Jamais on ne l’envisage de cette manière.
On nous parle d’une identité linguistique, mais celle-ci n’existe pas, je puis en témoigner, à Soissons. En réalité, la plus grande partie de l’Aisne regarde plus naturellement vers Champagne-Ardenne, grande région agricole comme elle. Les études universitaires se font à Reims. Rejoindre Amiens depuis Soissons demande deux heures de route ; ou alors, il faut retourner à Paris pour prendre le train. Ainsi « périphérisée », une région comme le Soissonnais le deviendrait doublement avec le rattachement de la Picardie au très lointain Nord-Pas-de-Calais.
Mais je ne veux pas plaider pour une solution qui ne concernerait que mon territoire. Je comprends très bien que des arguments symétriques puissent être opposés à ceux que j’avance ; je demande seulement que les autres élus picards prennent conscience que ces arguments sont réversibles. Je comprends, de même, que la Somme voie les plus graves inconvénients, pour des raisons tenant notamment à la distance, mais aussi à sa vocation, à se rapprocher de Champagne-Ardenne. C’est pourquoi je disais que la situation picarde illustre un cas d’aporie et montre les limites de la conception que le Gouvernement a de la réforme territoriale.
Je suppose qu’en définitive, la nouvelle région formée avec la Picardie comprendra aussi le Nord-Pas-de-Calais, et je le regrette. Mais même en cas de fusion avec Champagne-Ardenne, un problème se serait de toute façon posé, qui concerne d’ailleurs l’ensemble de la réforme : celui du destin des territoires périphériques, c’est-à-dire des territoires déjà situés à la périphérie d’une région et qui se retrouveront, je l’ai dit, doublement « périphérisés ». Il faudra bien traiter cette question, et cela risque de coûter cher.
L’alternative, je l’avais proposée en discussion générale : elle réside non dans des découpages plus ou moins arbitraires – et parfois extrêmement difficiles, comme dans le cas picard –, mais dans une vraie coopération interrégionale. Trouvez-nous des projets, monsieur le ministre, et nous définirons, grâce à la coopération interrégionale, les bons périmètres pour les réaliser. Mais de grâce, ne définissons pas de périmètres sans avoir construit les projets.