Madame la présidente, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, madame la rapporteure, madame la rapporteure pour avis, le projet de loi dont l’Assemblée nationale est aujourd’hui saisie visait initialement à apporter une réponse à un problème majeur auquel l’ensemble des Françaises et des Français est confronté de près ou de loin : celui de la perte d’autonomie. Ce devait être le grand chantier du quinquennat.
Ce texte était d’autant plus attendu que la question du vieillissement et de la dépendance constitue un défi aux multiples visages.
C’est d’abord un défi pour la cohésion sociale : alors que la population des plus de 85 ans devrait quadrupler d’ici à 2060, la qualité de notre modèle de solidarité nationale se mesurera à sa capacité à garantir la dignité des personnes âgées dépendantes.
Il s’agit aussi d’un défi quant à notre capacité à pérenniser le financement de ce modèle de solidarité. En effet, le vieillissement de la population pourrait engendrer un accroissement de la dépense de l’ordre de 1,5 point de PIB d’ici à 2025.
C’est un défi en termes de pouvoir d’achat : le reste à charge atteint aujourd’hui des niveaux insoutenables pour les familles. Les ménages acquittent au moins 7 milliards d’euros par an pour financer la couverture de la dépendance en complément de la solidarité nationale.
C’est enfin un défi en termes de simplification : il s’agit de garantir une prise en charge de qualité, de simplifier le parcours du combattant auquel sont confrontées les personnes dépendantes et de mieux accompagner les familles et les aidants.
Face à des enjeux aussi cruciaux, on ne peut que regretter la modestie des propositions gouvernementales. Vous donnez clairement la priorité au maintien à domicile, au détriment de la prise en charge de la perte d’autonomie en établissement. Le flou demeure quant à la seconde étape de ce qui devait être le grand chantier du quinquennat. Manifestement, l’engagement du Président de la République ne sera pas respecté.
Ce projet de loi souffre d’insuffisances majeures. Pour l’UDI, la perte d’autonomie ne se résume pas à la question du grand âge. Il nous faut une véritable harmonisation de l’évaluation des situations de dépendance à travers la mise en place d’un référentiel d’éligibilité unique qui intégrerait l’ensemble des situations de handicap ouvrant droit à une rente évaluée en fonction du degré de dépendance. Une telle réforme permettrait en outre de corriger les imperfections de la grille AGGIR, qu’évoquait à l’instant Denis Jacquat.
Les 645 millions d’euros de financement proposés par ce texte, dont 375 millions destinés à revaloriser l’APA, sont absolument dérisoires au regard des besoins financiers suscités par la perte d’autonomie.
Il nous faut, enfin, une mesure puissante en faveur des services à la personne, auxquels le groupe UDI est particulièrement attaché. Ce secteur d’activité, essentiel pour le redressement économique et social de notre pays, a été fragilisé par des mesures telles que le plafonnement global des avantages fiscaux, l’augmentation de la TVA ou la suppression du forfait, alors même qu’il joue un rôle majeur dans la prise en charge de la perte d’autonomie.
Je voudrais, au nom de mon groupe, vous interroger sur trois points.
Les mesures en faveur des millions d’aidants ne peuvent constituer qu’un premier pas vers une véritable reconnaissance du rôle de l’aidant à travers la création d’un statut. Envisagez-vous de définir enfin un statut de l’aidant et, si oui, selon quelles orientations ?
Il est notoire, par ailleurs, que l’enveloppe de 40 millions d’euros prévue pour l’adaptation de 80 000 logements aux contraintes de l’âge et du handicap sera insuffisante pour atteindre cet objectif. Comptez-vous, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2015, amplifier ces mesures, qui sont par ailleurs de bon aloi ?
Enfin, le projet de loi ne traite pas vraiment de la réduction des inégalités sociales et territoriales, alors même que de fortes disparités demeurent en matière de gestion des aides au niveau départemental.
Le rôle d’appui méthodologique et d’harmonisation des pratiques confiée à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la CNSA, ne permettra pas, selon nous, d’apporter une réponse à la hauteur de l’enjeu.
En termes de gouvernance – tout le monde l’a dit sur les bancs de l’opposition –, on navigue à vue. Le Gouvernement doit apporter des clarifications sur ce point pour que nous soyons certains de la continuité de la politique sociale.
