Intervention de Joël Giraud

Séance en hémicycle du 21 juillet 2014 à 21h30
Économie sociale et solidaire — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJoël Giraud :

C’est pourquoi je le souligne !

Dans ce cheminement sinueux, permettez-moi de saluer les différentes ministres et de remercier leurs collaborateurs, pour leur écoute des sollicitations parlementaires. Au nom du groupe RRDP, je voudrais tout d’abord témoigner d’une pensée affectueuse pour Valérie Fourneyron, qui a défendu avec brio, dans notre hémicycle, ce projet de loi lors de la première lecture. Je voudrais également féliciter le ministre à l’initiative du projet, Benoît Hamon. Il a préparé ce texte dans un esprit constant de dialogue et de coopération avec l’ensemble des acteurs concernés.

Malgré leurs désaccords, les acteurs socio-professionnels de la grande famille de l’économie sociale et solidaire sont unanimes : ils se réjouissent de la concertation permanente qui a abouti au texte soumis aujourd’hui à nos suffrages. C’est d’ailleurs une des raisons fortes qui fonde la satisfaction qui domine sur nos bancs et parmi les parties prenantes quant à ce texte globalement cohérent et consensuel.

Ce projet de loi a pour objectifs principaux de donner une reconnaissance plus grande et une meilleure gouvernance à un secteur d’activité particulier, un secteur certes hétérogène mais globalement respectueux des grandes valeurs humanistes de solidarité, de démocratie, de redistribution des richesses et de justice sociale, tout cela sans rien concéder à l’efficacité, à l’innovation et au professionnalisme.

Nous le savons, notre pays, comme beaucoup d’autres pays européens, fait face à une crise financière, économique et sociale, mais aussi à une crise morale. Cette crise donne aujourd’hui à l’économie sociale et solidaire une résonance particulière.

L’économie sociale et solidaire, c’est d’abord un modèle différent du modèle capitaliste classique. Depuis trente ans, nous avons accumulé les déficits. Nous sommes bien sur un chemin de crête : il faut, d’un côté, réduire les dépenses publiques, de l’autre côté, investir, plus qu’on ne l’a fait dans le passé, dans les secteurs économiques comme l’économie sociale et solidaire, dans les secteurs économiques porteurs d’espoir et d’emploi.

Car toutes les statistiques le démontrent, les résultats économiques de l’ESS sont globalement très bons. Ils témoignent d’une capacité de résistance et de résilience face à la crise, avec la création de nouvelles activités localisées sur notre territoire dans la santé, l’éducation, l’insertion, la prévoyance, l’assurance ou encore l’agriculture. Ces réponses apportées aux besoins fondamentaux de notre société confirment que l’ESS est une force motrice complémentaire pour accompagner l’évolution des sociétés occidentales contemporaines, touchées par l’individualisme et le repli sur la sphère privée.

Il ne s’agit certainement pas d’opposer un modèle économique à un autre, d’opposer une économie saine à une économie « malsaine ». L’économie sociale et solidaire n’est pas préservée de toutes les intempérances et l’activité économique classique n’est pas la porte ouverte à tous les maux. Pourtant, l’ESS a longtemps été considérée de façon marginale par les pouvoirs publics. Nous avons souvent oublié son rôle et son originalité, alors qu’elle est en mesure de faire cohabiter de façon harmonieuse performance économique, utilité sociale et développement durable.

L’économie sociale et solidaire est aussi en constante évolution pour répondre aux besoins de la société. Preuve en est son développement dans les nouveaux secteurs en croissance que sont l’économie verte ou encore les technologies de l’information et de la communication.

Aujourd’hui, après l’enrichissement du texte par les deux lectures au Sénat et à l’Assemblée, le projet de loi qui lui est consacré propose de faire de l’ESS un modèle robuste et ambitieux. Parmi toutes les dispositions qui ont fait l’objet d’un consensus entre les deux chambres avant la CMP figurent les plus fondamentales. Permettez-moi d’insister sur les plus importantes.

