Effectivement. Il vise à assurer une meilleure transparence du débat, au profit de ses seuls destinataires. Depuis plus de deux ans, j'ai le plaisir de constater qu'à l'Assemblée nationale comme au Sénat, nous respectons scrupuleusement les règles tenant à la sécurité du pays. Libre à chacun de s'exprimer s'il le souhaite, mais je n'ai pas d'inquiétudes particulières.
J'en viens à la seconde disposition précédemment évoquée. Il s'agit de l'article 8 de la LPM, qui prévoit une présentation chaque semestre aux commissions compétentes d'un bilan détaillé de l'exécution des crédits de la mission Défense de la loi de finances et de la LPM. Je vais donc pouvoir vous rendre compte de ces six premiers mois d'exécution financière.
Je souhaite d'abord rappeler deux réalités. D'une part, le ministère s'est résolument engagé dans la mise en oeuvre de la LPM et de nombreuses réalisations méritent d'ores et déjà d'être soulignées. D'autre part, ce ministère reste entièrement mobilisé pour continuer à relever le formidable défi financier, capacitaire, social et industriel que représente cette LPM. Mon propos s'articulera autour de ces deux axes.
Quelques observations préalables. La situation internationale confirme la justesse de la grille d'analyse proposée par le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale et la LPM. Je rappelle que, au moment de la rédaction de cette loi comme du débat parlementaire, nous avions appelé l'attention sur le caractère très mouvant de l'actualité internationale. J'avais alors insisté sur les menaces de la force et les risques de la faiblesse des États. L'actualité récente montre que les menaces de la force sont bel et bien au rendez-vous ainsi qu'en témoigne la situation en Ukraine. La faiblesse des États, constatée au Mali et en République Centrafricaine (RCA), s'est, quant à elle, manifestée à nouveau en Irak.
Le diagnostic sur les menaces de la force et les risques de la faiblesse des États était donc tout à fait pertinent et au bout de six mois, je peux affirmer que le spectre des menaces qui avaient été identifiées conforte les grands choix de la LPM : notre autonomie stratégique ; notre capacité à faire face à tout le spectre des conflits ; l'adaptation de nos forces à ces menaces dont l'hétérogénéité est croissante grâce au principe de différenciation et à la priorité accordée à la dissuasion, au renseignement, à la R&T, au cyber notamment.
Je voudrais également vous redire que nous avons engagé une réorganisation de notre dispositif déployé à l'étranger. Ce processus s'est, d'une part, traduit par une réduction du nombre d'engagements. En effet, à l'été 2013, notre situation se caractérisait par une multiplicité de théâtres d'opération. Nous avons décidé soit de réduire, soit de mettre fin à un certain nombre de dispositifs : c'est le cas du Kosovo, de l'Afghanistan que nous allons quitter définitivement avant la fin de l'année – hors engagements consacrés par le traité d'amitié entre nos deux pays –, ou encore de l'opération Tamour en Jordanie.
Nous avons parallèlement concentré nos moyens sur deux zones d'intérêt prioritaire : la bande saharo-sahélienne – je sais qu'un rapport de votre commission est en préparation sur ce sujet – et le golfe arabo-persique. Dans le même temps, nous avons mis en place un dispositif « régionalisé » en Afrique. Nos actions sur ce continent pourront en outre s'appuyer sur un dispositif prépositionné plus flexible. Ainsi, au 1er janvier 2015, l'opération extérieure Licorne laissera la place aux Forces Françaises en Côte d'Ivoire (FFCI), prépositionnées.
Je souhaiterais maintenant évoquer les réalisations enregistrées depuis le vote de la LPM.
S'agissant de la dissuasion, les études préparatoires au lancement du programme du sous-marin nucléaire lanceur d'engins de troisième génération se poursuivent.
Dans le domaine du renseignement, qui est l'une des priorités de la programmation, nous avons notifié le contrat de réalisation du segment sol utilisateur du futur système d'observation spatiale militaire MUSIS. En outre, un contrat global couvrant les travaux de conception, de production, de recette en orbite et d'utilisation du système CERES de renseignement électromagnétique a également été notifié. Nous avons aussi acquis deux drones américains non armés de type Moyenne altitude longue endurance (MALE), matériels qui ont été réceptionnés le 17 décembre 2013 et ont été déployés par l'armée de l'air à Niamey. Dans le même temps, nous avons initié, au niveau européen, le lancement de la préparation de la prochaine génération de drones MALE à l'horizon 2025, et dont j'espère qu'ils seront de production européenne.