Certes, la majorité s’attelle à cette question, dans un contexte de tension budgétaire extrême. Toutefois, il serait plus juste de dire qu’elle se contente de prétendre s’attaquer au problème. La concertation menée par notre collègue Michèle Delaunay quand elle était membre du Gouvernement avait suscité un véritable espoir. Force est pourtant de constater aujourd’hui, mes chers collègues – et croyez bien que j’aurais aimé vous dire autre chose – que ce projet de loi n’est pas à la hauteur des défis humains et financiers soulevés par la dépendance.
Face à cet enjeu de société, l’UDI prend ses responsabilités et fait des propositions constructives. Nous souhaitons en particulier poser les jalons d’une réforme structurelle de la prise en charge de la perte d’autonomie, fondée sur trois piliers.
Tout d’abord, nous estimons qu’une approche solidaire de la prise en charge des personnes dépendantes interdit d’exclure les handicapés d’une réflexion globale sur la dépendance et la perte d’autonomie.
Ensuite, nous devons faire face à un défi immédiat, dans la mesure où certains conseils généraux connaissent des difficultés pour assumer la montée en charge de l’APA. Nous proposerons donc, à travers des amendements, l’affectation aux départements d’une fraction de la contribution sociale généralisée, ainsi que la création d’une taxe exceptionnelle, assise sur le produit brut des jeux, destinée au financement de la perte d’autonomie.
Enfin, à l’instar de notre collègue de l’UMP, nous proposons, pour couvrir le risque lié à la perte d’autonomie, d’instituer un système assurantiel universel obligatoire. Je fais le rêve que cette majorité soit capable de prendre une telle décision ! Cela permettrait en effet de concilier l’exigence de solidarité nationale, grâce à la mutualisation des risques, et une saine gestion des finances publiques, le tout à travers un dispositif de financement innovant. Le système donnerait droit à une rente mensuelle garantie en cas d’entrée en dépendance, quelle que soit la durée de cotisation effective ; il ferait l’objet d’un cahier des charges et serait piloté par l’État, par la CNSA et les acteurs du dialogue social. Je crois beaucoup à cette piste et je regrette, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, que vous n’ayez pas eu le courage de vous y engager.
Je veux également évoquer d’autres propositions formulées par notre groupe, en espérant que le Gouvernement et sa majorité y seront sensibles. Deux d’entre elles, en particulier, contribueraient à renforcer les mesures en faveur de l’adaptation des logements, dont j’ai déjà souligné l’insuffisance dans ce projet de loi.
La première est la reconnaissance de l’habitat regroupé solidaire, fruit d’initiatives bénévoles et citoyennes, et qui permet d’offrir des lieux de vie autres que les établissements destinés aux personnes âgées. Des expérimentations ont été lancées à travers la France, mais il leur manque une assise juridique solide.
La deuxième est l’institution d’un crédit d’impôt pour favoriser les travaux de mise en accessibilité réalisés au bénéfice des personnes âgées ou handicapées. Une telle proposition, inspirée de l’initiative de notre collègue Gérald Darmanin, aurait, je crois, toute sa place dans ce projet de loi.
Nous avons également dénoncé l’absence de mesures en faveur des services à la personne. Je proposerai par conséquent que le libre choix du prestataire pour la prise en charge des personnes en perte d’autonomie soit pleinement garanti. Ne fragilisez pas ce secteur en opposant les structures – associations d’un côté, entreprises de l’autre. Vous ne créerez pas d’emploi en agissant ainsi.
Notre groupe proposera également une mesure puissante et visible pour soutenir les 8,3 millions d’aidants qui assistent de façon régulière, et à domicile, un ou plusieurs de leurs proches souffrant d’un handicap ou d’un problème de santé. Il s’agirait d’exonérer de l’impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux le dédommagement qu’ils perçoivent. Je regrette d’ailleurs qu’une telle disposition n’ait pas été adoptée en commission.
J’espère que le Gouvernement et la majorité seront à l’écoute de ces propositions constructives, susceptibles d’améliorer substantiellement ce projet de loi. Ce dernier a certes le mérite d’exister, comme le disait notre collègue Denis Jacquat, mais je crains qu’il n’en ait pas d’autres, et qu’il ne nous permette pas d’atteindre nos objectifs.