COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
Mardi 17 juillet 2012
La séance est ouverte à seize heures trente.
(Présidence de Mme Catherine Lemorton, présidente de la Commission)
La Commission des affaires sociales examine pour avis, sur le rapport de Mme Barbara Romagnan, le projet de loi, adopté par le Sénat, relatif au harcèlement sexuel (n° 82).
Madame la présidente, mes chers collègues, dans sa décision du 4 mai dernier, le Conseil constitutionnel a déclaré l'article 222-33 du code pénal, qui sanctionnait le délit de harcèlement sexuel, contraire à la Constitution, en raison de son imprécision au regard du principe de légalité des délits et des peines tel que posé par l'article 8 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
Les conséquences de cette décision sont très graves. Elle a tout d'abord créé un vide juridique, le harcèlement sexuel n'étant désormais réprimé que s'il est commis dans le cadre du travail et non plus de façon générale. Une partie des victimes se trouvent ainsi privées de recours pour obtenir la condamnation de leur agresseur. Cette décision interdit également la poursuite des procédures en cours sur le fondement de l'article supprimé : celles-ci devront donc être abandonnées, si la requalification des faits s'avère impossible.
Le Gouvernement a immédiatement réagi à cette situation en déposant au Sénat un projet de loi visant à rétablir le délit de harcèlement sexuel et à améliorer la protection des victimes. Le Sénat a apporté à ce texte d'importantes modifications, tenant compte notamment des travaux réalisés par le groupe de travail créé en son sein.
Malgré la gravité de ses conséquences, le phénomène du harcèlement sexuel demeure encore largement méconnu, faute d'avoir fait l'objet de recherches. Les données disponibles pour la France sont, soit anciennes, soit de portée réduite. Je pense notamment à une étude menée en 2007 sur un échantillon représentatif de femmes travaillant en Seine-Saint-Denis, ou encore à une étude de l'Organisation internationale du travail indiquant que, dans l'Union européenne, 40 à 50 % des femmes ont signalé une forme quelconque de harcèlement sexuel ou de comportement sexuel indésirable sur leur lieu de travail. C'est pourquoi il me semble nécessaire de créer une structure pérenne ayant pour mission générale de collecter les données sur les violences faites aux femmes.
C'est d'autant plus urgent que ce phénomène emporte de graves conséquences, à la fois pour les salariés qui en sont victimes, le harcèlement sexuel ayant des répercussions très négatives sur leur santé, leur moral voire leur carrière, puisqu'ils peuvent être contraints de démissionner, mais aussi pour les entreprises, le harcèlement sexuel nuisant à la productivité de leurs salariés et à leur image, et pour la société dans son ensemble, qui supporte le coût des arrêts de travail.
L'ampleur de ces enjeux explique que de très nombreuses organisations internationales, telles que l'ONU, l'Organisation internationale du travail ou le Conseil de l'Europe, se soient dotées d'instruments visant à lutter contre ce phénomène. De même, notre droit offre aujourd'hui un arsenal juridique à la fois varié et complet contre le harcèlement sexuel.
Le projet de loi qui est soumis à notre commission vise à accroître la protection des victimes, en renforçant la sanction du harcèlement sexuel et des discriminations en découlant, et à harmoniser les différentes dispositions législatives relatives au harcèlement.
Il propose d'abord, dans son article 1er, de réintroduire le délit de harcèlement sexuel, dans une définition conforme aux exigences constitutionnelles, et de créer un délit assimilé. Ces deux délits apparaissent complémentaires et favoriseraient l'appréhension d'un large éventail de situations de harcèlement sexuel, qu'il s'agisse de faits répétés ou d'un acte unique d'une particulière gravité.
De plus, le projet de loi définit cinq circonstances aggravantes susceptibles d'être prises en compte dans la sanction de ces délits, telles que la vulnérabilité économique ou sociale et l'abus d'autorité. Par rapport au droit actuel, les sanctions seraient doublées, voire triplées en cas de harcèlement sexuel aggravé. En effet, ces deux délits seraient punis d'une peine de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende, et, en présence d'une circonstance aggravante, de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende.
