Intervention de Carlos Da Silva

Séance en hémicycle du 18 juillet 2014 à 15h00
Délimitation des régions et modification du calendrier électoral — Article 3

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCarlos Da Silva, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République :

J’en ai conclu la même chose, cela me paraissait impossible.

J’ai regardé ensuite ce qui se passait pour d’autres types de collectivités et, notamment, ce qui pourrait nous inspirer, tout ce qui concerne l’intercommunalité.

Laissons d’abord de côté les métropoles et les communautés urbaines, les communes et les villes qui en font partie n’ayant aucune possibilité de les quitter. C’est donc un verrou assez définitif, convenons-en.

Pour une communauté d’agglomération ou une communauté de communes, il faut d’abord l’accord du conseil municipal concerné, c’est bien le moins, mais également l’accord à la majorité qualifiée des deux communautés de communes ou communautés d’agglomération, représentant chaque fois soit deux tiers des communes et la moitié de la population, soit la moitié des communes et les deux tiers de la population. C’est donc également particulièrement verrouillé.

J’ai regardé aussi ce qui avait été décidé dans une loi souvent évoquée depuis le début de nos débats, la loi MAPAM, sur l’affirmation des métropoles, notamment sur un sujet qui m’a beaucoup intéressé et sur lequel j’ai beaucoup travaillé, la métropole du Grand Paris et ses franges comme on les a appelées.

Quel choix a-t-on fait ? Les éléments du débat étaient les suivants : des communes et des communautés d’agglomération, essentiellement limitrophes du Grand Paris ont pu, assez logiquement, souhaiter rejoindre cette métropole,composée des quatre départements de Paris, du Val-de-Marne, des Hauts-de-Seine et de la Seine-Saint-Denis. Quelle a été la position du législateur ? Il a approuvé les règles en vigueur en vertu desquelles, avant qu’une commune ne puisse éventuellement rejoindre la métropole, il faut évidemment remplir des conditions de continuité territoriale, mais aussi recueillir un avis positif de la communauté d’agglomération concernée.

Je remercie le président Urvoas de ses propos extrêmement modérés et constructifs, qui inscrivent dans le temps le travail que nous sommes en train d’accomplir. J’ai entendu beaucoup de députés car, vous l’avez bien vu, nous ne sommes plus dans un débat tout à fait classique : l’ensemble des députés UMP n’ont pas une position ferme et définitive, pas plus que nos collègues des groupes UDI et RRDP ; peut-être est-ce plus simple, en tout cas cet après-midi, s’agissant des collègues écologistes. Enfin, chacun aura pu noter la diversité des positions au sein du groupe SRC.

Aussi, le point d’équilibre qui m’est apparu le plus juste consistait à proposer que nous retirions la possibilité de recourir au référendum. Pour trancher le débat qu’a évoqué notre collègue sur les relations unissant le haut et le bas, nous avons souhaité renoncer temporairement à cette faculté, en considérant qu’il fallait respecter les élus locaux et en tenant compte du fait que le législateur ne disposait peut-être pas de toute la connaissance nécessaire. Ainsi, le recours au référendum pourrait-il être suspendu pendant trois années, une fois que les prochaines élections régionales se seront déroulées. Pourquoi cela aura-t-il lieu à l’issue de ces élections ? Parce que cette mesure pourrait ainsi s’inscrire dans le cadre du débat politique préalable aux élections.

Lorsqu’un département souhaite changer de région de rattachement, l’accord du conseil départemental de ce dernier, ainsi que des deux conseils régionaux concernés, sera requis. Pourquoi cette approbation devra-t-elle se faire à la majorité des trois cinquièmes ? Il ne s’agit pas d’apposer un verrou ni d’opposer un veto, mais d’éviter qu’une formation politique ne puisse prendre la décision à elle seule, notamment dans les départements, où les choses ont peu évolué malgré l’introduction du scrutin binominal avec une prime majoritaire, à l’image de ce qui existe dans les conseils régionaux. Il s’agit que chacun puisse donner son avis.

J’ajoute que ce ne sont pas seulement des territoires qui souhaitent changer de région de rattachement, ce ne sont pas uniquement nos concitoyens qui, représentés par leurs élus départementaux et régionaux, font ce choix : ce sont aussi des collectivités constituées, qui ont travaillé pendant plus de trente années, après que l’État eût lui-même travaillé dans ces circonscriptions d’action régionale.

Au-delà de ce travail et des agents concernés, cela met aussi en lumière l’existence d’actifs et d’un passif. Par ailleurs, alors que nous devons respecter le principe constitutionnel d’égalité de nos concitoyens devant le suffrage, se pose également la question du nombre des élus : dans le cadre des élections régionales, les circonscriptions, comme la loi le prévoit aujourd’hui, sont de dimension régionale ; les élus sont répartis département par département. Aussi, le fait, pour un département, de changer de région de rattachement produit des conséquences justifiant que le législateur détermine combien il y aura demain d’élus régionaux, dans l’ensemble de la région, et comment ils seront répartis par sections départementales. Il ne s’agit donc pas seulement de volonté politique : il y a un travail, une histoire. J’en reviens à l’esprit de la réforme, telle qu’énoncée par le Président de la République, le Premier ministre et le ministre de l’intérieur, qui ont souhaité commencer par regrouper des régions existantes.

À ce stade du débat – je ne parle pas seulement du débat d’aujourd’hui, ni même de cette lecture à l’Assemblée – il m’est apparu que, bien qu’imparfait, bien que ne satisfaisant pas tout le monde, le point d’équilibre auquel nous étions parvenus permettait d’avancer par rapport à la situation actuelle.

Je suis conscient que nos débats ne peuvent être définitifs ; le président de la commission des lois a justement parlé du caractère évolutif de notre République. Notre proposition de carte a été votée, ce matin, par de nombreux députés de la majorité comme par des députés de l’opposition. Il était important de nous laisser réfléchir à sa construction. J’ai souhaité, alors que ce n’était pas ma conviction première, que soit réintroduite l’idée que des régions puissent fusionner. Je présenterai tout à l’heure un amendement relatif à cette question. Il faut en effet être conscient qu’un certain nombre de choses ne peuvent se faire aujourd’hui et ne pourront peut-être pas être concrétisées d’ici l’achèvement de la navette parlementaire sur ce texte. Mais la fusion entre régions doit être rendue possible, car les choses peuvent mûrir à mesure que ces nouvelles régions se constituent.

Sans doute ai-je été trop long mais je pense avoir peu usé, jusqu’à présent, de mon temps de parole – pourtant illimité, ce qui est assez rare pour être signalé dans le cadre d’un temps programmé. J’ai souhaité expliquer quel avait été mon choix et à quelle lumière il avait été éclairé. Je voulais également faire part de ma conviction selon laquelle il s’agit d’un point d’équilibre, certes temporaire, comme toujours dans la vie politique de notre République, mais, à mes yeux, le plus respectueux qui soit de la diversité des positions des uns, des unes et des autres.

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