Nous voyons bien, à la lecture du rapport d’information de la délégation aux droits de femmes, combien les femmes sont directement concernées par ces sujets. Lorsque l’on veut l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, il faut s’intéresser tout particulièrement à ce secteur, spécialement à l’aide à domicile, car ce sont souvent des activités à temps partiel, qui constituent fréquemment un salaire d’appoint ne permettant malheureusement aux femmes ni de se former, ni d’évoluer dans leur profession, ni d’envisager une retraite décente.
Le Gouvernement a choisi par ce texte de s’intéresser prioritairement au secteur du service à domicile. Ce secteur est en difficulté depuis 2008-2009. La crise a réduit les capacités financières de la plupart des contributeurs alors même que les besoins de la population à domicile étaient croissants. En conséquence, le secteur des services à domicile connaît de nombreuses difficultés. Le maintien à domicile, qu’il s’agisse de l’accompagnement dans les actes de la vie quotidienne ou des soins à des publics fragiles, doit demeurer une priorité pour les pouvoirs publics. J’ai à ce titre été chargée par Mme la ministre Roselyne Bachelot, en juillet 2011, d’une mission parlementaire qui avait pour objectif d’évaluer les difficultés et d’élaborer rapidement quelques réponses.
Les conseils généraux, notamment ceux en proie à des difficultés budgétaires importantes, ont restreint leur soutien aux associations d’aide à domicile. Alors qu’auparavant, il était facile pour elle d’obtenir une subvention d’équilibre, la collectivité départementale a cessé de combler les déficits. S’en est suivie une baisse des réserves financières des services à domicile, particulièrement fragilisés par cet appauvrissement. J’avais été amenée à cette époque à proposer la mise en place d’un fonds de soutien : celui-ci a existé, madame la ministre, dès 2011, puis en 2012, et a été reprogrammé, à un niveau équivalent, par le gouvernement de M. Ayrault. Les frais de structures des associations et l’absence de télégestion pour la vérification de l’effectivité des prestations ont fini de dégrader les moyens des services à domicile, qui ont alors dû engager des redressements budgétaires.
Toutes ces difficultés cumulées font que le mode de tarification doit absolument être réformé, sans pour autant porter atteinte au droit d’option, c’est-à-dire à la possibilité de coexistence de services agréés, notamment privés, avec les services autorisés.
Les associations ont souvent fait part de leurs critiques sur l’existence de ces services commerciaux. Pourtant ceux-ci ne représentent que quelque 5 % des heures. Le rapport provisoire de la Cour des comptes, présenté en juillet dans le cadre de la mission du Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques que nous menons actuellement Martine Pinville et moi, s’est bien gardé de toute recommandation sur ce sujet.
Alors que le taux de chômage dans notre pays reste préoccupant, nous devons éviter de mettre en difficulté ces services qui, tout particulièrement lorsqu’ils exercent dans le cadre d’une franchise, sont soucieux de la qualité et s’engagent dans des certifications exigeantes.
De nouveaux modes de tarification ont été proposés par l’Assemblée des départements de France et quelques associations d’aide à domicile, tarifications reposant sur des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens mobilisant des enveloppes globales.
Ce mode de tarification peut être très utile en milieu rural, mais est probablement plus compliqué à mettre en place en milieu urbain.
Les dispositifs proposés dans ce texte de loi sont tout à fait louables, même si, je le répète, les moyens mobilisés sont loin, très loin, d’être à la hauteur des financements. Mais il fallait effectivement revaloriser l’APA à domicile.
La création du droit au répit est aussi un objectif louable. Les aidants familiaux, notamment les conjoints, voient leur espérance de vie diminuer lorsqu’ils doivent faire face au soutien d’un époux ou d’une épouse atteint de grande dépendance.
L’adaptation du logement est indispensable. Les moyens mobilisés par le texte sont très, très loin de satisfaire les besoins, mais constituent quelques avancées notables. Les Français ont un attachement tout à fait particulier à leur domicile, même lorsque celui-ci est inadapté, voire dangereux. On ne les fait pas déménager si facilement. Le rapport que Mme Boulmier a remis à Benoist Apparu en juin 2010 comprenait un certain nombre de propositions intéressantes, reprises dans le texte.
Il faut souligner, notamment en milieu rural, la persistance de nombreux logements totalement inadaptés, voire indignes. Il est indispensable d’améliorer ces logements, voire de les équiper, pour le maintien de la personne âgée à domicile comme pour les aidants et les services d’aide à domicile qui interviennent dans des conditions parfois extrêmement difficiles au domicile de ces personnes.
