J'ai tout le temps qu'il faut pour le Parlement. Ma crainte est plutôt d'oublier de répondre à certaines de ces questions.
Certaines des interventions que nous venons d'entendre saluent l'adoption de ce texte en conseil des ministres et son examen par votre commission, puis par l'Assemblée nationale ; d'autres expriment des regrets, d'autres encore des questions. Le texte mérite ces trois attitudes. Pour ma part, je me félicite de la satisfaction collective qui s'exprime, je partage les regrets et je m'efforcerai de répondre aux questions.
Peut-être ai-je fait une erreur tactique en désignant ce projet de loi comme un texte important du quinquennat et sans doute aurais-je dû me contenter de dire qu'il s'agissait d'un texte important pour les Français, ce qui aurait évité des interventions justifiées surtout par le positionnement politique de certains orateurs, et nous permettrait de chercher ensemble les conditions d'un consensus.
L'un des regrets que je partage avec vous est que nous devions rétablir les comptes publics du pays et procéder, au titre du pacte de responsabilité annoncé par le Président de la République et le Premier ministre, à une économie de 50 milliards d'euros d'ici à 2017. Je préférerais que nous ayons de l'argent à dépenser, plutôt que d'avoir à économiser.
Cependant, dans les débats que nous tenons à propos du pacte de responsabilité et de solidarité et des économies nécessaires pour redresser les comptes publics, certains ont évoqué des montants d'économies bien plus importants – jusqu'à 130 milliards. On peut donc penser qu'un montant minimal de 50 milliards d'économies fait consensus. C'est dans ce cadre qu'un projet de loi qui induit 650 millions d'euros de dépenses et d'actions nouvelles est, dans un contexte budgétaire particulièrement tendu, un texte important qui mérite que nous nous en satisfassions ensemble.
Ce texte ne donne pas priorité au maintien à domicile au détriment des établissements. Il ne privilégie pas les GIR 1 et GIR 2 au détriment des GIR 3 et GIR 4. Il ne prend rien à personne, mais donne des moyens supplémentaires d'accompagnement pour l'adaptation de notre société au vieillissement sans en retirer à aucun autre dispositif. N'opposons donc pas le maintien à domicile et les établissements. Le texte fait le choix de traiter d'abord le maintien à domicile, car tel est le souhait des personnes qui vieillissent et des familles. Ce choix est celui d'un report aussi tardif que possible de l'entrée en établissement, conformément aux souhaits de nos concitoyens. Nous pouvons y parvenir tout en n'évoquant qu'avec prudence les établissements, où l'on entre aujourd'hui de plus en plus vieux, c'est-à-dire dans une situation de perte d'autonomie de plus en plus importante. Ne contribuons pas à donner de l'EHPAD une image inquiétante pour ceux qui devront y entrer. De fait, l'entrée en EHPAD permet parfois aussi une moindre solitude et un moindre isolement par rapport au maintien à domicile. N'opposons donc pas les deux et ne présentons pas l'établissement comme le parcours final, le lieu où l'on ne va que lorsqu'on ne peut vraiment plus faire autrement.
Je ne crois pas qu'on puisse dire que les EHPAD – que j'ai du reste évoqués avec le contrôleur des lieux de privation de liberté – soient des lieux de privation de liberté. En revanche, il faut y garantir l'accès aux droits, à la dignité et à la liberté d'aller et venir. Comme je l'ai exprimé à l'ancien contrôleur, si son champ d'intervention était celui des situations de privation de liberté, peut-être pourrait-il s'intéresser de près aux EHPAD, où l'on trouve parfois de telles situations, rendues nécessaires par la nécessité d'assurer la sécurité des personnes qui y sont accueillies. Soyons cependant attentifs à la façon dont nous présentons ces lieux qui sont aussi, je le répète, des endroits où les personnes âgées retrouvent une sécurité physique et une vie sociale après un certain isolement dans le cadre du maintien à domicile.