En termes de procédure, l'article 2 ter propose d'améliorer l'accompagnement des victimes en autorisant les associations de lutte contre le harcèlement sexuel à les représenter devant les juridictions pénales.
Au-delà du rétablissement du délit de harcèlement sexuel, plusieurs articles du projet de loi renforcent la répression des discriminations.
L'article 2 incrimine les discriminations faisant suite à un harcèlement sexuel, en affirmant que ces agissements constituent un cas de discrimination, à l'instar du handicap ou de l'origine. Il les soumet au même régime de sanction que les autres formes de discriminations, punies de peines de trois à cinq ans d'emprisonnement et de 45 000 à 75 000 euros d'amende.
De la même manière, l'article 2 bis incrimine les discriminations fondées sur l'identité sexuelle. Cet article vise à mieux protéger certaines catégories de population, telles que les personnes transsexuelles.
En matière procédurale, l'article 2 quater propose d'autoriser les associations de lutte contre les violences fondées sur l'orientation sexuelle à défendre les droits des victimes en justice.
Le projet de loi vise également à harmoniser les dispositions relatives au harcèlement sexuel ou moral, qui figurent dans le code pénal, dans le code du travail et dans le statut de la fonction publique.
L'article 3 supprime ainsi les définitions autonomes des délits de harcèlement sexuel ou moral prévues par le code du travail, pour que ce dernier opère désormais par renvoi au code pénal. Il s'agit de garantir la cohérence dans le temps des textes réprimant ces phénomènes.
Par ailleurs, cet article étend les compétences des délégués du personnel et des services de santé au travail en matière de harcèlement sexuel.
L'article 3 bis harmonise les dispositions relatives au harcèlement sexuel prévues par le statut de la fonction publique avec celles du code pénal. Au-delà de cette mise en cohérence, il propose d'inscrire dans ce statut une interdiction de principe des faits de harcèlement sexuel, alors qu'aujourd'hui y sont seules réprimées les discriminations découlant de ces agissements.
Enfin, les articles 4 à 6 étendent le bénéfice des améliorations proposées par le projet de loi aux départements et collectivités d'outre-mer.
C'est donc un projet clarifié, enrichi et équilibré qui est soumis à notre commission, et je vous invite à l'adopter.
On peut espérer que ce texte contribuera à « faire sortir du bois » les victimes de ce délit, aujourd'hui insuffisamment dénoncé, qu'il s'agisse de harcèlement moral ou sexuel.
Le vide juridique créé par la décision du Conseil constitutionnel est aggravé par le fait que cette décision est immédiatement applicable. Les deux candidats à la présidence de la République, MM. Nicolas Sarkozy et François Hollande, ont réagi immédiatement, s'engageant tous deux à faire adopter un nouveau texte de loi selon la procédure accélérée. Certaines associations, voire certains sénateurs auraient préféré consacrer plus de temps aux travaux préparatoires, mais l'urgence d'aider les victimes ne nous en laisse pas le loisir.
Quoique souvent passé sous silence dans la société française et dans les entreprises, le harcèlement sexuel constitue un phénomène de première importance, qui touche majoritairement les femmes, la plupart du temps dans le cadre des relations au travail, comme nous l'ont confirmé les associations et les représentants des syndicats et des organisations patronales que nous avons entendus.
Ce projet de loi a été préparé en amont par sept propositions de lois sénatoriales, dont le texte du Gouvernement s'inspire. L'examen du projet de loi par le Sénat a par ailleurs permis d'aboutir à un texte équilibré, harmonisant, en la matière, code pénal, code du travail et statut de la fonction publique.
Ce texte innove notamment en ce qu'il permet à l'inspection du travail, aux représentants du personnel et aux services de santé au travail d'être des acteurs du signalement. Je déplore que les entreprises de moins de onze salariés ne puissent pas bénéficier de ces avancées pour la simple raison qu'elles n'ont pas l'obligation de disposer de représentants du personnel. C'est un problème dont il faudra débattre.
Sur le plan juridique, le texte ne suscite pas d'opposition chez les syndicats de magistrats. En revanche, certaines associations ont exprimé la crainte que la sanction du fait unique d'une gravité particulière ne crée un risque de déqualification de faits d'agression sexuelle en harcèlement. En dehors de cette difficulté, ce texte n'appelle pas la polémique, comme l'a montré son adoption à l'unanimité par le Sénat.
Saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel a, le 4 mai dernier, déclaré contraire à la Constitution la disposition du code pénal sanctionnant le délit de harcèlement du fait de l'imprécision de sa formulation. Selon lui, ce délit n'était pas défini en termes suffisamment clairs pour exclure l'arbitraire.
Face au vide juridique créé par cette décision, insupportable et incompréhensible pour les victimes, il apparaît urgent de rendre ce délit à nouveau punissable. En effet, ce sont au moins cent procédures pour harcèlement sexuel qui se trouvent du coup anéanties. Le pire est que la question prioritaire de constitutionnalité à l'origine de la décision du Conseil a été posée par un harceleur dont la conduite aurait dû être plus exemplaire eu égard à son statut d'élu. Ce harceleur, ancien parlementaire, ancien secrétaire d'Etat, adjoint au maire de sa commune, a été accusé de harcèlement sexuel par trois employées de la mairie, toutes trois en situation précaire. Condamné en première instance et plus sévèrement encore en appel, il s'est pourvu en cassation et a alors saisi le Conseil constitutionnel.
Il convient, dans cette perspective, de saluer le travail accompli par des sénateurs de différents groupes politiques sur cette question et qui s'est conclu par une adoption à l'unanimité de la Haute Assemblée du texte qui nous est aujourd'hui soumis. On ne peut que se féliciter que des questions qui engagent à ce point la dignité humaine n'autorisent aucune mésentente fondée sur l'appartenance politique. Pour les victimes, majoritairement des femmes, nous avons le devoir d'agir rapidement et d'aller à l'essentiel dans nos débats.
Le texte redéfinit le harcèlement sexuel comme « le fait d'imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou agissements à connotation sexuelle, qui, soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son égard une situation intimidante, hostile ou offensante ». L'esprit du texte est clair : il s'agit d'élargir la définition du délit et de ne pas la limiter à l'existence de pressions dans le but d'obtenir des faveurs sexuelles. Le projet de loi prévoit, en outre, de nouvelles sanctions plus dissuasives. C'est naturellement un progrès par rapport au texte abrogé qui définissait simplement le harcèlement comme « le fait de harceler autrui dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle » et le punissait d'un an emprisonnement et de 15 000 euros d'amende.
Le projet de loi doit tenir compte des éléments motivant la décision du Conseil constitutionnel afin d'assurer la solidité juridique du texte. Il doit par ailleurs apporter dans l'urgence une réponse aux victimes puisque depuis le 4 mai, les faits nouveaux de harcèlement sexuel ne peuvent être poursuivis sur le fondement des anciennes dispositions du code pénal.
Enfin, le projet de loi introduit dans le code pénal une disposition qui permettra de réprimer les mesures discriminatoires dont les victimes de harcèlement sexuel peuvent faire l'objet. Ainsi, un employeur qui licencie un salarié, ou qui refuse d'embaucher un candidat lors d'un recrutement parce qu'il ou elle aura résisté à ses avances, pourra être pénalement sanctionné.
Reconnaissant l'urgence de la situation, le groupe UMP est favorable à l'adoption rapide de ce texte. Il répond à ses objectifs, qui sont à la fois de couvrir l'ensemble des situations possibles et de permettre une répression adaptée à la gravité de ces agissements.
Le Conseil constitutionnel a motivé sa décision en se fondant sur le caractère insuffisamment clair des éléments constitutifs du délit de harcèlement sexuel tels qu'ils avaient été définis par la loi. Le législateur est aujourd'hui placé face à une double responsabilité.
Premièrement, nous devons proposer le plus rapidement possible une nouvelle définition de ce délit afin de faire cesser une situation d'insécurité juridique en donnant une base légale aux poursuites futures. On peut, d'ailleurs, s'interroger sur le sort des affaires en cours et la question de la réparation due aux victimes dont les procédures ont dû être abandonnées. Deuxièmement, nous devons élaborer une définition suffisamment précise pour que tous les cas de harcèlement puissent être sanctionnés.
