C’est sur la base du développement économique que, député de l’Aisne, élu de l’actuelle Picardie, je défends depuis le début le projet de fusion des régions Picardie et Champagne-Ardenne. Pour des raisons de cohérence économique, historique, culturelle et géographique, je suis aussi favorable à une fusion avec la région Lorraine.
Cette proposition s’appuie sur des analyses rationnelles. Le président du conseil régional de Champagne-Ardenne nous a présenté un projet cohérent en matière de développement économique et d’aménagement du territoire, qui s’appuie sur des éléments précis. La Picardie et la Lorraine ont développé depuis longtemps des coopérations importantes dans le domaine économique avec la Champagne-Ardenne, qui en était le trait d’union. Ces régions ont des indicateurs démographiques et géographiques très proches, et sont économiquement complémentaires. Elles comptent 5,5 millions d’habitants en tout et revendiquent un PIB de 140 milliards.
Nos liens historiques sont évidents. Les trois régions marquaient la ligne de front lors de la Première Guerre mondiale : bataille de la Somme, chemin des Dames, Reims – ville martyre, qui a vu sa cathédrale incendiée – bataille de la Marne, bataille de Verdun.
Nous partageons aussi un réseau d’autoroutes parfaitement connectées, le neuvième aéroport de France, à Beauvais, avec près de 4 millions de passagers par an, et un aéroport de fret en devenir, Paris-Vatry.
Cet arc Nord-Est est également l’opportunité d’affirmer notre puissance agricole et de nous inscrire dans les filières d’avenir, comme la chimie verte. Il deviendrait ainsi le premier territoire européen de production agricole et de transformation agroalimentaire, et un territoire de production des éco-matériaux industriels de demain. En totalisant près de 50 % de la production éolienne française, nous deviendrions un territoire pilote de la transition énergétique. Nous développons aussi des projets d’économie circulaire, sociale et solidaire qui nous sont communs.
Ce regroupement rendrait son unité au vignoble de Champagne. Le secteur vinicole, créateur de valeur ajoutée, représente un poids économique considérable de 4 milliards d’euros de chiffre d’affaires, dont plus de 2 milliards à l’exportation. Par ailleurs, pour la formation de nos étudiants, beaucoup d’indicateurs plaident en faveur de la fusion.
Point important, cette nouvelle région serait un pôle d’équilibre entre l’Ile-de-France et les pays du nord de l’Europe, un espace de forte attractivité entre le Benelux et Paris.
L’arc Nord-Est, en s’appuyant sur des métropoles de taille humaine, nous préserverait de l’appauvrissement des villes moyennes – Saint-Quentin, Laon, Chaumont, Troyes, Saint-Dizier – et des zones rurales. Souhaitons-nous être aspirés par Paris, Lille, ou Strasbourg, ou construire une région multipolaire de coopération interurbaine et rurale ? Voilà aussi l’intérêt de ce regroupement.
Monsieur le ministre, vous avez évoqué les pôles de compétitivité, l’innovation et la recherche, créateurs d’emplois, et dit, non sans raison, qu’il fallait conforter ces atouts en rassemblant les régions qui partagent cette dynamique. Savez-vous que le projet de rapprochement entre la Picardie, la Champagne-Ardenne et la Lorraine s’est fait en ce sens, et qu’il rassemble cinq pôles de compétitivité ? Son abandon remettrait en cause la compétitivité et l’innovation de ces territoires.
Ensemble, la Picardie, la Champagne-Ardenne et la Lorraine pourraient aller de l’avant. Complémentaires, ce qui les rassemble est bien plus important que ce qui les sépare. J’en suis convaincu et c’est la raison pour laquelle je défendrai l’amendement qui prône leur rapprochement.
Celui-ci repose sur des faits historiques, des analyses et des critères socio-économiques qui prouvent la pertinence du projet initial. Mais, je le sais bien, la carte idéale n’existe pas ! Quelle que soit la carte, le sort des frontières et des franges fera toujours débat. Je comprends que certains d’entre nous ne s’y retrouvent pas, et je comprends la position des députés de la Somme, qui est peut-être aussi celle des députés de l’Oise et du nord de l’Aisne, quoique Jean-Pierre Balligand, ancien député, était favorable au rapprochement avec Reims.
J’aimerais savoir, monsieur le ministre et monsieur le rapporteur, sur quelles bases socio-économiques et sur quel projet vous vous appuyez pour proposer un rapprochement entre la Picardie et le Nord-Pas-de-Calais ? Quelles sont les études, les analyses qui vous ont fait aboutir à cette proposition ? Je reconnais que le travail effectué avec le groupe socialiste a permis de donner plus de cohérence à la copie présidentielle, en proposant par exemple une région qui regrouperait l’Aquitaine, le Poitou-Charentes et le Limousin. Vous avez su rassembler une majorité de députés socialistes sur cette carte.
Mais, monsieur le rapporteur, il n’y a pas d’unanimité ou de consensus sur le rapprochement entre la Picardie et le Nord-Pas-de-Calais ! D’autres parlementaires se sont exprimés contre ce projet. Je ne veux pas croire que seul le rapport de force majoritaire puisse compter en politique : comme vous le savez, au pays de Jean de La Fontaine, la raison du plus fort n’est pas toujours la meilleure.
Le compte n’y est pas pour la Picardie, particulièrement pour le département de l’Aisne. Ce n’est pas seulement le député de la cinquième circonscription de l’Aisne qui vous le dit ; c’est aussi un grand nombre d’élus du Nord, pour qui l’union de ces deux régions est une aberration économique et sociale – je ne m’étendrai pas sur les commentaires qui ont été faits.
Au-delà de l’aspect économique, permettez-moi quelques rappels géographiques, à l’intention, d’abord, de nos collègues UMP qui sont intervenus hier : la Picardie, ce n’est pas seulement le département de la Somme ; elle comprend aussi l’Oise et l’Aisne ! On nous dit : « Vous allez parler ch’ti ! ». Eh bien, quand j’ai quitté Château-Thierry hier, on n’y parlait ni ch’ti ni picard !