Je ne reviendrai pas sur les conditions dans lesquelles nous travaillons. Ceux qui, un jour ou l’autre, examineront les conditions dans lesquelles nous aurons redessiné la carte des régions françaises, ne seront pas très rassurés à la lecture de nos travaux : je voudrais que nous y réfléchissions un instant.
Deuxièmement, vous avez choisi, en quelque sorte, de bloquer cette discussion : certes, nous pouvons intervenir tout au long de la nuit, mais nous terminerons par un vote. Là encore, une fois que chacun aura présenté ses arguments – ce qui est bien normal –, une fois que la représentation nationale sera, selon la formule consacrée, suffisamment éclairée par les réponses des ministres, aura-t-on fait oeuvre utile ?
Une carte territoriale, l’organisation d’un territoire, ce n’est pas rien ! Nous avons tous le mot compétitivité à la bouche, en particulier ces dernières semaines. À cet égard, je suis un peu déçu que nous ne discutions pas des compétences et de la puissance que nous voulons donner aux nouvelles régions. Ces aspects devraient être au coeur de nos débats. Il ne s’agit pas seulement de prendre un crayon pour dessiner de telle ou telle manière la carte des territoires de demain.
Le Président de la République et le Premier ministre ont présenté cette réforme comme la mère de toutes les réformes. Pourtant, j’ai vraiment le sentiment que nous arriverons à une carte à treize ou quatorze régions. Je vous ai interrogé, monsieur le ministre, dans mon intervention au cours de la discussion, sur la place de l’État dans tout cela. Que deviendront les compétences de l’État ? Prenons l’exemple de la formation professionnelle et de l’apprentissage. Dès 2004, la loi a confié cette compétence aux régions. Y aura-t-il des évolutions significatives pour que les régions montent en puissance dans le domaine économique ? Oui ou non, l’État sera-t-il au rendez-vous, et sous quelle forme ? Vous le savez très bien : les compétences en matière de formation professionnelle, d’apprentissage, sont émiettées.
Une autre compétence n’est pas assez assumée : le développement économique. Je le vois pour la région Centre, que je connais bien. Sur 1 milliard d’euros de budget, 50 millions d’euros seulement sont consacrés au développement économique, c’est-à-dire le dixième du montant consacré au même objectif par l’ensemble des collectivités du territoire régional. C’est là qu’il faut essayer de rassembler les forces, de créer des synergies. Ces forces, ces synergies, pourront apparaître dans des régions si l’État leur transfère beaucoup plus de pouvoirs.
Certains disent : il faut agrandir les régions pour qu’elles soient fortes. C’est faux. D’ailleurs, selon la carte que vous nous présentez, certaines régions ne changeront pas de taille tandis que d’autres s’agrandiront. Jean-Patrick Gille l’a très bien dit il y a quelques instants.
Pour ma part, je trouve que la carte dont nous discutons – je l’ai d’ailleurs dit à M. le rapporteur – a plus de sens que la première qui a été publiée. Chacun est d’accord sur ce point ! Il reste quelques anomalies : c’est le rôle du Parlement de les corriger, Jean-Patrick Gille a eu raison de le dire. Notre travail de parlementaire est de réaliser ces modifications, car nous aussi nous représentons les territoires, nous connaissons le monde de l’entreprise et les forces vives de l’économie locale. Nous sommes capables de porter, tous ensemble, une ambition.
Ce projet de loi suscite en moi une certaine déception, au-delà des conditions dans lesquelles se déroulent nos travaux et au-delà des incertitudes quant aux transferts de compétences de l’État. Il faut poser la question du financement des nouvelles régions. En effet, c’est bien beau de parler de tout cela, mais avec quels financements nos régions pourront-elles relever les défis et devenir plus puissantes, alors que la compétition fait rage avec les pays qui nous entourent ?
Je m’interroge sur un troisième sujet, qui a été évoqué tout à l’heure par Barbara Pompili : le sentiment des populations. Attention à la frustration qu’elles peuvent ressentir au moment où les cartes sont publiées ! Dans ma région, le Centre, cela a été la stupeur. Au début, on voulait nous marier avec les régions Poitou-Charentes et Limousin : vous imaginez quelle fut la déflagration ! Nous avons commencé à corriger cela, mais les citoyens continuent à nous interpeller en nous disant : « On nous prend pour qui ? Avec qui veut-on nous mettre ? On ne nous consulte en rien ! »
Je ne suis pas favorable à ce que l’on consulte les populations des différentes régions les unes après les autres pour définir les nouvelles régions, mais il faut au moins que la copie soit présentable ! Sinon, elle ne peut même pas être corrigée.
Pour terminer, je ferai un plaidoyer pour le Val-de-Loire. Michel Piron a très bien expliqué tout à l’heure comment les Pays de la Loire se sont constitués seuls. Il a tenu un discours très structuré, comme à son habitude.