Le projet de loi adopté par le Sénat nous semble pouvoir être amélioré sur certains points et le groupe de l'Union des démocrates et des indépendants (UDI) présentera des amendements en ce sens.
Ainsi, pourquoi limiter à quinze ans l'âge de la victime constituant une circonstance aggravante ? Nous pensons que l'état de minorité en général devrait constituer une circonstance aggravante, d'autant que de nombreux mineurs de plus de quinze ans travaillent en entreprise, notamment dans le cadre de l'apprentissage.
Deuxièmement, nous nous interrogeons sur la pertinence des conditions de prescription de l'action publique retenu par le texte. En effet, on peut raisonnablement penser que les victimes de harcèlement ne porteront pas plainte avant d'avoir pu quitter l'entreprise où elles ont été ou sont harcelées. Dans ces conditions ne vaudrait-il pas mieux faire démarrer le délai de prescription à la date de la fin des relations contractuelles ?
Par ailleurs, même si la jurisprudence considère déjà que les agissements de harcèlement dans le cadre des relations de travail peuvent être commis en dehors de l'entreprise, il me paraît important pour les victimes que le texte précise explicitement ce point.
On peut enfin s'interroger sur la pertinence de l'échelle des peines, quand on voit que la peine proposée pour sanctionner le harcèlement simple est inférieure à celle prévue pour le vol, celui-ci étant puni de trois ans de prison et 45 000 euros d'amende. Ne pourrait-on pas au moins aligner la sanction du harcèlement sur la peine prévue pour le vol ?
Je me félicite de la procédure qui a été retenue pour faire adopter ce texte : il est de notre devoir de répondre rapidement à la détresse des milliers de concitoyens et concitoyennes victimes de harcèlement sexuel. C'est la raison pour laquelle nous sommes favorables au vote de ce texte, dont j'espère qu'il sera adopté à l'unanimité.
Les élus écologistes sont d'autant plus favorables à ce projet de loi relatif au harcèlement sexuel qu'il est urgent de remédier aux répercussions négatives que la décision du Conseil constitutionnel a sur nombre de procédures en cours. Au-delà, il s'agit de définir précisément les critères permettant de qualifier ce délit dont nul ici ne conteste la gravité. La France sera aussi jugée sur sa capacité à régler ce type de problèmes, qui se posent à de nombreux pays. Au Japon, on a été jusqu'à réserver certaines rames aux femmes dans les transports urbains pour éviter que celles-ci ne soient harcelées. Dans certains pays, la situation est proprement effrayante : ainsi plus de 90 % des femmes afghanes disent avoir été victimes de tels agissements. D'où l'importance pour la France d'être exemplaire en ce domaine.
Une fois ce projet de loi voté, sans doute avec une belle unanimité, il faudra aussi, comme le président de la Commission des lois du Sénat nous y invite, effectuer un travail d'évaluation de toutes les problématiques liées au sujet du harcèlement sexuel – je pense notamment à son traitement judiciaire, mais également aux problématiques de prévention : les deux assemblées pourraient par exemple envisager de mettre en place, en collaboration avec le ministère concerné, un dispositif de suivi, du type observatoire.
Le texte, qui sera certainement adopté à l'unanimité, pose deux problèmes. Le premier, qui échappe en partie au législateur, tient à l'administration de la preuve. Notre droit impose à la victime de prouver la réalité des faits. Or, en tant qu'avocat, je sais combien cette tâche est délicate pour une victime du harcèlement moral ou sexuel au travail.
D'autre part, en étendant la définition du harcèlement, n'offrons-nous pas à certains avocats la possibilité de faire requalifier en harcèlement certaines agressions sexuelles ou tentatives de viol ?
J'espère moi aussi que ce texte fera l'unanimité. Lors de la précédente législature, nous avons beaucoup travaillé sur les violences faites aux femmes, mais il vaudrait mieux parler de violences faites aux conjoints, car dans 5 % des cas les victimes sont des hommes – en tant que médecin, je peux en témoigner.
Par ailleurs, c'est une bonne chose que le texte envisage la notion de discrimination, dont souffrent parfois les personnes homosexuelles et transsexuelles, trop rarement mentionnés dans la loi.
