Monsieur le ministre, monsieur le président, monsieur le rapporteur, chers collègues, après l’intervention très claire de Patrick Hetzel, après le travail de préparation d’Hervé Gaymard sur cette loi, et après l’intervention très nette de notre collègue Frédérique Massat qui s’exprimait au nom des élus de montagne, relayant une préoccupation qui dépasse les partis politiques au sein de cette Assemblée, je voudrais revenir sur la rupture profonde du contrat républicain que constitue, pour l’organisation du territoire, votre réforme des grandes régions.
Vous présentez cette réforme comme uniquement technique, destinée à réaliser des économies. Vous camouflez derrière cette réforme les ruptures extrêmement importantes dans l’organisation nationale de la République, ainsi que l’abandon d’un certain nombre de territoires. Le contrat républicain français a toujours reposé sur une attention spécifique portée aux petites communes, aux territoires ruraux, à l’aménagement du territoire et à la place de la montagne dans la République.
Cette attention a toujours dépassé les clivages politiques. C’était celle de Ferry qui déclarait : « Les populations des campagnes sont le fond même de la société française (…) La République doit les protéger. » C’était également l’attention de Gambetta lorsqu’il déclarait : « Hé bien, je voudrais qu’on fit pénétrer dans la tête de l’électeur rural que ce bulletin de vote, que ce carré de papier, c’est sa destinée, que c’est lui, quand il écrit un nom sur son carré de papier, qui se prononce souverainement sur le bien ou le mal qui doit lui arriver. »
La conception de la République française selon laquelle c’est l’État qui a forgé la nation reposait sur l’idée que la République ne devait laisser aucune commune de côté, qu’il n’y avait pas de petites et de grandes communes dans les contreforts des vallées vosgiennes, pas plus qu’il n’y en avait en Bretagne ou en Auvergne, et que la République devait avoir la même attention pour chacune de ces communes.
Rien n’est plus beau, dans l’histoire de la IIIe République, que le moment où toutes les communes de France se sont couvertes d’écoles. La République était partout, elle faisait preuve d’attention pour chacun de ses territoires et avait même une vigilance accrue pour la ruralité, la montagne et ses petites communes, tout simplement parce qu’elle refusait de s’inscrire dans une simple logique arithmétique.
Cet esprit s’est ensuite incarné dans l’expression de Pierre Mendès France ainsi que dans celle de Blum, dans celle du Général de Gaulle aussi bien que dans celle de Jacques Chirac ou de François Mitterrand. C’est cette ruralité que vous trahissez aujourd’hui avec votre carte des grandes régions. Ce meurtre, vous l’avez commencé avec la carte cantonale.