Intervention de Jean-Pierre Vercamer

Réunion du 3 juillet 2014 à 10h00
Commission d'enquête chargée d'étudier les difficultés du monde associatif dans la période de crise actuelle, de proposeer des réponses concrètes et d'avenir pour que les associations puissent assurer leurs missions, maintenir et développer les emplois liés à leurs activités, rayonner dans la vie locale et citoyenne et conforter le

Jean-Pierre Vercamer, associé responsable du département Audit du secteur associatif, Deloitte :

Commissaire aux comptes, j'interviens pour ma part auprès de 400 associations et fondations, quotidiennement ou presque. Je vais vous donner une illustration concrète de certaines des 37 difficultés que nous avons identifiées à partir des constats établis par les associations elles-mêmes, en les présentant dans un ordre qui résulte de mon approche de professionnel du chiffre.

D'abord, les problèmes de trésorerie. Le fonds de roulement des associations ne leur suffit pas pour faire face à d'éventuelles difficultés ; 30 % d'entre elles le confirment. L'on n'a sans doute jamais vu autant qu'en 2013 d'états de cessation de paiement, qui correspondent à l'incapacité de payer ses dettes exigibles à court terme avec les fonds détenus en trésorerie. Le nombre de lancements de procédures d'alerte – qui correspondent à la découverte d'événements contrariant la continuité d'exploitation de la structure – a augmenté de quelque 17 % par rapport à 2011 ou 2012. Or leur déclenchement a pour conséquence néfaste que la situation commence à devenir de notoriété publique, ce qui peut effrayer les financeurs, les donateurs et ceux qui envisager de travailler dans ce secteur.

Une précision : le fait que notre étude porte sur les difficultés du monde associatif lui donne une tonalité sombre, mais nous ne tenons pas un discours négatif. Il nous semble à tous deux qu'une cure d'amaigrissement n'a jamais fait de mal à personne, car elle peut permettre de réaliser des économies d'échelle et de revenir à une situation plus normale. L'incitation à la performance est généralement suscitée par des difficultés plutôt que par des finances florissantes. En outre, à chaque problème on peut trouver des solutions.

Deuxième difficulté : la baisse des subventionnements publics. Une association financée à plus de 90 % par l'État, les ministères, les régions, l'Union européenne et dont les comptes accusent une baisse de 1 à 10 % de ces financements, comme j'ai pu en voir cette année, est très vite confrontée à des difficultés si elle ne possède pas de fonds propres ni n'a cherché d'autres sources de financement.

S'y ajoutent les retards de paiement. Recevoir fin août ou en octobre une subvention censée contribuer à financer tout l'exercice et que l'on est sommé de restituer si on ne l'a pas intégralement consommée avant le 31 décembre, ce n'est ni correct ni compatible avec l'exigence de qualité de service de la structure.

Ces problèmes financiers résultent de la crise de 2008. Cinq ou six ans plus tard, la trésorerie est complètement asséchée : on est dans le creux de la vague, c'est pourquoi l'année 2013 a été particulièrement difficile.

J'en viens à plusieurs items qui correspondent à des phénomènes de société.

La difficulté des associations à recruter des bénévoles pour renouveler leurs structures dirigeantes résulte, un peu comme dans le cas des maires, du découragement, ou de la crainte qu'inspirent aux bénévoles, quel que soit leur dévouement, les risques associés à ces responsabilités.

La judiciarisation croissante de la société, très connue outre-Atlantique, n'en est qu'à ses débuts en France, ce qui explique que seules 15 % des associations interrogées y voient une source de leurs difficultés. D'anciens bénévoles parviennent aujourd'hui à plaider en justice qu'avec un ordinateur, une carte de visite et une présence de huit à dix heures par jour, ils étaient en réalité salariés. De tels procès obligent les associations à payer des sommes importantes en frais d'avocat et en indemnités et les petites structures ne peuvent s'en relever. Cela met à mal le bel objet associatif qui avait été créé.

La difficulté des associations à garder leurs salariés s'explique par l'écart de salaire de 34 % entre le secteur concurrentiel et le secteur associatif.

Enfin, les contraintes administratives et fiscales sont lourdes. Pour remplir une demande de financement adressée à l'Union européenne, il faut avoir bac plus dix ! Quant à la question de savoir quel taux d'impôt s'applique à tel ou tel placement financier, les banques elles-mêmes, voire les professionnels du chiffre, peinent à y répondre. La sectorisation fiscale implique l'établissement d'une comptabilité analytique et est de manière générale source de complexité.

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