Madame la présidente, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, qui peut raisonnablement ne pas reconnaître le bien-fondé du présent projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement ?
L’espérance de vie est passée par là. Elle s’est accrue et constitue un progrès irréversible. Si, comme prévu dans l’ordre des choses, quelques déboires inhérents au vieillissement sont constatés, si regrettables qu’ils soient, ils ouvrent de nouvelles fenêtres pour la recherche approfondie. Tout bien considéré, ces multiples aspects sont autant de facteurs d’enrichissement humain et de développement.
Ces considérations valent-elles partout ? Pas en Martinique, en tout cas, où le problème du vieillissement de la population se pose en termes singuliers. On y observe, en effet, un dépeuplement accéléré, avec toutes les conséquences négatives que l’on peut imaginer. Plusieurs paramètres entrent en ligne de compte, dont l’action conjuguée engendre cette situation.
L’examen de la pyramide des âges en Martinique fournit des indications alarmantes sur la transition démographique en cours.
En 2005, 23,3 % de la population avait déjà 60 ans et plus. Une projection sur les quinze années à venir a montré que la part des 60-70 ans serait alors de 40 %. Au 1er janvier 2013, la population martiniquaise était estimée à 386 486 habitants, confirmant ainsi sa trajectoire monotone et décroissante. Parmi les facteurs expliquant cette déperdition, il y a le départ des forces vives du pays. En effet, en Martinique, plus de 50 % des jeunes sont à la recherche d’un emploi. L’autre facteur aggravant est la baisse de la natalité.
Contre toute attente, voici la solution que préconise l’INSEE dans une étude publiée le 3 février 2011 : « Il faut aussi comprendre qu’avec le départ à la retraite des générations issues du baby-boom, il va y avoir une déstabilisation du marché de l’emploi. » C’est déjà le cas. « Très rapidement, c’est-à-dire d’ici cinq à dix ans, près de 50 000 personnes partiront à la retraite » – ce chiffre est déjà dépassé – « et contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, le remplacement par des personnes au chômage n’est pas mécanique » – nous le savions déjà. « On va se trouver face à une difficulté concernant l’effectif de la population active. Si l’on veut maintenir un certain dynamisme économique à la Martinique, on n’aura pas d’autre choix que de favoriser l’installation de personnes venues d’ailleurs. »
À ma place, qui accepterait sans broncher de telles solutions, alors que les alertes et les propositions n’ont pas manqué ? C’est la Martinique que l’on fossoie continûment ! Quel que soit le gouvernement, vous soutenez à l’unisson, et plus que jamais, le patriotisme économique, qui n’est autre chose que le développement endogène, rebaptisé, requalifié. Quand c’est nous qui le proposons, on trouve cela douteux, inquiétant, voire révolutionnaire. Il est un vieil adage martiniquais, très à propos, qui dit ceci : chak bèt-a-fé kléré pou nanm-li – chaque luciole éclaire sa propre âme. Cela signifie, en clair, que l’élémentaire développement s’appuie sur la mise en valeur des potentialités internes de tout pays. Ce n’est ni le repli sur soi, ni un quelconque retour à l’autarcie.
Je constate qu’à chaque fois que l’on défend la cause martiniquaise, on bute là où l’on s’y attend le moins, sur des positions tardigrades. Observons le monde : il ne cesse de se défaire et de se refaire. Ainsi, face au vieillissement de la population martiniquaise, la réponse doit être à la fois politique, économique et sociale. S’agit-il de mettre en place de nouvelles activités spéciales et spécialisées, répondant aux besoins réels des personnels liés à la dépendance ? Je suis d’accord. S’agit-il de prévenir les pathologies, de soutenir la recherche et de renforcer la solidarité intergénérationnelle ? Je suis encore une fois d’accord.
Mais encore faut-il, si l’on veut débloquer la machine économique, diminuer le chômage – qui est endémique – et freiner l’exode que je viens d’évoquer, recruter des jeunes formés et décidés à relever le défi. Il faut un accord sur ce point crucial et déterminant pour la Martinique. Madame la ministre, madame la secrétaire d’État, si l’inactivité est la mère de tous les vices, dans cette circonstance, le manque de décisions pertinentes serait le père de tous les découragements et de tous les désenchantements.