…et pour cause. Le coût du travail ne figurait pas précisément parmi vos préoccupations, le Président de la République ayant fait campagne sur les emplois aidés et l’inversion de la courbe du chômage. On voit bien, hélas, où cette politique a mené la France.
En dépit du temps perdu, nous saluons le revirement du Gouvernement sur la question du coût du travail. L’amplification des allégements Fillon, la baisse des cotisations patronales familiales et les allégements de C3S vont dans le bon sens.
Quelques remarques tout de même sur l’article 1er.
La réduction dégressive des cotisations salariales nous paraît positive, parce qu’elle entraînera une amélioration du pouvoir d’achat des revenus modestes en lien avec leur travail, et nous nous réjouissons de ce dispositif. En effet, nous le savons tous, une augmentation substantielle du SMIC se paierait en disparitions d’emplois et baisses de croissance. Nous ne pouvons aucunement nous le permettre.
Par ailleurs, comme vous refusez systématiquement tout retour aux exonérations de charges sur les heures supplémentaires, il ne reste plus que ce levier des allégements de cotisations salariales en général pour redonner de l’oxygène aux ménages modestes.
Toutefois, nous avons une interrogation sur le dispositif et son application.
Plutôt que d’abaisser les cotisations de manière uniforme par tranche, vous choisissez d’instaurer de la progressivité au sein des cotisations pour les salariés rémunérés entre 1 et 1,3 SMIC. Nous nous permettons de vous interroger sur la conformité de cette mesure avec la Constitution. Non seulement la progressivité a pour effet de plaquer une logique fiscale sur les cotisations sociales, mais, surtout, elle étiole le lien entre le prélèvement et la prestation. Clairement, les salariés concernés vont « sous-cotiser » et garder malgré tout le même niveau de couverture sociale. Il y a là matière à interrogation, même si, nous le répétons, nous approuvons le principe d’un allégement de charges sociales salariales sur les bas salaires.
Les baisses de charges patronales, soit la mesure « zéro charge URSSAF », les baisses de cotisations famille et le premier allégement de C3S, nous en approuvons bien entendu le principe. C’est d’ailleurs pourquoi nous continuerons de voter les articles 1er, 2 et 3, comme nous l’avons fait en première lecture.
Toutefois, j’aurai deux interrogations, qui ne sont pas nouvelles dans notre débat. Elles sont même en passe de devenir un vrai refrain, qui ne semble pas pour autant trouver grâce à vos oreilles. Je prendrai donc la peine de renouveler nos propos.
Nous nous inquiétons de la capacité du Gouvernement à tenir sa promesse en matière de financement. Nous savons bien que, sous la contrainte de l’article 131-7 du code de la Sécurité sociale et des amendements de M. Bapt à l’annexe A, vous allez compenser ces baisses de charges à l’euro près. C’est la loi. La question n’est pas de savoir si vous allez compenser ces pertes de recettes mais comment vous comptez le faire.
Il ne suffit pas de se cacher derrière l’article 131-7 ou de brandir les tableaux d’équilibre de l’annexe A pour convaincre votre opposition. La réalité, c’est que vous n’avez donné aucune piste concrète de financement en dépit de nos nombreuses interrogations et, comme l’a souligné notre rapporteur au cours des débats, la question du financement, en vertu de l’obligation de compensation, se pose de manière bien plus aiguë pour le budget de l’État que pour le budget de la Sécurité sociale. Il est donc a priori faux de penser que vous dégagerez des pistes de financement à l’occasion du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2015 comme vous le répétez dans l’ensemble de vos exposés des motifs ainsi que dans l’étude d’impact.
La question reste donc entière. Allez-vous augmenter la TVA ? Allez-vous augmenter la CSG ? Allez-vous tenir vos engagements en matière d’économies ? Ou laisserez-vous ces baisses de charges peser sur les déficits, puis sur la dette que nous laisserons aux générations futures ?
Oui, madame la ministre, le doute est permis, parce que vos promesses ne tiennent pas le choc de la réalité économique de la France. La courbe du chômage s’est-elle inversée ? Non. Tiendrez-vous votre objectif de réduction du déficit à 3,8 % du PIB ? Non. Nous serons donc extrêmement vigilants lors de l’examen des textes budgétaires de fin d’année. Comptez sur nous pour chercher les traces des 45 milliards d’euros de recettes supplémentaires inscrits noir sur blanc dans le tableau d’équilibre de l’ensemble des régimes obligatoires de base, tableau figurant à l’annexe A.
Voilà en ce qui concerne le financement. Ensuite, nous nous interrogeons sur vos promesses. Allez-vous respecter votre propre pacte de responsabilité et de solidarité ? Nous le savons, ce projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale, en dehors de l’article 9, est une loi d’affichage. En effet, nul besoin d’inscrire dans une loi rectificative pour 2014 des baisses de charges prenant effet seulement en 2015, de surcroît aujourd’hui non financées. C’est donc une loi d’affichage, mais qui n’affiche pas tout, qui n’affiche pas, par exemple, l’extension des baisses de cotisations famille jusqu’à 3,5 SMIC annoncées pour 2016, ni la disparition de la C3S en 2017. Nous avons bien compris que M. le ministre des finances attendait de voir avant de donner.
C’est le débat des contreparties cher à votre gauche. Vous avez même poussé le paradoxe jusqu’à rejeter des amendements en première lecture qui reprenaient pourtant votre propre projet, dans vos termes et selon votre calendrier !
Attention : les entreprises ont besoin de stabilité sociale et fiscale. À force de ménager la chèvre et le chou, vous risquez d’étouffer dans l’oeuf une dynamique difficile à créer.