Intervention de Pierre Morel-A-L'Huissier

Séance en hémicycle du 17 juillet 2014 à 15h00
Délimitation des régions et modification du calendrier électoral — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Morel-A-L'Huissier :

…les choix ont été improvisés sans réflexion d’ensemble. C’est aussi le cafouillage, oui monsieur le président de la commission des lois : d’un jour à l’autre, le Président de la République dit et surtout écrit tout et son contraire. Il a écrit une lettre : si on la reprend aujourd’hui, son contenu est totalement décalé.

Ce qui remonte à la surface, c’est également l’improvisation – une réforme de cette envergure appelait des consultations importantes – et le non-respect du Parlement, le gouvernement ayant engagé la procédure accélérée, imposant ainsi des délais beaucoup trop courts à la représentation nationale.

Ce qui remonte est aussi la méconnaissance de la réalité de nos territoires, en particulier de la ruralité qui se trouvera une nouvelle fois fortement impactée, comme elle l’est déjà avec le conseiller départemental.

Enfin, ce qui remonte est le calcul électoral, à travers un report à décembre 2015, le gouvernement espérant à cette époque avoir regagné un peu de confiance populaire.

Fort de ces constats, je ne saurais souscrire au sentiment exprimé par le rapporteur de la commission des lois, qui a déploré l’attitude du Sénat et stigmatisé le combat procédural mené par la Haute assemblée. Bien au contraire, je salue ce combat mené tant sur l’étude d’impact qu’à travers le vote d’une motion référendaire car cette réforme d’envergure aurait mérité plus de transparence, un très large débat avec nos concitoyens, donc le recours au référendum.

Comment ne pas regretter également l’impréparation de ce texte sur la définition des nouvelles régions, décidée un mardi soir en catastrophe puis remaniée au gré des susceptibilités de certains socialistes au point que nous sommes aujourd’hui non plus à quatorze mais à treize régions après un amendement du rapporteur de la commission des lois ? Vous me parlerez du respect du Parlement, je vous répondrai tripatouillage : que penser de l’étude d’impact initiale, qui n’intègre évidemment pas ce passage de quatorze à treize ?

À ce stade, j’avoue ne pas comprendre la méthode suivie par le Gouvernement qui, après avoir supprimé le conseiller territorial, créé le binôme de conseillers départementaux, réformé le mode de scrutin, créé les métropoles, veut aujourd’hui la suppression des départements, une nouvelle carte de l’intercommunalité et une nouvelle carte des régions.

Bien sûr, tout le monde s’accorde à dénoncer le mille-feuille institutionnel à travers les 36 800 communes, une myriade de structures intercommunales, métropoles, agglos, communautés d’agglomérations, communautés de communes, SIVOM, SIVU, pays, ententes, départements, régions, mais votre projet s’inscrit dans un processus qui manque incontestablement de cohérence.

Il eût été nécessaire de réfléchir au rôle des communes et de leurs groupements, de régler une fois pour toutes la question lancinante de la clause générale de compétence, de clarifier les compétences des diverses collectivités et de permettre enfin des fusions dûment consenties, le tout dans une réflexion globale sur la place de la déconcentration de l’État par rapport à la décentralisation.

Vos différentes démarches depuis deux ans ont créé un imbroglio incompréhensible que votre projet de loi vient aujourd’hui alourdir.

Je limiterai mon propos à trois observations.

D’abord, proposer des intercommunalités à 20 000 habitants de manière arbitraire ne peut évidemment pas être une réponse adaptée à la diversité de nos territoires. Le critère de la population est le critère simpliste de la technocratie parisienne, qui fait fi, avec souvent beaucoup d’arrogance, des réalités territoriales, notamment, de la ruralité, qui représente près de 80 % de la superficie de notre pays.

Ensuite, proposer la suppression des départements tout en ouvrant des perspectives d’option à certains départements ruraux procède d’une vision brouillonne et confuse. Soit le conseil général est une institution de proximité et on le conserve, soit il n’a plus lieu d’être par rapport aux structures intercommunales. Gouverner, c’est choisir, et faire croire qu’il peut y avoir une sorte de menu à la carte est un non-sens.

Enfin, vous proposez de passer de vingt-deux régions à quatorze, puis aujourd’hui à treize, sans aucune consultation préalable des conseils régionaux existants, sans aucune consultation des populations concernées, en ajoutant un droit d’option à venir pour les départements qui pourront quitter demain telle ou telle région. Franchement, où va-t-on ?

1 commentaire :

Le 18/07/2014 à 09:51, laïc a dit :

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"en ajoutant un droit d’option à venir pour les départements qui pourront quitter demain telle ou telle région." Tout n'est pas perdu pour la Loire Atlantique finalement : avec ce droit d'option, elle pourrait demander à se rattacher à la Bretagne, où ai-je mal compris les modalités d'application de ce droit d'option ?

Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui

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