Intervention de Michel Piron

Séance en hémicycle du 23 juillet 2014 à 15h00
Délimitation des régions et modification du calendrier électoral — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Piron :

Et qu’attendre d’une telle réforme ? D’abord, qu’elle mette fin à l’enchevêtrement territorial des collectivités et des compétences. Ensuite, qu’elle mette en place une autre gouvernance de notre pays, plus efficace, plus économe et plus lisible. Qu’elle nous permette, en outre, de relever les défis de la mondialisation en nous appuyant sur les territoires, particulièrement sur les régions. Enfin, que l’efficacité de l’action publique puisse, dans un monde en pleine mutation, augmenter le dynamisme de notre pays et nous permettre de retrouver le chemin de la croissance.

Pour atteindre ces objectifs, la réforme territoriale doit, à nos yeux, respecter les conditions, toutes les conditions, d’une décentralisation assumée. Pour ce faire, elle doit se conformer à un certain nombre d’exigences.

Or, force est de constater que le projet de loi relatif à la délimitation des régions n’est qu’une timide introduction à la réforme.

Nous déplorons d’abord la méthode employée. Limité à la question de la carte, le texte qui va être soumis au vote élude des questions essentielles, telles celles des compétences et des ressources fiscales des régions. Il aborde le sujet en partant d’une carte administrative, sans que soient plus précisément considérés les objectifs, le développement et les orientations pour l’avenir.

Certes, un autre projet de loi, abordant pour sa part la question des compétences, a été présenté le même jour. Pourquoi donc ne pas avoir rassemblé les compétences et la carte des régions en un seul texte, afin que le contenu et le contenant fussent débattus en même temps ?

Pour le dire autrement, comment peut-on nous demander de nous prononcer uniquement sur le contenant d’une réforme dont le contenu n’a pas été adopté ? La réforme accordera-t-elle aux régions, à l’instar de ce qui existe chez nos voisins européens, un réel pouvoir organisationnel et réglementaire, qui seul peut permettre de tenir compte de la diversité de nos territoires ? Sur cette question primordiale, et sous réserve que le second projet de loi soit bel et bien examiné, nous devrons attendre l’automne pour être fixés.

Quant à l’objet restreint de ce premier texte, nous sommes bien conscients qu’il n’existe pas de carte idéale qui puisse satisfaire l’ensemble de nos concitoyens et des élus, aussi bien nationaux que territoriaux.

Cependant, monsieur le ministre, vous vous êtes dit ouvert aux propositions des parlementaires. Vous disiez avoir l’intention de laisser le Parlement s’emparer du débat. Qu’en a-t-il été ?

Tant en commission qu’en séance, ce débat a été pour le moins inégal. Certains parlementaires ont été privés de l’occasion de défendre leur propre vision de l’aménagement du territoire, une autre approche de l’organisation territoriale française. Cela a entraîné, chez eux, incompréhension et frustration.

Pour le groupe UDI, le respect des spécificités territoriales et l’association des acteurs, premiers concernés par les décisions qui s’appliqueront dans les territoires, sont tout à fait primordiaux. Une réforme digne de ce nom doit prendre en compte ces spécificités en apportant des réponses diversifiées, adaptées aux besoins et aux caractéristiques de chaque territoire et en laissant la place aux expérimentations.

Enfin, outre celle des compétences, de nombreuses questions demeurent en suspens. La première est celle, centrale, du rôle de l’État dans les territoires et à leur égard. À la suite du transfert de compétences consécutif à la réforme des collectivités territoriales, nous serons nécessairement amenés à nous interroger sur ce que nous attendons – ou n’attendons plus – de l’État. Nous aurions d’ailleurs dû traiter ce sujet concomitamment.

Par ailleurs, comment peut-on envisager une telle réforme sans s’interroger sur les moyens ? En d’autres termes, comment peut-on envisager une telle réforme sans refonte de notre fiscalité locale ? Alors que celle-ci est devenue opaque, de plus en plus complexe et injuste, les collectivités disposeront-elles des moyens financiers nécessaires pour exercer clairement et pleinement leurs compétences, c’est-à-dire leurs responsabilités ?

Comment une réforme territoriale orpheline d’une vision d’ensemble garantira-t-elle plus d’efficience de l’action publique et de lisibilité pour nos concitoyens, tout en permettant de réaliser les économies indispensables dans le cadre de la lutte contre les déficits publics ?

En d’autres termes, ce projet de loi n’est que l’introduction d’une réforme inachevée, encore loin de celle que nous attendons, une réforme qui fasse le pari de l’intelligence collective, d’une intelligence partagée entre l’État et les collectivités, entre les territoires et la capitale, entre la politique et les citoyens. Parce que nous, députés du groupe UDI, demeurons profondément décentralisateurs, nous considérons que le rendez-vous de l’automne sera majeur. Quelle en sera la conclusion ? À ce jour, nous n’en savons rien. Soit, mais loin de postures qui ne sont pas les nôtres et que nous avons subies et déplorées sous la législature précédente et faute de savoir où ce texte nous mènera, nous nous abstiendrons majoritairement.

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