Nous sommes très conscients des limites de nos connaissances et soucieux de rester à notre place. Les différents secteurs – sportif, social, environnemental, etc. – n'ayant pas les mêmes besoins, nous estimons qu'il revient aux représentants du mouvement associatif de proposer des mesures concrètes à partir de nos constats, de nos publications. Par conséquent, si nous dégageons parfois des pistes, nous proposons nous-mêmes rarement des mesures.
Comme vous, nous avons le pressentiment que l'organisation des activités scolaires et périscolaires, en coopération avec les associations, ne peut que renforcer le lien entre l'école et la société, mais également bénéficier aux élèves et aux associations elles-mêmes. Toutefois, nous ne disposons pas d'informations récentes, en tout cas pertinentes, sur le sujet.
Nous avons en revanche une position très précise, monsieur le président, sur la question des outils. Le secteur associatif est aujourd'hui très bien connu dans sa diversité. Nous ne sommes pas beaucoup, parmi les chercheurs, à travailler sur le sujet mais suffisamment nombreux – j'ai cité les travaux de Mme Viviane Tchernonog, mais il y a aussi ceux de Mme Édith Archambault, ceux de M. Lionel Prouteau… – et nous publions nous-mêmes des études régulières. Il faut en finir avec les allégations selon lesquelles on ne connaîtrait pas assez les associations, l'INSEE pouvant faire davantage et mieux. Les données sont assez complètes pour qu'on n'aille pas ennuyer en permanence les associations avec de multiples enquêtes.
Est-il d'une importance planétaire de savoir s'il y a un ou 1,3 million d'associations en France ? On sait qu'il y en a beaucoup et qu'elles sont même bien plus nombreuses qu'on ne peut le savoir, car les associations regroupant quelques amis que la philatélie intéresse ne demanderont jamais rien à personne. Existent en outre des associations de fait : nous pouvons très bien, à l'issue de la présente audition, en constituer une parce que nous aurons envie de réaliser un projet ; elle n'aura pas de personnalité morale, pas de compte en banque, mais cela ne nous empêchera pas d'organiser telle ou telle activité.
Notre connaissance des associations a beaucoup progressé. Fédération Asso 1901 travaille depuis plus de dix ans à un recensement très précis. Son équipe a aujourd'hui couvert près de cinquante départements, procédant de façon systématique et rationnelle : partant de la déclaration de création, elle vérifie l'existence des associations et leur action ; elle élimine celle qui sont dissoutes en leur attribuant une pastille noire ; elle attribue une pastille rouge ou jaune aux associations dont elle doute qu'elles existent encore et une pastille verte à celles dont elle a vérifié qu'elles étaient actives et dont elle connaît très précisément l'objet, la localisation et les coordonnées, y compris électroniques – puisque de nombreuses associations ont des sites ou des blogs. Elle en a ainsi recensé plus de 500 000. Nous travaillons beaucoup avec cette association à but non-lucratif depuis deux ans, car nous estimons qu'elle a mis au point un outil extraordinaire. La reconnaissance, la représentation que nous évoquions tout à l'heure se trouvent là aussi.
Nous travaillons par ailleurs avec Paul Franceschi qui dirige à l'INSEE le secteur chargé des associations. Nous connaissons donc très bien l'emploi, à l'établissement près, au salarié près et à l'euro près grâce aux informations de l'ACOSS, de lURSSAF et de la MSA. Aussi, pour ce qui est de la connaissance du monde associatif, il semble plus intéressant, désormais, de porter nos efforts sur les aspects qualitatifs.
Il est vrai, monsieur Juanico, que l'avalanche de chiffres qui ne concordent pas forcément est quelque peu désespérante. Cependant, forts d'une démarche scientifique avérée puisque notre réseau rassemble des experts et des universitaires, nous sommes formels : nous connaissons exactement le nombre des bénévoles, qui représentent, je l'ai dit, autour de 24 % des Français. Reste qu'il ne faut pas confondre ce nombre et celui des interventions de ces mêmes bénévoles : 40 % d'entre eux sont actifs dans au moins deux associations, comme l'a montré très précisément une enquête menée par France Bénévolat, Recherches & Solidarités et l'IFOP en 2013 comme en 2010.
Cette enquête a mis en évidence qu'il ne fallait pas confondre les bénévoles intervenant d'une manière très utile, mais ponctuelle, et ceux qui interviennent régulièrement, formant la colonne vertébrale du secteur associatif. Au moins 85 % des associations n'ont pas de salariés et fonctionnent donc exclusivement grâce à cette ressource humaine. On sait que 10,5 % des Français sont engagés vraiment dans une association tandis qu'ils sont environ 15 % à donner du temps gratuitement sans se considérer comme bénévoles, estimant se borner à « donner un coup de main » – aussi une enquête demandant aux personnes interrogées si elles sont bénévoles serait-elle biaisée dès le départ ; c'est pourquoi toutes les enquêtes sérieuses en la matière évoquent le don de temps gratuit. Dès lors, la proportion de 24 % précédemment mentionnée passe à un peu plus de 30 % de personnes intervenant de manière informelle dans une école, auprès d'une mairie, d'une église, dans le cadre d'un syndicat ou d'un parti. Nous maîtrisons parfaitement ces chiffres.
