Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, au mois de janvier, le Président de la République lançait une initiative afin de renouveler l’organisation, le rôle et le périmètre de nos régions. Au début, bien que député d’opposition, j’ai pensé que ce projet pouvait être bon pour l’ensemble de notre nation.
J’y voyais une occasion de renouvellement, de respiration, pour nos territoires. J’y voyais aussi une chance à saisir pour ma région, la Bretagne. Au début, je me suis dit « Chiche ! Voilà peut-être une façon intelligente de sortir de la léthargie dans laquelle s’enferme la France depuis deux ans ! » J’y voyais la possibilité de créer des régions non pas seulement administrées mais enracinées dans des réalités locales économiques, sociales et peut-être, plus encore, culturelles. J’y voyais la possibilité de réduire réellement le mille-feuille administratif en supprimant les départements qui ont apporté une contribution à notre histoire mais dont l’histoire, à l’évidence, s’achève. J’y voyais la conjonction de deux exigences, qui ne sont pas contradictoires : réaliser des économies et rendre notre démocratie plus lisible. J’y voyais l’occasion de pousser plus loin la décentralisation et de faire de la région un vrai point d’équilibre face aux métropoles et de rester ainsi fidèle notre organisation du territoire. Pour protéger nos petites villes, pour protéger le monde rural face aux métropoles, les départements ne sont plus à l’échelle, c’est la région qui l’est. J’y voyais, comme Isabelle Le Callennec, comme Thierry Benoit, comme Gilles Lurton, comme Philippe Le Ray, la possibilité de réunifier enfin la Bretagne, de retrouver Nantes et le cinquième département, la Loire-Atlantique. Cela aurait permis d’en finir avec le décret de Vichy de 1941, qui divisa la Bretagne et lui arracha Nantes, et la Loire-Atlantique, Châteaubriant, Clisson et Guérande.
Mais le 2 juin 2014, funeste jour s’il en est, lorsque du haut de son bureau élyséen le Président de la République dessina la carte, j’ai compris que nous allions à l’échec !
Cet échec est fondamentalement dû à l’idéologie jacobine qui sous-tend tout le projet gouvernemental. Ce jacobinisme se révèle d’abord dans la méthode qui a présidé à l’élaboration de ce projet de loi, et de cette nouvelle carte des régions. Pour le jacobin, tout vient d’en haut ! L’idée, puis les décisions doivent émaner d’un être supposé éclairé, et nécessairement parisien. C’est ce à quoi nous avons assisté le 2 juin : une carte – ou pour mieux dire : plusieurs cartes, puisqu’il y en a eu plusieurs dans la même journée – a été élaborée dans un bureau à l’Élysée, puis présentée ex cathedra le soir même au bon peuple.
La France est le seul pays où l’on peut encore assister à de telles dérives ! Imagine-t-on un seul instant Mme Merkel découpant la Bavière à Berlin ? Une carte authentique ne se dessine pas, elle se constate. Hervé Gaymard l’a brillamment dit hier à sa façon. Les pouvoirs publics ont simplement vocation à constater les réalités humaines qui préexistent à leur décision, et qu’ils doivent respecter.
Le 2 juin fut tout autant caractérisé par l’amateurisme que par le dirigisme.
Amateurisme, d’abord : rappelons-nous ce communiqué de presse du Président de la République, transmis aux médias à 18 heures, dans lequel était laissé en blanc le nombre final de régions, qui ne fut connu qu’à 22 heures ! C’est dire si les arbitrages ont été rendus tard !
Dirigisme, ensuite. Ceux qui ont élaboré la carte n’ont à la bouche que les mots de République, de démocratie, de démocratie participative, de débat… Mais il n’y a pas eu de débat, rien du tout ! Les collectivités locales concernées n’ont pas été consultées, et l’on n’a pas pas tenu compte de l’opinion des populations. On n’a pas tenu compte, en particulier, des sondages. Par exemple, les sondages réalisés à propos de l’unification de la Bretagne sont constants, que l’on interroge les Bretons des quatre départements de la Bretagne administrative ou les Bretons de Loire-Atlantique.