Je salue le travail de Pascale Crozon, rapporteure de ce texte pour la Commission des lois, et des deux rapporteures pour avis, Barbara Romagnan pour notre commission, et Ségolène Neuville pour la Délégation aux droits des femmes. Toutes trois ont procédé ensemble à de très nombreuses auditions.
Certains articles parus récemment dans la presse accréditent l'idée que le harcèlement aurait cours à l'Assemblée nationale. Je suis très choquée que l'on dégrade ainsi l'image des assistantes parlementaires. Rappelons donc, au moment où nous entamons la discussion de ce texte, que notre maison est d'abord un lieu où l'on travaille.
Depuis que la décision du Conseil constitutionnel a privé certains plaignants de tout appui législatif, le texte est particulièrement attendu, et je souhaite moi aussi son adoption à l'unanimité. Cependant, certaines dispositions peuvent poser problème : comment notamment protéger ceux qui effectuent un stage dans le cadre d'une convention avec un établissement scolaire ?
Enfin, puisque le texte majore les peines quand les faits concernent une personne en situation de handicap, par définition vulnérable, je suggère que nous nous inspirions du rapport que notre ancienne collègue George Pau-Langevin avait rédigé sur leur situation toujours délicate.
Merci du soutien que vous apportez aux victimes. Si, sur ces sujets, qui ont déjà fait l'objet de nombreux rapports, nous avons tenu à effectuer beaucoup d'auditions, et parfois à entendre de nouveau certaines personnes interrogées au Sénat, c'est parce que la situation évolue sans cesse, et que rien ne stimule autant la réflexion qu'un échange direct.
Le 11 juillet, Mme la garde des sceaux a effectué un bilan sur l'état des procédures en cours. À la suite de la décision du Conseil constitutionnel, six des quatre-vingts enquêtes préliminaires ont été classées, et l'abandon de l'action publique a été prononcé dans deux informations judiciaires sur dix-neuf, sachant que huit requalifications avaient déjà été engagées. Sur les seize affaires en cours d'audiencement, treize pourront être requalifiées. Enfin, sur les quinze affaires parvenues à l'audience depuis la décision du Conseil constitutionnel, quatre se sont soldées par une extinction de l'action publique. Pour les autres, des requalifications ont pu être établies.
En ce qui concerne le droit comparé, les dispositions réprimant le harcèlement sexuel figurent dans le code pénal en Espagne et en Belgique mais, dans les autres pays d'Europe, dans les lois relatives à la lutte contre les discriminations et à la promotion de l'égalité. Pour définir le délit, la plupart des pays de l'Union européenne se sont écartés du droit communautaire, à l'exception du Danemark, qui a repris intégralement les termes de la directive du 5 juillet 2006.
Loin de diminuer les possibilités d'incrimination, l'expression « dans le cadre des relations de travail » devrait au contraire les étendre, puisque la jurisprudence estime qu'un salarié est considéré comme tel où qu'il soit, tant sur son lieu de travail que, par exemple, le dimanche, à la piscine. La Chancellerie nous l'a confirmé.
La condamnation à deux ans d'emprisonnement pour harcèlement sexuel a souvent été jugée trop faible, comparée aux trois ans qui sanctionnent le vol d'un portable, mais, sur ce point, la réflexion doit s'inscrire dans le cadre d'une révision globale de l'échelle des peines, qui dépasse le cadre de notre réflexion. À mon sens, la vraie question est de savoir s'il faut sanctionner de trois ans d'emprisonnement le vol d'un portable.
Laurent Marcangeli a souligné à juste titre la difficulté d'apporter des preuves en matière de harcèlement. Quatre-vingts à quatre-vingt-dix condamnations sont prononcées par an, ce qui est fort peu, le nombre de plaintes enregistrées étant très inférieur à celui des faits. Le risque de déqualification en harcèlement d'une agression sexuelle ou d'une tentative de viol est souvent soulevé par des associations, mais, sur ce point, les magistrats m'ont convaincue. Si l'on déqualifie les faits, c'est non pour alléger la sanction, mais afin de prononcer une peine, lorsque la condamnation pour viol ou agression sexuelle ne peut intervenir, faute de preuve.