S'agissant de la protection maritime, nous avons commandé fin 2013 trois unités navales bâtiments multi-missions (B2M), marquant ainsi le début du remplacement de nos moyens actuellement affectés dans les DOM-COM. En matière de sûreté aérienne, le programme relatif au Système de commandement et de conduite des opérations aérospatiales (SCCOA) se poursuit. Trois radars haute et moyenne altitude rénovés ont ainsi été livrés en 2013.
Dans le domaine des forces terrestres, le contrat de développement et de production du missile moyenne portée (MMP) successeur du Milan a été notifié en décembre 2013. Le renouvellement de notre flotte d'hélicoptères de manoeuvre se concrétisera en 2014 par la mise en place d'une première de capacité NH90 au 1er régiment d'hélicoptères de combat de Phalsbourg. S'agissant des blindés, 84 % des VBCI ont été livrés et mis en service, le reliquat le sera en 2014. Le parc des VAB aptes aux opérations sera maintenu grâce à l'engagement d'une remise à niveau dite de « régénération » des unités revenant d'opérations extérieures (OPEX). Cette mesure permettra la transition avec les véhicules du programme Scorpion. Enfin, les livraisons des porteurs polyvalents terrestres (PPT), un programme important dont 72 unités ont été livrées en 2013, se poursuivent.
S'agissant des forces navales, le remplacement des moyens affectés à la lutte sous la mer sera poursuivi en 2014 par l'arrivé de la deuxième frégate multi-missions (FREMM) Normandie, la montée en puissance des capacités anti-sous-marines des hélicoptères NH90 version marine, et le début des travaux de modernisation à mi-vie de l'Atlantique 2 (ATL2) dont le contrat a été notifié fin 2013. Par ailleurs, lors du sommet franco-britannique de Brize-Norton du 31 janvier 2014, nous avons convenu avec les Britanniques la signature d'un memorandum of understanding pour le système de guerre des mines navales – dit SLAMF – destiné à remplacer les chasseurs de mines tripartites. Dans le même temps et en application du traité de Lancaster House, nous avons également notifié le contrat de développement et de production du missile anti navires légers ANL.
Concernant l'aviation de combat nous avons notifié à l'entreprise Dassault, après le vote de la LPM, les travaux de développement et d'intégration de nouveau standard Rafale F3R. Celui-ci repose en particulier sur l'intégration du nouveau missile longue portée METEOR et de la nacelle de désignation laser nouvelle génération PDL-NG.
S'agissant du transport aérien, après la livraison des deux premiers exemplaires en 2013, quatre A400 M supplémentaires seront livrés en 2014, permettant ainsi la mise en service opérationnel dès cette année à Orléans du premier escadron d'A400 M. En outre, le lancement de la réalisation du programme d'avion ravitailleur MRTT en 2014 représente un enjeu majeur. Je rappelle que le MRTT est un avion mixte alliant capacités ravitaillement en vol et transport.
Pour clore ce rapide tour d'horizon, j'évoquerai le Pacte Défense Cyber que j'ai présenté le 7 février dernier. Il s'agit d'un engagement de la LPM qui est mis en oeuvre afin de renforcer les ressources humaines consacrées à la cyberdéfense et de favoriser l'émergence d'une communauté nationale Défense de cyberdéfense, appuyée sur un cercle de partenaires et les réseaux de réserve qui nous permettra d'être à la hauteur de ce nouvel enjeu de souveraineté.
Dans le même temps, pour mettre en oeuvre ces capacités comme pour réaliser les économies de fonctionnement permettant de redéployer les crédits sur l'équipement, nous avons multiplié les initiatives relatives à la réorganisation interne du ministère de la Défense. Dans ce cadre j'ai identifié cinq domaines prioritaires d'action : la gestion des ressources humaines ; l'organisation de la chaîne financière ; l'organisation des soutiens en bases de défense ; le maintien en condition opérationnelle des matériels (MCO) ; les relations internationales et les questions stratégiques.
