Intervention de Barbara Romagnan

Réunion du 17 juillet 2012 à 16h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBarbara Romagnan, rapporteure pour avis :

Madame la présidente, mes chers collègues, dans sa décision du 4 mai dernier, le Conseil constitutionnel a déclaré l'article 222-33 du code pénal, qui sanctionnait le délit de harcèlement sexuel, contraire à la Constitution, en raison de son imprécision au regard du principe de légalité des délits et des peines tel que posé par l'article 8 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

Les conséquences de cette décision sont très graves. Elle a tout d'abord créé un vide juridique, le harcèlement sexuel n'étant désormais réprimé que s'il est commis dans le cadre du travail et non plus de façon générale. Une partie des victimes se trouvent ainsi privées de recours pour obtenir la condamnation de leur agresseur. Cette décision interdit également la poursuite des procédures en cours sur le fondement de l'article supprimé : celles-ci devront donc être abandonnées, si la requalification des faits s'avère impossible.

Le Gouvernement a immédiatement réagi à cette situation en déposant au Sénat un projet de loi visant à rétablir le délit de harcèlement sexuel et à améliorer la protection des victimes. Le Sénat a apporté à ce texte d'importantes modifications, tenant compte notamment des travaux réalisés par le groupe de travail créé en son sein.

Malgré la gravité de ses conséquences, le phénomène du harcèlement sexuel demeure encore largement méconnu, faute d'avoir fait l'objet de recherches. Les données disponibles pour la France sont, soit anciennes, soit de portée réduite. Je pense notamment à une étude menée en 2007 sur un échantillon représentatif de femmes travaillant en Seine-Saint-Denis, ou encore à une étude de l'Organisation internationale du travail indiquant que, dans l'Union européenne, 40 à 50 % des femmes ont signalé une forme quelconque de harcèlement sexuel ou de comportement sexuel indésirable sur leur lieu de travail. C'est pourquoi il me semble nécessaire de créer une structure pérenne ayant pour mission générale de collecter les données sur les violences faites aux femmes.

C'est d'autant plus urgent que ce phénomène emporte de graves conséquences, à la fois pour les salariés qui en sont victimes, le harcèlement sexuel ayant des répercussions très négatives sur leur santé, leur moral voire leur carrière, puisqu'ils peuvent être contraints de démissionner, mais aussi pour les entreprises, le harcèlement sexuel nuisant à la productivité de leurs salariés et à leur image, et pour la société dans son ensemble, qui supporte le coût des arrêts de travail.

L'ampleur de ces enjeux explique que de très nombreuses organisations internationales, telles que l'ONU, l'Organisation internationale du travail ou le Conseil de l'Europe, se soient dotées d'instruments visant à lutter contre ce phénomène. De même, notre droit offre aujourd'hui un arsenal juridique à la fois varié et complet contre le harcèlement sexuel.

Le projet de loi qui est soumis à notre commission vise à accroître la protection des victimes, en renforçant la sanction du harcèlement sexuel et des discriminations en découlant, et à harmoniser les différentes dispositions législatives relatives au harcèlement.

Il propose d'abord, dans son article 1er, de réintroduire le délit de harcèlement sexuel, dans une définition conforme aux exigences constitutionnelles, et de créer un délit assimilé. Ces deux délits apparaissent complémentaires et favoriseraient l'appréhension d'un large éventail de situations de harcèlement sexuel, qu'il s'agisse de faits répétés ou d'un acte unique d'une particulière gravité.

De plus, le projet de loi définit cinq circonstances aggravantes susceptibles d'être prises en compte dans la sanction de ces délits, telles que la vulnérabilité économique ou sociale et l'abus d'autorité. Par rapport au droit actuel, les sanctions seraient doublées, voire triplées en cas de harcèlement sexuel aggravé. En effet, ces deux délits seraient punis d'une peine de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende, et, en présence d'une circonstance aggravante, de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende.

En termes de procédure, l'article 2 ter propose d'améliorer l'accompagnement des victimes en autorisant les associations de lutte contre le harcèlement sexuel à les représenter devant les juridictions pénales.

Au-delà du rétablissement du délit de harcèlement sexuel, plusieurs articles du projet de loi renforcent la répression des discriminations.

L'article 2 incrimine les discriminations faisant suite à un harcèlement sexuel, en affirmant que ces agissements constituent un cas de discrimination, à l'instar du handicap ou de l'origine. Il les soumet au même régime de sanction que les autres formes de discriminations, punies de peines de trois à cinq ans d'emprisonnement et de 45 000 à 75 000 euros d'amende.

De la même manière, l'article 2 bis incrimine les discriminations fondées sur l'identité sexuelle. Cet article vise à mieux protéger certaines catégories de population, telles que les personnes transsexuelles.

En matière procédurale, l'article 2 quater propose d'autoriser les associations de lutte contre les violences fondées sur l'orientation sexuelle à défendre les droits des victimes en justice.

Le projet de loi vise également à harmoniser les dispositions relatives au harcèlement sexuel ou moral, qui figurent dans le code pénal, dans le code du travail et dans le statut de la fonction publique.

L'article 3 supprime ainsi les définitions autonomes des délits de harcèlement sexuel ou moral prévues par le code du travail, pour que ce dernier opère désormais par renvoi au code pénal. Il s'agit de garantir la cohérence dans le temps des textes réprimant ces phénomènes.

Par ailleurs, cet article étend les compétences des délégués du personnel et des services de santé au travail en matière de harcèlement sexuel.

L'article 3 bis harmonise les dispositions relatives au harcèlement sexuel prévues par le statut de la fonction publique avec celles du code pénal. Au-delà de cette mise en cohérence, il propose d'inscrire dans ce statut une interdiction de principe des faits de harcèlement sexuel, alors qu'aujourd'hui y sont seules réprimées les discriminations découlant de ces agissements.

Enfin, les articles 4 à 6 étendent le bénéfice des améliorations proposées par le projet de loi aux départements et collectivités d'outre-mer.

C'est donc un projet clarifié, enrichi et équilibré qui est soumis à notre commission, et je vous invite à l'adopter.

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