Pour ce qui est de savoir si l'enveloppe consacrée par le projet de loi au maintien à domicile et à l'adaptation au vieillissement n'est pas déterminée davantage par les recettes que par les besoins, il se trouve que c'est absolument le cas ! Les besoins sont infiniment supérieurs – on pourrait faire incomparablement plus et mieux –, mais au moins disposons-nous de cette enveloppe. Quant au fait que les besoins vont encore augmenter, il se trouve que la recette, qui est dynamique, augmentera aussi. J'observe d'ailleurs qu'elle aura augmenté d'une trentaine de millions d'euros en deux ans, entre 2013 et 2015. Saluons déjà cette dépense et son affectation.
Le plafonnement des plans d'aide est fixé par décret. Les plafonds mensuels des GIR 1 et GIR 2 sont les plus contraints. La réforme se traduit par des augmentations dégressives de 400 euros pour le GIR 1, de 250 euros pour le GIR 2, de 150 euros pour le GIR 3 et de 100 euros pour le GIR 4. L'augmentation des plafonds d'aide est donc de 30 % pour le GIR 1, ce qui est très significatif. En outre, la diminution du reste à charge rend plus efficiente l'augmentation du plafond, avec une diminution du ticket modérateur par tranche : sur la part du plan d'aide située entre 1 et 350 euros, le ticket modérateur reste inchangé ; de 350 à 550 ; sa baisse peut atteindre 60 % en fonction des revenus et 80 % au-delà de 550 euros. Cet effort significatif permet de présenter sans emphase cette réforme comme un acte II de l'APA.
Ce dispositif n'a de sens que s'il s'accompagne d'un travail sérieux sur l'état des services d'aide à domicile, qui ne sont pas aujourd'hui en situation d'accompagner les mesures prévues d'augmentation des heures d'APA. Je connais la liste exacte des difficultés et je suis particulièrement mobilisée.
Madame Poletti, le rapport que vous préparez avec Mme Pinville n'arrivera pas après la bataille législative qui se livrera au mois de septembre dans l'Hémicycle autour de la première lecture de la loi sur le vieillissement, car une partie des mesures que nous devons prendre sont parallèles à la loi et ne sont pas de nature législative. Si besoin est, la navette nous permettra d'avancer. Votre rapport sera bienvenu, car mon objectif est d'identifier et de décider des mesures relatives aux services d'aide à domicile, afin que leur mise en oeuvre soit concomitante à l'entrée en vigueur de la loi. Il s'agit, d'une manière générale, de remettre le secteur sur pied au moment où la loi s'appliquera. Le sujet n'est ni simple ni récent. Depuis 2009, en effet, le plan Borloo, malgré ses bonnes intentions, n'a pas eu qu'un effet positif et certains acteurs contribuent, par une concurrence qui est même du dumping, à fragiliser le secteur.
Une autre préoccupation tient à la décentralisation et à la diversité des tarifs pratiqués par les conseils généraux, qui ne sont pas toujours adaptés aux réalités locales – car la diversité du pays ne justifie pas toujours celle des tarifs. On peut également s'inquiéter des nouvelles règles régissant le travail à temps partiel, compte tenu du fractionnement des plans d'aide – certaines interventions d'aide à domicile se déroulent en effet sur un temps très court, avec des temps de trajet très longs.
La loi, qui créera des besoins nouveaux, relancera incontestablement l'activité et l'emploi, mais il faut aussi garantir un emploi de qualité, tant pour les salariés que pour les bénéficiaires des aides.
Le projet de loi prévoit également de consacrer 25 millions d'euros à l'amélioration des conditions de travail dans le secteur. Cette somme s'ajoute donc au montant global consacré à l'APA. Je vous propose que nous travaillions tous ensemble selon le calendrier que j'ai proposé et j'attendrai votre rapport pour prendre toutes les décisions.
Si le délai d'expérimentation de trois ans pour la réforme des aides à domicile a pu paraître raisonnable au début de l'élaboration de la loi, on peut aujourd'hui viser un calendrier et une méthode plus ambitieux.
Pour ce qui concerne les immigrés âgés, des mesures seront prévues dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), à la suite de votre rapport.