Nous regrettons ainsi les annonces gouvernementales – et quel que soit le Gouvernement en question – qui pourraient laisser penser au dirigeant de terrain qu'il est mauvais parce qu'il n'arrive pas à recruter alors qu'il y a de plus en plus de bénévoles. Il convient de rectifier ce discours et de bien préciser que la ressource humaine n'est pas inépuisable et que les bénévoles intervenant régulièrement sont au nombre de 4,5 millions seulement.
Parmi les bénévoles qui interviennent à un rythme hebdomadaire, à savoir une grande part de dirigeants, un peu plus de 30 % ont plus de soixante-dix ans – c'est très positif en termes de lien social pour eux et d'utilité sociale pour les autres. Bien entendu, il ne faut rien changer à cela. Il faut simplement attirer les autres tranches d'âge dans les associations.
Les jeunes ont une grande soif de responsabilités. Ils ont compris depuis longtemps que l'engagement bénévole valait au moins un stage pratique dans leur CV. Il faut par conséquent les encourager dans cette voie, inciter les associations à les accueillir. Il est du reste possible qu'ils « se fassent la main » au sein des associations existant dans le milieu scolaire et universitaire – foyers, associations sportives… L'idée d'organiser le même genre de stages que ceux réalisés au sein des entreprises me paraît excellente – nous n'y avions pas pensé. Enfin, on peut très bien encourager les établissements d'enseignement supérieur à valoriser l'engagement bénévole jusque dans les diplômes. J'avais moi-même cherché à introduire une telle mesure, au titre du ministère de l'enseignement supérieur, pour certains DUT où la pratique d'une responsabilité bénévole valait quelques points supplémentaires.
Vous avez raison de souligner qu'en matière de financements, il ne faut rien oublier. L'incitation fiscale que vous mettez en avant représente en effet des sommes non négligeables et qui ont du reste très fortement augmenté, grâce à une hausse continue du taux de réduction d'impôt. Mais on ne parle quasiment jamais de tous les moyens mis à disposition par les collectivités : mise en place de services communs, aide à l'organisation de manifestations, mises à disposition de salles et parfois de personnel – le réseau national des maisons d'associations a accompli un très bon travail de mutualisation.
Quand on observe la proportion d'emplois associatifs dans l'ensemble du secteur privé, on voit qu'elle passe de 30 % en Lozère à 5 % dans les Hauts-de-Seine. Ce n'est donc pas le numérateur mais bien le dénominateur qui change tout : dans une région où le système économique est quelque peu défaillant, le secteur associatif joue un rôle proportionnellement beaucoup plus important, dans la limite de ses moyens bien entendu. En revanche, on ne relève aucune différence entre territoires urbains et territoires ruraux, même si, sur certains sujets, on note un léger écart en faveur des seconds du fait de la proximité qui y prévaut et de réflexes de solidarité – les associations compensant parfois un véritable désert économique et le manque de services. Si, de ce point de vue, le secteur rural est plus animé, le secteur urbain souffre de l'anonymat lié à la vie en ville et du problème des transports – l'intervention en ligne a ses limites et le temps consacré aux trajets quotidiens l'est au détriment de l'investissement dans une association.
En ce qui concerne la formation, les dirigeants et les bénévoles en général, s'ils sont toujours aussi militants et ont toujours autant le souci d'être utiles, nourrissent de plus en plus l'ambition de réaliser un projet et se mobilisent donc beaucoup plus sur celui-ci que durablement pour une cause. Aussi sont-ils immédiatement conscients des compétences nécessaires. Nous avons observé qu'une très large part d'entre eux – quel que soit leur âge – souhaitaient recevoir formations et conseils. C'est très encourageant.
Il existe deux formes de concurrence. Celle qui oppose les secteurs lucratif et associatif n'est pas forcément malsaine à condition que les pratiques du secteur lucratif s'appuient sur une déontologie convenable – on le voit pour la petite enfance, pour l'aide à domicile. Nous travaillons d'ailleurs chaque année avec l'Union nationale interfédérale des oeuvres et organismes privés sanitaires et sociaux (UNIOPSS) sur ces sujets – au passage, je vous informe que le secteur de l'aide à domicile a perdu 7 % de ses emplois depuis 2010. En revanche, la concurrence entre certaines associations peut poser problème : la constitution d'une association dans le but de contrebalancer l'action d'une autre peut se révéler stérilisante.
Nous n'avons pas d'informations très précises sur le secteur de l'insertion, madame Fabre, si ce n'est qu'il a perdu de nombreux emplois au fil des années.