Chaque domaine a fait l'objet d'importants travaux. Ainsi, pour les ressources humaines et la chaîne financière, nous avons décidé de confier à la direction des affaires financières (DAF) et la direction des ressources humaines (DRH-MD) une autorité fonctionnelle renforcée sur les politiques dont elles auront la charge. Il s'agit d'une mesure essentielle afin de maîtriser la masse salariale et de disposer d'une politique ministérielle transversale et lisible des ressources humaines.
Dans le domaine des soutiens, j'avais déjà eu l'occasion d'évoquer avec vous la question des bases de défense (BdD). Peu de temps après mon arrivée, il m'avait été suggéré de revenir sur cette réforme. Je n'ai pas souhaité le faire pour ne pas complexifier la situation même si, comme vous l'avez vous-même relevé dans le cadre des rapports que vous avez publiés, j'ai pu constater lors de mes déplacements auprès des unités un certain nombre de dysfonctionnements auxquels il convenait de remédier. J'ai donc décidé d'améliorer l'organisation des soutiens et de l'administration de proximité, d'une part en donnant au Service du commissariat des armées, dont c'est le métier, une autorité hiérarchique sur les groupements de soutien des bases de défense (GSBdD) dès la rentrée 2014 ; et, d'autre part, en donnant aux commandants de base de défense davantage de marges de manoeuvre afin de mieux coordonner les soutiens au niveau local. Auparavant, les autorités en charge de ces actions étaient trop émiettées, il convenait donc de reconcentrer la responsabilité et de revoir la subsidiarité, pour que ces commandants soient vraiment en situation de décider.
Pour éviter les difficultés inhérentes aux réformes antérieures, j'ai également engagé une préfiguration au début de l'année 2014 en vue d'une généralisation du nouveau modèle de soutien. A priori celui-ci donne satisfaction même s'il faut faire preuve de pragmatisme et de souplesse en la matière tant les BdD sont hétérogènes : imposer un modèle unique ne fonctionnerait pas.
Enfin, j'ai lancé en fin d'année dernière un plan d'urgence BdD doté d'une trentaine de millions d'euros. Comme vous-mêmes, j'avais pu observer la nécessité d'améliorer les conditions de vie et de travail des militaires en matière d'hébergement ou de déplacement par exemple. Nous avons demandé que ces financements soient mobilisés immédiatement. Je crois qu'une telle mesure a été efficace, ainsi que j'ai pu le constater dans un certain nombre de garnisons. Ce plan sera complété par un plan « infrastructures vie » qui permettra de faire un état des lieux précis et de programmer utilement les travaux les plus urgents dont j'ai fait établir une liste. Nous avons ainsi identifié 700 programmes indispensables. Tous ne pourront pas être menés en même temps, mais je suis très soucieux de la nécessité de rendre acceptables certaines infrastructures de vie qui jusqu'à présent avaient été quelque peu oubliées au profit d'autres priorités. Il ne s'agit pas là d'une critique à l'endroit de mes prédécesseurs. Je comprends qu'il ait fallu prioriser les actions, mais la situation devient urgente, même si ce plan se fera au détriment d'autres projets, tant les budgets sont contraints.
S'agissant du MCO aéronautique, j'ai lancé mi-2013 un grand chantier de réforme dont je vous présenterai bientôt les premières réalisations. Les travaux, qui étaient initialement quelque peu conflictuels en interne, sont dorénavant plus sereins et avancent de manière satisfaisante. Nous vous proposerons bientôt une nouvelle organisation de type supply chain qui permettra une clarification des rôles entre la Direction générale de l'armement (DGA), la Structure intégrée de maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques de la défense (SIMMAD), le Service industriel de l'aéronautique (SIAé) et l'armée de l'air. Dans ce cadre, j'ai confié au chef d'état-major de l'armée de l'air, par délégation du chef d'état-major des armées, la responsabilité et le contrôle de la performance de l'ensemble du MCO aéronautique. Il sera notamment chargé de synthétiser les besoins de chaque armée dans un contrat annuel unique pour la SIMMAD. Ce chantier progresse, porté par une volonté interne d'aboutir, une détermination de l'ensemble des acteurs et, pour emprunter un terme de football, un vrai jeu collectif qui doit produire des résultats.