Monsieur Gérard, votre intervention relative aux résidences services me semble s'intégrer dans les objectifs du projet de loi. En outre, un rapport conjoint de l'inspection générale des affaires sociales (IGAS) et du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD), le corps d'inspection du ministère de l'équipement, du logement et des transports, a été lancé sur ces résidences. En effet, si une partie de la question, qui concerne l'avenir, figure dans le projet de loi, la situation de l'existant reste à traiter et la mission de l'IGAS et du CGEDD devrait donc formuler des propositions à cet égard.
L'aide aux aidants et le droit au répit qui leur est reconnu constituent une belle mesure, qui pourrait en inspirer d'autres à l'intention d'autres catégories d'aidants. Les 83 millions d'euros engagés ne sont pas réservés aux GIR 1 et GIR 2, même si ces deux catégories sont celles où les besoins seront les plus importants. Aucun verrou n'est prévu et les aides seront attribuées par les conseils généraux.
Un travail est en cours pour améliorer l'hébergement temporaire. À cet égard, j'ai visité la semaine dernière dans le Nord un EHPAD de la Croix-Rouge consacré uniquement à ce type d'hébergement. Le coût en est élevé, car cet établissement ne tourne jamais à plein, mais à 75 % ou 80 %, à la fois parce que la rotation des personnes hébergées provoque des interruptions et parce que ce mode d'hébergement n'est pas assez connu. Il faut par ailleurs assouplir certaines règles pour permettre à d'autres EHPAD de développer l'hébergement temporaire à côté de l'hébergement permanent.
Pour lever les blocages psychologiques, un accompagnement s'impose. En même temps que l'aide aux aidants et le droit au répit, il faudra aussi développer le nombre des places d'accueil et la possibilité d'un hébergement temporaire, car certaines personnes craignent de ne pas pouvoir quitter ces établissements. Il s'agit là d'un travail de sensibilisation et de prise en compte des inquiétudes.
La loi s'articule avec la stratégie nationale de santé au moins sur quatre thèmes : le suicide, le plan médicament, la logique des parcours et l'information des patients et des usagers.
Madame Poletti, la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV) ne se désengage pas des GIR 5 et 6, mais réoriente son intervention de l'aide-ménagère classique vers des paniers de services et de la prévention.
La maison départementale de l'autonomie (MDA) fait partie des sujets réservés, car relevant des départements. Cette question fait l'objet d'un grand consensus : si l'Assemblée nationale le soutient, nous en tiendrons compte. Des expériences positives ont été réalisées, comme en Isère, et un intérêt s'exprime pour ce dispositif, dont nous débattrons sans a priori de ma part.
La suite du plan Alzheimer et du plan consacré aux maladies neurodégénératives sera présentée en septembre, soit au moment de l'examen du projet de loi.
Pour ce qui est de la place des handicapés dans la société, il faut d'abord rappeler que les politiques d'adaptation de la société au vieillissement ont également des incidences bénéfiques pour les handicapés – en matière par exemple d'accessibilité dans les transports et dans l'urbanisme.Le rapport annexé annonce un travail sur les personnes handicapées en EHPAD, que je devrai mener avec Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Vous savez tous pourquoi le texte ne va pas aussi loin que les associations de handicap ne le souhaitent pour ce qui concerne le passage du handicap au vieillissement.
Le projet sera examiné en septembre en séance publique ; une fois rédigés les décrets, la loi devrait entrer en vigueur au milieu de l'année prochaine. L'utilisation de la fraction de la CASA qui n'aura pas été affectée en 2015 sera donc définie dans le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2015.
Mme Bérengère Poletti a critiqué la multiplication des créations de « Haut Conseil ». Il est vrai que ce n'est pas toujours judicieux, mais tout ramener au Conseil économique, social et environnemental ne l'est pas non plus. Toutefois, Mme la rapporteure a suggéré le rapprochement du Haut Conseil de l'âge et du Haut Conseil de la famille et je suis favorable à cette proposition. J'irais même plus loin en suggérant un Haut Conseil de la famille et des âges, ce qui répondrait à une demande du secteur de l'enfance, pour lequel n'existe aucune instance de cette sorte. Les sujets traités étant connexes et le champ de compétence du ministère le permettant, mieux vaut décloisonner que juxtaposer les instances. Nous approfondirons la question lorsque nous nous retrouverons dans l'hémicycle.