Cosigné par huit des dix députés des départements de la Savoie et de la Haute-Savoie, cet amendement fait suite à l’initiative que nous avons prise avec Christian Monteil, le président du conseil général de la Haute-Savoie, de proposer la création d’une collectivité territoriale Savoie-Mont-Blanc dans le cadre de l’article 72 de la Constitution.
La Savoie remonte à la plus haute Antiquité, comme aurait pu l’écrire l’Auvergnat Alexandre Vialatte. Dans la période contemporaine, elle a été française à deux reprises : de 1792 à 1815 et depuis 1860. Lors de la première période, la province de Savoie a pour l’essentiel été administrée dans le cadre d’un département qui portait le nom du Mont-Blanc. Lorsque la Savoie est redevenue française en 1860, deux départements ont été créés : la Savoie et la Haute-Savoie.
Depuis cette époque et surtout depuis la décentralisation de 1982, les deux départements ont, de manière croissante, travaillé ensemble. La proposition qui vous est soumise est née de l’annonce qui a été faite d’une réforme territoriale profonde.
Les deux départements savoyards appartiennent à la région Rhône-Alpes. Je le dis d’emblée : cette proposition ne tend pas à les en faire sortir. Compte tenu de la création plus que probable de la très grande région Rhône-Alpes-Auvergne, et dans un secteur composé de plusieurs villes d’une certaine importance mais dépourvu de métropole, il nous semble toutefois qu’il est nécessaire de disposer d’un échelon de proximité. Nous avons donc pensé que l’article 72 de la Constitution, déjà utilisé pour créer la collectivité rassemblant le Grand Lyon et le département du Rhône, pouvait être utilisé pour créer cette collectivité à statut particulier.
Au cours du débat, monsieur le ministre, nous avons fait le tour de l’ensemble des provinces de France. « La France se nomme diversité », écrivait Fernand Braudel que l’on cite souvent à tort et à travers. Les pays de Savoie participent de cette diversité.
Si la réforme, telle que vous nous la proposez, est adoptée dans son épure initiale, les Pays-de-Savoie disparaîtront puisqu’il n’y aura plus aucun centre de décision autonome, ni à Chambéry, ni à Annecy – ce qui est d’ailleurs contraire à l’esprit des lois de décentralisation de 1982.
C’est la raison pour laquelle nous faisons cette proposition. Nous sommes aujourd’hui en première lecture et j’ai bien conscience que cette proposition doit être affinée dans la concertation. En ce qui concerne le régime électoral que nous pourrions mettre en place, notre amendement propose de maintenir le régime électoral de droit commun tel qu’il est issu de la dernière loi réformant le scrutin pour les élections départementales.
Quant aux compétences, il nous paraît évident que certaines d’entre elles doivent être exercées à l’échelon régional. Je pense notamment aux transports, qu’ils soient ferroviaires ou routiers, car il semble que, dans la future loi sur la répartition des compétences, la région deviendra, au côté de l’État, l’autorité organisatrice de droit commun des transports. Je pense également à l’éducation, à l’emploi et à la formation : le fait que les collèges et les lycées soient gérés au niveau régional, ainsi que la formation professionnelle, nous semble une très bonne chose.
Nous voulons néanmoins garder, dans l’enceinte territoriale des Pays-de-Savoie, la maîtrise d’un certain nombre de politiques. Je pense en particulier à la politique de développement économique sous tous ses aspects, qu’il s’agisse de soutien aux entreprises, de l’agriculture de montagne ou du tourisme. Ce sont d’ailleurs des compétences que nous exerçons déjà en très bonne harmonie avec la région Rhône-Alpes et, de ce point de vue, la création d’une telle collectivité territoriale ne changerait pas grand-chose à la situation actuelle.
Je terminerai mon propos par une dernière remarque. Les femmes et les hommes de ces départements ont construit patiemment, depuis des décennies, notamment depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, un modèle de développement économique, social et culturel original. Nous avons la conviction qu’un certain nombre de réalisations et de caractéristiques de nos Pays-de-Savoie n’existeraient pas aujourd’hui si des initiatives n’avaient pas été prises localement, depuis Chambéry et Annecy.
Au demeurant, la philosophie de la décentralisation de François Mitterrand était de faire confiance à l’inventivité territoriale. Nous voulons garder cette capacité de création, d’inventivité et d’initiative, parce que si, demain, des structures délibératives disparaissaient dans nos Pays-de-Savoie Mont-Blanc pour être transférées dans une grande assemblée qui réunirait Rhône-Alpes et l’Auvergne, avec beaucoup moins de décideurs, il n’en serait pas de même.
Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, nous vous faisons cette proposition. Nous avons conscience que nous devons travailler ensemble et que nous allons, dans les semaines qui nous séparent de la prochaine lecture de ce projet de loi, d’abord au Sénat puis à l’Assemblée nationale, affiner ces propositions.
Nous vous avons entendu au Sénat, ici en commission des lois, et dans cet hémicycle. Vous avez dit à plusieurs reprises que le Gouvernement mettait sur la table un projet de réforme territoriale global, la première phase étant le redécoupage territorial, la seconde visant à la disparition programmée des départements tel qu’ils existent aujourd’hui.
Vous avez entendu la position d’un certain nombre d’élus en France – dont beaucoup appartiennent à votre majorité –, élus de secteurs ruraux ou montagnards, dans lesquels il n’y a pas de fait métropolitain. C’est dans l’état d’esprit qui semble vous animer que nous vous faisons cette proposition. Chers collègues, nous vous remercions par avance de la soutenir.