place des handicapés dans la société, il faut d'abord rappeler que les politiques d'adaptation de la société au vieillissement ont également des incidences bénéfiques pour les handicapés – en matière par exemple d'accessibilité dans les transports et dans l'urbanisme.Le rapport annexé annonce un travail sur les personnes handicapées en EHPAD, que je devrai mener avec Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Vous savez tous pourquoi le texte ne va pas aussi loin que les associations de handicap ne le souhaitent pour ce qui concerne le passage du handicap au vieillissement.
Le projet sera examiné en septembre en séance publique ; une fois rédigés les décrets, la loi devrait entrer en vigueur au milieu de l'année prochaine. L'utilisation de la fraction de la CASA qui n'aura pas été affectée en 2015 sera donc définie dans le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2015.
Mme Bérengère Poletti a critiqué la multiplication des créations de « Haut Conseil ». Il est vrai que ce n'est pas toujours judicieux, mais tout ramener au Conseil économique, social et environnemental ne l'est pas non plus. Toutefois, Mme la rapporteure a suggéré le rapprochement du Haut Conseil de l'âge et du Haut Conseil de la famille et je suis favorable à cette proposition. J'irais même plus loin en suggérant un Haut Conseil de la famille et des âges, ce qui répondrait à une demande du secteur de l'enfance, pour lequel n'existe aucune instance de cette sorte. Les sujets traités étant connexes et le champ de compétence du ministère le permettant, mieux vaut décloisonner que juxtaposer les instances. Nous approfondirons la question lorsque nous nous retrouverons dans l'hémicycle.
La mission d'information sur l'organisation de la permanence des soins présidée par M. Jean-Pierre Door et dont je suis rapporteure a pris connaissance de lacunes dans la permanence des soins ambulatoires dans les EHPAD, le soir et les week-ends ; nous ferons des propositions à ce sujet.
Je vous remercie, madame la secrétaire d'État, de nous avoir présenté ce texte très attendu, qu'avait préparé Mme Michèle Delaunay. J'ai apprécié votre honnêteté intellectuelle, qui vous a amenée à dire que vous auriez souhaité pouvoir faire davantage – mais nous connaissons tous la situation financière de notre pays, et plus longtemps on aurait différé, plus fortes auraient été les attentes.
La séance est levée à dix-neuf heures trente.