Le secteur associatif rencontre des difficultés en termes à la fois de représentation et de reconnaissance.
Je tiens à rester objectif en ce qui concerne le premier point : vous et nous avons du mal à construire une représentation cohérente d'un secteur qui regroupe aussi bien des associations comptant seulement quelques adhérents que d'autres employant plusieurs centaines de salariés, sans compter la diversité tenant à celle des domaines d'activité : environnement, sport, action sociale, etc. De plus, en ce qui nous concerne, nous avons coutume de distinguer, de façon quelque peu ironique, entre les associations où l'on travaille « avec les autres », celles où l'on travaille « pour les autres »… et celles où l'on travaille « contre d'autres » ! Il n'est donc pas étonnant que, malgré de grands efforts, la Conférence permanente des coordinations associatives (CPCA), devenue le Mouvement associatif, éprouve quelque difficulté à s'exprimer. Et cela d'autant plus qu'il existe deux formes d'associations : celles qui travaillent en réseau – notamment dans les secteurs sportif ou social – et celles qui sont autonomes et qui constituent entre 50 % et 60 % du total.
Puisque leur représentation se révèle délicate, les associations ont un problème de reconnaissance. C'est le souci premier des dirigeants et des bénévoles, qui souhaitent être considérés, non pas pour obtenir gloire et médailles, mais pour ce qu'ils font ou pour ce qu'ils pourraient faire.
Alors que j'étais en fonction au sein d'une chambre régionale des comptes, j'ai pu observer que, depuis des dizaines d'années, on passait à côté d'un effet de levier exceptionnel. Quand on engage 1 000 euros de crédits publics pour une action de l'administration, on en retire en général, dans le meilleur des cas, un bénéfice de 1 000 euros. Quand on aide une entreprise à hauteur de 1 000 euros, sachant développer un investissement, elle le valorisera à 1 200, voire 1 500 euros. Mais quand on confie 1 000 euros à une association, grâce à l'effet de levier du bénévolat, elle en fera au minimum pour deux à trois fois plus. L'exemple de Recherches & Solidarités est à ce titre assez éclairant : nous ne touchons pas de subvention de fonctionnement et nos moyens reposent à 50 % sur le bénévolat.
De ce manque de reconnaissance résulte une double difficulté : d'abord une limitation de l'action qui peut être menée, ensuite l'absence d'encouragement pour les bénévoles – une subvention de 1 000 euros, c'est pour eux du carburant, une incitation à aller plus loin.
Je relève par ailleurs une certaine faiblesse du secteur associatif, surtout lorsqu'il dépend trop fortement de la puissance publique : pour mettre en oeuvre une politique publique ou pour profiter de crédits publics, il risque de dévier de son projet propre, perdant ainsi ses repères au détriment de la continuité de son action.
Il me faut aussi constater deux fractures.
La première est territoriale. Malheureusement, c'est dans les territoires en difficulté que les collectivités disposent des moyens les plus réduits, c'est-à-dire là où, précisément, on a le plus besoin des associations. Les derniers travaux de Mme Tchernonog l'ont bien montré et il conviendrait de trouver des procédures pour remédier à cette situation.
La seconde fracture est sociale. Parmi les adhérents, les bénévoles, les donateurs ou, plus encore, les dirigeants, les catégories socioprofessionnelles favorisées sont – de loin – les mieux représentées. Cela a un aspect positif : l'épanouissement de ces personnes et la mobilisation de leurs compétences. Mais le déficit d'adhésion et d'engagement bénévole parmi les personnes modestes, les jeunes et les femmes nous prive de certaines ressources.
Je terminerai néanmoins par deux notes d'espoir. À la demande du ministère chargé de la vie associative, et avec une aide financière du Fonds pour le développement de la vie associative (FDVA), nous venons d'achever une étude sur l'utilisation du numérique dans les associations. Nous avons constaté qu'elles s'engageaient résolument dans cette voie, avec deux effets positifs. Le premier, immédiat, est que l'information et la mobilisation des citoyens sont facilitées. Le second, différé parce que plus difficile à atteindre, est le développement du bénévolat à distance. L'idée subsiste que l'adhésion à une association implique d'être présent de vingt heures à vingt-deux heures tel jour de la semaine ; or on peut très bien, à distance et en temps non contraint, c'est-à-dire au moment où l'on est disponible, aider une association à reconfigurer son site, à préparer une demande de subvention, etc., même quand on est un cadre surchargé, une jeune mère qui souhaite rester auprès de ses enfants, une personne isolée en milieu rural ou une personne handicapée. Grâce au numérique, toutes ces personnes peuvent bénéficier d'une insertion sociale forte dans le cadre associatif et s'épanouir personnellement.
Le second motif d'espoir est plus délicat à formuler. On compte 24 % de Français engagés bénévolement dans une association, mais seulement 16 % de dix-huit à vingt-cinq ans, non que ces jeunes soient plus indifférents mais parce qu'ils s'impliquent d'une manière plus informelle auprès de leurs amis, dans leur quartier, dans leur village. Il convient sans doute de consentir un effort pour les sensibiliser à la vie associative et pour les accueillir. Les personnes modestes sont également peu représentées parmi les adhérents et les responsables : elles n'osent pas pousser la porte d'une association, de même qu'elles ne poussent pas facilement celle d'une exposition, d'un musée ou d'une salle de spectacle. Cet important déficit peut être comblé. De quel droit, en effet, ces personnes seraient-elles privées de l'épanouissement personnel, de l'enrichissement, de l'acquisition de compétences et du lien social qu'offrent les associations ? En outre, un jeune, une femme, une personne de condition modeste, en adhérant à une association, a proportionnellement beaucoup plus tendance à devenir bénévole. Nous avons donc fait passer aux associations un message qui pourrait passer pour une boutade : ne cherchez plus de bénévoles, vous ne les trouverez pas ou, au pire, vous les prendrez à une autre association ; en revanche, cherchez des adhérents, apprivoisez-les, et ils deviendront des bénévoles, notamment s'ils souhaitent donner du sens à leur vie !