Je pense d’abord à la définition même de l’économie sociale et solidaire. Un travail de dentelle fine a été effectué pour concilier à la fois la préservation des principes et une forme d’inclusion limitée et contrôlée du secteur, pour les nouveaux entrepreneurs. Nous devions limiter cette ouverture pour maintenir l’unité, la cohérence et le sens de l’économie sociale et solidaire.

Concernant la réforme de l’agrément « entreprise solidaire d’utilité sociale », les entreprises bénéficieront des avantages qui y sont liés selon des critères strictement encadrés. Cette réforme permettra d’éviter les risques de dérive de l’ESS.

Le dispositif d’information des salariés sur les possibilités de reprise d’une entreprise avait été adopté de manière conforme par les deux chambres dès la première lecture. C’est un sujet complexe et important. Nous voudrions tous pouvoir faciliter la reprise d’entreprises par les salariés. Nous connaissons les chiffres : chaque année, au moins 50 000 emplois disparaissent dans des entreprises en bonne santé économique. Souvent, c’est une mauvaise transmission ou un arbitrage économique et financier irresponsable qui aboutit à cette situation absurde. Tous les députés de terrain que nous sommes connaissent, de près ou de loin, cette réalité choquante à laquelle nous ne pouvons pas nous résigner.

En leur donnant le temps et les informations nécessaires, le projet de loi donne les moyens aux salariés de proposer une offre de reprise. Ils ont le savoir-faire, la compétence et la connaissance de l’outil de production. Il est tout à fait naturel de faciliter cette possibilité de reprise.

Ensuite, la création du nouveau statut de SCOP d’amorçage va donner les moyens de limiter la prise de risque initiale des salariés. En effet, en lien avec Bpifrance et la Confédération générale des SCOP, le projet de loi propose la mise en oeuvre d’un fonds d’aide à la transmission d’entreprise. Toutes ces mesures seront complétées par de la formation et de l’accompagnement par les chambres régionales de l’économie sociale et solidaire, les chambres de commerce et d’industrie et les unions régionales des SCOP.

Au groupe RRDP, nous pensons qu’il ne fallait pas aller plus loin. Ces dispositions pourront apporter des réponses concrètes à cette perte de savoir-faire injustifiée économiquement sur nos territoires, sans prendre de risque constitutionnel sur le droit de propriété.

Beaucoup d’autres dispositions spécifiques aux différentes formes d’entreprises de l’économie sociale et solidaire ont été adoptées en termes identiques par nos deux assemblées. La commission mixte paritaire a cependant examiné plusieurs articles importants sur lesquels il restait des points de désaccord, dans un climat constructif.

L’article relatif au financement des entreprises du secteur a fait l’objet d’une rédaction de compromis, en prévoyant le suivi de l’accès au financement de ces entreprises par les institutions consacrées à l’ESS. C’est un sujet majeur, car c’est l’un des freins les plus importants.

Il y a eu un long débat sur les coopératives d’utilisation de matériel agricole et la portée qu’il convenait de donner à l’article 31, qui étend les possibilités données aux intercommunalités de recourir à leurs services. La commission mixte paritaire est revenue sur la rédaction des sénateurs, estimant que la dérogation introduite était limitée. En effet, les travaux concernés ne peuvent contribuer pour plus de 25 % au chiffre d’affaires des CUMA, dans une limite annuelle de 10 000 euros, voire 15 000 en zone de revitalisation rurale.

La commission mixte paritaire a supprimé l’article 44 quater, qui établissait de nouvelles règles pour l’accès des mineurs à des fonctions de responsabilité au sein des associations. C’est un débat passionnant sur la majorité et sur la responsabilité parentale. Mais peut-être était-il trop tôt pour évaluer les conséquences sur la responsabilité civile des parents, voire la responsabilité pénale du mineur lui-même, et peut-être était-il plus sage de conserver l’état du droit existant. Ou pas ?

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