Intervention de Pierre Cahuc

Réunion du 8 novembre 2012 à 9h15
Mission d'information sur les coûts de production en france

Pierre Cahuc, professeur à l'école Polytechnique, directeur du Laboratoire de macroéconomie du Centre de recherche en économie et statistique – CREST –, chercheur au Centre for Economic Research – Londres – et à l'Institute for the Study of Labor – Bonn :

Certes, ce sont les employeurs qui répondent à la question : « Comment qualifieriez-vous les relations entre employeurs et employés dans votre pays ? ». Mais toutes les enquêtes internationales convergent sur ce point : en France, les partenaires sociaux jugent le dialogue social extrêmement mauvais. Si nous avons retenu l'enquête du World Economic Forum, c'est en raison du nombre extrêmement élevé de pays représentés. Ce résultat est d'autant plus impressionnant que la situation perdure depuis une vingtaine d'années. Il s'agit bien d'un problème central pour l'économie française.

Que faire ? Pour l'économie française, pour son marché du travail et plus généralement sa compétitivité, la priorité doit être l'insertion, d'une manière ou d'une autre, des jeunes et des personnes à bas salaires dans le marché du travail. On peut imaginer d'autres solutions que la baisse du salaire minimum, par exemple la baisse des charges : c'est le choix qu'a fait la France depuis un certain temps. Mais c'est au niveau du salaire minimum que la baisse du coût du travail est un levier efficace. Si 20 milliards d'allégements de charges permettent de créer entre 500 000 et 900 000 emplois, c'est parce qu'ils sont concentrés sur les bas salaires, entre 1 et 1,3 SMIC. Au-dessus du salaire minimum, une baisse des charges favorise l'augmentation des salaires beaucoup plus que l'emploi. Les salaires sont liés à la structure du marché du travail. Si on veut améliorer durablement la compétitivité des entreprises françaises, il faut modifier les conditions de formation des salaires, qui sont désormais mal adaptés aux contraintes des entreprises.

La très mauvaise qualité des relations sociales en France est une autre source essentielle de dysfonctionnement du marché du travail. Nous pensons qu'elle est le résultat du fonctionnement actuel du paritarisme français, dont l'influence est extrêmement importante sur la formation des salaires via la négociation collective. Les représentants des salariés sont trop déconnectés des réalités des entreprises et des contraintes quotidiennes qui pèsent sur les salariés. Le rapport de Nicolas Perruchot est très instructif à cet égard, bien qu'il n'ait pas été diffusé de façon officielle. Améliorer le fonctionnement du marché du travail français suppose donc de réformer en profondeur le fonctionnement du paritarisme, afin notamment de décentraliser les négociations collectives, pour que les salaires soient plus adaptés aux contraintes des entreprises. Redonner corps à la négociation collective au niveau de l'entreprise devrait être une des priorités du quinquennat, car c'est le problème de fond du marché du travail français.

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