Dans le domaine de la domotique et de la robotique, il y a eu un certain nombre de recherches. Je veux parler de « Giraff Plus », qui a été soutenu par l’Union européenne à hauteur de 3 millions d’euros et qui devrait permettre de surveiller les personnes âgées à leur domicile à l’aide de capteurs. On voit bien que de tels dispositifs peuvent nous permettre aussi de penser en termes de développement économique pour créer des entreprises et des emplois.
Les résidences autonomie sont une bonne solution. Elles existaient autrefois sous la dénomination de « foyers-logements ».
Pour les personnes âgées dépendantes, le déplacement vers plusieurs structures successives peut être extrêmement perturbant. Un premier déplacement vers un foyer-logement, pour partir ensuite vers un EHPAD, est déstabilisant. Les Français doivent néanmoins apprendre à remettre en question leur attachement à leur domicile et reconsidérer leur mode d’habitat au moment de leur départ en retraite ou d’un veuvage.
Cette question, néanmoins, reste extrêmement sensible et très perturbante pour les personnes âgées. On sait que la perspective de quitter son domicile pour aller en maison de retraite ou en EHPAD constitue un moment de grande fragilité, qui peut aller chez la personne âgée jusqu’au recours au suicide.
Ainsi, en 2011 et selon l’INSERM, le taux de suicide chez les personnes âgées reste élevé : 28 % des suicides ont concerné des personnes âgées de plus de soixante-cinq ans. Malgré plusieurs plans nationaux de prévention, on dénombre environ 3 000 suicides par an chez les plus de 65 ans.
Une des causes de ces suicides est bien évidemment la dépression de la personne âgée, qui toucherait de 10 à 15 % des personnes de plus de 65 ans. Dans deux tiers des cas, cette dépression n’est ni diagnostiquée ni traitée. Pourtant, les traitements antidépresseurs ont fait la preuve de leur efficacité pour rétablir la qualité de vie des personnes âgées dépressives. La dépression peut-être engendrée par de multiples causes, dont l’isolement et le repli sur soi.
Cet isolement peut être lié à des problématiques familiales, bien sûr, mais il peut aussi l’être à des déficits sensoriels qui touchent notamment la vue ou l’ouïe et qui sont fréquents.
Ces déficits, par ailleurs, exposent la personne âgée à des risques d’accidents domestiques graves. Selon l’INPES, chaque année, en France, les accidents de la vie courante tuent près de 20 000 personnes, dont les deux tiers ont plus de 75 ans.
Les grandes causes de perte d’autonomie sont actuellement la maladie d’Alzheimer, la maladie de Parkinson, les accidents vasculaires cérébraux, l’arthrose, les chutes, avec notamment les fractures du col du fémur même s’il y a eu de grands progrès dans leur traitement, les déficits sensoriels et l’incontinence.
Il est souhaitable que nous abordions tous ces sujets en examinant le texte sur la santé publique promis par le Gouvernement. Mais nous voyons combien le médecin traitant et sa formation représentent des enjeux majeurs pour la prévention, le traitement et l’accompagnement des personnes âgées dépendantes.
Ce texte a le mérite de faire avancer le législateur sur quelques dispositifs très intéressants. Il a le défaut de ne pas aborder, ni globalement ni financièrement, la problématique du vieillissement.
C’est peut-être la raison pour laquelle le travail en commission a été un peu escamoté. J’avoue que je me le demande.
A ce titre, alors que la majorité actuelle est à mi-mandat, on aurait pu espérer avoir une discussion sereine et approfondie en commission, mais il est vrai que le calendrier choisi était loin d’être idéal.
Un texte très technique, comprenant soixante-six articles et un rapport annexé d’une soixantaine de pages : vous avouerez, madame la présidente, que le nombre de séances de travail en commission n’a pas été suffisamment important. Nous avons d’ailleurs dû en prolonger une et siéger tard, alors qu’il était prévu que nous aurions la journée du lendemain pour finir l’examen du projet.
En deux séances, pour un texte aussi long et technique, on ne fait pas du bon travail et on repousse tous les sujets à la séance publique. Vous ne pouvez pas le nier, c’est exactement ce qui s’est passé.
C’est regrettable et tout à fait contraire à la réforme constitutionnelle de 2008, qui a pourtant redonné ses lettres de noblesse au travail en commission.
En effet, dans la mesure où c’est maintenant le texte de la commission qui est examiné dans l’hémicycle, nous avons, de fait, une bien plus forte influence pour améliorer le projet qui nous est présenté. Au lieu de cela, nous avons eu à subir, tout au long de la discussion, une frilosité à adopter des amendements et à approfondir des débats au motif que « l’on verra avec le Gouvernement dans l’hémicycle ».
Nous avons des outils institutionnels à notre disposition, et malheureusement, nous avons dû examiner le texte au pas de course, ce qui n’a pas permis un travail de fond.
Je ne pense pas, madame la rapporteure Pinville, vous qui avez pourtant fait un travail remarquable…