Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ce n’est pas de « bifurcation » qu’il s’agit, mais, depuis des semaines, dans le cadre de l’examen de ce collectif budgétaire, de méprise.
Méprise, monsieur le secrétaire d’État, car votre Gouvernement n’a toujours pas fait le choix d’une baisse des dépenses publiques réelle et suffisante. La réalité, c’est que le compte n’y sera pas tant tant que le Gouvernement n’aura pas fait un autre choix en termes d’emploi public. Le quinquennat est marqué par la faute originelle d’un certain nombre de recrutements injustifiés, dans des secteurs certes importants de l’action publique, mais où l’amélioration de la qualité du service public ne se juge pas à l’augmentation du nombre d’emplois.
Dès lors que vous ne voulez pas vous dédire de cette politique – vous savez sûrement que c’est une erreur mais, par blocage idéologique, vous vous y enfermez –, vous êtes condamnés à ne pas y arriver.
Dans ce collectif, comme, plus largement, dans votre stratégie budgétaire et économique, ne figure pas de réelle baisse de la dépense publique – en tout cas, pas à un niveau suffisant. On n’y trouve pas non plus de réelle réforme structurelle – les dispositions ne sont ni évaluées ni justifiées.
La majorité vient de voter l’un des volets de la réforme territoriale. Or chacun sait que la principale faiblesse de votre approche réside dans son insuffisance en termes d’économies : personne n’a vu où elles pourraient être réalisées. Personne n’a vu non plus quelle était votre stratégie fiscale.
La baisse des dépenses est en effet insuffisante, les réformes structurelles ne sont pas au rendez-vous, les baisses d’impôt non plus – nous l’avons seriné à l’occasion des débats successifs sur le collectif.
La seule mesure nouvelle à l’égard des entreprises leur est défavorable – je veux parler du prolongement de la surtaxe dite exceptionnelle de l’impôt sur les sociétés. Les bonnes mesures supposées de baisse de l’impôt sur les sociétés à moyen et long terme ne sont pas au rendez-vous car vous n’avez pas le courage de les prendre ; vous n’êtes tout simplement pas capables de les prendre vu la structure de votre majorité. Vous ne le pourrez pas davantage dans quelques semaines ou quelques mois.
Le pacte de responsabilité n’est pas solidement financé. Cela entraînera un endettement record, ce qui soumet notre pays à un risque considérable. Nous survivons aujourd’hui, mais la situation est très dangereuse. Vous réussissez à afficher quelques économies de budget en budget car le taux de la dette était encore en baisse récemment, mais vous savez très bien que tout cela est extrêmement fragile et que la situation risque de se tendre. Le président de la commission des finances avait parfaitement analysé à cette tribune il y a quelques jours la structure dans le temps de notre dette par rapport à celle d’autres émetteurs en Europe. Cela promet des temps particulièrement difficiles pour notre pays.
Enfin, monsieur le secrétaire d’État, qui croire et que croire ?
Nous le soulignons depuis les premiers mois de la législature : il y a, non pas une bifurcation, mais une méprise, comme je le disais, une très grande confusion dans l’action du Gouvernement et de la majorité. Les Français, les ménages, les entreprises ne savent toujours pas quelle est votre politique économique. Est-elle faite de contraintes et de taxation des entreprises ? Est-elle faite au contraire d’un encouragement à la compétitivité ?
Les esprits les plus généreux ont pu imaginer à un moment que, dans le pacte de responsabilité, il y avait enfin un choix stratégique. La réalité – nous l’avons expliqué tout au long de la discussion de ce collectif –, c’est que vous n’avez pas fait un choix cohérent.
Peut-être avez-vous conçu une cohérence au départ, mais, dans ce cas, vous n’avez pas osé l’assumer, notamment vis-à-vis de la majorité. La méprise et l’incertitude restent donc entières. Le Président de la République – ses propos ont été repris par la presse – a déclaré, ces dernières heures, s’agissant de l’assainissement des finances publiques : « Les 3 %, c’est la perspective ». Qu’est ce que cela veut dire ? Est-ce de l’incertitude ou bien du cynisme ?
En politique, l’adresse, l’astuce, les mots et les formules ne permettent pas de définir une politique économique.
Je pense, monsieur le secrétaire d’État – vous le savez sans doute, d’ailleurs, au fond de vous-même –, qu’il doit être très compliqué pour vous d’expliquer la cohérence de votre politique budgétaire…