Monsieur le président, monsieur le président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, nous arrivons au terme de l’examen parlementaire de notre réforme ferroviaire. Elle était attendue. Comme l’a justement rappelé M. Savary, elle était présentée en urgence, et je souhaite qu’elle soit adoptée dans un délai qui permettra de démontrer combien le Parlement s’est mobilisé, et combien, même dans un si court délai, les travaux parlementaires ont été intenses, approfondis, efficaces et de haute tenue. Je vous remercie, monsieur le rapporteur, pour ce débat de grande qualité. Je vous remercie pour le soutien que vous avez apporté à ce texte en l’améliorant – soutien partagé par bon nombre de parlementaires ici présents qui ont émaillé nos débats de propositions, de suggestions et d’amendements de sorte que le Parlement tienne toute sa place dans l’élaboration de cette loi, qui concerne un enjeu national.
La refonte de notre système ferroviaire est un vaste défi. Je me félicite du travail accompli ensemble et du fait que nous parvenions à dessiner un projet ambitieux pour la France et ses territoires qui puisse redonner confiance en l’avenir du transport ferroviaire.
Cette loi s’inscrit dans le temps. Elle ouvre une nouvelle ère ferroviaire. Elle fixe un cadre et un cap nouveaux et suscitera de nombreux développements. La représentation nationale s’est emparée de l’enjeu ferroviaire et réappropriée les questions d’aménagement du territoire, de cohésion sociale et de développement économique et industriel qui en découlent.
Sans revenir sur les objectifs de la réforme, je tiens à souligner les apports importants de ce débat parlementaire qui fut à la fois riche et pertinent. Grâce à son savoir-faire pédagogique, M. le rapporteur a fait d’un texte technique une loi compréhensible aux enjeux clairs. Les débats parlementaires sont l’honneur de nos échanges et nourriront le développement ferroviaire de ces prochaines années.
Par votre vote, vous avez tout d’abord souhaité renforcer le service public et le préparer aux enjeux de l’avenir. Je ne reviens pas sur la concurrence, déjà évoquée : il va de soi que pour qu’il soit efficace, encore faut-il que le service public soit dans son temps et qu’il se prépare aux enjeux des prochaines années. Nous avons pour cela tiré les conséquences de l’absence malheureuse de préparation à la concurrence qui a notamment caractérisé le secteur du fret ferroviaire.
Nous avons créé le Haut comité du ferroviaire, dont les fonctions ont été précisées. Il associe les parlementaires, les régions, les entreprises, les représentants des salariés. Il structurera les orientations d’avenir de notre système ferroviaire. Je disais à l’instant que le Parlement s’était réapproprié les questions ferroviaires : c’est notamment le cas grâce à cette instance qui permettra de relever les défis de l’efficacité économique, de l’équité territoriale et de la puissance industrielle – laquelle a constitué l’un des éléments de notre débat et de nos décisions – car ce sont des enjeux stratégiques pour la France. Ainsi, le Haut comité du ferroviaire sera l’instance où le Parlement, qui fut trop longtemps écarté, pourra se saisir des enjeux d’avenir – notamment financiers, mais pas seulement – du secteur ferroviaire.
Vous avez également et à juste titre tenu à renforcer le rôle des régions. Depuis la décentralisation, celles-ci ont pris une place majeure dans le système ferroviaire. Là encore, nous ouvrons une ère nouvelle. Les développements qui pourront en découler permettront de peaufiner le système ferroviaire et de le rendre plus efficace.
En créant un groupe public industriel qui réunifie la famille cheminote, vous avez tenu à renforcer davantage le caractère intégré du groupe en affirmant par exemple son caractère solidaire et indissociable. De même, vous avez tenu à ce qu’un contrat entre l’État et la future SNCF consolide les contrats passés par SNCF Mobilités et SNCF Réseau.
S’agissant du pacte national pour sauver et pour assurer financièrement la pérennité de notre modèle ferroviaire, je retiens là encore des dispositions que vous avez renforcées, mesdames et messieurs les députés. Je pense par exemple à la règle de rétablissement des équilibres financiers : nous nous sommes trop longtemps affranchis de la réalité financière et de la dette galopante. Au fil du débat, vous avez renforcé cette règle afin d’éviter les errements passés qui ont abouti à la dette actuelle du secteur.
Vous n’avez pas éludé la prise en compte de la dette historique, bien au contraire : elle est l’un des éléments des débats à venir. Aujourd’hui, l’État n’a pas – ou plus – les moyens de reprendre une partie de cette dette. Comment, confronté à la nécessité de son propre redressement, aurait-il d’ailleurs pu reprendre une partie de cette dette sans que le système ferroviaire ait préalablement retrouvé une logique vertueuse ? Nous avons choisi une méthode : le texte prévoit que le Gouvernement remettra au Parlement un rapport sur les solutions envisageables pour traiter l’évolution de la dette historique. De même, il a été décidé que la part de la dette qualifiée de « publique » ferait l’objet d’un suivi.