L'âge de quinze ans, qui correspond à la majorité sexuelle, a été retenu dans un souci de cohérence du code pénal. De plus, la circonstance aggravante d'abus d'autorité sera retenue en cas de harcèlement d'un mineur entre quinze et dix-huit ans.
Quant à savoir, monsieur Vercamer, si le délai de prescription doit commencer au moment des faits ou à la cessation du contrat de travail, le problème n'a pas été abordé lors des auditions. Je vous livre la réponse de la garde des sceaux à Mme la sénatrice Muguette Dini, auteure d'un amendement rejoignant votre proposition :
« Notre souci, dans ce texte, est de créer les conditions pour que la victime soit le plus rapidement possible en capacité de porter plainte, plutôt que de lui octroyer, presque ad vitam aeternam, un délai pour agir en justice. En effet, pour cette infraction en particulier, plus il s'écoule de temps après les faits, plus il sera difficile de rassembler des preuves et de trouver des témoins.
« De notre point de vue, la solution réside davantage dans les conditions que nous créons pour que la victime soit en capacité de déposer plainte, en la protégeant contre toute forme de discrimination, c'est-à-dire contre la sanction qu'elle pourrait encourir pour avoir refusé de subir le harcèlement. Tel est l'objet de l'article 2. C'est aussi dans cette perspective que nous proposons de modifier le code du travail et de protéger les témoins.
« Notre souci est donc, d'une part, de nous prémunir contre les risques du temps qui passe – je pense à la difficulté grandissante de prouver les faits et de trouver des témoins – et, d'autre part, de protéger immédiatement la victime, ce qui facilite le dépôt de la plainte. »
N'est-ce pas une manière d'infliger une double peine à la victime ? On sait combien il est difficile à un salarié de porter plainte contre son employeur !
La Commission procède à l'examen des articles
Article 1er : Rétablissement et redéfinition du délit de harcèlement sexuel
La Commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 1er sans modification.
Article 2 : Incrimination des discriminations faisant suite à un harcèlement sexuel
La Commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 2 sans modification.
Article 2 bis : Incrimination des discriminations commises à raison de l'identité sexuelle
La Commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 2 bis sans modification.
Article 2 ter : Exercice des droits reconnus à la partie civile par les associations de lutte contre le harcèlement sexuel
La Commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 2 ter sans modification.
Article 2 quater : Exercice par les associations de lutte contre les discriminations des droits reconnus à la partie civile
La Commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 2 quater sans modification.
Article 3 : Harmonisation des définitions du harcèlement sexuel ou moral figurant dans le code du travail avec les définitions de ces délits dans le code pénal – Prévention et constatation des délits de harcèlement sexuel ou moral
La Commission examine l'amendement AS 1 de la rapporteure pour avis.
L'amendement vise à étendre la protection contre les discriminations et les sanctions professionnelles aux personnes en période de formation ou de stage victimes de harcèlement moral.
La Commission adopte l'amendement AS 1.
Puis elle émet un avis favorable à l'adoption de l'article 3 modifié.
Article 3 bis : Harcèlement sexuel dans la fonction publique
La Commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 3 bis sans modification.
Article 4 : Application de la loi à Mayotte
La Commission aborde l'amendement AS 2 de la rapporteure pour avis.
L'amendement étend la protection prévue par l'amendement AS 1 aux personnes qui travaillent dans le département de Mayotte.
La Commission adopte l'amendement AS 2.
Elle émet ensuite un avis favorable à l'adoption de l'article 4 modifié.
Article 5 : Application de la loi dans les collectivités d'outre-mer et en Nouvelle-Calédonie
La Commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 5 sans modification.
Article 6 : Application de la loi dans les Terres australes et antarctiques françaises et dans les îles Wallis et Futuna
La Commission examine l'amendement AS 3 de la rapporteure pour avis.
L'amendement, de coordination, vise à mettre la loi en cohérence avec les amendements AS 1 et AS 2.
La Commission adopte l'amendement AS 3.
Elle donne ensuite un avis favorable à l'adoption de l'article 6 modifié.
Enfin, elle émet un avis favorable à l'adoption de l'ensemble du projet de loi modifié.
La séance est levée à dix-sept heures vingt-cinq.