Mesdames les ministres, madame la présidente de la commission, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, chers collègues, « Vivre c’est vieillir, rien de plus », disait Simone de Beauvoir. Le dictionnaire Larousse définit quant à lui la vieillesse comme la dernière période de la vie normale, caractérisée par un ralentissement des fonctions, avec une diminution des forces physiques et un fléchissement des facultés mentales qui accompagnent habituellement cette période.
Les concepts de la mort et du vieillissement sont mal intégrés et mal acceptés dans notre société, et nos concitoyens refusent de s’y projeter. À la fin du mois de juin 2014, le magazine L’Express consacrait sa Une à la question du vieillissement : « Rester jeune jusqu’à 100 ans ! ». Chaque jour, des médias écrits ou télévisuels nous suggèrent que la diminution des forces physiques n’est pas inéluctable, en nous montrant par exemple une dame de 101 ans adepte du lancer de javelot au Canada ou Robert Marchand, détenteur de plusieurs records en cyclisme à plus de 100 ans, ou encore un coureur à pied japonais de 103 ans franchissant en pleine forme la ligne d’arrivée.
La diminution des facultés mentales ne nous semble pas non plus inéluctable : là encore, les exemples ne manquent pas – le plus frappant actuellement est peut-être celui de Jean d’Ormesson, un vieux monsieur qui écrit encore de grands livres et qui nous laisse rêver que l’on pourrait vieillir comme lui.
Les dernières annonces scientifiques, dont les médias se sont fait l’écho, nous expliquent par ailleurs que la recherche nous permettra de vivre plusieurs centaines d’années, voire de ne jamais mourir, et que, si nous devions le faire, nous mourrions au moins en bonne santé. Les cellules-souches viendront ainsi au secours de nos coeurs défaillants et de nos articulations chancelantes. Certains même, lorsqu’ils tombent malades et espèrent avoir recours à ces nouvelles technologies, font appel à la cryogénisation et demandent à être réveillés le jour où ces thérapies seront disponibles. La société Google a quant à elle créé en 2013 la société de biotechnologies Calico, qui a pour objectif de se concentrer sur le défi de la lutte contre le vieillissement et les maladies associées, avec pour projet celui de tuer la mort.
Le sujet que nous abordons ensemble aujourd’hui est grave et important, car il nous parle de la manière de bien préparer notre vieillesse et de mourir le mieux et le plus tard possible.
Du reste, le législateur que nous sommes n’est pas toujours très à l’aise avec ces concepts et nous cherchons, par des précautions dialectiques, à rendre ce sujet plus acceptable. Ainsi, les vieux sont des « âgés » et les « personnes âgées dépendantes » sont plutôt des « personnes âgées en perte d’autonomie », mais il est vrai qu’aujourd’hui, pour bien communiquer, le poids des mots compte plus que jamais.
Selon l’INSEE, la France métropolitaine comptera 73,6 millions d’habitants au 1er janvier 2060, soit 11,8 millions de plus qu’en 2007. Surtout, le nombre de personnes de plus de 60 ans augmentera, à lui seul, de plus de 10 millions : en 2060, une personne sur trois aura ainsi plus de 60 ans.
La part des plus de 80 ans serait multipliée par 2,6 et représenterait 8,5 millions de personnes, soit plus de 12 % du total de la population, contre 5 % aujourd’hui. Quant aux plus de 90 ans, qui sont environ 500 000 à l’heure actuelle, ils devraient être près de 3,5 millions en 2050.
La France n’est évidemment pas le seul pays confronté à cet enjeu majeur. Selon l’OMS, en effet, entre 2000 et 2050 la proportion des plus de 60 ans aura doublé, passant de 11 % à 22 % de la population mondiale. Les plus de 60 ans seront alors plus nombreux que les moins de 15 ans. Sur la même période, le nombre des plus de 80 ans sera multiplié par quatre : pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, une majorité d’adultes d’âge moyen, voire plus âgés, auront encore leurs parents en vie. Le phénomène est mondial et concerne tous les pays – c’est dire combien il est important de s’emparer de ce sujet.
Une collègue du groupe socialiste nouvellement élue a déclaré, au début de la réunion de la commission des affaires sociales consacrée à ce texte, que la droite n’avait rien fait. Peut-être le croyait-elle sincèrement, mais il y a lieu de rétablir la vérité et de lui expliquer ce qu’elle semble ignorer. Vous, madame Touraine, ne l’ignorez pas et les circonstances politiques actuelles devraient vous inciter à plus modestie.