J’en viens au volet social. M. Le rapporteur faisait référence au « bruit de fond » : il a précédé et accompagné la réforme de toute son intensité, et ce malgré dix-huit mois de discussions et de concertations préalables – au point que l’on peut dire de certaines dispositions qu’elles ont été « coécrites ».
Je crois avoir travaillé dans un esprit de dialogue avec les organisations syndicales et les groupes parlementaires. Notre responsabilité est en effet de faire pour la nation une belle réforme qui réponde aux attentes de nos concitoyens et qui permette au secteur ferroviaire français de réussir. C’est là une exigence régulièrement exprimée. Suite à la signature des accords de modernisation du 13 juin dernier avec celles des organisations syndicales qui ont souhaité s’engager sur la voie de la réforme, des avancées sociales importantes ont été adoptées au Parlement – première illustration de la méthode employée et du dialogue social. Ainsi, le groupe disposera d’instances représentatives du personnel centralisées et de délégués syndicaux centraux participant à la négociation sociale de manière transversale. La gestion des ressources humaines sera pilotée au niveau de l’EPIC de tête, et la gestion des parcours et de la mobilité – c’est bien le moins que l’on puisse garantir aux salariés et aux cheminots – relèvera du groupe public. Ainsi, chaque cheminot aura de nouvelles perspectives de carrière, pourra découvrir de nouveaux métiers, aura accès à de nouvelles formations – en somme, il pourra envisager une véritable progression professionnelle. Il s’agit d’accompagner l’ambition collective du futur groupe public SNCF aussi bien que les aspirations légitimes de chacun de ses agents.
Enfin, en matière de régulation, nous avons établi le fait qu’un régulateur extérieur indépendant réaffirme un certain nombre de principes. Ce régulateur garantira l’accès au réseau dans des conditions transparentes et il jouera – certains s’en inquiétaient – un rôle central dans le nouveau dispositif, notamment pour veiller à éviter toute nouvelle dérive financière. Nous nous sommes également attachés à garantir son indépendance, par exemple au moyen d’un avis conforme de l’ARAF non seulement sur les péages, mais aussi sur les redevances en gares.
Une étape importante sera franchie grâce à l’adoption de ce projet de loi qui pose les fondements nécessaires pour assurer l’avenir du service public ferroviaire et pour le moderniser en profondeur. À partir de la base solide de votre travail, nous devons commencer à mettre en oeuvre la réforme dès les tout prochains jours en associant l’ensemble des acteurs du secteur ferroviaire, et en premier lieu les salariés de la SNCF et de RFF, pour construire et structurer ce nouveau système. Il appartient désormais – et je le leur demanderai – aux présidents de la SNCF et de RFF de travailler en lien avec les salariés à la mise en oeuvre organisationnelle de ce nouveau groupe public.
Les événements dramatiques auxquels vous faisiez allusion, monsieur le rapporteur, qui se sont déroulés à quelques jours du premier anniversaire de la catastrophe de Brétigny, nous obligent à ne pas perdre de temps dans la mise en oeuvre de cette réforme. J’ai pu constater à Denguin combien le drame était douloureux, combien il suscitait d’inquiétudes. Nous avons un devoir de sécurité ; cet objectif est constant. Je pense à mon tour – et je vous remercie de l’avoir fait, monsieur le rapporteur – aux quatre blessés graves de l’accident de Denguin, dont deux sont encore dans un état très sérieux, et aux trente blessés sur les 250 passagers.
Pourtant, les Français doivent avoir confiance en un réseau qui est l’un des plus sûrs d’Europe – il a d’ailleurs obtenu la cinquième place du classement européen en matière de sécurité. Nos concitoyens doivent pouvoir circuler sur les 17 000 trains du réseau en toute sécurité.
Cela étant dit, en attendant les conclusions des enquêtes déjà engagées – l’enquête interne, l’enquête judiciaire et celle du BEA-TT –, le drame de Denguin nous impose de demander aux présidents de la SNCF et de RFF que tous les moyens humains et financiers soient mobilisés au plus vite pour que nous puissions donner corps aux conclusions rendues, comme nous l’avions fait au lendemain du drame de Brétigny. Je pense notamment à la modernisation et à l’entretien des infrastructures.
Là encore, sans qu’il ne s’agisse en aucune façon d’anticiper les conclusions qui interviendront, je demande d’ores et déjà aux présidents de la SNCF et de RFF un redéploiement humain axé sur la priorité qu’est la sécurité parce que nous savons qu’il y a eu un problème de signalisation. J’attends de leur part un rapport, dans les prochaines semaines, sur les premières orientations en ingénierie, en ressources humaines et financières pour procéder à un redéploiement massif des moyens pour mettre rapidement à niveau l’ensemble des infrastructures, qui n’ont que trop subi les choix en faveur des infrastructures nouvelles au détriment de l’entretien de l’existant.
