Intervention de Laurent Wauquiez

Séance en hémicycle du 17 juillet 2014 à 15h00
Délimitation des régions et modification du calendrier électoral — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaurent Wauquiez :

Vous avez fondu la plupart de nos petites communes dans de grands ensembles, afin qu’elles ne pèsent plus. Vous l’avez fait conformément à un plan politique conçu pour donner plus d’importance aux territoires urbains, dont vous pensez qu’ils vous sont plus favorables, conformément aux idées de fondations proches de vous telle que Terra Nova, qui avait très clairement esquissé ce plan politique.

Aujourd’hui, vous revenez à la charge exactement de la même manière, avec une carte de grandes régions qui repose en réalité sur un système politique qui va faire disparaître la représentation des petits départements.

Il faut bien comprendre ce que vous faites : vous affichez artificiellement sur votre carte un nombre d’élus par département, mais il est totalement fictif, et vous le savez très bien. C’est un pur mensonge, puisque votre système électoral crée une représentation fondée uniquement sur le nombre de voix. Cela aboutit à ce que le nombre d’élus que vous affichez ne correspondra pas à la réalité.

Prenons un exemple parmi d’autres, celui du Cantal : vous prétendez qu’il aura à peu près six élus, alors qu’il devrait en réalité avoir moins de trois élus, ce qui représente une perte de 40 %. À l’inverse, dans les territoires urbains, les pertes seront limitées à 8 %. Dans les territoires de montagne et les territoires ruraux, la perte de représentation sera en moyenne de 30 % à 40 %.

Vous faites cela de façon hypocrite car vous n’avez pas le courage d’afficher clairement dans votre loi le nombre d’élus qui sera attribué à ces petits départements que vous avez choisi d’abandonner.

Ce ne sont pas tous des départements de droite, mais ce sont tous des départements de la République. Je pense à l’Ariège, que vous trahissez et qui sera très peu représentée, et aux contreforts de montagne de la région Rhône-Alpes, que vous devriez théoriquement connaître, monsieur Vallini, et qui perdront de façon dramatique leur représentation au sein d’un ensemble dans lequel ils n’auront plus voix au chapitre. Je pense aussi à ce petit territoire de Lozère, qui sera tellement dilué que vous avez été obligés de lui concéder un seul conseiller régional, sans même avoir la garantie qu’il sera de la même majorité que celle qui sortira des urnes dans ce département.

Vous opérez une rupture majeure dans le contrat de la République. Vous portez un coup de poignard dans le dos des territoires ruraux et des territoires de montagne. Vous pourriez nous répliquer que la ruralité et la montagne appartiennent au monde d’hier, qu’elles ne doivent plus être défendues, qu’elles n’ont plus leur place dans la République. C’est exactement l’inverse que vous devriez faire. La mondialisation, que vous prétendez combattre, aboutit à une concentration de tous les avantages sur les grandes métropoles, ce qui pourrait potentiellement priver d’avenir les territoires ruraux qui auraient encore plus besoin d’une politique d’aménagement du territoire. Plus que jamais, par rapport au contrat initial de la IIIe République, ces territoires ont besoin de nous ! Mais c’est ce moment que vous choisissez pour les abandonner et pour les diluer dans la représentation démocratique. Ce projet de loi empêchera l’expression de la montagne et de la ruralité : quel que soit le groupe auquel ils appartiennent, les députés qui voteront ce texte auront des comptes à rendre !

C’est ce qu’avait très bien compris Jaurès, dont vous trahissez la vision. La grande responsabilité de la République est de veiller à être présente dans chaque commune. Mieux encore : la République doit veiller tout particulièrement sur les communes les plus petites et les plus fragiles. C’est notre contrat fondateur. Quiconque reviendrait sur ce contrat prendrait une lourde responsabilité.

En créant ces grandes régions, vous actez, à des fins politiciennes, la mort de la ruralité et de la montagne. Ce sujet devrait nous unir ; pourtant, vous avez choisi de restaurer les baronnies du Moyen-Âge, d’affaiblir l’État nation et de tourner le dos au contrat républicain que nous avions signé dans les actes fondateurs de la IIIe République.

Votre réforme n’est pas une petite réforme. Elle aboutit à priver de voix les territoires ruraux. Il est encore temps de faire machine arrière ; en tout cas, il ne faut pas aller plus loin sans apporter des garanties quant à la place et à la bonne représentation de la ruralité au sein de la République.

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