Intervention de Gérard Rameix

Réunion du 16 juillet 2014 à 17h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Gérard Rameix, président de l'Autorité des marchés financiers :

L'Autorité des marchés financiers – AMF – agit pour la protection de l'épargne. Notre premier défi consiste à rendre aux épargnants individuels la confiance qu'ils ont perdue après la crise du système financier. Le rebond du cours des actions, très marqué depuis deux ans, puisqu'il a atteint 12 % en 2012 et 18 % en 2013, leur a peu profité, car ils ont désinvesti en actions. Nous avons conduit environ 10 000 échanges, aux deux tiers avec des particuliers, pour répondre à des questions qui nous étaient adressées. Par ailleurs, notre médiatrice a traité près de 1 000 dossiers et a réussi, dans un grand nombre de cas, à rapprocher le point de vue des deux parties. Nous avons également multiplié les alertes pour des offres que nous jugions dangereuses – soit des placements sur le marché des changes, le Forex, qui présentent des risques très élevés pour des épargnants individuels, soit des offres atypiques pour lesquelles la protection de l'épargnant s'avère défaillante.

L'AMF joue le rôle de régulateur du secteur de la gestion d'actifs, très important en France, puisque les encours des organismes de placement collectif en valeurs mobilières – OPCVM –, à savoir les sociétés d'investissement à capital variable et les fonds communs de placement, représentaient plus de 1 300 milliards d'euros à la fin de l'année 2013, soit un niveau comparable à celui atteint un an auparavant. Une quarantaine de nouvelles sociétés de gestion agréées sont apparues l'année dernière, ce qui montre le dynamisme des professionnels malgré le contexte difficile et l'aversion des particuliers pour le risque.

Nous avons lancé la mise en oeuvre de la directive sur les gestionnaires de fonds d'investissement alternatifs – dite AIFM – qui touche les hedge funds comme les fonds de capital développement. La directive a retenu un modèle proche du français avec une forte protection du rôle des dépositaires. De la même façon, nous nous trouvons dans la phase de déploiement de la directive EMIR – European market infrastructure regulation –, instrument de régulation majeur conçu par les réunions du G20 ayant suivi la faillite de la banque Lehman Brothers. Elle vise à introduire progressivement des règles pour l'utilisation des dérivés dits OTC – over the counter –, c'est-à-dire échangés de gré à gré, comme des appels de marges, des chambres de compensation, voire des plateformes de transactions, afin de créer un univers plus sûr. Nous avons franchi des étapes importantes avec nos partenaires européens rassemblés dans l'Autorité européenne des marchés financiers – ESMA –, puisque les transactions doivent être dorénavant rapportées dans des référentiels centraux de données – les trade repositories – et que le début de l'année 2015 verra le passage à la compensation obligatoire. On soumet donc cette énorme masse financière, porteuse de risques, au respect de règles plus protectrices.

L'AMF assume également la mission d'information financière en enregistrant tous les documents déposés à l'occasion des levées de fonds, des introductions en bourse et des rapprochements d'entreprises ; l'AMF régule les offres publiques et les fusions. Depuis l'automne dernier, le marché est bien reparti, cette tendance étant confirmée par l'accélération constatée au premier semestre 2014. Ainsi, en matière d'obligations, 80 milliards d'euros ont été levés en dettes destinées aux entreprises au cours des six premiers mois de l'année, soit 20 % de plus que le montant constaté sur la même période en 2013. Sans compter les introductions de nouvelles sociétés, 7,5 milliards d'euros ont été levés en actions contre 5,4 milliards d'euros pour l'ensemble de l'année 2013. De même, vingt introductions avaient eu lieu en 2013 – pour un montant total représentant environ 1,5 milliard d'euros – alors que trente ont déjà été réalisées lors du premier semestre de cette année, pour un montant global approchant les 5 milliards d'euros. Un changement de rythme s'est donc opéré pour les levées de fonds. Espérons que cette tendance repose sur l'anticipation par les marchés d'une reprise de l'économie. Nous avons également exercé notre fonction de régulation des opérations de restructuration et de rapprochement d'entreprises.

Notre activité répressive fut également soutenue en 2013 : nous avons effectué cent quarante contrôles et enquêtes, rendu vingt-sept décisions de sanctions représentant plus de 30 millions d'euros et conduit cinq transactions de « composition administrative » pour 760 000 euros.

Nous sommes aujourd'hui plus optimistes que l'année dernière. Nous devons bâtir un système financier plus sûr, se consacrant davantage à sa mission réelle, qui est de financer l'économie et d'offrir aux investisseurs des produits reposant sur un rapport plus transparent entre le rendement et les risques. Nous devons consolider les avancées obtenues par la France dans les négociations européennes sur la directive sur les marchés d'instruments financiers (MIF) 2 qui a pour objet d'organiser les marchés financiers en Europe : des progrès ont été accomplis pour l'accroissement de la transparence des marchés, notamment par la limitation du trading à haute fréquence. Nous travaillons avec nos partenaires au sein de l'ESMA pour consolider ces améliorations.

Nous essayons de maintenir des équipes de qualité à l'AMF, car elle doit faire face à l'augmentation des tâches que lui confient de nouveaux textes sur la régulation bancaire ou sur celle des matières premières. Nous devons maîtriser nos dépenses et rétablir l'équilibre budgétaire, puisque nous avons accusé un déficit de 6 millions d'euros en 2013, à rapporter à nos 91 millions d'euros de charges.

Il convient enfin d'engager une réflexion sur le dispositif répressif qui repose sur un double niveau de sanctions : elles peuvent être administratives, imposées par la commission des sanctions – le rôle du collège que je préside étant de notifier les griefs sur le fondement des rapports d'investigation établis par les services – et constituées de pénalités financières relativement élevées par rapport aux normes des tribunaux, mais bien inférieures à celles qui sont prononcées dans les pays anglo-saxons ; elles peuvent également être pénales en cas d'abus de marché – manipulation de cours, utilisation d'informations privilégiées ou diffusion de fausses informations. La Cour européenne des droits de l'homme menace ce dualisme en estimant que l'un ou l'autre régime de sanctions peut être appliqué à un cas, mais qu'ils sont exclusifs l'un de l'autre.

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