Ainsi, dès les prochains jours, je vais demander une étude et des propositions sur les 7,5 milliards annuels engagés pour le ferroviaire, et les parlementaires y seront associés : il s’agit de préparer une réorientation massive des moyens afin que nous puissions garantir sécurité et maintenance. Nous devons réaffirmer ce qui était une exigence avant même Brétigny : la priorité qu’attendent les Français, c’est le transport du quotidien. Cela doit s’accompagner de mesures fortes de modernisation de l’existant. Trop souvent, dans trop de régions, des secteurs font l’objet d’abaissement de vitesse, voire d’arrêt de transport, faute de travaux de maintenance et d’investissement depuis maintenant trop longtemps. Je souhaite donc que, sur la base des propositions qui me seront faites par les présidents de la SNCF et de RFF, un groupe d’experts indépendants, associé au Conseil général de l’environnement et du développement durable – le CGEDD –, étudie les préconisations qui nous auront ainsi été soumises. Je tiens, monsieur le rapporteur, et je m’adresserai au président de l’Assemblée en ce sens, à ce que les parlementaires soient, eux aussi, associés auxdites préconisations, car nous ne pouvons pas considérer que, même peu nombreux, des accidents pourraient être acceptables. Il ne peut être question de se soumettre à la fatalité. Il ne peut y avoir de tolérance s’agissant du risque ferroviaire. Je réaffirme cette exigence devant l’Assemblée nationale, devant les représentants de la nation.
Mesdames, messieurs les députés, il faudra que cette réforme entre en application rapidement. Je demanderai à M. Rapoport, le président de RFF devenant SNCF Réseau, de mettre en oeuvre dans les plus brefs délais l’organisation des établissements liés à l’infrastructure. Il faut que le groupe ferroviaire formé des trois EPIC instaurés par la loi devienne réalité le plus tôt possible. Mes services travaillent d’ores et déjà aux décrets d’application, la concertation avec les différentes parties prenantes devant traduire les attentes fortes que vous avez exprimées dans vos débats, pour qu’il n’y ait pas de temps perdu du fait du report de quelque mesure d’accompagnement ou d’application que ce soit. Il faut non seulement de la volonté, mais que celle-ci se manifeste rapidement.
Un mot pour dire combien votre vote pèsera au niveau européen. Nous avons, mesdames, messieurs les députés, eu l’occasion de corriger une contre-vérité : le texte n’est pas incompatible avec les règles européennes. Le Gouvernement n’a pas souhaité anticiper les règles communautaires à venir mais, au contraire, faire que d’une discussion exigeante avec les institutions européennes la spécificité française s’impose, et c’est le cas dans le cadre des négociations du quatrième paquet ferroviaire. L’adoption de ce projet de loi va envoyer un signal fort à nos partenaires européens : le signal que nous pouvons, à travers la gouvernance, mettre en place un système ferroviaire intégré tout en garantissant aux entreprises concernées un accès au réseau qui soit transparent, équitable et non discriminatoire. Il y a quelques jours, dans un quotidien économique, le commissaire Siim Kallas finissait lui-même par reconnaître que cette réforme allait dans le bon sens, et je l’en remercie parce que c’est un signe de la crédibilité de l’engagement européen.
Les mois qui arrivent s’annoncent importants pour le Parlement, étant donné le rôle qui sera désormais le vôtre, celui de pilotage du système ferroviaire. C’est l’un des piliers de la réforme. Le Parlement a trop longtemps été tenu à l’écart de choix stratégiques qui concernent pourtant la nation. J’ai souhaité que votre rôle soit renforcé, je l’ai montré notamment lors des débats, et cela doit désormais se poursuivre dans le cadre de la mise en oeuvre de ces deux lois. Vous serez ainsi associés à l’élaboration des contrats entre l’État et le groupe public ferroviaire.
Pour conclure, permettez-moi, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, de vous manifester ma fierté pour le travail que nous avons accompli ensemble. J’exprime mes remerciements pour la qualité des échanges sur un texte qui permet de répondre désormais aux grands enjeux ferroviaires de la nation. Cette réforme n’est pas un aboutissement, mais un cadre nouveau dans lequel nous devons prendre, les uns et les autres, toutes nos responsabilités pour pouvoir apporter à nos concitoyens ce qu’ils attendent, c’est-à-dire un service de qualité, sécurisé, et aussi pour conforter les acteurs de la filière industrielle du ferroviaire. Voilà l’intérêt, voilà l’enjeu, voilà la préoccupation que nous avons exprimée les uns et les autres, avec nos différences, avec nos contributions : faire face à l’avenir du ferroviaire tout en étant dignes de son histoire. Je suis certain que nous pourrons compter sur l’engagement des cheminots, sur leur volonté de relever ces défis comme ils ont su le faire en d’autres temps, pour qu’ensemble nous ouvrions ce nouveau chapitre de l’histoire du système ferroviaire français : le chapitre de la réussite.