Merci du soutien que vous apportez aux victimes. Si, sur ces sujets, qui ont déjà fait l'objet de nombreux rapports, nous avons tenu à effectuer beaucoup d'auditions, et parfois à entendre de nouveau certaines personnes interrogées au Sénat, c'est parce que la situation évolue sans cesse, et que rien ne stimule autant la réflexion qu'un échange direct.
Le 11 juillet, Mme la garde des sceaux a effectué un bilan sur l'état des procédures en cours. À la suite de la décision du Conseil constitutionnel, six des quatre-vingts enquêtes préliminaires ont été classées, et l'abandon de l'action publique a été prononcé dans deux informations judiciaires sur dix-neuf, sachant que huit requalifications avaient déjà été engagées. Sur les seize affaires en cours d'audiencement, treize pourront être requalifiées. Enfin, sur les quinze affaires parvenues à l'audience depuis la décision du Conseil constitutionnel, quatre se sont soldées par une extinction de l'action publique. Pour les autres, des requalifications ont pu être établies.
En ce qui concerne le droit comparé, les dispositions réprimant le harcèlement sexuel figurent dans le code pénal en Espagne et en Belgique mais, dans les autres pays d'Europe, dans les lois relatives à la lutte contre les discriminations et à la promotion de l'égalité. Pour définir le délit, la plupart des pays de l'Union européenne se sont écartés du droit communautaire, à l'exception du Danemark, qui a repris intégralement les termes de la directive du 5 juillet 2006.
Loin de diminuer les possibilités d'incrimination, l'expression « dans le cadre des relations de travail » devrait au contraire les étendre, puisque la jurisprudence estime qu'un salarié est considéré comme tel où qu'il soit, tant sur son lieu de travail que, par exemple, le dimanche, à la piscine. La Chancellerie nous l'a confirmé.
La condamnation à deux ans d'emprisonnement pour harcèlement sexuel a souvent été jugée trop faible, comparée aux trois ans qui sanctionnent le vol d'un portable, mais, sur ce point, la réflexion doit s'inscrire dans le cadre d'une révision globale de l'échelle des peines, qui dépasse le cadre de notre réflexion. À mon sens, la vraie question est de savoir s'il faut sanctionner de trois ans d'emprisonnement le vol d'un portable.
Laurent Marcangeli a souligné à juste titre la difficulté d'apporter des preuves en matière de harcèlement. Quatre-vingts à quatre-vingt-dix condamnations sont prononcées par an, ce qui est fort peu, le nombre de plaintes enregistrées étant très inférieur à celui des faits. Le risque de déqualification en harcèlement d'une agression sexuelle ou d'une tentative de viol est souvent soulevé par des associations, mais, sur ce point, les magistrats m'ont convaincue. Si l'on déqualifie les faits, c'est non pour alléger la sanction, mais afin de prononcer une peine, lorsque la condamnation pour viol ou agression sexuelle ne peut intervenir, faute de preuve.
L'âge de quinze ans, qui correspond à la majorité sexuelle, a été retenu dans un souci de cohérence du code pénal. De plus, la circonstance aggravante d'abus d'autorité sera retenue en cas de harcèlement d'un mineur entre quinze et dix-huit ans.
Quant à savoir, monsieur Vercamer, si le délai de prescription doit commencer au moment des faits ou à la cessation du contrat de travail, le problème n'a pas été abordé lors des auditions. Je vous livre la réponse de la garde des sceaux à Mme la sénatrice Muguette Dini, auteure d'un amendement rejoignant votre proposition :
« Notre souci, dans ce texte, est de créer les conditions pour que la victime soit le plus rapidement possible en capacité de porter plainte, plutôt que de lui octroyer, presque ad vitam aeternam, un délai pour agir en justice. En effet, pour cette infraction en particulier, plus il s'écoule de temps après les faits, plus il sera difficile de rassembler des preuves et de trouver des témoins.