Madame la présidente, mesdames les ministres, mesdames les rapporteures, chers collègues, ce projet de loi attendu porte l’ambition forte d’anticiper les conséquences de l’avancée en âge pour adapter les politiques publiques. C’est nécessaire, car en 2060 un tiers des Français auront plus de 60 ans. C’est donc la société tout entière qu’il faut mobiliser pour relever le défi du vieillissement.
L’avancée en âge n’est pas qu’une question de dépendance. Ce n’est pas une contrainte à subir ; c’est une chance à saisir, comme l’exprime la très belle citation par laquelle Mme Lemorton a terminé son intervention. C’est une opportunité économique au fort potentiel, comme cela a déjà été dit et comme l’a souvent soutenu Mme Michèle Delaunay. C’est une chance de progrès social pour construire de nouvelles solidarités. C’est une chance de lutter contre les inégalités sociales, territoriales, sanitaires et de genre.
En effet, le vieillissement est en grande partie une affaire de femmes, car c’est un enjeu pris en charge par les femmes et réalisé en direction des femmes. Avec une espérance de vie supérieure à celle des hommes, celles-ci sont, dans une proportion de 75 %, les principales bénéficiaires des politiques d’autonomie. Elles sont également très présentes dans l’accompagnement des personnes âgées, qu’elles soient aidants familiaux auprès de leur entourage ou qu’elles interviennent à titre professionnel - elles représentent ainsi plus de 97 % de l’aide à domicile.
Les femmes sont donc au coeur de la politique de l’âge et c’est tout naturellement que la délégation aux droits des femmes a souhaité se saisir de ce texte. Je tiens à en remercier Mme Catherine Lemorton et à remercier aussi M. Jacques Moignard pour son travail et ses propositions. Je tiens aussi à saluer la qualité exceptionnelle de l’étude d’impact qui accompagne le texte.
Madame la ministre, je vous remercie enfin de poursuivre, dans votre ministère consacré aux droits des femmes, une politique transversale. Je sais combien vous vous attachez à suivre dans ce domaine les pas de Mme Najat Vallaud-Belkacem.
Je tiens maintenant à souligner combien cette question du vieillissement illustre la nécessité de mener sans relâche des politiques transversales pour l’égalité.
Les femmes vivent plus longtemps, mais elles sont aussi plus souvent dans des situations de précarité. Le taux de pauvreté des femmes âgées de plus de 75 ans dépasse de cinq points celui des hommes et le niveau de leurs retraites reste très inférieur à celui des retraites des hommes. Ce sujet a fort heureusement été pris en compte lors de la réforme des retraites que vous avez menée en 2013-2014.
Les femmes vivent certes plus longtemps, mais l’écart avec les hommes se réduit en termes d’espérance de vie en bonne santé. Il est donc important de renforcer la prévention médicale et la délégation aux droits des femmes a formulé des propositions à ce sujet.
Nous avons aussi beaucoup avancé en matière de lutte contre les violences faites aux femmes au cours des deux dernières années. Dans ce domaine, il faut aussi prendre en compte les maltraitances et les violences envers les personnes âgées, ce qui suppose notamment d’améliorer les connaissances dans ce domaine. À cet égard, je me félicite d’un progrès significatif : l’enquête « Violence et rapports de genre », ou VIRAGE, portera sur un panel d’hommes et de femmes âgés de 18 à 74 ans - soit, pour la première fois, sur une population de plus de 70 ans.
Il faut aussi adapter la cité pour mieux organiser les politiques de transports, de mobilité et de logement autour des personnes âgées.
Dernier exemple du caractère transversal des politiques de l’âge et de l’égalité entre femmes et hommes : les seniors jouent un rôle essentiel dans nos sociétés – je pense notamment à leur engagement dans la vie associative, à l’aide matérielle apportée à leurs enfants et à la prise en charge de leurs petits-enfants, qui est un soutien indispensable à l’articulation entre travail et vie personnelle pour leurs enfants adultes.
Ces difficultés d’articulation des temps de vie concernent également les aidants familiaux, qui sont majoritairement des femmes et dont le rôle est crucial, même s’il est souvent peu reconnu et si elles sont parfois contraintes de réduire leur temps de travail, voire d’arrêter de travailler.
Le rôle d’aidant n’est pas sans conséquences sur leur vie sociale et sur leur santé, avec des situations d’épuisement moral ou psychique. L’absence quasi totale d’hommes dans ces métiers est un exemple de la ségrégation professionnelle qui sévit encore sur le marché du travail et de l’assignation des femmes à des rôles historiques de travail domestique ou de « care ». Un plan transversal est donc nécessaire pour favoriser la mixité des métiers, afin de permettre aux jeunes - et pas seulement aux femmes - de s’orienter vers les métiers de l’aide et du soin à domicile.
Ce projet de loi comporte de nombreuses avancées, comme la réforme de l’APA, l’exonération de toute participation financière pour les bénéficiaires du minimum vieillesse – qui sont à 57 % des femmes – et une meilleure reconnaissance des métiers de l’autonomie.
La délégation aux droits des femmes proposera des pistes, des directions et des amendements, en particulier pour ce qui concerne la prévention et des formes innovantes de logement susceptibles d’offrir une alternative aux EHPAD. Nous proposerons également d’inscrire la dimension femmes-hommes dans la gouvernance et le pilotage des politiques publiques, ce qui suppose notamment de disposer de données sexuées.
De nombreux progrès ont déjà été réalisés au cours de cette législature en matière d’égalité femmes-hommes. Le projet de loi qui nous est soumis prend en compte la question des femmes et complétera ces actions tranversales. J’espère que nous ferons fortement avancer cette problématique, car les femmes attendent que nous promouvions des politiques volontaristes dans ce domaine.
Comme le disait Victor Hugo, la vieillesse devrait être l’âge de l’espérance.