Je tiens aussi à souligner que, pour une fois, le Gouvernement n’a pas eu recours à la procédure accélérée, ce qui est une bonne chose. Certes, il en résulte un allongement des débats, mais aussi de meilleurs échanges entre les deux chambres et avec le Gouvernement, jusqu’à la réunion de la commission mixte paritaire la semaine dernière.
Je ne reviendrai pas sur tous les points du texte, nous en avons maintes fois débattu et la commission mixte paritaire a abouti à des solutions de compromis. Elle a adopté un texte équilibré, même si elle a une fois de plus soulevé un certain nombre de débats. Malheureusement, ce texte ne nous convient pas totalement, j’y reviendrai.
À plusieurs reprises au cours de la discussion de ce texte, j’ai insisté sur la volonté que j’avais eue de rencontrer, préalablement à son examen, les acteurs de l’économie sociale et solidaire très présents dans ma circonscription de Saint-Malo afin de mieux comprendre et aussi mieux connaître ce secteur d’activité. J’ai ressenti chez eux une grande attente vis-à-vis de ce texte et un réel besoin que le secteur de l’économie sociale et solidaire bénéficie de mesures susceptibles de remédier aux rigidités et aux insuffisances statutaires qu’il connaît actuellement.
Cette attente, très fortement exprimée, a été le fil rouge de ma réflexion tout au long de nos débats. C’est sans doute aussi la raison pour laquelle je me suis abstenu en première comme en deuxième lecture, outre les imperfections de votre texte.
Ce secteur d’activité est en plein essor. Des chiffres ont été donnés par les orateurs qui se sont succédé tout au long du parcours législatif. Pour ma part, j’ai retenu que l’économie sociale et solidaire représente un vivier d’emplois pour les dix prochaines années. On estime à 600 000 le nombre d’emplois qui pourraient être créés dans le secteur d’ici à 2020. C’est dire toute l’importance qu’il revêt pour la création d’emplois dont notre pays a tant besoin. C’est dire aussi toute l’attention que nous devons lui porter.
Certaines dispositions de ce texte, comme je l’ai indiqué lors de la discussion générale en première et en seconde lecture, vont dans le bon sens et accompagnent une dynamique intéressante. Je pense, par exemple, à la création d’un statut de SCOP d’amorçage permettant aux salariés d’être minoritaires dans le capital d’une entreprise pendant sept ans au maximum, le temps de réunir progressivement les fonds pour devenir majoritaires.
Le groupe UMP souscrit également à l’article 23 relatif à la promotion des mécanismes de solidarité financière entre coopératives. Il soutient aussi les dispositions des articles 24, 24 bis et 25 sur les coopératives de commerçants, ainsi que l’article 26, qui autorise la constitution d’une coopérative sous forme de SARL à capital variable entre quatre associés au moins.
Toutefois, si nous sommes enthousiastes à l’idée de légiférer pour promouvoir et encadrer au mieux ces activités essentielles pour notre tissu économique, plusieurs points du texte suscitent notre inquiétude et nos interrogations.
Tout d’abord, et nous en avons longuement débattu lors des deux lectures, la complexification. En consacrant de manière législative de nombreuses instances et en en créant de nouvelles, vous alourdissez notre législation. Permettez-moi de les citer de nouveau : Conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire, Chambre française de l’économie sociale et solidaire, chambre régionale de l’économie sociale et solidaire, conférence régionale de l’économie sociale et solidaire, pôles territoriaux de coopération économique, Conseil supérieur de la coopération, Haut conseil à la vie associative. Combien de fois nous avons-vous demandé d’éclaircir le rôle assigné à chacun, sans que vous puissiez nous répondre précisément ! Vous prenez le risque de rendre l’action de ces structures illisible et inefficace. Au lieu de les soutenir, vous allez les desservir.
Je serais heureux pour ma part, dans deux ou trois ans, de pouvoir faire le point avec vous sur l’évolution de ces structures J’ai le sentiment que vous-même parfois doutez de leur utilité, sans pour autant admettre nos arguments.
Nous avons également exprimé nos inquiétudes sur le devenir des entreprises de services à la personne. Nous craignons en effet que le nouveau champ d’application de l’économie sociale et solidaire prévu aux articles 1 et 7 n’exclue un grand nombre de petites entreprises qui opèrent dans le secteur des services à la personne. Il existe en effet un risque de distorsion de concurrence au détriment de ces sociétés commerciales, parce que celles-ci seront privées du soutien fiscal dont leurs principaux concurrents, associations ou organismes d’insertion, pourront bénéficier. Vous nous avez promis, madame la ministre, monsieur le rapporteur, que tel ne serait pas le cas. Nous ne demandons qu’à vous croire. Mais nos craintes et surtout celles de ces entreprises ne sont pas pour autant apaisées.
Le sujet qui nous a sans doute le plus opposé concerne les articles 11 et 12 relatifs au droit d’information des salariés sur un projet de cession afin de leur permettre de présenter une offre de reprise. Nous considérons en effet qu’un tel article n’a pas sa place dans un projet de loi sur l’économie sociale et solidaire. S’il nous paraît légitime qu’un salarié soit informé et qu’il ne découvre pas dans la presse un beau matin que son entreprise est cédée, le dispositif envisagé risque de perturber des processus de cession déjà bien engagés entre un chef d’entreprise et un repreneur. Les articles 11 et 12 mettront inéluctablement en difficulté les entreprises en les exposant à des tentatives de déstabilisation, ce qui les rendra moins attractives pour les repreneurs étrangers, lesquels, dans leur grande majorité, soutiennent de véritables projets industriels.
Pour terminer, je voudrais insister sur un point : si l’économie sociale et solidaire reste certainement un important vecteur de création d’emplois dans les années à venir, si nous sommes d’accord pour légiférer et donner un véritable statut à ses acteurs, et ceci malgré les imperfections de votre texte, nous ne devons pas oublier que ce sont les entreprises qui, par leur développement, permettront de relancer notre économie. L’emploi et l’économie ne repartiront que lorsque la confiance envers elles aura été rétablie, lorsqu’elles auront retrouvé les moyens de se développer, d’être compétitives et à nouveau créatrices d’emplois.
Madame la ministre, l’ensemble des réserves que je viens d’exprimer sur ce projet de loi aurait pu conduire mon groupe à voter contre. Mais, je l’ai dit, nous sommes conscients des attentes des acteurs de l’économie sociale et solidaire. Parce que nous voulons leur donner un témoignage de reconnaissance du travail qu’ils accomplissent et de la disponibilité et du dévouement des milliers de bénévoles qui oeuvrent dans les différents domaines de l’économie sociale et solidaire, et parce que, comme vous, monsieur le rapporteur, nous croyons à une économie qui place l’homme et la femme au centre de son action, nous nous abstiendrons.